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Des montages innovants pour modérer le coût du logement neuf

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 196-200)

À côté de problématiques plus structurelles comme les documents d’urbanisme, faciliter la construction à des niveaux de prix plus abordables peut passer également par des innovations juridiques pour expérimenter de nouvelles manières d’habiter et de posséder son logement, seul ou à plusieurs.

D IS S O C IA T IO N D U F O N C IE R E T D U B Â T I : U N L E V IE R D E F L E X IB IL IT É

En France, les montages juridiques et financiers qui permettent de démembrer temporairement la propriété et ainsi de dissocier le foncier du bâti ou la nue-propriété d’un bâtiment de son usage restent encore peu appropriés et

6 Dominique Figeat, Mobilisation du foncier privé en faveur du logement, 1er mars 2016.

utilisés 7. Bail emphytéotique, bail à construction, usufruit locatif social, bail réel immobilier créé par ordonnance du 20 février 2014, bail réel solidaire créé par ordonnance du 20 juillet 2016… Un des exemples est l’usufruit locatif social de la société Perl : le bailleur social n’achète ni le bâti ni le foncier, mais l’usufruit (le droit d’utiliser le bien et d’en tirer des loyers) pendant 15 ans. Le promoteur vend à des investisseurs privés qui sont donc nu-propriétaires avant d’acquérir en totalité le bien à l’issue des 15 ans. L’usufruit est confié à un bailleur social qui « sait gérer ». L’organisme achète l’usufruit au promoteur grâce à un financement PLS le plus souvent. Cette formule peut être avantageuse pour les organismes Hlm dans des zones tendues où ils rencontrent des difficultés à financer le coût du projet.

En France, des expériences à Lille, Strasbourg, Lyon, Bayonne En France, le démembrement permanent entre le sol et le bâti n’est pas possible, pour des questions de constitutionnalité. Pour autant, les collectivités locales, intéressées au découplage, pour des questions de maîtrise de l’usage des sols, de maîtrise des prix, d’encouragement de dynamiques collectives, commencent à engager des expériences notamment à la faveur de l’entrée en vigueur du bail réel solidaire, une forme d’emphytéose rechargeable, réservée aux Offices fonciers solidaires (les Community Land Trusts à la française). Les prémices apparaissent à Strasbourg, l’enjeu s’explore à travers l’auto-promotion, avec la première réalisation en 2010 d’une opération où dix familles sont associées au projet Éco-logis, dans le cadre d’une Société civile d’attribution. À Lille, le bail réel solidaire est envisagé comme une forme d’accession sociale aidée non spéculative, qui pourrait être un équivalent du dispositif de location-accession PSLA, mais avec davantage de maîtrise à long terme par la collectivité du foncier. À l’occasion d’une opération de transformation urbaine en centre-ville, les premiers baux réels solidaires pourraient être signés au printemps prochain. À Lyon, un dispositif de copropriété collective en leasing est envisagé, qui permettrait de combiner propriété individuelle et propriété collective, dans une logique non spéculative.

Ces dispositifs contribuent à abaisser le coût de l’acquisition pour les ménages et permettent de faire évoluer les statuts d’occupation, avec pour principal objectif de rendre le statut de propriétaire plus souple et modulable, de rendre possible une accession progressive, partielle ou réversible. Ces formules proposent l’achat d’un

7 Un des seuls exemples franç ais d’envergure de dissociation du foncier et du bâti concerne aujourd’hui les Hospices Civils de Lyon qui proposent des baux de longue durée (72 ans avec renouvellement quasi automatique), dont les résidents paient un loyer pour le terrain tout en étant propriétaires de leur logement. Ce système ne permet pourtant pas une réelle diminution du prix des logements, car la quasi propriété n’est pas assortie de clauses non-spéculatives, et se rapproche tellement des droits attachés à la propriété que les logements ont fini par rejoindre les prix de marchés environnants.

droit d’usage et non d’un patrimoine, dans l’optique de dissocier le foncier du bâti.

À titre d’exemple, le Bail réel immobilier (BRILO) a été institué par l’ordonnance du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire. Le logement intermédiaire, entre parc privé et parc social, fait l’objet d’une définition précise en termes de localisation, de ressources de l’occupant (revenus trop élevés pour accéder au parc social mais n’ayant pas les moyens d’accéder au parc privé) et du montant de la location/acquisition. Le bail réel immobilier est donc un nouvel outil qui s’articule autour de trois acteurs : un propriétaire foncier qui va louer un terrain à bâtir ou des locaux d’habitation à réhabiliter, un preneur de bail qui va construire ou réhabiliter et un ou plusieurs occupants locataires ou accédants temporaires à la propriété des logements construits ou réhabilités. Il vise à dissoc ier le b a il immob ilier de sa permanence et de son rattachement au sol, tout en conférant un droit de propriété. Le schéma n’est pas nouveau et se rapproche du principe du bail emphytéotique ou du bail à construction.

Des exemples de démembrement de propriété

En Belgique, le Community Land Trust (CLT) est une organisation sans but lucratif destinée à acquérir et gérer du sol en propriété. Le CLT met le foncier à disposition pour l’acquisition ou la location de logements accessibles. Ainsi, le foncier appartient au CLT, tandis que les bâtiments appartiennent à des particuliers qui doivent y habiter personnellement. Sauf cas exceptionnel, le Trust ne revend jamais le sol dont il est propriétaire. De son côté, le secrétaire d’État au Logement de la Région de Bruxelles Capitale prévoit une enveloppe budgétaire permettant d’intervenir dans l’achat du foncier par le CLT à concurrence d’un maximum de 350 euros/m2. Le CLT peut se porter acquéreur sans autre subvention complémentaire, principalement dans les quartiers populaires industriels du bas de la ville. Le droit d’usage du sol se formalise sous la forme d’un droit d’emphytéose.

L’accessibilité du bâtiment aux personnes à bas revenus est garantie par un double financement public, celui consenti au Trust au moment de l’achat du foncier et un montant de 415 euros/m2 versé, une seule fois, dans le cadre de la première vente, par opération immobilière. En cas de revente, la captation de l’éventuelle plus-value est répartie en trois selon les modalités suivantes :

- 25 % sont donnés au ménage vendeur ;

- 6 % sont captés par le CLT pour couvrir partiellement ses frais de gestion ; - l’essentiel de la plus-value est déduit du prix de vente au second ménage. L’acheteur suivant ne paye donc que la valeur initialement payée par le propriétaire précédent à laquelle s’ajoutent 31 % de la plus-value qu’aurait pris le bien sur le marché classique. De cette manière, le bien reste accessible à une nouvelle famille à bas revenus, et ce, sans apport complémentaire de subventions publiques.

L’HABITAT PARTICIPATIF, UNE DÉMARCHE QUI S’INSTITUTIONNALISE

En France, certaines méthodes ont gagné en légitimité et sont aujourd’hui soutenues dans la perspective de leur développement. C’est par exemple le cas de l’habitat participatif, qui consiste en un regroupement de ménages mutualisant leurs ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur logement, en respectant certaines valeurs essentielles : non spéculation, solidarité, mixité sociale, habitat sain et écologique, mutualisation d’espaces et de ressources. Son cadre juridique est désormais fixé par la loi ALUR. Celle-ci institue les sociétés d’habitat participatif qui peuvent prendre deux formes : la coopérative d’habitants ou société d’attribution et d’autopromotion, avec pour enjeux de proposer u n log ement a b orda b le et de favoriser l’accession sociale à la propriété grâce à la réduction des coûts par la suppression des intermédiaires, la mutualisation des charges ou encore la diminution des surfaces privatives au profit d’espaces partagés. L’habitat participatif permettrait de réduire les coûts d’environ 10 % 8.

Le Village vertical, coopérative d’habitants 9

Situé à Villeurbanne, sur le territoire de la métropole lyonnaise, le Village vertical est la première coopérative d’habitants à avoir vu le jour en juin 2013 avec la livraison de 14 logements (dans un immeuble qui en comporte 38).

Elle se compose de 10 logements sociaux PLS et de 4 logements PLAI. Les ménages sont tous coopérateurs de la SAS coopérative à capital variable créée en décembre 2010. Cela signifie que les habitants sont collectivement propriétaires de l’immeuble et louent leur logement. La gestion de la SAS est démocratique (un habitant = une voix) et interdit toute spéculation ou profit.

Lorsqu’un ménage quitte le Village vertical, il ne revend pas son logement mais ses parts dans la coopérative, ce qui ne donne lieu à aucune plus-value.

Tous, sauf un, ont des ressources inférieures aux plafonds du logement social et 4 logements sont attribués à des jeunes dont la situation nécessite un accompagnement social. Si chacun dispose d’un logement, certains espaces sont mutualisés (chambres d’amis, buanderie, salle commune avec cuisine, jardin potager, etc.) dans l’optique de favoriser de véritables solidarités de voisinage. L’écologie est placée au centre du projet (toit photovoltaïque, pompe à chaleur, chaudière à granulés de bois, etc.). Le projet a été soutenu par l’association HABICOOP, pionnière en matière d’habitat participatif et la coopérative Hlm Rhône-Saône Habitat qui a porté la maîtrise d’ouvrage du projet, ainsi que des collectivités (ville de Villeurbanne et métropole de

8 Laurent Escobar et Didier Vanoni, « Logement abordable, un souffle d’optimisme ? », Études Foncières n° 160, novembre-décembre 2012.

9 http:/ / w w w .village-vertical.org/

Lyon, qui ont cédé le terrain à bâtir en dessous des prix du marché, Conseil départemental et région Rhône-Alpes).

La concrétisation de ce projet a notamment permis aux acteurs de cette expérimentation de plaider en faveur de l’institutionnalisation de ce type de démarche, dans l’optique de faciliter leur essaimage.

Ces formes d’habitat permettent aussi de prendre en compte un autre mode de vie, tourné vers la sociabilité avec ses voisins, un fonctionnement démocratique, un habitat intergénérationnel, etc. Elles peuvent proposer des solutions aux ménages les plus modestes (voir encadré) mais restent avant tout complémentaires des dispositifs de production existants. Par ailleurs, il faut considérer que la faisabilité des opérations dépend de l’engagement et de la bonne entente de l’ensemble des parties prenantes. Et suppose que des règles claires soient fixées en cas de revente et de changement de co-propriétaire pour que le projet perdure dans le temps malgré le renouvellement des membres qui étaient associés au départ.

L’habitat participatif rend possible d’imaginer une alternative à la spéculation, grâce à la clause de non-spéculation en coopératives d’habitants. Celle-ci permet de ma int enir da ns la du ré e le niv ea u de prix init ia l, rehaussé simplement de l’inflation et en fonction des travaux effectués, et donc de sortir ces logements du marché, sans pour autant les placer dans la sphère publique réglementée comme le parc Hlm. Cette clause de non-spéculation peut justifier les éventuelles aides publiques, par exemple la mise à disposition de foncier ou l’aide au montage du projet, puisque celles-ci risquent moins d’être appropriées par les habitants.

Le développement de ce secteur, pour l’instant relativement marginal en France, passe de plus en plus par une implication accrue des collectivités, qui lancent des appels à projet auxquels répondent des potentiels habitants, et des bailleurs sociaux, qui accompagnent et sécurisent ces projets. Cette implication publique relativise le caractère totalement autogestionnaire, par des groupes d’habitants autonomes, de ces projets. Mais d’une part, en raison de la complexité et de la durée de maturation de ce type de programmes, elle est inévitable si l’on veut dépasser le stade de la simple expérimentation militante. D’autre part, elle permet d’intégrer une part de publics plus défavorisés, en contrepartie des aides propres aux bailleurs sociaux, et de tenter de dépasser le cercle des ménages les plus formés et les plus aisés qui sont ceux qui se lancent généralement dans ce type d’aventure exigeant une grande maîtrise des projets urbains.

L’habitat partagé permet aussi, au-delà du modèle juridique de propriété innovant, de partager des espaces et des équipements, dans une visée aussi bien environnementale qu’économique. À la place de la maison standardisée tout équipée, au centre d’une parcelle, consommatrice d’espaces et d’énergie, l’habitat partagé propose souvent de mettre en commun la buanderie, la chambre d’ami, la salle de jeux et bien s r les jardins, voire les voitures. Il offre ainsi

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