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b Les propositions visant à prévenir les violences sexuelles et à faciliter l’accès à la justice

La nécessité de développer une politique d’éducation à la sexualité afin de prévenir les violences est partagée par les parlementaires quoique sur des fondements différents388,

Cet objectif de prévention se double d’un objectif de connaissance de la réalité criminologique lorsqu’il est proposé la création d’un « Office central pour la protection de la femme389 » travaillant en collaboration avec les ministères de la justice et de la santé.

388 Comme en témoignent les prises de parole des parlementaires : Selon Hélène LUC, il faut « aborder dès

le plus jeune âge, la sexualité comme un élément d’épanouissement de l’être humain. » S1, p. 1792.

Brigitte GROS parle aussi du problème capital de l’éducation des garçons dans les collèges et dans les lycées (S1 p. 1792)

Tandis que pour Robert HÉRAUD: « La prévention se fait d’une manière systématique dans bien d’autres

domaines : l’alcool, le tabac, la drogue. Pourquoi ne pas prévoir un volet sur les risques encourus par la pratique de cette sexualité dangereuse ? Il faut mettre en garde les jeunes femmes, en particulier, leur donner des conseils susceptibles de les prémunir et de leur éviter d’être de trop facile victimes, comme cela est souvent le cas, ainsi que le prouve la lecture des différents procès. » AN1, p. 332. Je

souligne.

389 Proposition de Mme GROS. Cet organe serait en outre chargé « d’animer et de coordonner au plan

national la recherche et la répression des agressions, notamment des viols, commises contre les femmes », dans le but de rendre les enquêtes plus efficaces.

Les parlementaires sont par ailleurs soucieux de faciliter le dépôt de plainte en restreignant les obstacles identifiés et dénoncés dans le débat public. Les mesures proposées sont alors une réponse aux enjeux financiers390 ou aux difficultés

psychologiques391 générés par une plainte pénale. La critique relative à la lenteur de la

justice est également prise en compte à travers la proposition de circonscrire la durée de l’instruction392.

Enfin, certaines mesures traitent de l’audience : parité du jury d’assises393, constitution de

partie civile des associations aux côtés des victimes394 - dont l’accord n’est d’ailleurs pas

prévu -, huis clos, de droit à la demande de la victime395 , dont l’identité ne peut être

révélée par les médias396.

Au titre de la répression, on ne relève qu’une seule proposition défendue par Mme GROS qui souhaite que, sur décision de la Cour d’assises, le jugement de condamnation puisse faire l’objet d’une publication dans les journaux ou d’un affichage - pendant trois mois - dans la mairie du lieu de résidence du condamné.

La plupart de ces propositions seront écartées. Soit parce qu’elles sont du ressort administratif, soit parce qu’elles créeraient une discrimination entre les victimes ou des différences indues entre affaires criminelles. Le cœur de la réforme portera finalement sur

390 Par exemple en différant la consignation due en cas de partie civile : « La consignation pour constitution

de partie civile sera différée pour être ajoutée aux dépens du procès. » Proposition de MM.

MITTERRAND et SCHWINT.

391 Ces mesures visent à :

- Eviter aux femmes de se rendre dans le bureau de police pour y déposer une plainte, notamment par l’envoi d’un certificat médical directement au procureur.

- Créer un service médico-social dans chaque hôpital, lequel « délivrerait ensuite une pièce qui tiendrait lieu de plainte adressée à la police par les victimes. » (proposition de Mme LUC)

- Organiser un accueil des victimes par des femmes policières et magistrates, spécialement formées aux violences sexuelles (proposition de Mme GROS)

- Permettre à la victime d’être accompagnée par une personne de son choix (proposition de Mme LUC)

392 En la limitant à 3 ou à 6 mois par un arrêt spécialement motivé de la chambre d’accusation. Propositions

de loi de Mme GROS et de Mme LUC

393 Mesure instaurant la parité des jurés (proposition de Mme LUC).

394 Constitution de partie civile de « toutes les organisations ayant une représentativité nationale, intéressés à

la défense et à la protection de la femme » (proposition de Mme LUC) ou de « toute association offrant des garanties suffisantes de représentativité et se proposant, par ses statuts, à la défense des droits des femmes, pourra exercer les droit reconnus à la partie civile » (propositions de MM MITTERRAND et SCHWINT).

395 Propositions de lois de Mmes GROS et LUC. Les propositions de MM. MITTERRAND et SCHWINT

prévoient que le huis clos ne peut être prononcé qu’avec l’accord de la victime.

la définition des éléments constitutifs de l’infraction de viol et, par connexité, de celle d’attentat à la pudeur, et sur leur répression.

Les débats parlementaires commencent au Sénat mardi 27 juin 1978 en soirée, la discussion générale s’achevant dans la nuit, devant un auditoire très clairsemé. Ces circonstances se reproduiront tout au long des débats et seront dénoncées par des parlementaires397. Par ailleurs, ils se prolongent sur plus de deux années et cette lenteur

du processus parlementaire est également critiquée398, principalement par les partis

d’opposition, qui l’opposent à la célérité de l’adoption de la loi « Sécurité et Liberté ». S’appuyant notamment sur les statistiques : « En 1975, 1589 plaintes ont été déposées et

seules 323 condamnations ont été prononcées pour viol ! 399», les parlementaires sont

pourtant unanimes sur la nécessité d’adopter une nouvelle loi. Ils déclarent que le régime juridique relatif aux violences sexuelles n’est pas adapté400 à la société des années 80 et

qu’il doit être réformé. En revanche, ils divergent quant à l’analyse de la réalité des violences sexuelles et quant aux solutions à mettre en place. Dès lors, le régime juridique des infractions de viol et d’attentat à la pudeur, issu du processus parlementaire, reflète les compromis nécessaires à l’aboutissement de la loi du 23 décembre 1980.

2. Les perceptions et analyses parlementaires des violences sexuelles

Quelles que soient leurs tendances politiques, les parlementaires partagent les critiques relatives au traitement juridique et judiciaire du viol et de l’attentat à la pudeur. En revanche, ils diffèrent dans leurs analyses politiques des violences sexuelles.

397 Philippe MARCHAND constate : « Nous devons débattre aujourd’hui d’une question importante :

importante sur le plan social et importante sur le plan juridique. On, je constate que nous sommes très peu nombreux dans cette enceinte, plus particulièrement d’ailleurs du côté de la majorité. », AN1, p.

322.

398 Hélène CONSTANT (PC) s’interroge sur les raisons de ces délais : « Est-ce que par hasard, la protection

des femmes contre les violences sexuelles serait une question mineure ou une question gênante ? Et pour qui ? », AN1, p. 330.

Rolande PERLICAN (PC) : « Faut-il que le pouvoir, contrairement aux affirmations officielles, soit peu

soucieux de codifier une telle réforme des mœurs, de souscrire à la volonté manifestée par les femmes de se libérer des pesanteurs héritées des millénaires. » , S2, p. 2089.

399 Robert SCHWINT, S1, p. 1790.

400 Par exemple : M. Edgar TAILHADES: « la législation actuelle sur le viol est incontestablement

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