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Des dynamiques interculturelles plurielles 1 Où interviennent-elles ?

1.3 «Contacts de cultures» : une définition repensée de l’interculturel

4. Dynamiques (inter)culturelles dans les interactions en classe de langue

4.2. Des dynamiques interculturelles plurielles 1 Où interviennent-elles ?

On considèrera que la dimension interculturelle des interactions de notre corpus se décline de deux manières différentes :

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À un premier niveau, les données que nous avons recueillies constituent indubitablement des interactions interculturelles : des interactants qui ne maîtrisent pas les mêmes langues ni les mêmes cultures (ou bien les maîtrisent à des degrés

différents) 113 communiquent - et leurs échanges vont être affectés par ce décalage. Les positions vis-à-vis de la culture française y sont différentes dans les données que nous avons recueillies en France (où les enseignants se positionnent comme étant membres de cette communauté) et en Algérie (où la culture française n’est pas «étrangère» aux enseignants, sans qu’ils s’y affilient pour autant).114

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À un second niveau, ces échanges comportent éventuellement une dimension épiculturelle plus ou moins grande : en fonction du rôle que les enseignants veulent faire jouer au texte dans la classe, des activités mises en place, des RSC de tous les participants, de la dynamique qui se met en place lors de l’interaction elle-même, la thématisation de questions liées à la culture sera plus ou moins prégnante. On y rencontrera des séquences épiculturelles plus ou moins nombreuses, lors desquelles la culture étrangère (ses us et coutumes, ses valeurs, ses pratiques, les représentations qui lui sont associées etc.) sera prise pour objet.

La «rencontre interculturelle» qui a lieu lors des interactions de notre corpus se déroule en deux lieux différents :

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En premier lieu, on peut considérer qu’entre les interactants a lieu une rencontre interlingue et interculturelle, qui ne doit pas être pensée sur un mode binaire (culture française / cultures étrangères) puisque d’une part les multiples appartenances de chacun des participants peuvent être sollicitées à tout moment (se rencontrent par exemple lors d’un cours au Celfe un enseignant français et des étudiants chinois, américains, roumains etc..., mais aussi des femmes et des hommes, des personnes de générations différentes etc...) et d’autre part l’alignement d’une culture sur une langue (langue française = culture française) n’est pas pertinent dans les situations envisagées ;

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En second lieu, une autre rencontre culturelle se tisse entre les lecteurs (enseignants et étudiants) et le texte littéraire lui-même, qui peut être investi de ce statut «d’autre» au sein de l’interaction. Les apprenants vont donc être confrontés à des discours pour lesquels les «savoirs communs» présupposés ne sont justement pas partagés. Là encore, le choix de textes littéraires francophones (en ce qui concerne notre corpus : textes guadeloupéens, québécois, algériens) ouvre l’éventail des cultures qui peuvent entrer en jeu lors de cette rencontre.

En outre, cette rencontre (ces rencontres) se place(nt) au croisement de multiples représentations. Le texte lui-même est un lieu où se diffractent les représentations de la société dans laquelle s’inscrit l’oeuvre, celles, plus personnelles, de l’auteur, celles qui sont

113 Ceux-ci se posent, évidemment, comme plus experts, plus familiers de la culture cible.

114 Nous n’entrons pas ici dans les positionnements, bien plus complexes, suscités par les textes littéraires francophones qui conduisent à introduire d’autres cultures dans la classe - et à interroger de manière dynamique le lien entre langue et culture.

prêtées aux narrateurs, aux personnages. Toutes ces représentations sont lues et commentées par les lecteurs, et vont se confronter aux leurs. Une place importante est à accorder aux représentations des différents participants sur la littérature, la langue, l’enseignement. Ces échanges sont donc un lieu où sont susceptibles d’être mises à jour, transmises, confrontées, tout un réseau, particulièrement dense et complexe, de représentations (parmi lesquelles celles qui sont associées aux identités en jeu dans la lecture, dans les débats).

On voit ainsi que les médiations culturelles sont susceptibles d’intervenir ici à tous les étages :

- médiations portant sur une pluralité de langues / cultures - et non pas seulement sur la culture française ;

- médiations assumées par le texte littéraire, passeur de langues / cultures ;

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médiations assumées par l’enseignant, qui tisse le lien entre ses étudiants et le texte qu’il leur propose de lire ;

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médiations sollicitées et / ou assumées de tous les interactants - les étudiants notamment étant susceptibles, à un moment ou à un autre, d’évoquer leurs cultures d’appartenance et / ou avec lesquelles ils ont une certaine proximité.

4.2.2. Quels observables ?

Néanmoins, une fois établie la dimension inter- et épi- culturelle des interactions en classe de langue, se pose la question des observables : comment et où repérer ces dynamiques interculturelles susceptibles d’être suscitées par la lecture du texte littéraire en classe qui constituent notre objet d’étude ?

Plusieurs angles d’approches peuvent être privilégiés dans cette perspective. Les développements que nous avons déjà effectués sur les questions de la culture et celles des interactions nous conduisent à nous focaliser sur certains processus langagiers, qui nous semblent être des voies d’accès particulièrement pertinentes à ces dynamiques interculturelles, à savoir :

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les modalités de la co-construction du sens : en quoi peut celle-ci est-elle affectée par la dimension interculturelle des interactions ? Le jeu des implicitations, présupposés ou sous-entendus, qui permettent aux interlocuteurs de construire un arrière-plan culturel commun est un point pertinent à examiner, de même que la survenue (et la résolution) de malentendus imputables à des aspects culturels ;

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le travail de référenciation et les modes de catégorisation des objets du discours : quels sont les différents processus de catégorisation (de soi, des autres, des formes linguistiques, des différents objets du monde) à l’oeuvre dans les échanges ?

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la circulation des représentations qui renvoie aux univers de connaissance et aux imaginaires qui sont le fond sur lequel se déroule toute communication ;

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la manière dont les identités sont construites dans et par les échanges, construction qui correspond en partie à la circulation des images de soi / des autres qui se fait dans l’interaction. Nous accorderons une place toute particulière aux ethnonymes, aux toponymes, aux langues. Mais d’autres référents identitaires sont eux aussi convocables dans les échanges (âge, genre ...) ;

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les processus de contextualisation : si la culture peut être envisagée comme une partie du contexte (cf. supra), il s’avère productif de comprendre comment les acteurs de l’interaction co-construisent leur «répertoire» commun ;

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la dimension polyphonique des discours : en quoi notamment les positionnements énonciatifs des interactants contribuent-ils à tracer les frontières entre des groupes culturels auxquels les locuteurs s’affilient, ou bien dont ils s‘excluent, marquent-ils la manière dont ils se positionnent par rapport aux représentations qui circulent dans les échanges ;

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les marques de la subjectivité, enfin, témoignent de l’implication des «sujets lecteurs» dans ces échanges.

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les négociations conversationnelles : elles interviennent elles aussi à de nombreux niveaux - que ce soit la négociation des identités, la co-construction des représentations, du sens du texte.

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Pour conclure, dans ce chapitre, nous avons exposé les conceptions de culture, d’identité, de représentation sur lesquelles nous nous appuyons dans le cadre de cette recherche. Elles mettent l’accent sur la dimension dynamique, plurielle, processuelle, contextuelle de ces notions, sur le lien étroit qu’elles entretiennent avec le discours en interaction : celui-ci n’étant pas tant le lieu où elles peuvent s’exprimer ou se lire, que celui où elles sont (co) construites.

Nous avons défini la classe de langue comme étant un lieu privilégié de contacts entre les cultures, mais aussi, potentiellement, de formation à une compétence interculturelle. Nous avons vu que, pour analyser ces dynamiques interculturelles, ces processus d’interculturation à l’oeuvre dans la classe de langue, il était pertinent de s’intéresser aux discours - et aux discours en interaction - qui s’y entremêlent. Nous avons aussi identifié les spécificités de certaines interactions qui n’étaient pas tant «interculturelles» (même si, en soi toute interaction l’est potentiellement) qu’«épiculturelle» : prenant pour thème ces questions des cultures et de rencontre de l’altérité. Nous avons pour finir mis en évidence les spécificités des dynamiques interculturelles susceptibles de se mettre en place au sein de la classe de langue. Néanmoins, ces dynamiques interculturelles sont aussi à comprendre à travers la spécificité de la relation qui se noue entre un texte et ses lecteurs, relation que nous examinons plus en détail dans notre seconde partie, consacrée à l’exploration de ces liens entre texte littéraire, culture et interculturel.

PARTIE 2

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