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Le marxisme comme science ? Mais alors, quelle science ?

Remarques préliminaires

1. Le marxisme comme science ? Mais alors, quelle science ?

Qu’entends-je ici par « continuité ambivalente » de ce paradigme avec la pensée hégélienne ? Mon idée est qu’il y a une continuité fondamentale qui s’exprime dans

l’ambition d’instaurer un régime de scientificité distinct de celui des sciences positives, qui ne se substitue pas à elles, tout en prétendant dégager ce qui, en elles, fait véritablement œuvre de connaissance objective et ce qui s’y oppose concrètement. Seulement l’ambivalence de

cette continuité est plurielle : on verra concrètement la proximité, voire l’identité chez les trois penseurs, d’un certains nombre d’argumentations concernant les mathématiques. Mais la question plus fondamentale que l’on peut se poser est la suivante : qu’est-ce qui est effectivement repris à Hegel par Marx (et Engels, mais le problème est moins saillant pour ce dernier), et qui rendrait raison de la continuité évoquée ci-dessus entre les deux, à savoir la présence d’un méta-discours, relativement aux sciences positives, qui prétende faire science authentique et aboutisse à cet objectif par la mobilisation de schèmes dialectiques ?

Le problème du rapport de Marx à Hegel a donné lieu à tant de travaux qu’il est évidemment hors de question de le traiter ici : les indications qui vont suivre vont seulement essayer d’exposer les éléments par lesquels il me semble factuellement possible de comprendre les ambivalences du discours marxiste sur les sciences « dures », et en particulier, les mathématiques, chez les fondateurs comme au 20ème siècle. Je pense que la meilleure voie pour cette compréhension passe par l’exposé des grandes lignes de l’effet révolutionnaire

revendiqué (sous l’appellation de matérialisme dialectique), pour la pratique de la philosophie, que représente l’instauration par Marx de la science de l’histoire : je reprends

cette distinction dans les formes que lui a donné Althusser1, et c’est à partir de cette distinction que je formulerai plus bas la problématique générale des deux chapitres à venir.

Cet effet révolutionnaire revendiqué, pour la pratique de la philosophie, est résumé dans la XIème thèse sur Feuerbach : la philosophie doit transformer le monde, et pas seulement l’interpréter. La simplicité de l’expression est fort trompeuse, dans la mesure où cet énoncé est une conséquence de l’instauration de la science de l’histoire et des modalités propres de cette dernière. Cette science de l’histoire se présente, chez Marx, comme analyse du mode de production capitaliste, axée sur la matérialité des rapports de production entendu comme un

1 Cf. Althusser 1968-1982, ouvrage sur lequel je me base essentiellement pour les présentes références, et

notamment la section de la seconde édition « Marx et Lénine devant Hegel », et la synthèse qu’est la Soutenance

d’Amiens, Althusser 1975. Bidet & Kouvélakis 2001 m’a servi à de nombreuses reprises ici, et en particulier la

tout en procès « sans sujet » possédant des lois tendancielles. Je reviens dans la section consacrée à Marx plus bas sur la méthode du Capital : ce qui importe ici d’une part, c’est de noter que cette matérialité est exprimée par la thèse de la détermination économique en

dernière instance du système capitaliste. Cette idée chez Marx et Engels même, exprime le

fait qu’il y a d’autres déterminations que la détermination économique : l’analyse doit, en particulier, montrer comment opère cette détermination essentielle malgré la pluralité des facteurs. Ce premier élément est essentiel, puisqu’il fixe la base du matérialisme historique : l’objectif est de rendre raison du procès du capitalisme, « procès » désignant ici un « développement considéré dans l’ensemble de ses conditions matérielles »1.

La matérialité du procès, et le procès lui-même, sont donc les éléments fondateurs. Marx veut en rendre raison, tout en ayant pleinement intégré deux éléments clés – et c’est une des significations profondes de la rupture théorique que constitue le marxisme – : cette analyse est elle-même déterminée matériellement, et affectée d’une dimension processuelle2. L’histoire est un procès sans sujet, de même que chez Hegel le procès de l’Idée (de la logique, de la nature puis de l’histoire) n’a d’autre sujet que le procès lui-même dans sa téléologie interne. Mais l’effort de connaissance objective de ce procès est procès lui-même, opérant sur une matière première particulière. Ce procès de connaissance objective se résume dans la méthode censée instaurer un régime nouveau et authentique de scientificité : la méthode anti- empiriste consistant à s’éléver de l’abstrait au concret, méthode travaillant sur les catégories antérieures, léguées par l’histoire, des pensées du socialisme français, de l’économie politique anglaise (essentiellement celle de Ricardo) et de la philosophie allemande (et en particulier, la pensée hégélienne et l’humanisme de Feuerbach)3

. Là encore, on reviendra de façon récurrente sur le sens de cette méthode : le problème qui y est immédiatement afférent, c’est la place de la dialectique en elle. L’idée d’Althusser, c’est que cette dialectique est chez Marx tout autre que celle du discours hégélien : mais cette idée est loin d’être une évidence,

justement dans la mesure où Marx n’a pas écrit sur la dialectique proprement dit, malgré son projet explicite. Concrètement a été maintes fois défendue, par Lénine notamment, l’idée que

la philosophie authentique de Marx est à « l’état pratique » dans le Capital, que si philosophie, et notamment si dialectique il y a, dans l’œuvre scientifique de Marx, c’est dans le Capital qu’il devra falloir la trouver : d’où le mot d’ordre d’Althusser « Lire le Capital ».

Ce mot d’ordre repose sur deux thèses corrélatives. D’une part celle du nécessaire retard de la philosophie sur la science, et en particulier, de la philosophie marxiste, le matérialisme dialectique, sur la science marxiste, le matérialisme historique. D’autre part, celle affirmant que ce retard nécessaire, c'est-à-dire la thèse du besoin de temps (de digestion historique) pour l’élaboration systématique des catégories adéquates de cette philosophie, témoigne de ce que la philosophie supposée à « l’état pratique » dans le Capital n’est pas, loin s’en faut, une philosophie spontanée, non consciente (contrairement aux « philosophies spontanées des savants » que le Cours de philosophie pour scientifiques d’Althusser étudie spécifiquement), mais autre contraire, révèle une nouvelle pratique de la philosophie. C’est cette nouvelle

pratique de et dans la philosophie qui constitue l’effet révolutionnaire suggéré ci-dessus, que

Engels puis Lénine vont s’efforcer eux d’expliciter, et que le champ marxiste du 20ème siècle prendra notamment comme objet de ses investigations.

Autrement dit l’instauration de la nouvelle science de l’histoire, du continent histoire, à l’image pour Althusser de l’instauration des mathématiques dans l’antiquité grecque et de la physique mathématique avec Galilée et Newton, provoque une révolution dans la philosophie. Le matérialisme dialectique, « pratique » chez Marx, et explicité théoriquement comme tel ensuite, doit faire corps avec la science de l’histoire en en réfléchissant (au sens d’une réflexion historiquement seconde mais épistémo-logiquement coextensive) les catégories et thèses fondatrices : et ce matérialisme dialectique doit être simultanément instrument de pensée des contradictions de la société bourgeoise et schème praxéologique efficace, car

scientifiquement adéquat, pour l’organisation de la lutte ouvrière. Cette philosophie doit

1

La définition est de Marx, citée in Althusser 1968-1982 p. 78.

2 Si Hegel a pleinement saisi cette seconde détermination, la première lui est parfaitement étrangère. 3 Ce sont les trois « sources » canoniques du marxisme.

penser et surtout incarner l’union de la théorie et de la pratique, c'est-à-dire être partie prenante de l’être social et de son appréhension théorique. Elle ne peut ainsi être simplement considérée comme un corpus philosophique parmi d’autres, mais doit l’être comme l’expression la plus générale des instruments essentiels d’une science de la pratique sociale et

de l’histoire. Mais elle est aussi porteuse d’une ambition massive qui excède ce premier

objectif : elle doit être la sève d’une science générale des processus, naturels et historiques,

processus pour l’essentiels justiciables d’une expression dialectique. De ce point de vue,

déterminer ce qu’est la dialectique marxiste1

est aussi difficile que déterminer le marxisme lui-même : elle fait corps avec lui.

En résumé, la XIème thèse sur Feuerbach exprime la nature et la fonction opératoire de la philosophie, entendue comme moment théorique spécifique d’une pratique sociale : en quoi cela indique-t-il une nouvelle pratique de la philosophie ? En ce que la philosophie est ici présentée comme un visage de l’intervention scientifique marxiste : une fonction de déplacement, de déconstruction, de démarcation, dans le champ philosophique existant, des catégories traditionnelles associées aux concepts des sciences. Dit autrement, cette thèse sur Feuerbach résume le fait que la philosophie est au fond lutte de tendances, lutte millénaire entre la tendance idéaliste et la tendance matérialiste, et qu’il faut pratiquer la philosophie non pas en l’aliénant à ses formes traditionnelles qui sont biaisées, mais en changeant son

mode opératoire. L’idée est que les catégories philosophiques ne peuvent que s’élaborer

progressivement, dans le et à partir du travail de la science nouvelle d’une part, et d’autre part, que le champ philosophique est un laboratoire théorique d’expression des catégories requises par les concepts naissants de la nouvelle science. Le résultat est le suivant : il faut substituer aux formulations idéalistes des questions philosophiques (par exemple, celles du sujet, de la liberté, etc.) la formulation matérialiste des problèmes de connaissance objective : la philosophie ainsi nouvellement pratiquée doit faire disparaître l’ancienne philosophie et être le lieu de reformulation opératoire des problèmes de la science. Ce qui rappelle qu’un problème de connaissance objective, un problème scientifique, a des effets philosophiques, et que réciproquement, le questionnement philosophique ainsi infléchi aide les concepts scientifiques à s’affiner2

.

C’est dans ce contexte là, me semble-t-il, qu’il va falloir comprendre l’ambiguïté de l’entreprise d’Engels traditionnellement nommée « dialectique de la nature ». Cette révolution philosophique provoquée par la nouvelle science de l’histoire, va chez lui, prendre de façon centrale pour objet les sciences de la nature et les mathématiques. Le besoin d’une réflexion ni naïvement empiriste, ni métaphysique, mais pas seulement programmatique, sur les sciences naturelles, et par là, d’une étude des lois de la pensée dans les modes par lesquels elle

s’approprie le réel plutôt qu’elle ne le reflète, vont exiger une gnoséologie explicitant les conditions d’une investigation à caractère scientifique de l’intégralité des processus du réel.

Une telle épistémologie de la connaissance, Erkenntnislehere ou gnoséologie ne pouvait que reproduire la dualité entre sa situation anthropologique, produit objectif d’une appréhension du réel, et sa fonction critique, anti-idéologique, de destitution des illusions idéalistes / spéculatives. Le « matérialisme dialectique », de ce point de vue, nomme la récusation par principe de la question de la nature de la pensée3, donc de la théorie, qui est moment du réel, en incarnant la transposition du problème à la pratique : la théorie marxiste de la connaissance, analyse des processus de constitution conceptuelle de l’objectivité scientifique, est ainsi conduite par Engels à préciser ses conditions d’opérativité à partir de la dialectique

dont elle est juge et partie.

Si on réduit cette dialectique à un schème dogmatique, elle devient reine des sciences, à l’instar de sa canonisation dans et par l’épistémologie stalinienne, et retombe ainsi, comme

1 Cf. Labica & Bensussan 1985 pour des bilans préliminaires des problématiques générales que l’on évoque ici. 2 Ce qui est une autre façon de dire que si l’instance de la connaissance objective, à l’image de la détermination

économique dont celle-là s’occupe, est déterminante en dernière instance, elle n’est pas la seule à produire des effets concrets.

3 Savoir si elle est réelle ou irréelle est une question « purement scolastique » selon la seconde Thèse sur

Sartre1 et d’autres l’ont montré, dans les travers des anciennes métaphysiques. Mais c’est aussi et surtout sa fonction critique et prospective, révolutionnaire autant au niveau scientifique qu’au niveau pratique qu’il convient d’avoir à l’esprit. Cette dialectique n’est pas seulement l’instrument d’une sociologie des pratiques théoriques, elle est « théorie de la connaissance du marxisme qui se caractérise comme théorie de l’unité de la dialectique subjective et de la dialectique objective, du procès de la nature et de l’histoire et du procès de la connaissance de la nature et de l’histoire, reflétant le premier procès, en son sein » (Lénine). Et tout en étant cette théorie, elle en est simultanément la porte privilégiée de son appréhension, suivant le problème général formulé par Hegel.

Deux éléments sont ici centraux : la tension, ici formulée comme une dualité objective, entre une acception objectiviste-objective de la dialectique, dont le dogmatisme est le pendant possible, et une acception subjectiviste-subjective, dont la susdite fonction critique serait au contraire le corrélat, et la problématique corrélative de cette dualité du reflet en pensée d’une dialectique réelle. Il convient bien sûr de ne pas prendre ces dichotomies de façon figées : l’opposition à Hegel de Marx est un des indices majeurs de cette nécessité : cette opposition est inintelligible par les seuls thèmes du renversement, ou de la présence d’un « noyau rationnel » extrait par l’héritier des spéculations du premier2. Le travail effectué dans le

Capital, au-delà les formules lapidaires sur la gnoséologie, expose une théorie de la validité

scientifique enveloppant une position philosophique de type « théorie de la connaissance » transparaissant par intermittences derrière le discours scientifique. A ce niveau là, comme le rappelle énergiquement D. Collin, le « matérialisme » agit plus comme obstacle épistémologique que comme élément d’élucidation. L’association intime entre contenus et formes-catégories des savoirs est le lieu d’une théorie particulière de la connaissance qui révèle son appartenance à la continuité systématisante de la philosophie allemande, même si elle est bien plus qu’une simple « épistémologie » descriptive : faire œuvre scientifique, c’est faire système, et cela, au sens de la Wissenschaft qui excède l’acception positiviste (cette dernière perdure encore aujourd’hui) de ce qu’est une science.

Deux éléments complémentaires sont indispensables à cette première mise en perspective : (1) D’une part, la tradition marxiste a progressivement mis en avant le concept de praxis3

. Il va devenir plus que central, puisqu’il permet de déterminer plus avant, en particulier dans le complexe né avec Lukacs et Gramsci de la « philosophie de la praxis » dans la première moitié du 20ème siècle, le « renversement » du problème du rapport entre théorie et pratique, et ainsi de penser à nouveaux frais la spécificité du moment théorique4. On verra qu’il est

1 Sartre 1946, 1960 Introduction. Cf. Aussi Kahn 1986, Tosel 1995, 2001 et 2004. 2 Cf. Colin 1995 sur l’incomplétude de ces instruments exégétiques.

3

La « praxis » désigne chez Aristote l’activité (exercée par un homme libre) qui possède en elle-même sa propre fin, contrairement à la poiesis. Ce sens initial a transparu inégalement lors de son émergence en Allemagne au début du 19ème siècle : le terme signifie plus généralement pratique ou action, et véhicule une charge spirituelle importante (Cieszkowski), celle d’une intériorité consciente de soi, qui reprend la posture de la philosophie hégélienne de l’histoire. M. Hess réinscrit ce sème dans une temporalité historique liée aux capacités transformatrices concrètes des individus, mais le terme devient un concept réellement opératoire avec les Thèses

sur Feuerbach (1845) où, contre les tentations abstraites de ces acceptions idéalistes, l’accent est porté sur

l’activité sensible et pratique des individus produisant leur propre auto-engendrement via la transformation matérielle de la société et de la nature. La praxis est ainsi devenue guide et critère d’une rationalité théorique et pratique en devenir, instance première des élucidations philosophiques et scientifiques. Les notions de lutte de

classes et de production on cependant pris progressivement place à son détriment dans le corpus marxien.

4 Lukacs fait porter sur la praxis du prolétariat l’espoir et la fonction universelle d’une réconciliation, rendue

possible par l’effectivité révolutionnaire portée par le Parti, des membres désunis d’une humanité réifiée par le capital ; d’Histoire et conscience de classe (1923) à son Ontologie de l’être social (1964-1971) il atténuera cependant la dimension eschatologique initialement véhiculée. Gramsci quant à lui, déplaçant la question du matérialisme vers celle de l’immanence de la résolution sociale des contradictions du capital à la praxis pratico- théorique d’un prolétariat organiquement plus différencié, et en ré-instituant en elle la centralité de la dialectique, en fait un concept central du marxisme. C’est à ce titre, qu’individuelle ou collective, elle devient un pivot des perspectives diversement marxiennes de L. Goldmann, M. Merleau-Ponty, ou H. Lefebvre, en sus de sa prégnance récurrente dans la pensée italienne. La « pratique théorique » d’Althusser, de même, est

possible et légitime d’articuler la thèse de la primauté de la praxis (en suivant notamment Sartre) à celle, officiellement « plus » marxiste que la précédente, selon laquelle le procès historique est procès sans sujet, et en particulier, selon laquelle l’histoire des sciences est

procès sans sujet de constitution des connaissances scientifiques. J’insiste dès maintenant sur

cela, parce que cela va à l’encontre de la thèse althussérienne selon laquelle une philosophie de la praxis (comme celle de Sartre) est nécessairement un avatar des conceptions idéalistes du sujet1. La conclusion du présent travail sera en partie axée autour de l’affirmation de la compatibilité essentielle de ces deux thèses.

(2) Conformément à l’idée qu’une innovation ou une grande découverte scientifique a des effets philosophiques révolutionnaires, j’exprime maintenant la ligne interprétative qui va gouverner en profondeur, dans les deux chapitres suivants, la restitution des analyses marxienne, engelsienne, et marxistes (je vise ici la tradition du 20ème siècle) sur les mathématiques. Ces analyses sur les mathématiques sont philosophiques, et témoignent de cette nouvelle pratique de la philosophie initiée implicitement par Marx dans le Capital, et tout aussi implicitement dans ses manuscrits mathématiques.

Ces analyses ne se font pas du point de vue de la science de l’histoire, du matérialisme historique proprement dit, mais du point de vue philosophique du matérialisme dialectique, comme effet médiat de cette science de l’histoire. Concrètement, ce que l’on va voir, et ce, malgré les oscillations de statut et les errances métaphysiques du « diamat », c’est que les philosophies marxistes ou marxisantes vont pratiquer systématiquement la lutte contre

l’idéalisme, et en particulier, la déconstruction des concepts d’objet et d’existence mathématiques. On verra tout particulièrement en quoi la critique du réalisme ou platonisme

mathématique, ainsi que les formes diverses et les conséquences de cette critique, sont des effets philosophiques, associés à l’institution en philosophie de nouvelles catégories, de la nouvelle conception scientifique de l’histoire des formations sociales comme procès sans

sujet.

Plus précisément, comme effet de cette nouvelle conception, on verra que le champ philosophique marxiste, de façon plurielle et pas forcément explicite, tout en reconduisant en

philosophie l’ambiguïté, vue chez Hegel et Marx, du statut du méta-discours dialectique, et en

l’occurrence matérialiste, livre des éléments féconds à la fois pour des questions standards de

philosophie des mathématiques, et d’épistémologie de l’histoire des mathématiques. 2. Marx et Engels face aux problèmes des mathématiques du 19ème siècle

Du point de vue de l’histoire des mathématiques, Engels et Marx appartiennent, dans la périodisation que propose P. Raymond2, à l’époque où les philosophies de l’infini ont perdu leur légitimité initiale3 : celle qu’elles avaient conquise aux 17ème et 18ème pour suppléer aux carences conceptuelles des mathématiques infinitésimales, et ce, du fait du tournant qu’a représenté l’algébrisation du calcul infinitésimal par Lagrange. Chronologiquement parlant, ils appartiennent au moment suivant, celui de l’idéologie de la rigueur. Seulement, on va voir

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