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La différentielle et les méthodes de différentiation : la méthode de Mar

Remarques préliminaires

II. Diversité du rapport de Marx aux mathématiques

4. La différentielle et les méthodes de différentiation : la méthode de Mar

Taylor, se « contentant » de ramener à un point de départ le plus simple possible, et insiste sur le fait que la « défaillance » (failure) la plus importante, après la première évoquée ci-dessus, celle du manque de généralité du théorème, est dû au fait que l'équation de départ3

2 3

( ) ( ) ( ) ( )( ) ( )( ) ...

f x  x f xp x  x q xxr xx  4

n'est pas démontrée en tant que telle dans sa généralité, et ses hypothèses non examinées la rendent inapplicables à certaines fonctions de x5.

Aujourd'hui ce théorème de Taylor continue de consister le préliminaire à la présentation axiomatique-pédagogique du calcul infinitésimal, quoiqu'il ne puisse pas servir de fondement : depuis le 18ème, il a intéressé par son statut bien des mathématiciens. Il n'est donc pas étonnant que Marx se soit penché sur son cas. En résumé, selon Marx, même si Lagrange sait qu'il n'a démontré ce théorème que pour la classe des fonctions usuelles, et si Marx évoque ses « défaillances », il n'empêche que la question des fondements immédiats du calcul différentiel était réglée par la méthode algébrique. Les leçons de cette tripartition seront tirées dans la section suivante, et profiteront de l'analyse, qui suit immédiatement, du rôle des opérations différentielles en économie.

4. La différentielle et les méthodes de différentiation : la méthode de

Marx

L'opération différentielle n'est pas une procédure simpliste qui égalise 0 à 0 : mais est-ce pour autant une « négation de négation » comme c'est explicitement dit chez Engels ? Au début de son manuscrit de 1881, Sur le concept de fonction dérivée, on lit la chose suivante :

« Introduire dans un premier temps la différenciation et dans un deuxième temps la faire à nouveau disparaître ne mène ainsi littéralement à rien. Toute la difficulté pour comprendre l’opération différentielle (en gros [whatever], comme dans la négation de la négation) consiste précisément à voir comment elle se distingue de cette procédure simple et conduit de la sorte à des résultats effectifs. »6

1

Ibid. p. 215.

2 Alcouffe 1985 p. 210.

3 Cf. Desanti 1975 p. 48-53, tout particulièrement la longue note consacrée à ce théorème. 4 Alcouffe 1985 utilise la notation f(x+h)=f(x)+Ah+Bh2+Ch3+…

5 Pour qu'il soit applicable, la fonction doit être de classe C, c'est-à-dire « indéfiniment » différentiable et de

dérivée continue sur un intervalle ouvert de ¡ et développable en série de Taylor au voisinage de tout point de l'intervalle. Mais comme les séries entières ne suffisent pas - c'est la « failure » en question - pour représenter des fonctions suffisamment générales, on utilise des séries de polynômes : Weierstrass, à partir de 1886 démontre la possibilité d'une telle représentation. Cf. ce qu’on a dit de ce théorème d'approximation dans le chapitre sur Hegel, et le chapitre à venir sur Lautman.

Le programme est tracé, avec la nuance du « comme » qui peut signifier que l’analyse mathématique va primer sur et orienter la systématisation conceptuelle, contrairement à ce qu’Engels propose.

Dans le manuscrit de 1881, Marx analyse d’abord pour une certaine classe de fonctions (d’abord y = ax, puis y = axm

), le processus « réel » de recherche des fonctions génératrices et des différentielles : processus réel, effectif, c'est-à-dire algorithme de calcul. Il étudie alors les lois de ces processus calculatoires de dérivation, et note que ces processus mènent à l’établissement de symboles particuliers indiquant et condensant le « stratagème du fonctionnement » considéré, et cela, selon une différenciation qu’il appelle « algébrique », faisant fond sur la Théorie élémentaire des fonctions analytiques de Lagrange. Le processus en question apparaît donc premier et « réel », contrairement à la définition symbolique, dérivée et abstraite, qui n’a qu’un rôle opératoire, « symbole de procès à mettre en œuvre », « d’opérations de différentiation à effectuer » 1.

Ainsi, après avoir a) étudié les lois de procédés de calculs, il convient b) d’étudier les règles de maniement des nouveaux symboles, afin que soit légitimé la réduction des premiers aux seconds. Enfin, c) il reste à effectuer le calcul sur ces nouveaux symboles, selon une méthode à préciser. Ce qui importe ici, c’est le caractère dialectique du « retour de méthodes »2 : de a) à c) on cherche à comprendre le processus de « production » de la dérivation, à comprendre comment un nouveau symbole est rendu opératoire par la prescription à son endroit d’un « stratagème ». De c) à a), on s’efforce au contraire de réinscrire le symbole dans son origine, c'est-à-dire de retrouver le/régresser au processus réel correspondant3 : retrouver l’équivalent réel du symbolique est d’ailleurs la façon principale, historiquement avérée, de formuler la tâche du calculus4.

Pourquoi Marx appelle-t-il la phase b) « algébrique » ? Simplement parce qu’en elle aucun symbole différentiel ou infinitésimal n’intervient : c’était effectivement le but de Lagrange, comme on l’a rappelé plus haut. Il souhaite donc étudier les processus de dérivation des fonctions analytiques du point de vue de leur réalisabilité effective, attitude comparable à celle de la, première moitié du 20ème siècle, ou un des grands efforts de l’analyse fut la théorie, issue en partie des avancées de la logique mathématique, de la calculabilité, théorie des conditions sous lesquelles une fonction sera déterminée comme effectivement calculable en

un nombre fini d’étapes (par un algorithme adéquat).

Ces processus dépendent des fonctions considérées, et ce terme de fonction prend au moins deux sens : a) fonction « venant de x » (« originelle », ou en x, pure expression de x ; b) fonction « allant vers y », ou de x, assurant la dépendance de y à l’égard de x. Le problème est alors d’analyser les manières de représenter - et de se représenter théoriquement - le changement de variables, et d’expliciter la dialectique dynamisant ce changement. Et c’est ici que la production, institution d’une fonction dérivée à partir d’une fonction primitive, et l’utilisation d’une fonction dérivée sont radicalement distingués : ce qui intéresse d’abord Marx, c’est la production en question.

a. Le cas y = f(x)

Voyons en détail la méthode que Marx propose. Son objectif est d’effectuer une fondation dialectique du calcul différentiel : on va voir que l’innovation, si innovation il y a, est surtout

conceptuelle, c'est-à-dire dans l’approche qu’il propose du statut de la différentielle et de la

dérivée.

1

Ibid. p. 119-20, p. 130 pour les citations. Le coefficient différentiel n’est plus totalité insécable, nombre qualitativement subverti, mais symbole. Dans les deux cas, il me semble que le rapprochement fait avec l’analyse non-standard ne fonctionne que de loin. Celle-ci considère les infinitésimaux comme des quanta réels,

authentiques : ni quanta sursumés, ni simples symboles opératoires.

2

Alcouffe-Marx 1985 p. 127 et p. 134-6.

3 Ibid. p. 126, Compléments, Deuxième ébauche, p. 159 en particulier. 4 Ibid. p. 130-1.

La limite des approches pré-lagrangiennes consiste à partir avec x0  x, ce qu’il convient

au contraire de ne pas faire pour Marx : il faut au contraire laisser réellement varier x0 vers x1.

Reprenons l’exemple 3

yx : quand la variable indépendante x croît ou décroît de x0 vers x1 ,

la variable dépendante y varie conséquemment de y0 vers y1. Marx factorise alors le

numérateur du quotient de différences finies

3 3 1 0 1 0 1 0 1 0 y y x x y x x x x x         : on obtient 3 3 2 2 1 0 ( 1 0)( 1 1 0 0 ) xxxx xx xx .

On voit alors que :

2 2 1 0 1 1 0 0 1 0 (x x )(x x x x ) y x x x       . Dès lors on a 2 2 1 1 0 0 ( ). y x x x x x  Il

faut considérer en les distinguant les processus qui se produisent dans les membres de gauche et de droite.

A droite : Marx appelle l’expression de droite la dérivée provisoire. La question qui se pose alors est la suivante : que se passe-t-il quand x1 « retourne » vers x0 ? En posant x1 = x0,

la dérivée provisoire x12x x1 0x02 est transformée en x02x02x02, ce qui donne tout simplement 2

0

3x . Marx nomme 2 0

3x la dérivée définitive, abrégée en f’(x0). La dérivée

définitive est donc la dérivée provisoire réduite à sa « valeur absolument minimale ».

A gauche : dès lors que x1 a rejoint x0, on a x1 - x0 = 0, ce qui implique que  x 0.

3 3

1 0 1 0

y y y x x

     , de ce fait est aussi égal à 0. Donc y x   est transformé en 0 0. On substitue à ce moment-là dy dx à 0

0, qui symbolise les différences finies y et xcomme

annulées-dépassées, mais seulement dans le membre de gauche : dy

dx est l’expression symbolique, et rien de plus, du procès qui a déjà dévoilé son contenu propre dans le membre de droit de l’équation.

Marx peut alors poser le résultat final : 3 02

dy x dx  , et par généralisation, 2 3 dy x dx  , qui est la dérivée définitive de la fonction f(x) = x3. Autrement dit, la dérivée définitive apparaît pour la première fois comme telle seulement à la fin du processus par lequel x1 a rejoint x0, c'est-à-

dire comme le résultat du processus de différentiation ne présupposant aucune quantité infiniment petite, mais un processus préservé dans sa spécificité différentielle (non algébriquement réduit).

Cette méthode, qui allie le procédé algébrique fondamental tout en maintenant la dimension opératoire de l’approche différentielle, reflète le mouvement réel de variation de la variable. On voit ici la même inspiration que celle qui inspire son approche de la quantification de la plus-value : avant de penser la plus-value comme une quantité « en soi », il faut montrer qu’elle est intégralement pensable dans le processus de développement du capital. C’est en ce sens là que les méthodes antérieures du calcul différentiel, si elles sont formellement correctes, sont conceptuellement dans l’erreur, et c’est cette importante nuance qui constitue l’apport de l’analyse de Marx dans sa spécificité. dy

dx, ainsi, n’est que l’expression symbolique d’un procédé opératoire de différentiation algébrique et réel, c'est-à- dire ne faisant usage d’aucun élément différentiel, et réalisé qui a donné lieu à l’institution d’une dérivée « définitive »

Prenons maintenant un peu de recul. Dès le cas d’une unique variable dépendante y à l’égard de x, étudié dans le manuscrit Sur la différentielle et les trois ébauches et compléments

qui l’accompagnent, Marx récuse l’idée que la production d’une dérivée de f(x) s’effectue avant tout par un accroissement de la valeur de la variable x : il veut trouver f’(x) uniquement à partir de f(x). Le « passage » de x0 à x1 laisse les deux valeurs de la variable indéterminées.

Or il n’est pas question de dire que x1 = x0 + x, car cette égalité serait la somme de la valeur

initiale et de son accroissement x. En effet, du point de vue de la genèse – de l’objet x1, il

faut d’abord penser le passage de x0 à x1, avant de pouvoir penser leur différence (x1 – x0=

x). Autrement dit, l’accroissement quantitatif, expression positive de la différence, est le résultat et non l’origine du changement de valeurs, lequel, ne permet d’abord que de penser la

différence comme différence, c'est-à-dire selon son expression négative. 1

Il convient donc de penser le passage de x0 à x1, ensuite d’exprimer l’obtention de f’(x) à

partir de f(x) à partir du changement de f(x0) en f(x1). Les différences x1 – x0 et f(x1) -

f(x0) ne sont des quantités qui n’ont conceptuellement droit de cité qu’en dernière étape. La

définition de la dérivée correspond donc d’abord à la création d’une « différence finie » x1

x0 non égale à 0, puis dans le dépassement de cette différence x et du quotient obtenu de

f(x1) - f(x0) = y par x. Le procès de différenciation est donc un procès réel de formation

d’une « dérivée provisoire », le quotient

x y

 

selon deux phases. L’annulation des membres du quotient

x y

 

est alors considérée2 (chaque différence est posée égale à 0 ; ce que d’une autre façon on considère comme sa valeur limite). La variation de la variable est procès : son résultat est donc le produit du procès : par réduction (x1 est « réduite à sa valeur

minimale » ainsi x1 – x0 = 0),

0 0

(expression mystique) permet3 de construire

(1)

dx dy

= f’(x) et par suite dy = f’(x)dx.

L’usage de l’infiniment petit actuel n’est donc pas récusé (par x1 - x = 0). Cette annulation-

réduction, qui pour Marx est une négation de négation, ressemble certes à l’obtention de la valeur limite du quotient : mais comme la différence reste finie, on n’introduit pas d’objet suspect, c'est-à-dire « sans aucune fable d’un rapprochement infini » expressif d’un infini plus potentiel et indéterminable.4 Cette méthode prônée par Marx, héritée de Lagrange, permet d’avoir dans (1) un membre de droite sans aucun symbole différentiel. L’essentiel, et c’est ce qui est le plus propre à Marx, le plus original, c’est d’oser écrire « résolument et sans détours »5 dx dy = 0 0

(comme le faisait Euler).

Plus généralement, il ne faut surtout pas confondre – ce qu’on fait les inventeurs du calcul - la différence Δx avec la différentielle6 dx : c’est mot pour mot la critique que Hegel adresse à Newton, lequel, selon un artifice ingénieux et pratique, prend la différentielle d’une fonction

xy pour équivalente à son incrément (x + dx).(y + dy), égalisation justifiée par la

1 Cf. Ibid. p. 188-9. On sait que ce souci de penser l’accroissement des variables et les effets qui s’ensuivent est

récurrent dans son œuvre économique : ainsi, bien que l’analyse proprement mathématique soit plutôt autonome chez Marx, elle révèle une même perspective, un même principe de méthode.

2 Ibid. p. 117.

3 Voir le résumé de cette méthode algébrique en Ibid. p. 187-8. 4

Cf. Ibid. p.137 : « x peut décroître de façon infinie, quoiqu’il s’agisse d’une différence finie, x peut s’approcher de 0, autant qu’on le veut, devenir ainsi infiniment petit, par conséquent il en va de même pour y

qui dépend de x… il vient que dy ne désigne pas réellement le rapport extravagant

0

0, mais au contraire

représente la tenue d’apparat de x y

». Voir aussi p. 118.

5 Lettre de Engels à Marx du 18 août 1881. Cf. Alcouffe 1985 p. 214. 6 Ibid. p. 137 § 1.

négligeabilité de facto de leur différence1, mais qui implique une incorrection algébrique et géométrique2.

Autrement dit, l’innovation, si l’on peut dire, de Marx3, consiste en le procédé tiré de l’idée

de cette annulation (Aufhebung) du quotient des différences : comme le résume très justement Engels,

« Ce procédé aurait dû soulever le plus grand intérêt, étant donné, en particulier, qu’il démontre clairement que la méthode habituelle, qui néglige dx, dy etc., est positivement fausse. Et la beauté toute particulière de la chose, c’est que ce soit seulement lorsque

dx dy = 0 0 et seulement

alors, que l’opération est mathématiquement absolument juste. »4

Le procès algébrico-symbolique peut alors s’ensuivre : la question était donc d’examiner précisément la façon dont change la variable, afin de distinguer et d’enchaîner la formation du quotient des différences, et l’acte de dérivation lui-même5

: considérant l’équation f (x)

dx

dy

, il écrit

« C’est précisément au cours du procès de différenciation que f(x) doit parcourir en f’(x) que son double

0 0

ou

dx dy

apparaît comme l’équivalent symbolique dans le membre de gauche faisant face au coefficient différentiel réel. D’un autre côté

0 0

ou

dx dy

a trouvé, ainsi, son équivalent réel. »6

En résumant le propos7 :

(a) on effectue, selon la méthode lagrangienne, le processus de différenciation algébrique, qui aboutit à une dérivée sans expression différentielle, et dont l’équivalent symbolique différentiel va pouvoir de nouveau servir de point d’appui.

(b) on peut alors utiliser la méthode différentielle, en se plaçant au « point de vue de la somme » selon son expression, c'est-à-dire en posant x1x0   h x, la différence est une somme implicite (x1 = x0 + h, c'est-à-dire une somme), et là, après la première phase

seulement, h peut être considéré comme accroissement. Et l’on retrouve alors le mode de

représentation classique, utilisé par Engels : avec x1x0   h x on pose f(x1) = f(x0+x).8

(c) Marx propose comme substitut au concept de limite celui d' « expression absolument minimale » : ce concept introduit par Newton9 est pour lui une « hypothèse métaphysique et non mathématique ». On voit rétrospectivement ici qu'Engels ne s'intéresse qu'à l'aspect

1 La différentielle première d'une fonction réelle continûment dérivable donne effectivement une bonne

approximation de son accroissement pour de petits incréments des variables.

2 Cf. Hegel 1812 p. 267-8 et chapitre précédent. On rappelle que la différentielle de xy est xdy + ydx, l'incrément

de xy est (x+dx).(y+dy) - xy = xy + ydx + xdy + dxdy - xy. Ce qui donne, quand on pose l'égalité : xdy + ydx =

ydx + xdy + dxdy. L'égalisation entre cet incrément et la différence fait immédiatement apparaître dxdy en

surplus dans le second membre représentant l'incrément.

3

Alcouffe 1985 Ebauche VII, p. 181-7.

4

Lettre à Marx du 18 août 1881.

5 Aujourd’hui encore on définit, pour une fonction f de variable réelle, dérivable en x, sa dérivée comme la limite

de ce quotient : voir plus haut la figure et le court exposé adjoint. Le problème, alors, est celui du concept de limite, encore confus, auquel, sans développer le point, Marx propose comme substitut celui d’« expression absolument minimale ». Cf. Ibid. p. 171 et Complément XII p. 219.

6 Ibid. p. 126. 7 Ibid., p. 129-30.

8 Et l’on établit alors la valeur-limite du rapport

dx dx)-f(a)

f(a des différentielles (on reprend ici la notation

utilisée dans le chapitre sur Engels).

instrumental de la différentiation, non à ses conditions méthodologiques de possibilité, qu'il ne considère qu'après la sollicitation de Marx. La condamnation du concept impliquée par cette perspective « néo-lagrangienne » tient au fait qu'il révèle l'usage d'un mauvais infini, par le biais du « rapprochement » de la variable vers 0, comme on l'a précisé plus haut. Les rapports d'équivalence entre les membres d'une équation, par exemple dans

0 0 (ou ( ) dy f x

dx   ) sont à privilégier systématiquement au détriment de la limite de quotients (comme f x( dx) - f(x)

dx

). Pour autant, il ne recule pas dans leur usage à des fins de clarté d'exposition, comme on l'a vu concernant les relations entre le droit et le courbe chez Engels. Ainsi,

« Le concept de valeur limite est, ainsi, trompeur et induit constamment en erreur. Dans les équations différentielles [i.e. pour Marx, les formules générales du calcul différentiel présentées sous forme d'égalités], il est utilisé en tant que moyen pour se préparer à poser x1 – x = 0 ou h = 0

et pour rapprocher ceci de sa représentation : – un enfantillage qui a son origine dans les premières méthodes du calcul mystiques et mystificatrices.

Lors de l'application des équations différentielles aux courbes etc. elle sert effectivement à rendre les choses plus claires géométriquement. »1

Cette phrase est particulièrement claire : elle résume les éléments clé de son analyse, et c’est pour cela qu’elle conclut le Complément XII portant sur les multiplicités des acceptions des termes « limites » et « valeur-limite ».

Une remarque essentielle s’impose ici : la détermination marxienne de la dérivée (ce que suggère L. Schwarz dans la citation donnée plus haut) est affectée d’une importante limite. Elle ne peut être totalement valide puisqu’elle exige que la division de f x( )1  f x( 0) par

1 0

xx soit possible, ce qui n’est pas toujours le cas. b. Le cas y = f(x) = uz

La dérivée dy est udz + zdu : elle s’obtient en exprimant en première instance

dx du z dx dz u dx

dy , qu’en seconde instance on multiplie de façon homogène par dx. Dans

l’expression complète de la dérivée, u et z dépendent de x : contrairement au cas y = f(x), des symboles différentiels apparaissent dans le membre droit de l’équation. Ils sont les « équivalents symboliques de fonctions de variables dérivées qui ont [à] accomplir des procès de différentiation déterminés »2 : u et z. Les symboles différentiels, ainsi, initialement résultats de procès de différentiation – c'est-à-dire indicateurs d’une généalogie opératoire – peuvent, « à l’inverse », devenir des symboles de procès à venir :

« Le fin mot de cette histoire, c’est que nous obtenons grâce à la différentiation elle-même,

les coefficients différentiels sous leur forme symboliques en tant que résultat, en tant que valeur [de dx

dy

dans] l’équation différentielle. »

« Ce rôle, dans lequel ils indiquent les opérations à effectuer et servent par là de points de départ, est leur rôle spécifique dans le calcul différentiel qui se déploie déjà sur son propre terrain, mais il est certain que ce changement, ce renversement des rôles, n’a été pris en considération par aucun mathématicien… Lagrange, au contraire, prend comme point de départ la dérivation algébrique des fonctions réelles des variables indépendantes et… fait des symboles différentiels des expressions purement symboliques des fonctions déjà dérivées. »3

1

Alcouffe 1985 p. 222.

2 Ibid. p. 152. 3 Ibid. p. 153-4.

Où l’on comprend pourquoi Marx parle d’un « retour » ou « renversement » de méthodes. Notons que ces coefficients différentiels symboliques, afin de donner un résultat positif, exigent que l’équation d’une courbe déterminée, par exemple une parabole, soit donnée, afin que des questions particulières soient traitées, comme la détermination de la tangente à cette parabole en un point1.

Bilan

De même qu'avant que Feuerbach, puis Engels et lui-même, n'affirment que la vérité de la dialectique hégélienne était le matérialisme dialectique et sonnent le glas de l'idéalisme, il fallait que ce dernier fut poussé pleinement à ses extrémités et ses contradictions : ce qui a été

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