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Retour sur la Critique de la raison dialectique sartrienne (1960)

Brève remarque sur un chaînon essentiel : l’intervention de Lénine

II. Vers une pratique théorique de l’épistémologie et de l’histoire des

1. Retour sur la Critique de la raison dialectique sartrienne (1960)

Cette première sous-section obéit à plusieurs soucis. (1) Présenter une œuvre aussi fondamentale que laissée majoritairement de côté dans l’espace conceptuel français d’aujourd’hui. (2) Montrer que l’épistémologie dialectique qu’elle mobilise pour les sciences humaines est solidaire d’un examen différencié des conditions de son opérativité pour penser les sciences de la nature. Et (3) montrer l’incursion en mathématiques qu’elle se permet, et certaines perspectives qu’elle rend possibles en épistémologie des mathématiques proprement dit.

1. De l’abstrait au concret : conditions d’une anthropologie structurale et historique La « redécouverte » contemporaine, simultanée mais encore timide, de l’œuvre de Lefebvre et de celle de Sartre est tout sauf contingente. La Critique de la raison dialectique incarne le même type d’effort fondationnel aussi systématique qu’anti-dogmatique : très précisément Sartre lui reprend dès 1957 dans Questions de méthode le principe de la méthode progressive-régressive1, en soulignant son triste esseulement dans le champ intellectuel, ce qui fait de lui un de ses premiers disciples. Mais la prééminence du concept de praxis, articulée avec une reprise des catégories hégéliennes certes humanisées (comme on l’a évoqué au début du chapitre sur Hegel), et simultanément élargie aux déterminations supra-individuelles (socio-historiques) contrairement à ce à quoi il procède dans L’être et le néant renvoie également aux thèses de Lefebvre. Le « formalisme » que Sartre met en œuvre est très explicitement repris à Marx, et c’est au fond celui, matériellement démystifié, de la

Phénoménologie de l’esprit : « l’expérience critique » qu’est l’acte même de pensée à l’œuvre

de/dans la Critique de la raison dialectique,

« partira de l’immédiat, c’est-à-dire de l’individu s’atteignant dans sa praxis abstraite ([note de Sartre] Je prends "abstrait" au sens d’incomplet. Du point de vue de sa réalité singulière l’individu n’est pas abstrait (on peut dire que c’est le concret même [i.e. le concret-perçu] mais à la

condition qu’on ait retrouvé les déterminations de plus en plus profondes qui le constituent dans

son existence même comme agent historique, et en même temps, comme produit de l’histoire »2

, condition sous laquelle seulement l’individu devient un concret-pensé. Autrement dit, la

Critique reprend la méthode marxienne de l’abstrait au concret, très exactement comme

Althusser : « notre expérience va du simple au complexe, de l’abstrait au concret, du constituant au constitué »3, c'est-à-dire part de la thèse selon laquelle le concret est concret

parce que traversé de multiples déterminations, pour chacune desquelles il va falloir progressivement former les catégories adéquates.

L’objectif particulier qui est celui de Sartre est de penser la vérité de l’histoire, non l’histoire réelle4, d’être une critique et non une logique des sciences humaines, et de donc

1

Sartre 1957 p. 51-52, note. Il élargit cette méthode de la sociologie et l’histoire à tous les secteurs de l’anthropologie.

2 Cf. Sartre 1960, Introduction, § « Critique de l’expérience critique » p. 168. 3 Sartre 1960 p. 180-1.

4 Sartre 1960 p. 156-7 : « … l’expérience tentée ici, bien qu’historique par elle-même, comme toute entreprise,

ne vise pas à retrouver le mouvement de l’histoire, l’évolution du travail, des rapports de production, les conflits de classe. Son but est simplement de découvrir et de fonder la rationalité dialectique, c'est-à-dire les jeux complexes de la praxis et de la totalisation. Lorsque nous aurons abouti aux conditionnements les plus généraux,

penser les médiations à instituer pour passer des catégories philosophiques (par lesquels la matérialité sera mise à jour comme le prisme de ces « déterminations les plus profondes ») aux concepts scientifiques. Les catégories philosophiques essentielles sont celles de praxis et de pratico-inerte, les concepts scientifiques fondamentaux, ceux de structure, de terrain d’enquête et d’habitus – le concept bourdieusien est plus qu’affine au couple praxis/hexis de Sartre). Discutant le concept de structure à l’œuvre dans Les structures élémentaires de la

parenté, Sartre écrit :

« Ce point de vue abstrait de la critique ne peut être évidemment en aucun cas celui du sociologue ni celui de l’ethnographe. Il ne s’agit pas pour nous de nier ou de négliger les distinctions concrètes (les seules vraies) qu’ils établissent : simplement, nous sommes à un niveau d’abstraction où elles ne peuvent trouver encore de place ; il faudrait, pour les rejoindre, l’ensemble de médiations1

qui transforment une critique en logique et qui de la logique redescendent par spécification et concrétisation dialectique jusqu’aux vrais problèmes, c'est-à-dire au niveau où l’Histoire réelle, par le renversement attendu de cette quête abstraite, devient la totalisation en cours qui porte, suscite et justifie la totalisation partielle des intellectuels critiques ». « les schèmes dialectiques… fondement rationnel et règle de développement éclairant les processus concrets… n’apparaissent en eux que sous forme de la couche de significations la plus pauvre et la

plus éloignée. »2

Regardons un peu ce que cela donne dans le champ anthropologique qui est le sien : on s’écarte certes du champ mathématique, mais cela éclairera plus tard par contraste le sens de la théorie althussérienne de la pratique théorique.

Cette Critique se présente, épistémologiquement parlant, comme un ensemble de prolégomènes à une anthropologie structurale et historique, c’est-à-dire à une théorie

dialectique des structures et de l’action, à la tonalité constructive/constructiviste explicite3

, fondée sur le dépassement des antinomies classiques sujet/objet, qualité/quantité », matériel/idéel, macro/micro, etc. L’objectif sartrien, c’est de penser les conditions du savoir sociologique. Son propos, philosophique, s’apparente donc au discours sociologique dans son

moment réflexif et critique, lorsque celui-ci tente de définir les conditions et la nature d’un savoir scientifiquement fondé : autrement dit, la pratique philosophique, sans être science, pense les conditions de scientificité des sciences positives, en tant qu’elle questionne les contours et les conditions d’usage de leurs concepts. Il y alors, en effet, manifestation d’une

réflexion proprement ontologique sur ce que sont les entités sociales, comment elles se construisent, et sur les concepts scientifiquement pertinents pour penser ces entités et leur constitution4. La Critique donne donc des outils pour dépasser la division, nourrie par ces dualismes, encore présente entre sociologies structurelles et compréhensives, mais sans jamais succomber à la tentation régalienne : la philosophie telle que Sartre la pratique se présente comme un discours savant strictement non impérialiste sur la sociologie, une analyse

conceptuelle articulée aux savoirs positifs des sciences sociales, discours pour une action sur le réel, mais issu du réel lui-même.

Déconstruisant l’objectivisme de la « métaphysique matérialiste » qu’est devenu le marxisme officiel, Sartre cherche à dégager les lois (tendancielles) présidant à la formation des entités collectives et à leur transformations qualitatives, c’est-à-dire à exposer les lois de c'est-à-dire à la matérialité, il sera temps de reconstruire à partir de notre expérience le schème d’intelligibilité propre à la totalisation. Cette deuxième partie… sera, si l’on veut, une définition synthétique et progressive de la "rationalité de l’action". Nous verrons, à ce propos, comment la Raison dialectique déborde la raison analytique et comporte en elle-même sa propre critique et son dépassement… Ainsi notre tâche ne peut être en aucune

manière de restituer l’Histoire dans son développement pas plus qu’elle ne consiste en une étude concrète des

formes de production ou des groupes qu’étudient le sociologue et l’ethnographe. Notre problème est critique… notre but réel est théorique ; on peut le formuler en ces termes : à quelles conditions la connaissance d’une

histoire est-elle possible ? Dans quelles limites les liaisons mises au jour peuvent-elles être nécessaires ? Qu’est-

ce que la rationalité dialectique, quels sont ses limites et son fondement ? ». Cf. également p. 167.

1 Cf. Sartre 1957, II « Le problème des médiations et des disciplines auxiliaires ». 2

Sartre 1960 p. 577, note 2.

3 Cf. Corcuff 1995 p. 18. 4 Cf. Livet & Ogien 2000.

la totalisation (travail de synthèse et d’intégration à partir de circonstances déterminées et en fonction d’un objectif) dans ses diverses formes (théoriques et pratiques) : le problème consiste à mettre en évidence l’instance assurant la production d’unité, de synthèses pratiques à l’œuvre dans le monde humain1. Dit autrement, il s’agit de penser les formes de socialité et

leur stratification : qu’est-ce qui est anthropologiquement indépassable ? Qu’est-ce qui est historiquement avéré mais dépassable ?

Le caractère abstrait de ces formulations est volontaire, et tient d’un « formalisme inspiré » de celui de Marx, où la dialectique apparaît comme la logique vivante de l’action (pratique et réflexive), et où donc l’intelligibilité du discours tient au dévoilement méthodique des œuvres effectives de la contradiction. En résumant, Sartre défend un matérialisme dialectique non réductionniste, c’est-à-dire pensant dans sa nécessité anthropologique le moment de la subjectivité :

« Le principe méthodologique qui fait commencer la certitude avec la réflexion ne contredit nullement le principe anthropologique qui définit la personne concrète par sa matérialité. La réflexion, pour nous, ne se réduit pas à la simple immanence du subjectivisme idéaliste : elle n’est un départ que si elle nous rejette aussitôt parmi les choses et les hommes, dans le monde. […] Mais ce réalisme implique nécessairement un point de départ réflexif, c’est-à-dire que le

dévoilement d’une situation se fait dans et par la praxis qui la change. Nous ne mettons pas la prise

de conscience à la source de l’action, nous y voyons un moment nécessaire de l’action elle-même : l’action se donne en cours d’accomplissement ses propres lumières. »2

Cette thèse a d’emblée pour conséquence la détermination du statut du discours philosophique : la Critique est une « expérience critique » c’est-à-dire un moment situé de l’action sociale même, expérience elle-même tributaire de ses conditions sociales et historiques d’énonciation, qu’il convient d’objectiver dans la mesure du possible. Le problème sous-jacent est le suivant : praxis et conscience sont-ils ici interchangeables ? Ma lecture répond de façon radicalement négative. D’une part, il me semble qu’il y a une nette analogie entre le « principe épistémologique » de la réflexivité de la première citation, dans son abstraction et son incomplétude, avec la certitude sensible chez Hegel. Certes chez Hegel, on n’est pas rejeté immédiatement dans les choses du monde. Cependant, dans les deux cas, le

processus consiste à être jeté dans un au-delà radical du « support » de cette réflexion,

processus qui va imposer, progressivement, la saisie des diverses déterminations objectives qui affectent ce support, l’individu concret, pris comme incarnation, méthodologiquement parlant, des masses.

Le processus théorique de saisie de ces diverses déterminations mobilise des concepts particuliers : selon Sartre ce sont ceux de praxis et de pratico-inerte. Tout individu est praxis, activité pratique de constitution d’un champ pratique via la production intentionnelle d’objets matériels. En tant que praxis, l’individu est dépassement vers un objectif de toute l’inertie des conditions matérielles : il intériorise la rareté, fait l’épreuve du manque comme négation de son être : l’expression fonctionnelle de ce manque est le besoin. La négation de ce besoin,

négation de la négation, est essentiellement travail : apparaît ici la contradiction dialectique

primitive à l’occasion de laquelle la catégorie de « matière ouvrée » (c’est-à-dire médiée par

1 La méthode poursuivie par Sartre est de ce fait association d’un nominalisme (les entités collectives n’existent

pas comme données) et d’un réalisme (ces entités ne sont pas de simples mots désignant des agrégats mécaniques) dialectiques : il faut re-construire en pensée ces entités en montrant comment s’engendrent les structures à partir des pratiques – et réciproquement. Cf. Sartre 1960 p. 156.

2

Sartre 1957 note 1, p. 37. De même : « Il faut revenir à cette première vérité du marxisme : ce sont les hommes qui font l’Histoire ; et comme c’est l’Histoire qui les produit (en tant qu’ils la font), nous comprenons dans l’évidence que la « substance » de l’acte humain, si elle existait serait au contraire le non-humain (ou à la rigueur le pré-humain) en tant qu’il est justement la matérialité discrète de chacun », Sartre 1985 p. 316. Tout cela va bien évidemment à l’encontre des caricatures systématiques auxquelles Bourdieu, pour ne citer que lui, procède lorsqu’il traite de l’œuvre de Sartre, et qu’il le présente – et ce n’est pas le seul – comme défenseur d’un subjectivisme que la « dialectique dévorante » de la Critique n’associerait que de façon contingente, voire opportuniste, aux discours des sciences sociales.

le travail) assure la détermination de la première instance d’unification sociale des individus : cette unité primitive, c’est celle d’une même matière ouvrée, d’un même monde travaillé.

Cette « médiation du pratico-inerte », corrélative à l’expérience du travail sur la matière se révèle être « enfer ». Le pratico-inerte, c’est cette association d’une praxis individuelle active

et d’une inertie des conditions matérielle qui l’affecte et déforme son activité, c’est le gouvernement de l’homme par la matière ouvrée rigoureusement proportionnée au gouvernement de la matière inanimée par l’homme. Et l’on tombe sur cette « matérialité »

générale d’où vont surgir les multiples déterminations affectant la situation concrète d’un individu concret1.

Pourquoi ce pratico-inerte est-il un enfer ? Parce que justement « l’homme du pratico- inerte », l’homme du besoin, fait l’épreuve de contre-finalités, de l’antipraxis : de même que le déboisement de grande ampleur opéré par les paysans en Chine (afin de développer la culture du millet) rendit possible les inondations qui les ruinèrent2 – retournement de l’action contre elle-même qui apparaît comme une « praxis sans auteur » – le Capital est cette force anti-sociale de domination en apparence indépassable et « sans auteurs », qui, en réalité, n’existe que grâce à et par les forces productives aliénées.

L’idée essentielle est que rien n’arrive aux praxis qui ne soit issu de leur propre action : la

praxis est expérience contradictoire de la liberté et de la nécessité. Il ne peut y avoir

aliénation et domination structurelles que s’il y a d’abord autonomie des pratiques. Notons que ces contre-finalités n’ont pas le caractère contingent des « effets pervers » : elles appartiennent essentiellement à l’univers de la praxis. L’aliénation est une dimension essentielle de l’objectivation, puisque ce qui est produit revient à l’individu comme autre.

D’où ce programme épistémologique explicité par Sartre :

« Nous tenterons de voir dans la perspective du pratico-inerte l’être social en tant qu’il détermine réellement et de l’intérieur une structure d’inertie dans la praxis individuelle, puis dans une praxis commune ; enfin comme substance inorganique des premiers êtres collectifs : nous serons à même alors de découvrir une première structure de la classe en tant qu’être social et collectif. »3

Les concepts de praxis et de pratico-inerte sont les concepts clés de cette anthropologie structurale et historique, qui veut penser ce qui réussit à produire des effets de contraintes sociales. Sartre se réapproprie alors logiquement, mais avec un écart fondamental dans le statut qui lui est accordé, le concept de structure (sociale) qu’il reprend à Lévi-Strauss, pour formaliser un peu plus avant ce concept de pratico-inerte. L’idée d’une logique dialectique de l’action empêche la primauté de toute logique structurale qui mènerait à l’ontologisation de la structure4. Si pour la raison analytique, la structure, modèle formel construit par l’observateur, constitue le cœur d’une légitime analyse synchronique d’un pan du social, contre Lévi- Strauss, qu’il loue pleinement par ailleurs pour son œuvre5, Sartre défend l’idée selon laquelle

ce qui importe est de voir le modèle en marche dans l’histoire, et cela au titre d’une analyse diachronique au sein de laquelle la construction épistémologique du modèle structural apparaît comme moment dialectique.

« La structure ne s’impose à nous que dans la mesure où elle est faite par d’autres. Pour comprendre comment elle se fait, il faut réintroduire la praxis, en tant que processus totalisateur. L’analyse structurale devrait déboucher sur une compréhension dialectique. »6

1 Le début du second tome de la Critique procède au dégagement systématique, suivant cette logique générale

poussée à son terme à la fin du tome premier, des déterminations matérielles variées qui rendent concrètement

raison de la singularité située d’un match de boxe.

2 Sartre 1960 p. 274. 3 Sartre 1960 p. 339-340.

4 Un tel primat d’une logique dialectique sur une logique structurale, pour la même raison, est l’exigence

qu’exprime U. Eco pour la sémiotique au terme de La structure absente.

5 Sartre 1960 p. 575-8.

Il ne faut jamais oublier que la structure, invisible, est et reste une construction théorique inféodée aux actions des praxis ancrées matériellement, construction qui a pour fonction de donner consistance à un ensemble de traits récurrents observés du social. Cette relativisation du moment de la structure – c’est-à-dire sa reprise non structuraliste – repose sur la thèse selon laquelle les pratiques ne sont pas seulement des effets de structures contraignantes : les

structures sont de façon rigoureusement proportionnelle des effets de pratiques constituantes. On trouve ici très exactement ce qu’A. Giddens appelle la dualité du structurel1 : les structures sociales sont à la fois contraignantes (pratico-inertes) et habilitantes (totalisantes), univers de ressources matérielles et symboliques, de règles qui se dévoilent à l’étude sous forme de « traits structurels » d’un système social donné, comme médium et résultat des pratiques qu’ils organisent de façon récursive. Le « pratico-inerte »

sartrien conjoint en un concept cette dualité dynamique et non statique, irréductible car ontologique, mais dialectique entre structure et pratique.

Double conséquence : 1/ il n’existe pas d’ordre des interactions de coprésence qui soit pleinement autonome, ordre qui ferait, par exemple de l’individualisme méthodologique, et dans un autre registre, de l’interactionnisme symbolique, des positions épistémologiquement auto-suffisantes. L’existence de ces structures en tant que contraignantes prévient de tout subjectivisme, et notamment du mythe d’une liberté totale (comme l’existentialisme « vulgaire », et même dans les formes qu’a pu prendre parfois le propos de Sartre avant sa prise en charge de la question du matérialisme en 1946 dans son article Matérialisme et

révolution). 2/ De façon exactement symétrique il n’existe pas de structure transcendant ou

déterminant en dernière instance les individus : l’édifice théorique de Sartre empêche la tentation objectiviste, et notamment le déterminisme qui en fut/est un corollaire traditionnel2, comme dans le marxisme stalinisé.

On aboutit ainsi à la détermination de traits saillants du savoir sociologique :

(1) Le moment pratico-inerte du social, puisqu’il peut donner lieu à l’examen structural, est objectivable comme tel, au titre d’une analyse synchronique essentiellement quantitative

« Les objets sociaux (j’appelle ainsi tous les objets qui ont une structure collective et qui, en tant que tel, doivent être étudiés par la sociologie) sont, au moins par leur structure fondamentale, des êtres du pratico-inerte ».3

Mais le structuralisme4, oubliant les liaisons du présent au passé, ne saisit pas le fait que ces structures sociales, synthèses passives de la multitude, sont un moment « antidialectique » du pratico-inerte.

(2) Ces objets sociaux, étudiés en tant qu’extraits – et par cette extraction structurale – d’une totalisation jamais achevée, ne sont donc pas les collectifs réels. Ceux-ci n’existent au mieux que comme totalités détotalisées. L’intégration des individus du collectif à celui-ci est toujours partielle, en ce qu’il existe toujours une part d’inertie qui distend les liens de réciprocité entre individus en les figeant et les routinisant, c'est-à-dire qu’il existe toujours une forme de réification des relations qui empêche la fusion de tous en un. Penser le changement social et la dynamique de ces collectifs implique de réintroduire la praxis, et de procéder à une approche diachronique essentiellement qualitative, puisque l’objectif est maintenant de saisir un processus social dont le savant est juge et partie.

(3) D’où, dans cette perspective sartrienne, l’exigence que la sociologie soit « critique »,

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