• Aucun résultat trouvé

Interactions inter et / ou épi culturelles a Les interactions interculturelles

1.3 «Contacts de cultures» : une définition repensée de l’interculturel

4. Dynamiques (inter)culturelles dans les interactions en classe de langue

4.1. La culture dans la classe de langue

4.1.3. Interactions inter et / ou épi culturelles a Les interactions interculturelles

À un premier niveau, les interactions de la classe de langue sont interculturelles : leur analyse nous conduit à examiner «ce qui se passe concrètement lors d’une interaction entre des interlocuteurs appartenant, au moins partiellement, à des communautés culturelles

109 Photographies donnant à voir des «statues, largeur des rues, paysages ruraux, façade des églises, coupe de cheveux, affiches ...».

différentes, donc porteurs de schèmes culturels différents, même s’ils communiquent dans la même langue» (Blanchet et Lounici 2007 : 21).

Nous nous intéressons à l’étude de «la construction interactionnelle élaborée conjointement par les partenaires issus d’horizons linguistiquement et culturellement différents» (Vasseur 2005 : 265), de la dynamique interactive110 entre les acteurs sociaux en présence - qui se trouvent entraînés dans les «turbulences du mouvement interculturel» (Vinsonneau 2002 : 15).111

Nous intéressent ainsi particulièrement dans ces interactions interculturelles :

- La mise en place de l’intercompréhension : quels malentendus d’ordre culturel sont susceptibles d’y survenir ? Quelles stratégies s’y mettent en place afin de prévenir, et réguler les difficultés de la communication ? Les décalages entre les cultures communicatives des apprenants (i.e. la dimension ethnolinguistique précédemment évoquée) retiendront moins notre attention que celles qui sont imputables à d’autres différences : la démarche de référenciation, le maniement des implicites, la convocation de schèmes interprétatifs et de représentations (etc.) sont eux aussi susceptibles d’être affectés par ce gap culturel ;

- La remise en cause et la (re)définition des identités déclenchées par cette rencontre / confrontation avec l’altérité. Au contact d’une autre version du monde que la leur, les interlocuteurs peuvent en effet perdre leurs repères, se trouver déstabilisés et se replier sur une version étroite et circonscrite de leur identité : P. Blanchet évoque ainsi « des réactions fréquentes de régression, de refus, de blocage dans le chemin qui conduit vers la pratique de l’autre langue, de l’autre culture et la rencontre de gens différents» :

«C’est surtout difficile pour les monolingues, dont la version du monde, les schèmes linguistiques et culturels étaient de type «universels» jusqu’à ce que la rencontre de la différence (la vraie rencontre par la compréhension approfondie) les relativise fortement. Cette survalorisation de sa langue et de sa culture propres s’appelle l’ethnocentrisme (variante collective de l’égocentrisme).» (Blanchet 2007 : 26)

Mais le contact interculturel peut aussi induire un déplacement des frontières de l’identité de ceux qui s’y engagent, amenés à devenir autres au contact de l’autre. Quoi qu’il en soit, ce sont des stratégies identitaires plus ou moins complexes qui se mettent en place et que nous nous proposons d’observer.

b. Les interactions explicitement interculturelles

Mais on peut aussi considérer qu’une autre forme de contacts interculturels se joue dans les interactions : lorsque c’est «la matière culturelle ou sociale» qui s’avère être «le

110 C. Clanet nomme cette dynamique «interculturation» : «nous appellerons interculturation l’ensemble des processus par lesquels les individus et les groupes interagissent lorsqu’ils appartiennent à deux ou plusieurs ensembles se réclamant de cultures différentes ou pouvant être référés à des cultures différentes » (cité par Vinsonneau 2002).

111 «Nul n’est enfermé dans une position statique et nul ne demeure identique à lui-même après avoir été entraîné dans les turbulences du mouvement interculturel» (Vinsonneau 2002 : 15).

contenu ou l’objet même de la communication», lorsque « l’expérience culturelle de chacun / se/ manifeste de manière explicite et devient thème de l’échange» (Beacco 2004 : 267).

En effet, on est parfois amené112 à «décrire, porter des jugements de valeur» (ibid.) sur sa propre culture (ses propres cultures), sur celle(s) de ses interlocuteurs, sur une culture tierce. Ces échanges explicitement interculturels (ibid.) peuvent se dérouler entre des interactants appartenant à des cultures différentes. Mais le contact interculturel se joue aussi parfois uniquement dans et par les propos d’interlocuteurs appartenant tous au même groupe.

On considèrera avec J.-C. Beacco que ces interactions «constituent un lieu de création, de cristallisation, d’exposition, de discussion, de modification, de conformation de l’expérience sociale de chacun, où sont en jeu informations, connaissances, croyances, idéologies et valeurs le plus souvent non partagées» (2004 : 267). Elles peuvent ainsi se révéler comme «un lieu potentiel de manifestation et d’appropriation de connaissances sociales».

Ces échanges seront plus ou moins informés, nuancés, stéréotypés, selon, notamment, que les interactants auront une expérience plus ou moins directe, plus ou moins approfondie, de la ou des cultures évoquées.

Cette conception d’interaction «explicitement interculturelle» est étroitement liée à celle de médiation. Leur finalité renvoie en effet pour J.-C. Beacco à une forme de médiation :

-

médiation sollicitée, lorsque le locuteur allophone, est «désireux de connaître une communauté autre que celle dont il relève» et met à profit à cet effet les contacts qu’il peut nouer avec des membres de cette société (médiation sollicitée) ;

-

une médiation assumée lorsqu’il souhaite «faire connaître la communauté dont il relève dans le cadre des contacts avec des membres d’une autre communauté dont il apprend ou maîtrise la langue» ;

-

médiation assumée encore, lorsqu’il souhaite «mieux faire connaître cette communauté autre à laquelle il n’appartient pas mais qui ne lui est pas étrangère à un interlocuteur de sa propre communauté ou à un interlocuteur d’une communauté tierce» (ibid.).

Cette nouvelle catégorisation initiée par J.-C. Beacco nous a semblé extrêmement fructueuse pour penser notre propre corpus, dans lequel, en effet, le texte littéraire est susceptible de susciter des échanges dont le thème est la / les cultures qu’il évoque (et par extension la / les culture(s) des étudiants).

112 J.-C. Beacco évoque aussi d’autres situations où la culture est ainsi explicitement thématisée : écrits personnels (journaux intimes, courriers), récits de voyage etc.. Nous nous focaliserons pour notre part, étant donné nos propres centres d’intérêts, sur les conversations qui prennent ainsi la culture et les contacts interculturels comme thème.

Nous avons souhaité, cependant, adapter la présentation qu’il fait de ce type d’interaction (Beacco 2004 : 268-69) La typologie qu’il établit semble en effet fonctionner de manière binaire en établissant des catégories cloisonnées les unes par rapport aux autres (par exemple : la médiation est sollicitée OU assumée, elle porte sur la propre culture du médiateur OU sur une culture à laquelle il n’appartient pas). Or il nous a semblé que solliciter ou d’assumer des médiations étaient des positions qui n’étaient pas fixées a priori mais se construisaient au cours de l’interaction, pouvaient varier selon les moments de l’échange, et être tenues alternativement (voire parfois quasi simultanément) par le même interlocuteur.

J.-C. Beacco semble aussi établir une corrélation entre la ou les cultures thématisées et la ou les langues utilisées (les interactions portant sur la culture de l’apprenant / utilisateur et sur celle de son interlocuteur se déroulent par exemple dans la langue de l’apprenant / utilisateur ET dans celle de son interlocuteur). Nous avons préféré pour notre part opter pour une schématisation qui dissocie les critères les uns des autres et laisse place, là aussi, à des panachages plus complexes. Les interactions de notre corpus enregistrées dans les deux centres universitaires sont par exemple «culturellement mixtes» (on y évoque différentes cultures desquelles se réclament les interactants), mais ne sont en aucun cas «linguistiquement mixtes».

Nous infléchirons aussi la définition qu’il donne des interactions de médiation : pour lui «les interactions qui mettent en contact des interlocuteurs ne partageant pas les mêmes langues /.../ et ne relevant pas des mêmes communautés constituent un ensemble d’interactions de médiations». Or, on peut considérer que toute situation est peu ou prou dissymétrique (même lorsque apparemment les interactants relèvent de cultures et de langues semblables) et donc susceptible de médiation. Celle-ci peut en outre avoir pour objet une culture extérieure aux interlocuteurs (avoir regardé un documentaire sur le Japon peut faire de moi, française, une médiatrice ponctuelle, lors d’une conversation où les interlocuteurs parleront français et se positionneront comme «Français»).

Enfin, conformément à ce que nous avons exposé précédemment sur les cultures et les appartenances culturelles le fait qu’un interactant parle de «sa» culture, de cultures «autres» (celles de ses interlocuteurs par exemple) est avant tout le résultat d’un positionnement, d’une construction discursive.

À partir de ces constatations, nous avons donc établi le schéma suivant, qui établit non pas des catégorisations binaires mais permet de rendre compte par une échelle de mesure des caractéristiques d’une interaction donnée :

médiation Locuteur 1 <---> Locuteur 2

médiation sollicitée médiation assumée médiation assumée sollicitée

langue de communicat ion

langue 1 (sa / ses propres langues)

langue 2 langue 3 (langues tierces : autres que sa (la langue, les langues de l’autre) sa langue, ou que celle de son interlocuteur) c u l t u r e

thématisée

culture 1 (sa / ses propres langues)

culture 2 culture 3 (cultures tierces : autres que sa (la culture, les cultures de l’autre) culture, ou que celle de son interlocuteur)

Enfin, nous ne retiendrons cependant pas la dénomination «d’interactions interculturelles» retenue par J.-C. Beacco (qui réserve le syntagme «contacts interculturels» aux situations où sont en présence des interlocuteurs de cultures différentes, sans que pour autant le contact des cultures soit thématisé). Nous préfèrerons pour notre part parler de la dimension épiculturelle de certaines interactions voire d’une séquence épiculturelle prenant place dans une interaction. Le terme, calqué sur celui d’épilinguistique nous semble bien mettre en évidence la spécificité de ces échanges prenant pour objet la question des cultures et des contacts de cultures.

4.2. Des dynamiques interculturelles plurielles

Outline

Documents relatifs