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Privilégier le mandat de gestion à la sous-location

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 91-96)

Les modes opératoires permettant la mobilisation du parc locatif privé à des fins sociales relèvent principalement du mandat de gestion et de la location/sous-location.

Le mandat de gestion est une forme de médiation locative exercée par une structure disposant des qualifications requises pour exercer la gestion immobilière du logement (comme les AIVS® du réseau FAPIL, les agences immobilières de Soliha ou des agences immobilières partenaires d’Habitat et Humanisme). Le locataire est titulaire d’un bail de droit commun régi par la loi du 6 juillet 1989.

La location/sous-location est une autre forme de médiation locative dans laquelle une association est locataire principal et l’occupant sous-locataire.

Il s’agit donc d’une situation transitoire pour des personnes qui ne peuvent immédiatement accéder à un logement sous le régime du droit commun.

La location/sous-location telle qu’elle est pratiquée, notamment dans le cadre de Solibail, relève du monde de l’hébergement, au sens statutaire, sans pérennité au-delà des 18 mois prévus, même s’il se produit dans de vrais logements, et comprend un accompagnement social du ménage. Le ménage accueilli ne paie qu’une partie du loyer (« redevance ») calculée en fonction de ses ressources. Bien financée grâce au paiement par la puis-sance publique d’un différentiel de loyer conséquent, elle représente la

forme de sécurisation la plus aboutie pour le propriétaire puisque l’associa-tion qui prend le logement à bail joue un rôle de tiers en assurant toutes les obligations du locataire (usage, paiement du loyer et des charges…) et les risques du propriétaire (impayés, dégradations, vacance).

La mobilisation du logement en mandat de gestion se situe davantage encore dans la perspective du « Logement d’abord » puisque le locataire est doté d’un statut de droit commun, et devient éligible aux aides per-sonnelles au logement sur la totalité du loyer acquitté. La sécurisation du propriétaire y est d’une autre nature et doit faire l’objet d’une attention par-ticulière puisqu’elle doit compenser une baisse de loyer de sa part (moins prégnante dans la sous-location où c’est plutôt la puissance publique qui fi-nance le différentiel de loyer éventuel) et garantir les risques qu’il supporte directement cette fois, qu’il s’agisse d’impayés, de troubles de voisinage ou de dégradations.

Cette distinction conduit à préciser l’intérêt de la location/sous-location pour des situations bien spécifiques en alternative à l’hébergement, qui n’empêche pas le passage au statut de locataire en bail glissant ; un ciblage qui apparaît d’autant plus nécessaire que le coût de cette modalité d’inter-médiation locative s’avère plus élevé pour les budgets publics. Mais il est nécessaire de prévoir un « package » attractif à proposer aux propriétaires confiant leur logement en mandat de gestion, puisqu’il s’agit de la formule à privilégier dans le changement d’échelle de la mobilisation de logements privés à des fins sociales. Bref, l’objectif est de combiner les avantages des deux systèmes : proposer au bailleur une sécurisation aussi forte que la sous-location, et pour le locataire une protection aussi sûre que le mandat de gestion.

Ensuite, par souci de simplicité, les disposit if s doiv ent ê t re a u ma x imu m unifiés ou harmonisés pour réduire leur dispersion ; de grandes campagnes de communication devraient également être déployées en lien avec les représentants des bailleurs et des agences immobilières à caractère social. Les abattements fiscaux doivent être remplacés pa r u n c ré dit d’ impô t. En effet, l’abattement fiscal actuel est difficile à calculer et à anticiper, puisqu’il diminue l’assiette imposable sans qu’il soit possible de facilement chiffrer la baisse d’impôt occasionnée. De plus, il est injuste, car il procure une baisse d’impôt d’autant plus forte que le bailleur est fortement imposé. A contrario, un bailleur non imposable n’en bénéficiera pas.

Ensuite, il n’est pas possible d’aller au-delà d’un abattement total, alors que cela ne suffit pas, dans certains cas, à compenser substantiellement la baisse de loyer.

L e c ré dit d’ impô t proposé doit c ompenser u ne pa rt ie de l’ é c a rt ent re les loy ers de ma rc h é et le loy er ré du it , pa r ex emple la moit ié . Il s’agirait concrètement de mesurer l’abandon de loyer du bailleur par rapport aux loyers de marché, c’est-à-dire l’écart entre le loyer réduit, basé sur le loyer PLUS non majoré,

et le loyer médian sur les mises en location de moins d’un an, défini par le réseau des observatoires locaux des loyers (ANIL/OLAP, ADIL et agences d’urbanisme).

En effet, ce loyer médian est calculé finement en fonction du quartier, du nombre de pièces et de l’année de construction, parmi les logements mis en location depuis moins d’un an. En comparaison des trois zones A, B et C habituelles, la mesure est beaucoup plus adaptée et permettra fortement à la fois de limiter les effets d’au-baine et d’ajuster les incitations pour convaincre les bailleurs. Cette modalité de calcul est permise pour la première fois par le déploiement des observatoires des loyers de l’ANIL, disponibles à présent dans une trentaine d’agglomérations, cou-vrant ainsi une grande part des logements locatifs privés en zone tendue.

On pourrait aussi imaginer u ne ex oné ra t ion de la T F P B , le temps de la mise à disposition des logements, pou r des loy ers c ompa ra b les à c eu x du pa rc H lm. Ces avantages doivent de plus être complétés par u ne g est ion loc a t iv e a da pt é e et u ne g a ra nt ie c ont re les impa y é s, la v a c a nc e et les dé g ra da -t ions pour rassurer les bailleurs. Ceci pour offrir aux proprié-taires u n pa c k a g e c omplet pour les accompagner et les sécuriser dans leur démarche.

Il est indispensable de prévoir pour ce produit phare le recours à l’intermédiation locative par un opérateur agréé. Pour le bailleur, cela représente une sécurité et une simplification, la gestion étant entièrement prise en charge, en échange d’honoraires modestes et d’une délégation du choix de son locataire. Pour la puissance publique, cela constitue une garantie du respect des engagements du bailleur sur la durée de la convention, notamment en matière de location à loyers faibles en direction des ménages à faibles ressources. Surtout, cela permet une attribution par les autorités fléchée vers des ménages prioritaires, condition sine qua non qui justifie un engagement accru des finances publiques.

Le développement de l’intermédiation locative devrait être facilité par les avan-tages fiscaux et le volontarisme politique décrit ici, mais il implique des opérateurs associatifs capables de suivre et de porter cette mobilisation. Or, leur financement, assuré notamment par les FSL, est actuellement remis en cause dans différents départements. Ce financement est indispensable car, contrairement aux agences immobilières classiques, les AIS ou AIVS sont rémunérées en pourcentage d’un loyer plus faible, pour une gestion plus complexe auprès des locataires en difficulté, et dans le diffus, donc plus onéreuses. Elle doit donc être mieux rémunérée qu’au-jourd’hui par l’attribution de subventions.

Au-delà de ces mesures, il convient de réunir les c ondit ions né c essa ires a u dé ploiement d’ u ne polit iq u e a mb it ieu se de mob ilisa t ion du pa rc priv é à des fins sociales. Si l’impulsion doit être nationale, la mise en œuvre repose forcément sur l’organisation des collectivités locales.

Le dépassement des réticences de certains acteurs réside dans l’instauration d’ u ne dé ma rc h e g a g na nt - g a g na nt à laquelle ces propositions tentent de contribuer.

Une démarche gagnante pour l’État élargit l’offre sociale à destination des ménages

les plus modestes, contribue à la lutte contre la vacance et adapte son action aux besoins des territoires. Une démarche gagnante pour les intercommunalités qui, en contrepartie de leur aide, développent l’offre sociale sur le territoire en l’adaptant à la demande et renforcent ainsi la mixité sociale. Une démarche gagnante pour les propriétaires qui voient leur contribution sociale reconnue, accompagnée et aidée à hauteur de leur engagement. Tout cela au profit des personnes et familles en quête d’un logement abordable.

La mobilisation du parc privé à des fins sociales est une opportunité pour sort ir pa r le h a u t des polé miq u es ré c u rrent es a u t ou r de la v a c a nc e de log ement s, en réconciliant les approches coercitives et incitatives. En effet, cette mobilisation peut s’appuyer sur les taxes et menaces de réquisition pour convaincre les propriétaires de biens vacants du bien-fondé des dispositifs proposés. Pour ces propriétaires, les dispositifs en question ne doivent pas être plus compétitifs que le marché, mais plus compétitifs que la vacance. Tout mécanisme, par exemple la taxe sur les logements vacants, qui augmente le coût de l’inaction, renforce ainsi l’attrait des dispositifs

« solidaires ». De plus, pour les propriétaires de logements vides qui laissent leur bien vacant faute de moyens financiers ou humains pour remettre en location leur bien, la palette des dispositifs « solidaires » peut leur proposer des solutions clés en main pour réaliser des travaux ou garantir une gestion locative adaptée.

Les politiques de lutte contre la vacance, comme la taxe sur les logements vacants ou la réquisition, sont à poursuivre, sachant qu’elles permettront à cette occasion de constituer des fichiers actualisés de logements vides et de nouer un contact avec les propriétaires pour leur faire conna tre des solutions plus valorisantes pour mo-biliser à des fins sociales leurs logements. C’est la démarche initiée par la métropole de Strasbourg, qui s’appuie sur les communes pour écrire à tous les propriétaires de logements vides depuis plus de trois ans et leur proposer toutes les aides néces-saires afin de faire cesser cette vacance. Après un premier envoi, 40 % des 3 500 destinataires du courrier ont répondu. C’est également ce que la ville de Charleroi, en Belgique, a mis en place, sous le nom de « réquisition douce » : contacter les propriétaires de logements vides pour les avertir d’un risque de réquisition, mais leur proposer une solution plus souple, consistant à sortir de la vacance « par le haut » en confiant leur logement à une agence immobilière sociale leur offrant un loyer modéré et une gestion locative garantie, voire une aide aux travaux si besoin.

On attend quoi ?

En réaction au rapport de la Fondation Abbé Pierre sur le sujet le 29 novembre, le gouvernement a ajusté, dans le cadre du Projet de loi de finances rectificative (PLFR), le conventionnement ANAH, rehaussant les actuels abattements fiscaux, dont le niveau en zones tendues passe de 30 à 35 % pour les conventionnements à loyers « intermédiaires », de 60 à 70 % pour le niveau « social », et de 70 à 85 % en cas de recours à l’intermédiation locative, sur tout le territoire (sauf en zone C en cas de conventionnement sans travaux). Mais les plafonds de loyer à respecter sont trop élevés pour les ménages modestes : les plafonds de loyers du niveau dit « social » de ce dispositif sont à seulement 10 % en-dessous du niveau PLS, soit 12 €/m en zone A bis, 9 en zone A, 8 en zone B1, 7 en zone B2, en moyenne 50 % au-dessus des plafonds de loyer PLUS. Quant aux aides fiscales, même légèrement accrues, elles risquent de s’avérer trop limitées pour convaincre un nombre significatif de bailleurs. Elles ne sont donc pas de nature à dynamiser significativement le secteur à la hauteur des ambitions portées par notre rapport.

Le gouvernement n’a donc pas repris à son compte le dispositif proposé par la Fondation Abbé Pierre (un crédit d’impôt proportionnel à l’effort de baisse de loyer consenti par rapport au marché calculé grâce aux nouveaux observatoires des loyers, une exonération de taxe foncière, une prime locale, une garantie complète couvrant tous les risques locatifs et une gestion locative assurée par une association spécialiste de l’intermédiation locative). Pour autant, la ministre s’est engagée à étudier l’idée d’une exonération de taxe foncière pour les bailleurs volontaires et à mieux couvrir leurs risques locatifs, à revoir les zonages actuels grâce aux observatoires des loyers et à mieux flécher les ménages prioritaires vers l’intermédiation locative. La Fondation Abbé Pierre attend donc avec impatience les engagements du gouvernement sur ces différentes mesures qui doivent être rapidement prises pour enclencher une nouvelle dynamique. Au-delà de cette échéance immédiate, la poursuite de ce chantier trop longtemps délaissé sera du ressort de la nouvelle majorité issue des élections de mai et juin 2017, qui pourra s’appuyer sur un diagnostic largement partagé et des propositions opérationnelles précises.

CHAPITRE 5. Accueillir les personnes

migrantes dignement : des

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