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a Crime de viol, délit d’attentat à la pudeur avec violence

Initialement vouée à la disparition, l’infraction d’attentat à la pudeur a finalement été conservée lorsqu’il fut admis que, même élargie, la nouvelle définition du viol ne couvrait pas toutes les formes de violence sexuelle. L’ancien crime d’attentat à la pudeur devient toutefois délit ce qui n’est pas sans introduire un aléa quant à la poursuite du crime de viol.

485 Dans les débats parlementaires, l’élément intentionnel du crime de viol est peu abordé. 486 Cf. supra.

i. Quelle articulation entre les deux infractions ?

Certes, l’infraction d’attentat à la pudeur a bien été pensée pour permettre la répression de tout ce qui n’était pas qualifiable de viol487. L’articulation entre les deux infractions n’a

cependant guère été réfléchie, alors que la proximité entre les deux infractions fut, dès le début du travail parlementaire488, identifiée comme génératrice d’un risque de

correctionnalisation, d’autant plus tangible que la décriminalisation de l’attentat à la pudeur facilitait la possibilité d’échapper à la Cour d’assises. Le législateur n’a pourtant pas cherché à préciser l’incrimination pour parer à ce risque.

ii. La modification de la répression

Auparavant punissable de 10 à 20 ans, le viol devient passible d’une peine de réclusion criminelle à temps de cinq à dix ans. Les parlementaires ont longuement débattu sur la fixation de cette peine, s’opposant, principalement et selon un clivage politique récurent, sur l’utilité de la peine de prison en termes de dissuasion et de réadaptation de l’infracteur489. Deux autres arguments sont avancés : une trop lourde peine dissuaderait

les victimes de déposer une plainte490 et favoriserait le retour à la correctionnalisation du

viol491.

La peine encourue est cependant portée à une réclusion criminelle de dix à vingt ans en présence d’une circonstance aggravante : « Toutefois, le viol sera puni de la réclusion

criminelle à temps de dix à vingt ans lorsqu’il aura été commis soit sur une personne particulièrement vulnérable en raison d’un état de grossesse, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale, soit sur un mineur de quinze ans, soit sous la menace d’une arme, soit par deux ou plusieurs auteurs ou complices, soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de la victime ou par une personne ayant autorité

487 Cf. supra.

488 Cf. Rapport MASSOT, op. cit., p. 11.

489 Cf. par ex. le député socialiste Alain RICHARD: « La répression pénale ne doit pas être exagérément

fondée sur de très longs séjours en prison, lesquels n’ont plus aucun effet, ni de rééducation, ni de dissuasion. », AN1, p. 336.

490 Par la sénatrice C. GOLDET: « Nous savons (…) que, dans près de la moitié des cas, la femme violée

connaît l’homme qui la viole. Il est certain qu’elle sera prête à déposer plainte si elle pense que celui-ci encourra une peine d’une durée de 5 à 10 ans et qu’elle répugnera à la faire si elle a l’impression qu’elle va irrémédiablement gâcher la vie de son violeur, car la haine, en règle générale, ne va pas jusque là ? Je pense qu’une peine trop importante peut avoir, pour le dépôt de plainte elle-même, un caractère dissuasif. » S2, p. 2094.

sur elle ou encore par une personne qui a abusé de l’autorité que lui confèrent ses fonctions. » On le voit, la circonstance aggravante d’abus d’autorité est modifiée, une

règle générale remplace l’ancienne liste énumérant les fonctions visées (instituteur, serviteur à gages, ministre du culte ou fonctionnaires). En outre, deux circonstances aggravantes font leur apparition492 : lorsque le viol a été commis sous la menace d’une

arme et lorsqu’il est commis sur une personne d’une particulière vulnérabilité. La circonstance aggravante de recours à une arme, introduite par un amendement gouvernemental493 est immédiatement adoptée.

Ce qui n’est pas le cas de la seconde circonstance aggravante. Introduite par un amendement du gouvernement en première lecture devant le Sénat494, elle ne vise que

trois situations constitutives de « vulnérabilité » : la maladie, l’infirmité ou une déficience physique ou mentale. Le député Nicolas ABOUT dépose un amendement afin que soit ajouté l’état de grossesse à cette liste495. Il rencontre alors l’opposition de la commission

et de M. MOUROT représentant le gouvernement. Ce dernier juge l’ajout inutile, car « Ou

la grossesse affecte la santé de la future mère et elle est une déficience physique, cas prévu par le texte, ou elle est sans effet sur la capacité de résistance de la victime, et il n’y a pas lieu d’aggraver les sanctions.496 » M. ABOUT lui rétorque : « Aurait-elle pu se défendre ? Aurait-elle ou courir ? Que pouvait-elle faire, face à quelqu’un qui voulait vraiment la violer ? Rien ! Il y a donc bien vulnérabilité. » L’amendement, finalement

adopté, est supprimé par le Sénat497 puis définitivement rétabli par l’Assemblée nationale,

non sans avoir discuté la question de la visibilité ou non de l’état de grossesse498.

Quant à l’attentat à la pudeur, il est correctionnalisé et désormais punissable d’un emprisonnement de trois à cinq ans et d’une amende de 6000 F à 60 000F ou de l’une de

492 Tandis que disparaît une liste de facteurs aggravants, relatifs aux coupables : « s'ils sont ses instituteurs

ou ses serviteurs à gages, ou serviteurs à gages des personnes ci-dessus désignées, s'ils sont fonctionnaires publics, ou ministres d'un culte ».

493 Amendement n°29, AN1, p. 338. 494 Amendement n°15. S1, p. 1841. 495 Amendements n°44 et 45. AN1, p.337. 496 AN1, p. 337.

497 S2, p. 2097.

498 Question inopportune selon la députée Colette GOEURIOT: « Que la grossesse soit visible ou non, le viol

est traumatisant pour la femme enceinte victime de l’agression. » AN2, p. 2223. Nous reviendrons sur

cette question. L’état de grossesse peut aussi être une situation de contrainte (physique ou psychologique) exploitée par l’agresseur. Il pourrait être pris en compte comme élément constitutif de l’infraction, plutôt que comme circonstance aggravante.

ces deux peines seulement. Des circonstances aggravantes identiques à celles retenues pour le viol499 élève la peine à un emprisonnement de cinq ans à dix ans et d’une amende

de 12 000F à 120 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement500.

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