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Les limites de l’accession aidée

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 182-185)

Pour compenser cette difficulté accrue des ménages modestes à accéder à la propriété, les pouvoirs publics disposent de divers outils, régulièrement ajustés en fonction des conjonctures économiques ou des orientations politiques. Plusieurs dispositifs se sont succédé depuis les années 1920, où le nombre de logements

3 Fondation de France, Le maintien et l’accession à la propriété des ménages très modestes, 2008.

4 Isabelle Rey-Lefebvre, « Tous propriétaires, une fausse bonne idée ? », Le Monde, 16 septembre 2016.

produits en accession sociale était même, hors Île-de-France, supérieur au locatif social parmi lesquels le dispositif de location-attribution dans les années 1950-1970 et les prêts d’accession à la propriété (PAP) dans les années 1980-1990.

Aujourd’hui, la palette des produits existants est encore plus large : prêt d’accession sociale (PAS), prêt à taux zéro (PTZ), prêt social location-accession (PSLA), APL-accession, taux de TVA réduit dans les périmètres ANRU…

Il est toujours difficile d’évaluer la pertinence de ces dispositifs, dont la réussite ne peut se mesurer uniquement au nombre de ménages y ayant souscrit. L e c ont re-ex emple le plu s f la g ra nt demeu re le c ré dit d’ impô t mis en œ u v re pa r N ic ola s S a rk oz y da ns le c a dre du T E P A en 2007. Crédit d’impôt sur les inté-rêts des emprunts immobiliers, dans le neuf comme dans l’ancien sans plafonds de ressources, il a coûté une fortune au Trésor public, a avantagé essentiellement les ménages les plus favorisés, sans pour autant déclencher d’actes d’achat en nombre significatif puisque la somme parvenait un an après l’achat et que les banques ne le prenaient pas en compte, avec un effet inflationniste évident et une incitation à la construction neuve très faible. Cette mauvaise idée a fini par être abandonnée dès 2011, mais elle pèse encore sur les budgets.

L e prê t à t a u x z é ro, l’outil le plus connu, a ainsi beaucoup varié dans ses modali-tés, à peu près chaque année depuis dix ans. 59 840 PTZ+ ont été octroyés en 2015, et 17 642 PTZ au premier trimestre 2016 (79 % dans le neuf, 21 % dans l’ancien), représentant un quasi-doublement par rapport au 1er trimestre 2015. Plutôt u t ile pou r rela nc er l’ a c c ession, il a pu présenter néanmoins selon ses configurations des limites, qu’il s’agisse de son effet inf la t ionnist e, en augmentant la demande solvable dans un marché foncier de pénurie, de son aspect iné g a lit a ire, en avanta-geant des ménages plus aisés que la moyenne et qui pour la plupart auraient acheté tout de même, créant pour bon nombre d’entre eux un simple ef f et d’ a u b a ine.

L’effet inflationniste a été mesuré de diverses manières. Le doublement du montant du PTZ en 2009, aurait ainsi « contribué à renchérir le coût du foncier : dans une période de baisse générale des valeurs immobilières, les prix du foncier ont mieux résisté dans les zones ayant le plus bénéficié de la hausse du PTZ5 ». Une autre étude établit, à partir de la comparaison entre zones mitoyennes ayant profité ou non de la hausse du PTZ, que « le PTZ permet un choc positif de crédit qui se transmet fortement aux prix immobiliers6 », à hauteur de 40 % à 70 %. Le prêt à taux zéro (PTZ) n’aurait déclenché que 75 000 accessions à la propriété entre 1996 et 1999, sur un total de 533 000 ménages bénéficiaires au cours de cette période7... Ainsi,

5 K evin Elie Beaudrun-Diant et Tristan-Pierre Maury, « Quels sont les effets du PTZ sur les prix du foncier ? », EDHEC Position Paper, février 2015. Cité in Cour des comptes, « Les aides de l’État à l’accession à la propriété », novembre 2016.

6 Claire Labonne, Cécile W elter-Nicol, « Cheap Credit, Unaffordable Houses ? », Débats Econo-miques et Financiers de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (Banque de France), décembre 2015.

7 Laurent Gobillon et David Le Blanc, « Quelques effets du prêt à taux zéro », Économie et Statis-tique, n° 381-382, octobre 2005.

458 000 accessions, soit 85 % des achats réalisés avec le PTZ, se seraient réalisées même sans PTZ, lequel aurait donc eu un effet d’aubaine significatif8. Cet effet d’aubaine est d’autant plus important que les plafonds de ressources sont assez élevés et surtout sont calculés au moment de l’accession du ménage. Celui-ci peut très bien voir ses revenus s’élever par la suite, sans que l’aide s’ajuste à la baisse, contrairement aux APL-accession, par exemple, plus finement ciblées socialement et réévaluées chaque année.

Généralement, les dispositifs bénéficient plutôt aux classes moyennes, voire aux classes moyennes supérieures, ce que confirme une récente étude de la DREES, qui estime que « bien qu’elles aient permis de soutenir globalement l’accès à la propriété, les politiques du logement n’ont pas enrayé cette dynamique. Elles l’ont même, dans une certaine mesure, accentuée. En particulier, elles n’ont pas ciblé les plus modestes9 ». Malgré un certain recentrage au début du quinquennat sur les classes moyennes, la catégorie majoritaire en 2015 parmi les bénéficiaires est celle disposant de revenus « intermédiaires » (entre 2 et 3,5 Smic) à 45 %10, devant les catégories « moyens » (23 %), « aisés » (17 %) et « modestes » (16 %). Le relève-ment des plafonds de ressources décidé en 2015, a par exemple atteint 5 000 euros par mois pour un couple avec deux enfants en zone B1. Une décision qui « contredit le ciblage affiché » en faveur des plus modestes, selon la C ou r des c ompt es, qui pla ide pou r u n rec ent ra g e de l’ a c c ession a idé e su r les plu s modest es, afin de limiter les effets d’aubaine et inflationnistes.

En zone tendue il est de fait presque impossible de concilier prix du marché élevés et ressources éligibles aux dispositifs d’accession aidée, si bien que sans apport personnel par le biais d’une aide familiale, l’accession aidée sur les marchés les plus onéreux paraît inenvisageable pour la plupart des ménages modestes. Sauf peut être par l’intermédiaire des organismes Hlm, surtout dans les zones ANRU ou d’habitat social, c’est-à-dire des quartiers plutôt périphériques, grâce à des prix de l’immobilier plus abordables et à une TVA à 5,5 % en zone ANRU sur le neuf (voir chapitre 9).

8 D’après la Cour des comptes, l’outil de simulation du ministère du Logement aurait quant à lui estimé à 75 % cet effet d’aubaine au sujet des PTZ+ contractés en 2016 grâce à la hausse des plafonds de ressources.

9 Carole Bonnet, Bertrand Garbiniti, Sébastien Grobon, « Accès à la propriété : les inégalités s’accroissent depuis quarante ans », Études et résultats, DREES, mai 2016.

10 Cour des comptes, « Les aides de l’État à l’accession à la propriété », novembre 2016.

Évolution du nombre de bénéficiaires de chacune des aides (2011-2015)

en nombre 2011 2012 2013 2014 2015

PTZ+ 345 014* 79 116 43 167 47 192 59 840

Aides personnelles au

logement-accession 537 000 524 000 494 000 483 000 460 000

PAS 51 765 52 141 60 809 60 076 72 221

PSLA 6 735 5 768 7 232 7 355 8 080

Source : SGFAS, DHUP, calculs Cour des comptes. Nombre annuel de nouveaux bénéficiaires, sauf pour les aides au logement.

* Le chiffre très élevé de 2011 s’explique par l’ouverture à ce moment-là du PTZ+ à tous les accédants, dans le neuf comme dans l’ancien et sans plafonds de ressources. Sur les 345 000 PTZ+

en 2011, seuls 93 000 ont concerné des logements neufs.

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