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Offrir des perspectives aux habitants

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 162-166)

P O U R U N E M IX IT É S O C IA L E E N D O G È N E …

Un autre levier d’action complémentaire permettant d’atteindre l’objectif de mixité sociale pourrait concerner la recherche de mixité endogène dans les QPV. Ces quar-tiers font en effet l’objet d’interventions d’envergure depuis plus de dix ans visant, entre autres, à améliorer le cadre de vie, qui semblent atteindre leurs objectifs d’un point de vue urbain dans les quartiers qui ont pu en bénéficier. Ces améliorations peuvent constituer u ne opport u nit é pou r inc it er les mé na g es du q u a rt ier à y rest er, tout en poursuivant leur parcours résidentiel. L’attachement de ces ménages à leur quartier est souvent fort et peut les encourager à déménager à l’intérieur de celui-ci au cours de leur ascension sociale, à condition qu’ils puissent y trouver une offre correspondant à leurs besoins (typologie, niveau de loyers, accession sociale…).

En complément de la dynamique d’accueil de personnes ne vivant actuellement pas dans les quartiers prioritaires qui reste très compliqué, la promotion sociale interne dans ces quartiers est en effet un outil de mixité sociale trop négligé.

Ainsi, et contrairement à ce qui est souvent préconisé, le relogement de certains ménages sur site à l’occasion des opérations de renouvellement urbain peut être envisagé comme un moyen de parvenir à l’objectif de mixité sociale. En termes de justice sociale, il serait également difficilement admissible que les nouveaux logements (en location ou en accession) ou les logements rénovés ne bénéficient pas aussi aux populations déjà sur place, qui ont parfois attendu pendant des décennies ces investissements. C’est pourquoi, contrairement à ce que propose la région Île-de-France au nom de la lutte contre « la ghettoïsation », il n’ est pa s

8 Union sociale pour l’habitat, « L’accession sociale sécurisée dans les quartiers en renouvellement urbain », mars 2015.

9 Prêt social location-accession.

10 Thomas K irszbaum, « La rénovation urbaine comme politique de peuplement », Métropoles, 2013.

a c c ept a b le de ref u ser t ou t e produ c t ion de log ement t rè s soc ia l da ns c es q u a rt iers, mê me s’ ils en c ompt ent dé j à b ea u c ou p. Les participants au Comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) d’Île-de-France ont au contraire plaidé pour un maintien des aides publiques aux communes déjà très dotées en logement social, au nom des impératifs de recomposition de l’offre de logement démolie au titre de la lutte contre l’habitat indigne et du renouvellement urbain. Il s’agit en effet de sortir d’une forme d’impasse résultant de la rénovation urbaine qui, en tendant à limiter les possibilités de relogement des habitants au regard de leur solvabilité, peut produire des effets pervers importants, alors que l’image des territoires traités n’est pas toujours propice au développement d’une offre intermédiaire ou libre.

Les opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans le cadre de l’action de l’ANRU, qui permettent à des ménages issus des classes populaires et moyennes d’accéder à la propriété à un prix modéré, se placent dans la même optique.

Sur 221 programmes d’accession de ce type analysés par l’USH8, représentant 4 916 logements mis en service entre 2006 et 2018, les trois quarts ont lieu sur le site même du programme de rénovation urbaine, et un quart en périphérie. Leurs bénéficiaires sont à 92 % des primo-accédants, à 50 % issus du parc social, à 55 % issus de la commune, dont 56 % ont des revenus inférieurs à deux Smic (contre 29 % pour l’ensemble des primo-accédants dans le neuf en France). La médiane des prix de vente est à 2 200 euros/m2 (3 000 euros/m2 en Île-de-France), grâce à des aides spécifiques (TVA à taux réduit, aides des collectivités, de l’ANRU…). La quasi-totalité prévoit une garantie de rachat (98 %) et de relogement (97 %) en cas d’accident de la vie, ainsi qu’une clause anti-spéculative visant à éviter que les ménages revendent et empochent la plus-value issue des aides publiques. On peut cependant regretter que seuls 14 % de ces logements aient bénéficié de prêts PSLA9, pourtant particulièrement adaptés à ce type d’opérations (voir chapitre 11). L a pré pa ra t ion du pa ssa g e du st a t u t de loc a t a ire à c elu i de c oproprié t a ire né c essit e u ne b onne inf orma t ion en a mont, la formation des membres du conseil syndical et éventuellement l’engagement des bailleurs sociaux dans le rôle de syndic, autant d’éléments indispensables pour éviter la fragilisation des mé-nages accédants et limiter les risques de mauvaise gestion.

L’accession sociale dans les quartiers les plus en difficulté, bénéficiant à des mé-nages modestes mais disposant d’emplois stables et souvent issus des quartiers en question, permet une ouverture des parcours résidentiels dans un territoire donné et sans nécessairement modifier le « peuplement » au sens de mixité « ethnique », tel que l’entendent certains responsables politiques10, assure une mixité sociale endo-gène à l’échelle du quartier. C’est le cas par exemple aux Minguettes, à Vénissieux,

où les programmes s’adressent à des personnes entre 20 et 40 ans, caissiers, agents d’entretien, petits entrepreneurs du bâtiment, ouvriers spécialisés, opérateurs télé-phoniques11

… E T U N E O U V E R T U R E D E S Q U A R T IE R S « IN S E N S IB L E S » A U X M É N A G E S E N D IF F IC U L T É

Si l’amélioration des conditions de vie dans les quartiers « sensibles » – par l’inves-tissement dans le bâti, mais aussi et surtout dans l’éducation, la santé, l’emploi, les transports et la citoyenneté – est nécessaire pour mettre un terme à la relégation sociale et urbaine, la lutte contre la ségrégation spatiale ne saurait se limiter à ces quartiers. L a mix it é soc ia le doit simultanément ê t re int rodu it e da ns les q u a rt iers « insensib les » , c es q u a rt iers a isé s, moteurs de la centrifugeuse sociale, à l’ orig ine de la h a u sse des prix de l’ immob ilier qui renvoie les classes populaires à la périphérie des zones prisées.

L’action politique dans ces quartiers passe par trois chantiers développés par ailleurs dans ce rapport. En premier lieu, l’État doit faire appliquer plus strictement l’article 55 de la loi SRU, en imposant des quotas de logements vraiment sociaux dans les communes qui font tout pour y échapper (voir le chapitre 13). Ensuite, il doit mener à court terme une action consistant à flécher les attributions de loge-ments sociaux vers les ménages les plus en difficulté hors des quartiers de la politique de la ville, pour éviter de reloger toujours les plus pauvres avec les plus pauvres (voir le chapitre 2). Enfin, il est indispensa b le q u e la rent e f on-c iè re à l’ orig ine de on-c es dy na miq u es t errit oria les iné g a lit a ires soit pré le-v é e pou r enra y er c et t e sé g ré g a t ion par les prix et redistribuer ces richesses immobilières vers les quartiers en déshérence et vers l’ouverture aux classes popu-laires des quartiers riches (voir le chapitre 14).

Ces trois défis rappellent que ces quartiers populaires ne sont pas en dehors des villes mais en lien étroit avec les processus économiques de fragmentation territoriale.

De quartiers de relégation, ils peuvent devenir ou redevenir des quartiers de promotion, populaires mais ouverts aux mobilités, riches de la créativité de leurs habitants. Des quartiers dont les difficultés, qui ne sauraient être occultées, ne disparaîtront pas par l’invisibilisation de ses habitants, mais par le renforcement des liens sociaux et de solidarité en leur sein et dans les villes auxquelles ils appartiennent.

11 Pierre Gilbert, « Devenir propriétaire en cité Hlm. Petites promotions résidentielles et évolutions des styles de vie dans un quartier populaire en rénovation », Politix 2013/ 1 (n° 101).

CHAPITRE 10. Encadrer les loyers :

une réforme qui fait

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 162-166)

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