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Les interactions didactiques «autour» du texte littéraire 1 Des discours sur le texte littéraire parmi d’autres

DES INTERACTIONS EN CLASSE DE LANGUE Dans ce premier chapitre, nous positionnons notre travail dans le champ des études

3. Interagir « autour » du texte littéraire en classe de langue Dans ce dernier point de notre chapitre, nous revenons sur le type particulier

3.3. Les interactions didactiques «autour» du texte littéraire 1 Des discours sur le texte littéraire parmi d’autres

L’objet de notre étude se trouve donc être des interactions dans (et par) lesquelles des étudiants de français langue étrangère et / ou seconde construisent la lecture d’un texte littéraire. Ces interactions partagent un certain nombre de particularités avec d’autres types d’interactions - didactiques et exolingues - que nous avons précédemment évoquées. Néanmoins, le fait qu’elles aient pour objet la compréhension et l’interprétation d’un texte littéraire font qu’elles ont certaines caractéristiques qui leur sont propres.

À ce titre, elles peuvent aussi en partie être apparentées à d’autres «paroles autour de l’oeuvre», dont les formes sont extrêmement variables et la dimension interactive plus ou moins marquée. J.-C. Chabanne (2010) en dresse une liste qui ne prétend pas à l’exhaustivité mais nous permet d’en saisir la grande variété :

«– Parole en amont, en aval de la création, et même pendant celle-ci... paroles d’artistes...

– parole des amis, des conseillers, des employeurs, des acheteurs...

– parole des experts, historiens, iconologues, esthéticiens, conservateurs, muséographes...

– parole des « regardeurs » professionnels, critiques, journalistes, amateurs éclairés...

– parole des profanes, visiteurs de musée, élèves, quidams et naïfs...

– parole des enseignants, animateurs d’ateliers, artistes en master class, médiateurs culturels, guides de musée, vulgarisateurs, dictionnaires et livres d’art, auteurs de catalogues...»

Les interactions qui constituent notre corpus doivent aussi être envisagées comme l’un de ces moments où « “du langage“ est produit sur/ de/ autour/ avec une œuvre» (Chabanne 2010).66

3.3.2. Quelques caractéristiques

a. Des interactions «autour» du texte littéraire

Nous avons choisi de nommer interactions «autour» du texte littéraire les interactions qui constituent notre corpus. La préposition «autour» nous semble en effet souligner le fait que ces échanges entretiennent un lien plus ou moins étroit avec le texte donné à lire. Ils peuvent en être très proches, et se focaliser sur la compréhension et / ou l’interprétation du texte. Ils peuvent aussi s’en éloigner, le texte n’étant plus alors que le point de départ d’échanges portant sur des sujets plus larges et ouvrant à une démultiplication infinie de topics.

b. Des enjeux éducatifs complexes, voire contradictoires

Le fait que ces interactions didactiques portent sur des textes littéraires influence, comme nous le verrons dans le chapitre 3 la lecture (les lectures) qui s’y déroulent. Mais les caractéristiques de l’interaction didactique sont elles aussi affectées par la nature singulière du texte littéraire. S. Pekarek souligne en effet les enjeux éducatifs contradictoires qui peuvent être amenés à s’affronter lorsqu’un texte littéraire est travaillé en classe de langue. En effet, les séquences de cours que nous avons enregistrées partagent «la combinaison d’un enjeu d’acquisition langagière avec un enjeu de formation plus large» - à savoir la culture littéraire. Cet objectif double peut être réalisé de différentes manières - et l’accent peut être mis de manière plus ou moins marquée sur l’un ou l’autre de ces enjeux, selon le contexte précis dans lequel le cours se déroule (cours de langue ou de littérature, formation de langue ou de littérature), selon aussi les représentations des enseignants67 - et des étudiants - sur les finalités qui doivent être celles de ces interactions didactiques.

c. Démultiplications

Nous reviendrons de manière plus détaillée sur ces interactions «autour» du texte littéraire lors de l’analyse de notre corpus (partie 3). Nous pouvons cependant d’ores et déjà souligner que la présence du texte littéraire a pour effet de «démultiplier» certaines des

66 À ce titre, des rapprochements très fructueux seraient à effectuer entre nos propres analyses et celles effectuées par C. Müller (2011) dans le cadre de sa thèse, où elle dégage les caractéristiques d’interactions orales «déclenchées par des photographies d’auteurs en classe de Français langue étrangère». Ces «paroles sur images» présentent en effet certaines similitudes avec nos propres données - similitudes qui s’expliquent probablement par une même caractéristique : naître du contact avec une oeuvre d’art - littéraire ici, photographique là.

67 Les interactions étudiées par S. Pekarek (1999) sont catégorisées par les enseignants eux-mêmes comme des «leçons de conversations» - au même titre que les cours portant sur des articles de presse ou que les débats qu’elle a enregistrés. Néanmoins, la nature du support travaillé - le texte littéraire - affecte nettement la dynamique interactionnelle des échanges.

caractéristiques des interactions didactiques exolingues que nous avons précédemment soulignées :

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les voix du texte (de l’auteur, du narrateur, des différents personnages) se tissent de manière complexe avec celles des interactants : le texte va être repris, cité, reformulé pour être analysé, commenté dans des échanges dont le dialogisme et la polyphonie sont particulièrement accentué ;

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elles sont particulièrement particulièrement propices à des «démultiplications» identitaires et énonciatives : le texte littéraire est susceptible de solliciter l’engagement du je-personne des apprenants, de donner l’occasion aux sujets lecteurs de s’exprimer et / ou de leur faire expérimenter les multiples identifications que peut susciter la lecture d’une fiction ;

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les contextes de l’interaction se trouvent eux aussi démultipliés par l’introduction d’un contexte supplémentaire, celui du texte, qui doit être reconstruit dans les échanges :

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ces interactions peuvent aussi être envisagées comme de larges négociations portant sur le sens du texte : s’y donne à lire un travail conjoint qui porte sur la (co) construction du sens du texte.

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Pour conclure, nous avons exposé dans ce premier chapitre en quoi notre travail s’ancrait dans le domaine de l’analyse des interactions : nous avons tout d’abord rappelé le contexte d’émergence de notre champ de recherche et les caractéristiques de l’approche interactionniste. Au-delà de la grande diversité des travaux s’ancrant dans ce domaine, nous avons insisté sur les éléments desquels notre travail était redevable : une conception revisité de la communication et une démarche épistémologique empirique plurielle et syncrétique.

Nous avons ensuite essayé d’identifier les principales caractéristiques des interactions que nous avons été amenée à étudier dans le cadre de notre recherche. On peut en effet les considérer comme des interactions didactiques de type exo / interlingues : à ce titre, elles présentent les spécificités suivantes : une dissymétrie renforcée, la co présence de deux ou plusieurs langues, l’utilisation de la langue comme objet et moyen d’apprentissage, une bifocalisation sur le contenu et la forme des énoncés, une grande diversité des thèmes et des contextes susceptibles d’être sollicités, une grande complexité énonciative.

Une autre caractéristique propre aux interactions qui constituent notre corpus a en revanche été beaucoup moins étudiée dans les travaux interactionnistes : le fait qu’elles aient pour objet le commentaire de textes littéraires. Nous avons essayé de montrer le caractère spécifique de notre recherche, et des interactions sur lesquelles elle porte. Nous avons ainsi défini ces dernières comme des interactions «autour» du texte littéraire, qui témoignent d’enjeux éducatifs complexes, voire contradictoires, et dans lesquelles on peut observer la démultiplication des voix et contextes.

Cependant, l’aspect qui retient spécifiquement notre attention dans le cadre de cette recherche est la dimension (inter)culturelle de ces interactions « autour » du texte littéraire : c’est le point sur lequel nous nous proposons de revenir de manière plus approfondie dans le chapitre 2 de notre travail.

CHAPITRE 2 :

DYNAMIQUES (INTER)CULTURELLES

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