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Pour un NPNRU qui tire les leçons du premier, mais en conserve les moyens financiers

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 158-162)

Alors que la nouvelle géographie de la politique de la ville s’est accompagnée de la mise en œuvre, à partir de 2015, du Nouveau programme de rénovation urbaine (NPNRU), l’enjeu est de tirer les leçons des réussites et des limites du premier exercice : assurer un pilotage intercommunal, éviter les démolitions systématiques, prévoir une réelle concertation en amont avec les habitants en évitant la course au guichet

unique de l’ANRU, inclure le traitement des copropriétés dégradées… Autant de nouvelles ambitions qui doivent pouvoir s’appuyer sur un budget à leur mesure.

U N P R O G R A M M E R E C E N T R É S U R D E S Q U A R T IE R S P A R T IC U L IÈ R E M E N T D É F A V O R IS É S E T U N C H A N G E M E N T D ’ É C H E L L E G É O G R A P H IQ U E

Dès février 2014, la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a posé les contours de la suite de ce PNRU, par la création du Nouveau PNRU (NPNRU).

Ce programme concernera 400 quartiers et l’ANRU financera les projets à hauteur de 5 milliards d’euros (83 % pour les 200 d’intérêt national, et 17 % pour les 200 d’in-térêt régional). Ce NPNRU passe tout d’abord par une redéfinition de la géographie prioritaire de la politique de la ville, jusque-là peu lisible. Désormais, il n’existe plus qu’un zonage unique, celui des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), basé sur la concentration de personnes à bas revenus (ressources inférieures à 60 % du revenu médian de référence). Aujourd’hui, 1 300 quartiers sont des QPV, dont les 400 sélectionnés dans le NPNRU, contre 2 350 concernés par au moins un dispositif auparavant. L ’ ob j ec t if est également de resserrer les moy ens su r les q u a rt iers en a y a nt le plu s b esoin. Notons que sont ainsi entrés dans la géographie prioritaire, des quartiers anciens dégradés de centre-ville, dans les-quels se trouvent notamment des copropriétés dégradées. Chacun de ces QPV fait l’objet d’un contrat de ville 2015-2020, fixant le cadre des projets de renouvellement urbain, et s’articulant autour de trois piliers : le développement de l’activité écono-mique et de l’emploi, la cohésion sociale, le cadre de vie et le renouvellement ur-bain.

En matière d’habitat et de peuplement, toute offre de logement démolie dans le cadre du NPNRU devra être reconstituée hors du QPV, sauf exception justifiée par le contexte local. Cette nouvelle philosophie déterminante s’explique notam-ment par l’ é v olu t ion v ers u n port a g e à l’ é c h elle int erc ommu na le des proj et s de renou v ellement u rb a in. Alors que les logiques d’équilibre territorial s’inscrivent dans des périmètres dépassant la commune, le NPNRU donne l’oppor-tunité de réfléchir à la répartition de la population et à la mixité sociale du territoire à une échelle plus pertinente.

U N E A M B IT IO N É L A R G IE Q U I N E D O IT P A S S E C A N T O N N E R A U B Â T I Le NPNRU vise les mêmes objectifs que le PNRU, tout en mettant en avant de nouvelles thématiques : le développement économique des quartiers, la performance énergétique des logements et le retour des services publics dans ces quartiers.

L’accès à l’éducation, à la santé ou aux transports y est davantage appréhendé que dans le cadre du PNRU, permettant d’espérer éviter les écueils du premier exercice.

Contrairement à son prédécesseur, le NPNRU n’est plus censé faire prévaloir le bâti sur ses habitants. La participation de ces derniers, fondamentale, n’est donc plus censée rester un vœu pieux. À cet égard, la mise en place de conseils citoyens dans

4 https://www.passansnous.org/wp-content/uploads/2016/10/communique%CC%81.pdf 5 Présentation de l’activité de Futsal par Hamza Aarab, président du club :

http://croisonslefaire.blogspot.fr/2016/12/montpellier-mediterranee-futsal-un-club.html 6 Intervention de J uliette Six sur le projet Made in J oliot :

http://croisonslefaire.blogspot.fr/2015/02/le-collectif-cochenko-de-lutopie_22.html

les quartiers prioritaires, rendue obligatoire par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, pourrait constituer une réelle source de progrès, dès lors qu’elle rend envisageable une véritable démarche de « co-construction » des contrats de ville avec la société civile. Cependant, les moyens limités consacrés à ces instances et les modalités d’organisation laissées à la discrétion des pouvoirs publics locaux tendent, dans certains territoires, à en limiter la marge de manœuvre, le collectif « Pas sans nous », qui agit dans de nombreux territoires, regrettant déjà

« un fort découragement des membres des conseils citoyens4 ».

Au-delà de toutes les critiques qui ont pu être adressées à « la politique de la ville » depuis sa mise en œuvre au cours des années 1980, il faut envisager une façon appropriée d’en réinventer certains acquis, l’ a c t ion su r le b â t i ne pou v a nt ê t re c onsidé ré e c omme su f f isa nt e pou r a mé liorer prof ondé ment , et de manière pérenne, les c ondit ions de v ie da ns les q u a rt iers popu la ires.

Consciente de ces enjeux sociaux, la Fondation Abbé Pierre soutient, à travers son secteur « promotion des habitants », des projets visant les habitants des quartiers en cours de rénovation urbaine, comme à Montpellier où le club Futsal intervient auprès des jeunes du quartier du petit Bard et de leurs parents, en mobilisant le sport comme vecteur d’autonomisation. Parallèlement, le club assure un travail socio-éducatif, un suivi scolaire et propose une offre culturelle et de loisirs. Il cherche ainsi à lier le sport et l’éducation dans une optique visant l’empow erment des habitants, en particulier des jeunes, dont certains n’ont « connu que les tractopelles et les travaux5 ».

L’auto-réhabilitation accompagnée, processus par lequel les habitants d’immeubles participent à la rénovation de leur logement, est une autre façon d’associer les citoyens à l’intervention publique touchant leur environnement, comme la font depuis de nombreuses années les Compagnons bâtisseurs. Le projet réalisé par le collectif Cochenko à Saint-Denis en est une autre illustration. Alors que l’intervention de l’ANRU sur la cité Joliot-Curie s’achevait, ce collectif pluridisciplinaire habitué à travailler dans le champ de l’aménagement urbain a été sollicité par la ville pour développer un projet d’auto-réhabilitation. Avec le soutien de la ville de Saint-Denis mais également de l’EPCI Plaine Commune et de l’ANRU, le collectif a développé trois ateliers destinés aux habitants de la cité. Un potager partagé au pied des immeubles, un atelier de conception et de confection de papiers peints, ainsi qu’un atelier de « co-design » visant dans un premier temps l’apprentissage des techniques murales (enduit et peintures), puis celui de la réalisation de meubles ont été mis en place dans le but de permettre à chacun de « prendre plaisir à rénover son logement

7 http://www.lagazettedescommunes.com/242529/la-participation-des-habitants-au-coeur-des-priorites-de-la-politique-de-la-ville/. Le dossier de presse du ministère de la Ville du 16 décembre 2014 présente d’ailleurs « la participation des habitants » comme un élément qui « distingue » le nouveau programme du premier PNRU.

et à s’y sentir bien6 ». Au-delà de l’intérêt individuel d’un tel projet, ce type de démarche participe également à rec ré er u ne v ie de q u a rt ier et à redy na mi-ser le t errit oire.

Enfin, d’autres procédés, comme le référendum local, permettent d’aller encore plus loin dans la prise en compte des besoins et des souhaits des habitants, à l’occasion des projets de rénovation urbaine. Dans ce domaine, la marge de progrès est grande puisque « 85 % des ménages vivant en zone urbaine sensible déclaraient en 2013 ne pas avoir été consultés dans le cadre des travaux de rénovation urbaine7 ».

L’exemple de la commune d’Arcueil gagnerait, à cet égard, à être développé. Dans le cadre des projets de rénovation urbaine, des référendums y sont en effet régulièrement organisés pour vérifier le niveau d’adhésion des habitants, en particulier lorsque le projet implique un processus de démolition. Ces référendums y sont envisagés comme l’ultime étape d’un processus de concertation pendant lequel les habitants ont été associés à la définition des projets.

C O M M E N T F A IR E M IE U X A V E C T R O IS F O IS M O IN S D ’ A R G E N T ?

Le PNRU représente 47 milliards d’investissements au total avec 25 % des réalisations encore à livrer au début de l’année 2016 dans plus de 500 quartiers. Sur ce montant, 12 milliards ont été apportés par l’ANRU, le reste provenant essentiellement des collectivités locales, de la Caisse des dépôts et des organismes Hlm. L’ensemble des opérations aura donc été réalisé en 15 ans avec un engagement annuel régulier, depuis 2009, de 1 milliard de subventions par l’ANRU. Le NPNRU, quant à lui, concerne presque autant de quartiers, avec un volume global de subventions de 5 milliards d’euros entièrement issus d’Action Logement. Une fois retranché le milliard destiné aux programmes dits « d’intérêt régional », les 200 quartiers d’« intérêt national », qui sont aussi nombreux que dans le précédent programme, devront se partager les 4 milliards restants. Tout compte fait, il apparaît que le mont a nt de la su b v ent ion pa r sit e d’ « int é rê t na t iona l » est donc div isé pa r deu x , avec moins de 22 millions d’euros par site, contre 44 millions dans le précédent programme, alors même que les coûts de la construction ou du foncier, depuis le premier PNRU, se sont accrus.

Ce moindre financement risque de conduire à une politique de la ville nettement sous-dimensionnée face aux besoins des territoires. À l’heure où les intercommu-nalités sont elles-mêmes confrontées à des difficultés financières, l’État ne peut pas rester à l’écart. L es espoirs pla c é s da ns le N P N R U en ma t iè re de renf orc e-ment de la c oh é sion soc ia le et t errit oria le et de lutte contre les enclaves urbaines risq u ent d’ ê t re dé ç u s en raison de la faiblesse du budget affecté à ce

programme, qui reste en deçà du seuil au-delà duquel un véritable changement est envisageable. Les premiers concernés sont les bailleurs sociaux qui après avoir, pour certains, fortement contribué par leurs fonds propres et leurs capacités d’em-prunt à la réalisation des projets de la première vague doivent se réinscrire dans la seconde vague sans perspectives de financements complémentaires. La tentation s’exprime déjà dans certains territoires de limiter l’ambition des projets avec des interventions pensées sur le court terme et réduites à de simples travaux de requa-lification du bâti. Si cette tendance devait s’affirmer, cela constituerait un véritable retour en arrière, y compris pour les bailleurs sociaux, qui se retrouveraient alors seuls en charge de la gestion des quartiers avec pour seules ressources leur parc et leurs moyens, au risque d’une spécialisation encore plus forte.

À ce titre, on ne peut que se réjouir du retour de l’État dans le financement du NPNRU, annoncé à hauteur d’un milliard d’euros sur toute la période. Même si la somme effectivement dégagée, 100 millions pour 2017, afin de mieux financer les équipements prévus dans les projets de rénovation urbaine, reste très modeste.

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 158-162)

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