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LA LECTURE DES TEXTES LITTÉRAIRES, MÉDIATIONS CULTURELLES ET

1. Lecture, (inter)culturel

1.1. Lire, une interaction texte / lecteur

1.1.3. Pluralités des lectures

Nombreux travaux proposent la modélisation des différents types de lecture possibles. Notre propos n’est pas de revenir ici sur ces multiples travaux, ni de confronter les différentes modélisations auxquelles ils aboutissent. Néanmoins, à partir notamment des travaux de J.-L. Dufays, nous pouvons mentionner quelques-uns des plans auxquels cette pluralité est susceptible de se manifester.

Tout d’abord, sont généralement distingués différents niveaux de compréhension. Dans le prolongement de l’exégèse biblique médiévale, on établit une opposition entre compréhension et interprétation :

«La compréhension est la lecture première, littérale du texte, celle qui se contente d’exploiter les éléments internes de l’énoncé et se cantonne au niveau des sens dénotés directement perceptibles. elle est le mode de lecture ordinaire et quasi exclusif des messages fonctionnels.

L’interprétation, quant à elle, vise un au-delà du texte : elle s’appuie sur des textes antérieurs ou des connaissances extérieures pour faire apparaître des significations qui n’étaient pas décelables du premier coup, et qui apparaissent dès lors comme des connotations, des sens seconds, des symboles, voire des sens cachés qu’il revient au lecteur de débusquer.» (Dufays 1997 : 32)

C’est au niveau de l’interprétation que la subjectivité du lecteur trouve sa place et que joue l’ambiguité et à la polysémie du texte.

Un modèle comme celui de J.-L. Dufays articule successivement compréhension et interprétation du texte, en dégageant les étapes suivantes :

-

l’orientation préalable», où le lecteur «se prépare à lire en mobilisant dans ses affects et sa mémoire des désirs et des codes présupposés qui ermettent d’emmblée d’accorder au texte sens et valeur» ;

-

puis la compréhension locale puis globale, construction de prermier degré ;

-

ensuite une construction de second degré, l’interprétation, qui permet de «compléter», «approfondir» et «enrichir» la première signification dégagée ;

-

enfin, la modalisation ou l’évaluation du sens (in : Dufays, Gemenne et Ledur 2005 : 109-122).

D’autres modèles, comme celui de C. Tauveron soulignent au contraire l’étroite imbrication entre compréhension et interprétation. On ne peut pour elle penser ce «couple dévastateur» comme des étapes clairement distinctes qui qui se succèderaient l’une à l’autre :

«Le processus interprétatif est indissociable du processus de compréhension. /.../ Il y a un rapport d’inclusion complexe entre compréhension et interprétation (et non un rapport de succession) que je dois apprendre très tôt et que je peux faire émerger de deux manières :

- aller voir plus profondément dans le texte ce qu’il me cache, soit parce qu’il résiste soit parce que je pense que ça vaut le coup,

- apprendre cette pratique sociale privilégiée qu’est la lecture littéraire, faire résonner le texte dans son silence intérieur et à faire résonner dans le silence intérieur des textes, tous les textes qui traversent ce texte et qui frémissent en lui. (Tauveron 1999b : 6)

Pour C. Tauveron, l’articulation entre compréhension et interprétation doit aussi être pensée sur le plan scolaire : l’école ne peut se contenter «d’apprendre à comprendre» et doit aussi «se donner comme objectif d’apprendre à interpréter».

La pluralité des lectures est aussi celle des grilles de références qui peuvent être sollicitées pour lire le texte. J.-L. Dufays montre par exemple que l’analyse d’un même texte (il prend l’exemple de «l’Albatros» de C. Baudelaire) peut s’effectuer sur de très nombreux plans (sociologique, biographique, psychanalytique, intertextuel, co textuel, plan des actualisations...) et susciter autant de lectures différentes du poème.

Enfin, on distingue aussi des «modes de lecture» différents. comme l’indique J.-L. Dufays :

«En même temps que les hypothèses de sens sont élaborées, elles sont modalisées sur le plan psycho-affectif, situées dans une perspective qui confère au texte des fonctions bien déterminées.» (Dufays Gemenne et Ledur 2005 :119)

Il distingue ainsi :

-

d’une part le mode de lecture de la distanciation critique qui met en avant la dimension rationnelle et analytique de la lecture ;

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et d’autre part le mode de lecture de la participation psycho-affective qui met en avant les dimensions imaginaires et affectives de la lecture et l’implication des sujets lecteurs.

On peut rapprocher ce type de catégorisation des modes de lecture de la typologie établie par D. Bucheton qui identifie quant à elle différentes postures de lecture :

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le texte tâche qui «présente une forme de refus, de sabotage, ou un rapport si consciencieux que l’on voit que l’élève reste extérieur au texte» ;

-

le texte action où « la lecture est l’objet d’un jeu sans risque ; le lecteur est actif affectivement, il met en œuvre son système de valeurs morales ; il exprime de l’émotion ou des jugements : sa lecture est psychologique» ;

-

le texte signe, où «le texte est vu comme une fable ; c’est une rencontre, non avec des personnages, mais avec des idées ; le texte devient problème, énigme, symbole, prétexte à une quête du sens» ;

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le texte métaphore où «les élèves puisent dans le texte des thèmes et cherchent des valeurs» ;

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et enfin le texte objet : «il s’agit de la lecture d’un expert, proche d’une lecture savante : les commentaires ne concernent pas les valeurs, mais l’objet ; l’élève réfléchit à la manière dont le texte s’y prend pour séduire le lecteur, pour construire une signification : l’élève est en dehors du texte qui est dominé».

Ces postures sont susceptibles d’être adoptées par les élèves vis-à-vis des textes lus en classe et selon leurs capacités, ils disposent d’une palette de postures plus ou moins large.

Notre propre position, à l’instar de J.-L. Dufays, est plutôt d’envisager une lecture plurielle, qui puisse combiner et faire dialoguer les différents types de lecture ainsi mis au jour. Nous utiliserons ainsi de manière préférentielle le terme composé de compréhension / interprétation pour souligner le lien étroit entre ces deux facettes de la lecture. En outre, notre objectif est d’examiner lesquels sont présents dans la classe (qu’ils soient - ou non - suscités par les enseignants). Les modes de lecture adoptés - et la place donnée à une possible participation psycho-affective des lecteurs - retiendront tout particulièrement notre attention : si le «sujet lecteur» est réduit au silence, en effet, il nous semble que la possibilité d’établir un dialogue interculturel avec le texte est réduit.

1.1.4. La question des limites de l’interprétation : «tout

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