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Chapitre 4. L’intervention réalisée au STPP

4.2. Les résultats des co-analyses réalisées avec les chefs d’équipe

4.2.3. Obstacles rencontrés dans le travail de co-analyse

Plusieurs éléments ont rendu difficile le travail de co-analyse avec les chefs d’équipe. Une première difficulté tient à la nature des traces mises en discussion en autoconfrontation : ayant rarement pu réaliser des films d’activité, nous nous sommes le plus fréquemment appuyée sur les résultats de l’activité des chefs d’équipe (le mail finalement envoyé, le formulaire tel qu’il a été rempli…), plutôt que sur des traces de l’activité en train de se faire. Accéder à partir de ces « résultats » aux arbitrages faits en amont par les chefs, à la façon dont ils s’y sont pris dans telle ou telle situation, n’a pas toujours été possible. Cela nous a demandé de multiplier les questionnements et de partager nos propres hypothèses sur ce que la trace disait de l’activité, ce qui n’est pas sans biais méthodologiques. Il nous semble néanmoins que l’activité dans son ensemble (entendue comme ce qui a été fait, mais aussi ce qui n’a pas été fait et ce à quoi les chefs d’équipe ont renoncé) a pu par moment se discuter : d’une part grâce au travail en autoconfrontation croisée, où les questions d’un pair expert poussaient les chefs d’équipe à donner aux traces de leur activité plus de précisions et plus d’aspérités, et, d’autre part, grâce au fait que certaines traces utilisées étaient liées à des situations dans lesquelles nous avions été pour une part présente (lors des observations), ce qui lestait le discours des chefs et nos propres questions d’éléments vécus ensemble de l’activité réelle et de son contexte.

Les chefs d’équipe ont par ailleurs parfois eu du mal à s’engager individuellement et collectivement dans des discours autres que les discours habituels. Nous avons ainsi beaucoup entendu le même type de propos, souvent de l’ordre de la plainte, chargés de critiques et de revendications portant sur leurs supérieurs hiérarchiques et sur la mauvaise organisation de leur service, et interrogeant peu ce qu’ils faisaient eux-mêmes. Les premières analyses ont surtout été l’occasion de redire ce type de discours uniformes et partagés, en faisant des traces travaillées une preuve de plus de la justesse de ce qu’ils avançaient. C’est finalement sur la durée et dans la multiplication des cadres de discussion que nous avons, à certains moments, pu voir se développer, ou du moins s’énoncer, de nouveaux discours.

La possibilité de tenir entre eux d’autres discours sur leur activité a aussi buté sur la tendance, ou peut-être la nécéssité, des chefs d’équipe à faire globalement corps en parlant d’une seule voix, ou en tout cas en diminuant la portée des différences qui pouvaient apparaître entre eux. La discussion s’est heurtée, particulièrement dans les premiers temps, à un gommage des différences : soit en disant qu’ils faisaient tous pareil, soit en disant que les écarts ne relevaient pas de différences notables dans les façons de faire le métier, mais de l’irréductible singularité des personnes et des situations. Nous faisons l’hypothèse que cette tentative, sinon de maintenir réellement, au moins d’afficher un accord entre eux, est pour partie liée à leurs habitudes de discussion et de négociation avec leur hiérarchie ou l’organisation. Dans ces contextes, il s’agit de faire bloc pour obtenir des changements ou instaurer des rapports de force qui permettront des négociations. Néanmoins, dans le cadre de l’intervention, les chefs d’équipe ont pu faire, à certains moments, l’expérience qu’il était possible d’exprimer des points de vue différents et de les défendre, sans que cela ne mette à mal leurs relations interpersonnelles, et sans que cela ne les empêche (et peut-être même au contraire) d’entrer en discussion avec leur hiérarchie pour faire valoir leur expertise professionnelle et soutenir des propositions communes de modification de l’organisation.

Récapitulatif de l’intervention menée et du travail de co-analyse

Lieu Intervention au STPP de la DPE

Travail de terrain dans les divisions 13 et 14 Durée Contrat CIFRE du 17/11/14 - 16/11/17

1re réunion avec le service : 21/01/14 ; dernière réunion avec le service : 9/01/18

Commande du service

Travailler sur des difficultés concrètes à l’intérieur de deux divisions territoriales, en partant des analyses des TSO et en mobilisant d’autres échelons et fonctions dans la division, avec pour perspective de développer la possibilité pour les encadrants d’agir sur l’organisation du travail pour construire un cadre de travail qui favorise l’engagement des éboueurs

Demande de départ des professionnels

Travailler sur la communication et la concertation entre échelons hiérarchiques, jugées insuffisantes et/ou mauvaises

Travail de co- analyse

Participants : 13 chefs d’équipe volontaires engagés dans un travail de co-analyse de leur activité, et une partie de leur encadrement engagé dans un travail

d’échanges et de recherche de solutions avec les chefs d’équipe

Activités analysées : les transmissions et signalements depuis le terrain (division 13) et le traitement des plaintes (division 14)

Méthodes : observation, autoconfrontations simples et croisées, séances de travail entre pairs et séances de travail entre échelons/fonctions

Dysfonctionnements mis au jour dans le travail de co-analyse

• Des problèmes de terrain qui ne trouvent pas de solutions

• Une méconnaissance des circuits d’action et de décision dans le service (« qui fait quoi » et avec quels résultats possibles) et un manque de visibilité pour les chefs d’équipe des suites données à leurs demandes

• Manque d’efficacité et de réactivité du service (notamment lors des signalements faits depuis le terrain)

• Manque de moyens et problèmes de coordination des moyens

Tensions repérées dans le métier de chef d’équipe

• Quel rapport aux informations ? (Les faire circuler ? Les garder pour se constituer une marge de manœuvre ? Aller les chercher ? Les attendre ?...) • La « débrouille » ou le « système D », et leurs limites

• Se « couvrir » ou être efficace ? • Quelles réactions face aux blocages ?

• Les responsabilités à prendre (entre trop et pas assez)

• La nécessité ou non de remettre en question un objectif partagé d’efficacité, de réactivité et de présence sur le terrain

• Le dilemme entre assurer une propreté optimale et satisfaire les riverains

Modes de travail coopératif expérimentés

• Travail mêlant différents échelons et fonctions à l’échelle de la division (travail transverse)

• Travail entre échelons et fonctions à l’échelle du service (comité du pilotage) • Construction collective d’instruments de transmission et de travail collectif • Conception et expérimentation d’une nouvelle procédure de signalement des

encombrants (div. 13) et d’un nouveau circuit de traitement des plaintes (div. 14)

• Réunions de travail sans l’intervenante à l’échelle du secteur (div. 14) et à l’échelle de la division (div. 13) pour tenter de résoudre des problèmes rencontrés par les chefs d’équipe sur le terrain

Chapitre 5. La construction de l’objet de la recherche : du vécu au

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