• Aucun résultat trouvé

DES INTERACTIONS EN CLASSE DE LANGUE Dans ce premier chapitre, nous positionnons notre travail dans le champ des études

1. L’analyse des interactions : les principes de l’approche interactionnelle

1.2. L’approche interactionniste : grands principes

1.2.1. Au-delà des divergences

Bien évidemment, ainsi réunis, ces travaux qui composent la mouvance interactionniste ne forment pas un ensemble homogène. Ils concernent des disciplines fort différentes qui abordent la question des interactions avec les problématiques et les méthodologies qui leur sont propres. Dans son ouvrage, C. Kerbrat-Orecchioni liste quelques-uns de ces «points de divergences» :

- les finalités de ces travaux sont variables : certains sont purement descriptifs, d’autres ont des visées plus pratiques dans les domaines thérapeutique ou diplomatique par exemple (1990 : 67) ;

- le «degré de théorisation ambitionné» (ibid.) n’y est pas nécessairement identique : les uns pratiquent une «observation naturaliste pure», s’intéressant de manière large à «ce qui se passe» dans l’interaction et à ce que les interactants « font ensemble» d’autres ont pour objet de dégager des régularités et de mettre à jour une «grammaire des conversations » ;

- on peut les répartir sur un axe qui va d’approches micro, attentives aux plus petits détails à des approches qui prennent en compte de larges réseaux d’interactions (histoire conversationnelle par exemple, cf. infra chap. 7, pp. 357-362) ;

- le contexte est lui aussi pris en compte de manière variable : «alors que certains travaux conversationnalistes s’intéressent plus à la mécanique interne de la conversation et ne prennent en compte que les éléments du contextes actualisés dans l’échange verbal, d’autres mettent au contraire l’accent sur l’importance des déterminations situationnelles» (1990 : 69) ;

- enfin, à la suite de C. Kerbrat-Orecchioni, on peut noter que, si la plupart de ces travaux prennent appui sur des données pleinement authentiques (recueil de conversation spontanées15), d’autres (elle cite l’exemple d’E. Goffman) les considèrent de manière plus désinvolte, n’hésitent pas à avoir recours à des exemples fabriqués, du moment où ils sont vraisemblables.16 C’est à ce titre, d’ailleurs, que les dialogues des textes littéraires sont régulièrement sollicités dans les travaux interactionnistes.

15 Même si la réflexion sur la place de l’observateur amène bien évidemment à nuancer ce que peuvent être des données «pleinement authentiques» et des conversations «spontanées» !

16 Nous expliciterons dans la partie centrale les choix que nous avons effectués par rapport à ces différents positionnements. Nous pouvons dès à présent mentionner que nous avons choisi de travailler avec des données authentiques, et d’analyser des séquences pédagogiques pour mettre en évidence la manière dont le texte littéraire - et les choix didactiques des enseignants s’y référant - contribuaient à faire émerger des dynamiques (inter)culturelles.

1.2.2. Convergences

Au-delà de ces différences, de grandes lignes de force se dégagent de ces approches interactionnistes. La notion d’interaction implique une nouvelle perspective épistémologique : nouvelle définition de la communication, nouvelles méthodologies d’enquête, nouveaux objets et problématiques de recherche. Nous revenons dans les pages qui suivent, de manière synthétique, sur les points qui nous ont paru plus particulièrement pertinents au vu de notre objet d’étude - nous reviendrons de manière plus détaillée sur certains d’entre eux lorsqu’il s’agira de les mettre en oeuvre pour l’analyse de notre corpus.

a. La notion d’interaction

Il convient tout d’abord de s’entendre sur la notion d’interaction elle-même. Issue à l’origine du domaine de la biologie, des sciences de la nature, elle fait référence à un système d’influence mutuelle, qui implique dans un processus d’échange et d’influences mutuelles plusieurs êtres vivants (mutualisme ou parasitisme par exemple).

À ce titre, elle met au premier plan «les processus de communication et d’information, les principes de causalité circulaire et de rétroaction, la prise en compte du contexte et de la dynamique propre à chaque système» (Marc et Picard 1989 : 12).

Appliquée à la communication humaine, elle peut être définie comme : «toute action conjointe, conflictuelle et / ou coopérative mettant en présence deux ou plus de deux acteurs» :

«/Ce terme/ couvre aussi bien les échanges conversationnels que les transactions financières, les jeux amoureux que les matchs de boxe. En un sens, toute action entreprise par un individu, quelle qu’en soit la nature s’inscrit dans un cadre social, une situation impliquant la présence, plus ou moins active, d’autres individus. Dans la mesure où toute action est soumise à des contraintes et à des règles, les actions entreprises par des sujets qui sont en contact sont nécessairement des actions conjointes et relèvent donc de l’interaction.» (Vion 2000 : 17 et sq)

On voit ici que R. Vion envisage le terme dans son sens le plus large, puisque sa définition le conduit à conclure que «tout comportement humain, quel qu’il soit, procède de l’interaction» (2000 : 18). Pour notre part, nous nous intéresserons ici de manière plus spécifique aux interactions verbales, désignation qui exprime, pour reprendre les termes de P. Bange, «la volonté de marquer /.../ que l’objet de la recherche est l’emploi de la langue dans la communication» (Bange 1987 : IX).

On distinguera aussi à la suite d’E. Goffman l’interaction - qui renvoie de manière générale à «l’influence réciproque que les participants exercent sur leurs actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate les uns des autres» (Goffman 1973 : 23) et une interaction - qui correspond à «l’ensemble de l’interaction qui se produit en une occasion quelconque quand les membres d’une communauté se trouvent en présence continue les uns des autres ; le terme “une rencontre” pouvant aussi convenir».

b. Une nouvelle conception de la communication

La perspective interactionniste constitue un bouleversement de la conception traditionnelle, «unilatérale et linéaire» (Kerbrat-Orecchioni 1990 : 25) de la communication. Elle élargit et complexifie sur bien des points des représentations comme celles du «modèle télégraphique» de Shannon et Weaver, ou du schéma de Jakobson, leur substituant un modèle circulaire et rétroactif, «une perspective fluide, systémique et processuelle» (Winkin 2001 : 336).

Places et fonctions des participants à la communication

Tout d’abord, les places et les fonctions respectives des participants à la communication y sont profondément révisées. Les schémas traditionnels distinguent un émetteur et un récepteur, et un message circulant, de manière unidirectionnelle du premier vers le second. Puis, dans un second temps, les rôles s’inversent. L’émetteur seul est réellement actif : il encode le message, que le récepteur doit décoder à l’aide de la même clé. C’est lui qui «commande unilatéralement la réception» (Kerbrat-Orecchioni 1990 : 25).

Dans le modèle interactif, en revanche, la communication n’est plus envisagée comme une suite d’actions relativement autonomes, mais comme «un système d’influences mutuelles» (Kerbrat-Orecchioni 2009 : 15), «l’action mutuelle des individus réunis» (Kerbrat- Orecchioni 1990 :17).

Émission et réception sont «en relation de détermination mutuelle» : chacun est «sans cesse et simultanément» (Traverso 1999 : 6) - et non plus successivement - engagé dans l’émission et la réception, producteur et interprète. Pendant qu’il émet son message, le locuteur est attentif aux signes produits par le récepteur (acquiescement, manifestation d’incompréhension...) et infléchit son propos en fonction de ce qu’il en interprète. J. Cosnier évoque à ce propos les « quatre questions du parleur » : «est-il entendu ? est-il écouté ? est- il compris ? qu’en pense l’écouteur ?» (1987, cité par Traverso 1999 : 6).

Le «récepteur» n’est donc en rien passif : il accomplit un travail interprétatif complexe, il produit aussi une activité régulatrice - verbale et non verbale qui joue un rôle majeur dans le processus de communication. Ce changement de perspective fait que à la dénomination traditionnelle émetteur / récepteur, qui connote justement la subordination du second au premier, on préfère de nouvelles manières de désigner les participants à la communication qui soulignent au contraire leur engagement réciproque dans la communication : A. Culioli emploie par exemple les termes de «co-énonciateurs» (1999).

La linéarité du processus de communication est elle aussi remise en question. Celui-ci comporte en effet de nombreuses «boucles» d’anticipation et / ou de rétroaction. Ainsi, L1 anticipe la manière dont L2 va interpréter son propos et réagir, et réoriente éventuellement son propos en fonction de ses hypothèses (cf. Flahault : «parler c’est anticiper le calcul interprétatif de l’interlocuteur» 1978 : 77). De son côté, L2 peut lui aussi anticiper sur ce que va dire ultérieurement L1, programmer par avance sa propre prise de parole.

Les mécanismes de rétroaction amènent quant à eux à revenir a posteriori sur ce qui s’est écoulé, et à le réinterpréter et / ou à le reformuler pour corriger d’éventuels malentendus, ou zones d’ombre (« ce qui se passe en T2 modifie a posteriori la perception des événements qui se sont déroulés en T1 » Kerbrat-Orecchioni 1990 : 27).

M. Cambra Giné évoque ainsi la «simultanéité des rôles du sujet en interaction, qui est à la fois producteur et interprète» :

«Non seulement il interprète ses propres paroles mais aussi il anticipe - et s’adapte à l’interprétation qu’en fait son interlocuteur, le destinataire devant se place lui aussi dans la perspective du locuteur pour le comprendre .On émet en contrôlant sa production et on interprète en reproduisant.» (Cambra Giné 2003 : 93 et sq.)

Une communication multicanale

Autre grande caractéristique des travaux interactionnistes, la communication n’est plus envisagée dans sa seule dimension verbale. L’attention des chercheurs se porte aussi sur «tous les comportements corporellement possibles» (Winkin 2001 : 23) qui peuvent tenir un rôle dans la communication. Celle-ci sollicite les canaux auditifs et visuels, voire éventuellement tactiles ou olfactifs (peut-être plus difficilement gustatifs ?) et comporte ainsi : - une dimension verbo-vocale qui réunit le texte de l’interaction (i.e. la dimension verbale à proprement parler) et les données paraverbales (intonation, débit, caractéristiques acoustiques de la voix ...) ;

- et une dimension non-verbale qui comporte des éléments statiques (apparence physique des interlocuteurs par ex.), kinésiques (gestes, les mimiques, postures corporelles...) et proxémiques (distance entre les participants à l’interaction, placement dans l’espace ...).

C’est essentiellement la dimension verbo-vocale qui retiendra notre attention dans le cadre de notre travail (même si, ponctuellement, quelques données liées aux gestes, mimiques, postures, ou encore à l’habillement des interactants pourront être commentées).

«On ne peut pas ne pas communiquer»

Cette importance accordée à la communication non verbale conduit aussi à infléchir l’un des postulats des approches traditionnelles pour lesquelles la communication entre deux individus est nécessairement «un acte verbal, conscient et volontaire» (Winkin 2001 : 22). Ces travaux - ceux de l’école de Palo Alto par exemple - mettent en évidence qu’on ne peut pas «ne pas communiquer». La simple co-présence de deux personnes fait que, même involontairement, elles sont amenées à émettre / recevoir différents types de signes, leur engagement dans la communication pouvant néanmoins être variable. En revanche, «la plupart des processus de la communication n’accèdent pas à la conscience» (Vion 2000 : 32) : ce que communique le sujet ne dépend pas uniquement de sa volonté.

Pour certains chercheurs, la simple co-présence suffit pour initier une interaction. Nous nous intéresserons pour notre part à des interactions qui impliquent aussi l’engagement des interactants, leur focalisation vers un objet commun :

«Pour qu’il y ait échange communicatif, il ne suffit pas que deux locuteurs (ou plus) parlent alternativement ; encore faut-il qu’ils se parlent, c’est-à-dire qu’ils soient “engagés” dans l’échange, et qu’ils produisent des signes de cet engagement mutuel.» (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 17-18)

Une intersynchronisation : le modèle orchestral

La communication multimodale doit être envisagée comme un tout, dont les différentes composantes (verbales, paraverbales, non-verbales) sont en étroite interaction, comme l’illustre la célèbre analyse menée par R. Birdwhistell de la «scène de la cigarette», dont les participants semblent engagés «dans un ballet parfaitement mis au point» (Winkin 2001 : 75). Pour développer cette question de l’intersynchronisation, les interactionnistes ont utilisé plusieurs analogies, souvent empruntées à la musique. Y. Winkin utilise la métaphore de l’orchestre : la communication peut être envisagée comme un «orchestre culturel» sans chef ni partition, où «chacun joue en s’accordant sur l’autre». Dans un autre domaine, P. Bange (1992) emprunte à M. Weber celle de deux cyclistes amenés à se croiser et qui par observation de l’autre, anticipation sur la direction qu’il va prendre, correction de sa propre trajectoire ... évitent la collision.

Cette métaphore souligne la dimension systémique de la communication, chacun des éléments (coup d’archet du violoniste...) pouvant être considéré comme une partie d’un tout, dont les différentes composantes sont en interdépendance les unes par rapport aux autres. Elle fait aussi apparaître le travail conjoint par lequel, sans cesse, les membres de l’orchestre se mettent au diapason les uns des autres, s’accordent les uns aux autres. Une des propriétés de toute interaction est ici la coordination des conduites, qui vise à rendre mutuellement accessible le sens des actions et des comportements. Les linguistes emploient généralement le terme de coopération pour rendre compte de cette coordination mutuelle - coordination qui est nécessaire pour que la communication puisse advenir «dès lors qu’on entre en interaction, et qu’on prétend y rester, on ne peut pas ne pas coopérer» (Kerbrat- Orecchioni 1992 : 152-153), P. Grice (1979) a schématisé ce principe de coopération qui caractérise les actions sous forme de ses quatre maximes

-

maxime de qualité («parlez de façon véridique»)

-

maxime de quantité («parlez dans la mesure de ce qui est nécessaire»)

-

maxime de pertinence («parlez à propos»)

c. L’intégration du sujet parlant dans la communication : dialogisme, polyphonie

Cette remise en cause du schéma traditionnel de la communication s’origine en partie dans les travaux relatifs à l’analyse de l’énonciation.

Certes, ceux-ci ne sont pas systématiquement associés à une perspective interactionnelle. Comme le remarque C. Kerbrat Orecchioni, la linguistique de l’énonciation, comme la pragmatique, est longtemps restée «confinée dans une perspective fondamentalement monologale, et une conception trop unilatérale de la communication», se focalisant sur le «repérage dans l’énoncé des traces de son énonciation, souvent réduite à son énonciateur» (Kerbrat-Orecchioni 1986 : 15).17

Néanmoins, l’énonciation est «nécessairement, et fondamentalement prise dans l’interdiscours» (Maingueneau 2002 : 231). E. Benveniste lui-même qui définit l’énonciation comme la «mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation» (Benveniste 1974 : 80) souligne aussi sa dimension intersubjective : même lorsque le «moi locuteur est le seul à parler », « le moi écouteur reste néanmoins présent ; sa présence est nécessaire et suffisante pour rendre signifiante l’énonciation du moi locuteur» (1974 : 85-86).

Il nous a donc semblé important de revenir ici sur ces questions relatives à l’énonciation, cela d’autant plus qu’elles s’avèreront être des outils d’analyse particulièrement pertinents au vu de notre objet de recherche.

C’est principalement à partir des travaux menés par le cercle de Bakhtine18 que l’étude de la polyphonie énonciative s’est développée dans le domaine linguistique. Ceux-ci mettent en évidence le dialogisme propre à tout discours :

«L'orientation dialogique est /.../ un phénomène caractéristique de tout discours /.../ Le discours rencontre le discours d’autrui sur tous les chemins qui mènent vers son objet, et il ne peut pas ne pas entrer avec lui en interaction vive et intense.» (Bakhtine in Todorov 1979 : 98)

Le terme de dialogisme renvoie de manière large «aux relations que tout énoncé entretient avec les énoncés produits antérieurement ainsi qu’avec les énoncés à venir que pourraient produire ses destinataires». (Maingueneau 2002 : 175). La notion connexe de

17 Elle fait d’ailleurs «amende honorable» pour avoir adopté elle-même cette perspective monologale dans son ouvrage sur l’énonciation (Kerbrat-Orecchioni 1990 : 10).

Néanmoins, elle distingue bien dans cet ouvrage, deux conceptions de l’énonciation :

- l’une restreinte : «recherche des procédés linguistiques (shifters, modalisateurs, termes évaluatifs etc.) par lesquels le locuteur imprime sa marque à l’énoncé, s’inscrit dans le message (implicitement ou explicitement) et se situe par rapport à lui (problème de la distance énonciative» (Kerbrat-Orecchioni 2009: 36) ;

- l’autre plus étendue qui se propose «de décrire les relations qui se tissent entre l’énoncé et les différents éléments constitutifs du cadre énonciatif» (Kerbrat-Orecchioni 2009: 34).

C’est bien entendu dans cette seconde perspective que nous nous situons.

18 De manière plus large : les travaux menés par le cercle de Bakhtine contribuent à renverser la perspective adoptée sur ces questions, et signent la fin de l’énonciation monologue, acte individuel et gouverné par une conscience individuelle.

polyphonie désigne de manière très générale «la présence dans un énoncé ou un discours de ”voix” distinctes de celle de l’auteur de l'énoncé» (Moeschler et Auchlin 2005 : 144).

Toute production peut être considérée comme dialogique, et ce même si elle est monologale (= produite par un seul locuteur) «dans la mesure où elle est déterminée par un ensemble de productions antérieures, se présente nécessairement comme une parole adressée, répond à des attentes, implique des efforts d’adaptation et d’anticipation et peut s’intégrer dans le circuit du dire et du commentaire» (Vion 2000 : 31).

On peut néanmoins, comme le souligne D. Maingueneau, envisager une gamme de discours qui présentent cette caractéristique de manière plus ou moins accentuée, «selon le degré de présence du discours d’autrui et selon les différentes manières de le représenter que permet la langue» (Maingueneau 2002 : 176). Dans une telle perspective, les discours didactiques - tels ceux qui constituent notre corpus - peuvent être considérés, par leur essence même, comme des discours fortement dialogiques.

Ce dialogisme peut être repéré à deux niveaux (Bres 2005 : 52-53)19 :

-

au niveau interdiscursif, lorsque le locuteur «rencontre les discours précédemment tenus par d’autres sur ce même objet, discours avec lesquels il ne peut manquer d’entrer en interaction». Cela correspond à l’interdiscursivité généralisée que les travaux du cercle de Bakhtine ont contribué à mettre en avant :

-

au niveau interlocutif lorsqu’il «s'adresse à un interlocuteur sur la compréhension- réponse duquel il ne cesse d'anticiper». On s’intéresse ici aux traces linguistiques qui témoignent de la co-construction du message par le locuteur et l’interlocuteur et du fait que les messages sont le résultat d’un travail de co-construction mené par au moins deux interlocuteurs.

Les travaux de J. Authiez-Revuz établissent quant à eux une typologie sur un autre plan, et dégagent deux formes d’hétérogénéité discursive :

-

celle qui est constitutive de tout discours et «se cache ou se masque derrière les mots, les constructions syntaxiques, les reformulations ou les réécritures non dites des discours seconds» (Maingueneau 2002 : 176-77).

-

celle qui est «montrée» (Authier-Revuz 1982 : 118), et concerne les discours qui montrent explicitement qu’ils sont traversés par d’autres discours : «la représentation qu’un discours donne en lui-même de son rapport à l’autre, la place qu’il lui fait, explicitement, en désignant dans la chaîne, au moyen d’un ensemble de marques

19 Cf. aussi S. Moirand qui distingue le dialogisme intertextuel et le dialogisme interactionnel (Moirand 1990 : 75). Le premier fait explicitement référence «à des discours antérieurs, des discours sources ou des discours premiers», le second «aux discours que l’on prête aux destinataires (ou surdestinataires)».

linguistiques, des points d’hétérogénéité.»20 La forme peut en être très variée (discours rapporté direct, indirect, guillemets, italiques, intonation etc.) et son repérage nécessite une interprétation pertinente du lecteur.

Tous ces travaux remettent en cause l’unicité du sujet parlant : il est de fait pluriel, traversé par de nombreuses voix, se démultipliant (presque) à l’infini. On peut ici faire référence aux travaux d’O. Ducrot qui distingue trois types de « voix » qui s’entremêlent dans la polyphonie énonciative - et illustrent cette «scission du sujet parlant» (Maingueneau 2002 : 444) mise en avant par la linguistique énonciative. La typologie qu’il établit comporte ainsi :

1/ le sujet parlant, producteur empirique de l’énoncé - (Ducrot 1984 :198), être de de chair et d’os qui fait entendre sa voix. C’est par exemple, dans le cas d’un formulaire, celui qui tient le stylo et remplit le formulaire. (Ducrot 1984 : 172.)

2/ le locuteur L, qui se pose comme celui qui assumera la responsabilité de l’acte de

Outline

Documents relatifs