• Aucun résultat trouvé

L ES DISPOSITIONS DU LIVRE II AYANT UNE INCIDENCE SUR LE DEVOILEMENT

b Le texte adopté

B. L ES DISPOSITIONS DU LIVRE II AYANT UNE INCIDENCE SUR LE DEVOILEMENT

DES VIOLENCES SEXUELLES MASCULINES A L

ENCONTRE DES FEMMES

Le « chiffre noir » des violences sexuelles à l’encontre des femmes est, on le sait585

particulièrement élevé, les victimes ne déposant que très rarement plainte. D’où l’importance des mesures qui permettent de desserrer l’étau du silence. Deux articles du nouveau Code pénal nous intéressent particulièrement. L’un est relatif au secret professionnel, l’autre à la dénonciation calomnieuse

1. Le secret professionnel

Le plus souvent, les personnes victimes de violences ne dévoilent celles-ci que difficilement et à un cercle restreint composé de proches (famille, ami.es) ou de professionnel.les (médecin de famille, du travail, gynécologue, psychologue, services sociaux). Est-il alors possible à ces derniers d’agir - avec l’accord des victimes - pour mettre fin à ces violences, de témoigner de leur constat ou des confidences reçues, révélant ainsi des informations couvertes par le secret professionnel ? La spécificité des violences sexuelles justifie-t-elle un régime dérogatoire au secret professionnel tel qu’il est habituellement conçu ? Le législateur de 1980 avait partiellement reconnu cette spécificité en modifiant l’article 378 ACP afin d’y inclure la possibilité pour le médecin qui, dans l’exercice de ses fonctions, constate des sévices lui permettant de présumer qu’un viol ou un attentat à la pudeur a été commis, d’en informer le procureur. Cette rupture du secret professionnel ne pouvant alors se faire qu’avec l’accord de la victime586. D’autres

situations étaient prévues par le Code afin que le professionnel ne puisse être poursuivi s’il choisissait de dévoiler les faits dont il avait eu connaissance dans l’exercice de sa profession587.

585 Cf. les chiffres cités en introduction. 586 Voir supra.

587 Alinéa 2, en cas d’avortement : « Toutefois, les personnes ci-dessus énumérées, sans être tenues de

dénoncer les avortements pratiqués dans des conditions autres que celles qui sont prévues par la loi, dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur profession, n’encourent pas, si elles les dénoncent, les peines prévues au paragraphe précédent; citées en justice pour une affaire d’avortement, elles demeurent libres de fournir leur témoignage à la justice sans s’exposer à aucune peine. »

Alinéa 3, en cas de sévices sur mineurs : « Les mêmes personnes n’encourent pas les peines prévues à

l’alinéa 1er lorsqu’elles informent les autorités médicales ou administratives chargées des actions sanitaires et sociales des sévices ou privations sur la personne de mineurs de quinze ans et dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur profession ; citées en justice pour une affaire de

Le NCP introduit deux changements588 qui intéressent les personnes victimes de

violences sexuelles. D’une part, il délie la personne tenue au secret professionnel lorsqu’elle informe les autorités (judiciaires, médicales ou administratives589) des sévices

infligés à « une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou

de son état physique ou psychique590 », dont il a eu connaissance.

D’autre part, les termes de « violences sexuelles de toute nature » remplacent la mention des « viols et attentats à la pudeur » et permettent, par exemple d’inclure le harcèlement sexuel591. Ce double élargissement accroît dès lors les possibilités pour les personnes

victimes de dénoncer les violences sexuelles en leur permettant de s’appuyer sur les témoignages de professionnels qui ont pu constater certains faits.

Cependant, cette modification ne s’inscrit pas dans une volonté du législateur d’encourager le dévoilement des VMEF. Si cela était le cas, il se serait attaché à ce que les coûts du dévoilement des violences ne soient pas élevés, notamment en limitant les risques de représailles. Or, le risque que fait courir le délit de dénonciation calomnieuse - là encore d’une façon spécifique pour les femmes victimes de violences sexuelles - est de nature à les faire taire.

2. La dénonciation calomnieuse

La défiance à l’encontre de la parole des femmes est ancienne592. Le témoignage des

femmes victimes de violences sexuelles est souvent considéré comme suspect voire mensonger593. Le délit de dénonciation calomnieuse qui vise, normalement, à sanctionner

sévices ou privations sur la personne de ces mineurs, elles sont libres de fournir leur témoignage sans s’exposer à aucune peine. »

588 Pour une présentation générale des modifications, voir Pierre VERDIER, « Le secret professionnel dans

le nouveau code pénal français », JDJ n° 134, avril 1994. Notons toutefois que la dénonciation des avortements n’est plus autorisée.

589 Et non plus seulement « médicales ou administratives ». 590 Et non plus seulement à un mineur.

591 Lequel pourrait être porté à la connaissance d’un procureur de la République par un médecin du travail

informé par une salariée victime à l’occasion de sa visite annuelle.

592 Cf. supra.

593 Il suffit de se remémorer les commentaires entendus à l’encontre de Nafissatou Diallo lorsqu’elle a

dénoncé les agissements de Dominique Strauss-Khan. Cf. DELPHY Christine (coord.), Un troussage

les fausses accusations594 occupe dès lors une place singulière dans le champ des

violences sexuelles. Certains parlementaires avaient d’ailleurs bien conscience du poids de ce délit lorsqu’ils avaient suggéré d’inscrire dans l’article définissant le « harcèlement sexuel dans les relations de travail595 », un rappel du texte relatif à la dénonciation

calomnieuse596.

Or, si les accusations calomnieuses sont très minoritaires, en revanche l’effet de dissuasion de la menace d’une plainte en dénonciation calomnieuse est bien réel pour l’ensemble des personnes victimes et interroge la réalité du droit de dévoiler les atteintes sexuelles. Le délit de dénonciation calomnieuse doit dès lors être analysé au regard de l’incidence particulière qu’il a pour les personnes victimes d’atteintes sexuelles.

Outline

Documents relatifs