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Expérimentation, Recherche d’inspiration (1907-1918)

2. Répartition et insertion dans la ville

2.2. Le ciné dans la cité

2.2.3. Du parcellaire au projet

Avant d’étudier l’élaboration des projets, la question se pose de savoir si l’implantation des cinémas dans la parcelle affecte leur conception architecturale et le cas échéant, de quelle manière ; en d’autres termes, dans quelles mesures l’architecture des salles porte la marque du parcellaire. A ce propos, nous analysons les rapports entre les contours de la parcelle et la configuration de la salle, à travers le croisement des trois types de projets (aménagement, restructuration, édification) avec les deux catégories de parcelles accueillant les cinémas (parcelles exclusives et mixtes). Si, les édifications sont également réparties entre les deux types de parcelles, en revanche, les aménagements et les restructurations sont, par définition, situés dans des parcelles mixtes. Les trois quarts des cinémas établis dans les parcelles exclusives sont des constructions neuves. Cela dit, même dans ce type de projets, la concordance exacte entre les contours parcellaires et la forme de la salle n’est observée que dans un cas sur quatre. Malgré la grande diversité des formes de parcelles, le plan rectangulaire des salles n’est transgressé qu’exceptionnellement, et de plus, seulement à partir de 1912. Ceci accuse quelques « déformations »96 des salles par rapport aux contours parcellaires. En fait, seules quatre parcelles rectangulaires et une trapézoïdale transcrivent leur configuration aux cinémas qu’elles admettent. Dans le restant des cas, pour donner à la salle une forme géométrique régulière, il y a recours à différents

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artifices. Ceux-ci peuvent varier de simples troncatures à la création de dépendances dans les parties déformantes de la parcelle. Concernant les édifications dans les parcelles exclusives, l’observation d’un plan géométriquement régulier, en l’occurrence rectangulaire, prévaut, surtout avant 1912, contre l’impact de la forme parcellaire. Aussi, les quelques exceptions des années suivantes, ressortiraient davantage à l’acception d’un nouveau modèle planimétrique, à savoir trapézoïdal, qu’à la transcription de la configuration de parcelles. Quant aux rares projets d’aménagement et de restructuration dans des parcelles exclusives, il s’agit soit d’agrandissement d’anciennes salles en ajoutant un balcon ou annexant une cour arrière, soit de reconversion d’anciens hangars. Dans les deux cas, la forme rectangulaire projetée pour la salle correspond exactement à celle de la parcelle. Ainsi, dans ces projets, d’une part, la salle souvent établie dans des locaux existants, en hérite la forme, et de l’autre, la régularité des parcelles exclut, dans la plupart des cas, tout effort de modification de l’enveloppe extérieure.

Dans les parcelles mixtes affectées aux édifications, on retrouve la même diversité formelle des parcelles et la même dominance du plan rectangulaire de salle. La possibilité de pallier les irrégularités formelles des parcelles, moyennant l’installation d’autres unités fonctionnelles, confère souvent une plus grande malléabilité à cette catégorie de projets. Cependant, il n’est pas question d’indépendance totale de la configuration de salle vis-à-vis du contour parcellaire, sauf dans deux cas exceptionnels où le cinéma est établi au sein d’un parc. On retrouve, donc, l’obéissance de l’enveloppe des salles aux limites parcellaires dans un tiers des exemples. De même, les déformations de l’enveloppe intérieure n’apparaissent que rarement dans ces projets. Les aménagements dans les parcelles mixtes, en revanche, n’engendrent que des salles rectangulaires, et cela malgré le fait que seul un tiers de ces parcelles est de cette forme ou s’y rapproche. En fait, dans quatre des neuf projets de cette catégorie, le contour de la salle coïncide plus ou moins avec celui de la parcelle, tandis que dans quatre autres, des espaces réservés aux diverses fonctions ou aux dépendances du cinéma emplissent les « difformités » de la parcelle de façon à procurer à la salle un plan rectangle. Enfin, parmi la quinzaine de projets de restructuration ayant pour cadre des parcelles mixtes, si le modèle rectangulaire est largement dominant, on ne pourrait relever que trois exemples de concordance exacte des enveloppes extérieure et intérieure. Ceci étant, comme dans cette catégorie, la parcelle est d’ordinaire déjà occupée par d’anciennes constructions et que le cinéma vient s’installer dans l’espace résiduel, les traces de la forme parcellaire sont souvent visibles sur la configuration de la salle. C’est ainsi que l’on relève, dans ces projets, les formes des plus insolites telles en L, triangulaire ou en éventail, résultant souvent de configurations irrégulières de parcelles et/ou de contours d’édifices existants. La totale indépendance formelle de la salle de l’enveloppe parcellaire reste, ici

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comme dans les catégories précédentes, une singularité ; il ne s’agit plus d’établir la salle au sein d’un parc, mais dans une parcelle ordinaire où des cours se faufilent entre la salle et les mitoyens.

De ce qui précède il ressort que, concernant la forme des salles et le contour parcellaire, trois niveaux de relation peuvent être distingués : premièrement, « coïncidence ou obéissance », où la forme de la salle est définie par le tracé de la parcelle ou ses translations ; c’est le cas de tous les aménagements et restructurations dans les parcelles exclusives, mais aussi des édifications, exceptées celles qui accusent une volonté d’adopter un certain modèle a priori incompatible avec la configuration parcellaire. Le second niveau que l’on pourrait qualifier de « conformité ou concordance », se caractérise par le fait que la configuration de la salle porte la marque du parcellaire tout en s’en dégageant par certaines modifications ou déformations ; on retrouve ce niveau de rapport dans la plupart des projets établis en parcelles mixtes, qu’il s’agisse d’édification, d’aménagement ou de restructuration, mais également dans une partie des édifications en parcelles exclusives, datant

généralement d’après 1912. Enfin le troisième niveau de relation, « autonomie

ou indépendance » de la forme de salle du contour parcellaire, n’est repéré que dans quelques rares cas où le cinéma est installé dans une parcelle mixte, entouré d’espaces libres –cours- ou bien au sein d’un parc ou jardin. Les causes et les conséquences de ces différents niveaux de rapports entre la forme de la salle et la configuration parcellaire seront plus amplement analysées lors de l’étude de la conception architecturale des cinémas.

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3. Elaboration des projets : de la commande à