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Chapitre 7. Les apports de l’analyse du travail et des perspectives cliniques pour penser

7.3. Les conduites d’engagement et de désengagement

7.3.3. Des conduites de résistance et de dégagement ?

Face aux épreuves psychiques du travail, les professionnels ne font pas que s’adapter ou se défendre et une troisième voie mérite d’être investiguée : celle de la résistance et du dégagement (Lhuilier, 2006 ; Lhuilier et Roche, 2009), qui ouvre vers la possibilité de retourner ce qui fait obstacle et souffrance en occasion de se transformer et de transformer son activité et son milieu de travail. Nous nous demanderons ainsi si l’engagement et le désengagement peuvent servir des conduites ou mécanismes de résistance et de dégagement.

Résistance

La question de la « résistance » revient dans les travaux développés en clinique du travail, et particulièrement en psychodynamique et en psychosociologie du travail, mais elle ne renvoie pas toujours à la même chose, comme le montre l’entretien mené par D. Lhuilier avec C. Dejours sur le rapport entre défenses, résistance et dégagement (Lhuilier, 2009) : résistance du réel constitutive de l’expérience du travail, résistance et défense contre la souffrance, résistance « au sens noble du terme » à visée éthique et politique (Dejours, in Lhuilier 2009, p.228 et suivantes). C’est cette dernière forme qu’étudie Duarte (2017 ; 2018) : enjeu central de la lutte contre les nouvelles formes d’organisation du travail et le tournant gestionnaire des 40 dernières années, cette résistance est une « praxis » qui repose sur une « coopération extra-ordinaire ». Il dit se démarquer ainsi d’une « conception extensive » de la résistance (Duarte, 2017, p.314) qui fait de toute conduite de désobéissance une conduite de résistance, ainsi que d’une conception de la « résistance comme loi de l’être » (p.316) qui pense la résistance comme ontologique, présente dans tout mouvement de vie (Lhuilier, 2009). Cette coopération extra-ordinaire est « une coopération reposant sur une pensée politique, ayant une visée éthique et se préoccupant des œuvres humaines et de la vie» (p. 320). Pour lui, il s’agit d’une « résistance éthique » (Duarte, 2017, p. 318), d’« une pratique d’opposition politique », par laquelle il s’agit de résister dans l’organisation néolibérale du travail : « 1/ contre le déni du travail vivant, 2/ contre la banalisation du mal et de l’injustice sociale, et 3/ contre la déstructuration des collectifs et l’avènement de la solitude ». (Duarte, 2018, p.142).

Les actes de résistance que peuvent constituer l’engagement et le désengagement rencontrés dans notre terrain ne relèvent a priori pas de ce niveau1, mais plutôt de pratiques de résistances

quotidiennes (Roche, 2016 ; Lhuilier et Roche, 2009), de « résistances nichées au creux des activités de travail » (Efros et Schwartz, 2009, p.34). Ces actes n’entrent que peu dans une

1 Ce point pourrait être néanmoins discuté, mais cela nécessiterait d’autres éléments cliniques, et sans doute un autre

type d’intervention que celle que nous avons menée. Si nous avons pu saisir des conduites d’engagement et de désengagement de l’activité qui pouvaient avoir une portée revendicative, comme tenter de se soustraire à des formes de domination ou d’instaurer d’autres rapports sociaux au travail, s’il nous est possible de faire des hypothèses sur la visée et les effets de ces pratiques sur les individus et leur activité, nous n’avons de fait pas cherché à saisir si ces différentes pratiques pouvaient s’inscrire dans une lutte plus large et nous n’avons pas vraiment rencontré de signaux allant dans ce sens. Cependant, si on suit Efros et Schwartz (2009), on pourrait avancer que ces micro-actes de résistance ne sont pas sans rapport avec une résistance au « sens noble » : constitutifs et inhérents aux activités de travail, ils débouchent sur de multiples « transgressions [qui] participent de façon continue aux transformations des situations de travail mais également aux transformations de la vie sociale en général, dans la mesure où les valeurs en débat dans la sphère des activités de travail ne sont pas étrangères à celles de la sphère politique » (p.34).

stratégie de lutte partagée et conscientisée et sont constitués, par exemple, de désobéissances aux consignes ou au contraire d’application à la lettre de ces consignes, d’absences à certaines réunions, de courriels ignorés ou tardivement traités, etc. Ils se rapprochent des « conduites de résistance et de désobéissance au travail » identifiées par Ganem (2012) en Guadeloupe : grève du zèle, insubordination à l’autorité hiérarchique, arrêts de travail, absences, non-respect des horaires, désintérêt manifeste pour le travail (p.7 à 9). Ganem voit dans ces conduites une « stratégie de défense par la désobéissance et la résistance [qui] vise à protéger les sujets contre la souffrance d’avoir à se soumettre dans le cadre du travail salarié. » (p.148), souffrance qu’elle met en lien dans le cas des salariés guadeloupéens avec l’histoire esclavagiste et coloniale de l’île. Dans ce contexte, l’expérience du salariat et des rapports de subordination qui la caractérisent peut générer un vécu d’exploitation et d’oppression, et le sentiment d’être confronté à une volonté de domination. Les professionnels développent alors des stratégies qui visent à la fois à résister à ces rapports et à se défendre de la souffrance qui en découle. La résistance passe notamment par des formes de désengagement avec « un contrôle sur la mobilisation de son ingéniosité » (Ganem, 2012, p.78) et « une retenue de l’engagement à servir » (Ganem et Gaignard, 2017, p.23).

Dans le contexte qui est le nôtre, la désengagement pourrait ainsi peut-être être mis en lien avec une forme de résistance à la subordination, subordination qui nous semble être relativement forte : de par le statut même d’agent de la ville de Paris qui doit « obéir » et le poids des élus dont il faut « suivre les directives» (cf. 1.2.3. et 1.2.5), mais aussi de par l’organisation et la « culture » du service. Nous l’avons vu, la ligne hiérarchique est longue et les chefs d’équipe ont finalement beaucoup de « chefs ». Le commandement et l’organisation territoriale de la propreté ont été à plusieurs reprises décrits par nos interlocuteurs comme suivant une logique militaire avec des « divisions », des hommes et des moyens à « déployer » sur des « zones de traitement», dans laquelle « on ne demanderait pas de réfléchir mais d’exécuter les ordres ». Si cette description peut sembler caricaturale, le poids de la hiérarchie, des règles et des directives s’est avéré être bien présent au quotidien. Nous avons pu le saisir dans ce que le travail de co-analyse a permis d’attraper de l’activité des chefs d’équipe, mais aussi dans notre propre activité au cours de l’intervention qui a parfois impliqué de négocier pour accéder librement et directement aux chefs d’équipe, et pour que leur participation au dispositif ne soit ni l’effet d’un ordre, ni soumis à autorisation, mais un acte volontaire et ne nécessitant pas d’autorisation hiérarchique. De ce point de vue, certains actes de désengagement observés auraient à voir avec la résistance infra-politique décrite par Scott (1990/2006): faute de pouvoir gagner une bataille ouverte, les « subalternes » déploient des stratégies ou stratagèmes discrets, des actions non déclarées et non visibles, qui constituent aussi une forme de lutte contre un ordre établi auquel ils peuvent se vivre assujettis. Si cette lutte est souterraine, non publique, elle n’en oppose pas moins des résistances tenaces et obstinées (Roche, 2016).

Certaines formes de désengagement nous semblent plus particulièrement pouvoir se comprendre comme des tentatives de résister à l’organisation et même d’agir sur elle. Nous l’avons vu, certains actes de désengagement relèvent d’un engagement pour faire fonctionner le service d’une manière différente et, du point de vue des auteurs de ces actes, meilleure. L’intelligence n’est alors plus mobilisée pour combler les écarts entre le prescrit et le réel, mais pour tenter d’infléchir la prescription et d’agir, à petite échelle, sur l’organisation du travail, et finalement d’y poser sa marque ou son point de vue. C’est sous cet angle que ces actes nous semblent relever de la

résistance : résistance contre l’organisation en place, et résistance de la subjectivité de sujets qui cherchent à ne pas seulement exécuter mais aussi à initier, orienter, faire vivre une expertise et un professionnalisme de terrain qui leur sont propres. On peut y voir aussi une forme de résistance à une organisation qui tenterait de convoquer la subjectivité et l’initiative de façon sélective, dans laquelle les professionnels devraient s’investir subjectivement, participer, mais en « restant à leur place », « sans faire bouger les lignes ». Mais on ne peut « contingenter la pensée humaine, pas plus au travail qu’ailleurs » (Efros et Schwartz, p.40). Ces actes seraient des « transgressions » doublement nécessaires : nécessaires pour travailler et nécessaire à la vie du sujet.

Transgresser sera donc produire d’une autre façon que celle qui avait été ordonnée (…). C’est à la fois une nécessité de toute séquence opératoire efficace et une nécessité du « vivre en santé » ; nécessités qui sont en elles-mêmes de nouvelles sources d’incertitudes et d’infidélité du milieu. Les formes concrètes de transgression seront diverses, déterminées par les singularités des situations ouvrant un spectre variable d’« autres possibles ». Leur occurrence est plus ou moins imprévisible tout autant que leurs effets ; elles sont susceptibles de toutes sortes de degrés de clarté dans la conscience des transgresseurs, de degrés d’explicitation et de collectivisation. Des fraudes fonctionnellement obligatoires aux entorses à un règlement, des ruses à la dérision, des provocations par l’invention technique ou encore par la désobéissance ou le retrait, jusqu’aux subversions organisées d’un ordre établi pour le transformer » (Efros et Schwartz, 2009, p.40-41). Ici encore, les conduites d’engagement et de désengagement n’auraient pas un sens en soi, mais se comprendraient en fonction de la visée poursuivie et/ou de ce à quoi elles servent dans l’activité concrète. De façon paradoxale, un désengagement calculé, stratégique de l’activité pourrait traduire une résistance engagée, une tentative d’action, traduisant le fait qu’on n’a pas renoncé à donner du sens à ce que l’on fait, et à essayer d’améliorer l’organisation et la qualité du travail réalisé et du service rendu aux usagers. Mais résister n’est pas en soi émancipatoire, et n’est pas toujours et jamais seulement source de mouvements de transformation de l’organisation et de dégagement subjectif. Elle peut aussi alimenter des postures qui se figent et se rigidifient, « du côté de la conservation, du statu quo, de l’archaïque » (Lhuilier et Roche, 2009, p.11).

Vers des formes de dégagement ?

Sur le plan psychanalytique, Laplanche et Pontalis (2007) définissent, à partir des travaux de Lagache, les mécanismes de dégagement dans leur opposition avec les mécanismes de défense : alors que les mécanismes de défense cherchent à diminuer les tensions internes, les mécanismes de dégagement « tendent à la réalisation des possibilités, fût-ce au prix d’une augmentation de la tension ». Ils substituent aux opérations défensives automatiques et inconscientes des opérations de la conscience qui permettront progressivement au sujet « de se libérer de la répétition et de ses identifications aliénantes » (p.237). L’efficacité du mécanisme de dégagement a en effet pour condition la levée de la défense, il permet au Moi de se dégager de la répétition compulsive en s’appuyant sur une pensée symbolique permettant « la prise en considération des effets éloignés de la conduite », de « [voir] les choses de plus haut. » Lagache, (2013 [1955]). Ainsi le dégagement concerne le Moi et ouvre à des formes de prise de distance et d’ajustement en faisant appel à l’intelligence du sujet :

Les défenses sont désinvesties au profit d’un surinvestissement des pensées liées à l’attention et la réflexion (…), les opérations de dégagement du moi ont une structure logique, font appel à l’intelligence et accroissent la liberté du sujet en favorisant la mobilité de sa conscience, en le rendant capable de changer de système de références. (Doron et Parot, 2008, p.187).

Pour Lhuilier (2006), les mécanismes de dégagement «font appel au jugement pour une adaptation à la réalité » (p.155) et passent par « l’élaboration psychique et la prise de distance » (p.156), qui atténue « la rigidité des mécanismes de défenses individuels ou des stratégies défensives collectives » (p.155-156). Au travail, l’élaboration et la prise de distance sont favorisées par l’existence d’espaces-temps dans lesquels pourront être exprimés et partagés les problèmes et les difficultés rencontrés dans l’exercice de son métier. C’est dans ces cadres sociaux collectifs que « pourront être recherchés des modes d’organisation et de coopération qui allègent le poids des contraintes psychiques et favorisent les processus de dégagement » (p.157). Les travaux de psychosociologie du travail accordent une attention particulière aux processus de dégagement (p. ex. Ladreyt, Lhuilier, Marc et Favaro, 2014 ; Ladreyt, 2017 ; Schalck, 2017) qui sont mis en lien avec les capacités et possibilités de subversion et de créativité du sujet. Face aux obstacles et freins rencontrés, aux épreuves subjectives et à la souffrance générées par certaines situations de travail, il ne s’agit alors plus seulement de s’adapter, de s’ajuster, et/ou de se protéger, mais de créer des nouvelles voies pour agir mais aussi exister au sens fort du terme : « le sujet révèle à lui-même ses propres capacités à trouver, à développer de nouveaux savoirs, à exister. (…). Par ce dégagement, le professionnel découvre qu’il n’est plus seulement agi par les demandes d’autrui mais sujet des actes qu’il pose » (Amado, Bouilloud, Lhuilier, Ulmann, 2017, p.11-12)

D’une certaine manière, le désengagement de l’activité nous semble pouvoir servir une forme de prise de distance, permettre de voir, sinon « de plus haut », au moins « d’un autre angle ». On retrouve cet aspect dans certaines pratiques défensives décrites par Viviers (2014), mentionnées ci-avant, qui nécessitent des formes de « lâcher prise » et de « recadrage ». Le discours de la « prise de distance », du « recul », nous l’avons nous-aussi rencontré chez les chefs d’équipe : il s’agissait alors de moins en faire, pas forcément en quantité mais plutôt en terme d’implication subjective, éventuellement pour se protéger mais aussi pour mieux voir, identifier d’autres voies d’action possible. Mais nous n’avons pas identifié que cette prise de distance ou ce recul amenaient à des constructions durables d’autres façons de faire, permettant par exemple d’échapper à des versions défensives et rigides d’engagement ou de désengagement du type de celles décrites plus haut, notamment parce que, dans ce que les professionnels ont pu mentionner, ces façons de faire relevaient d’un exercice solitaire. Nous rejoindrons sur ce point D. Lhuilier et l’importance du rôle que peut prendre l’existence d’un espace social de partage et d’un collectif pour construire des nouvelles façons de travailler et de coopérer susceptibles de soutenir le sujet dans des remaniements psychiques lui permettant de faire autre chose face à la souffrance que de se défendre. L’intervention, par les cadres collectifs organisés, aura peut-être permis à certains professionnels des formes de dégagement, en les amenant, dans le dialogue avec leurs collègues, à développer d’autres modalités de réaction et d’action face aux difficultés rencontrées dans la réalisation de la tâche.

7.4. Synthèse

Dans cette seconde partie théorique, nous avons proposé de regarder l’engagement et le désengagement dans leurs rapports avec l’activité. Un engagement minimal des professionnels est toujours nécessaire pour réaliser l’activité : ils doivent se mobiliser pour combler l’écart entre le prescrit et le réel, sans quoi l’exécution d’une tâche ne peut que buter sur les inattendus et les obstacles qu’elle rencontrera forcément. Lorsqu’on entre plus précisément et plus en détail, à partir des modélisations de la clinique de l’activité et des perspectives qu’elle mobilise (Vygotski, Leontiev, Bakhtine), dans ce qui constitue l’activité, et dans ce que peut vouloir dire s’engager ou se désengager de son activité, on peut identifier différentes relations entre l’engagement, le désengagement et l’activité. L’engagement et le désengagement peuvent être vus comme des produits de l’activité ou dans un rapport de « co-engendrement » avec elle : l’activité qui trouve du sens pour le sujet peut développer son engagement et son investissement dans sa réalisation ; inversement, l’activité pourrait produire du désengagement quand elle ne mobilise pas ou plus les professionnels et ne peut devenir l’instrument d’aucun objectif (qu’il soit prescrit par l’organisation, ou redéfini par les collectifs et/ou les individus).

Les obstacles rencontrés dans l’activité pourraient finalement produire des effets contraires. Face à ce qui ne fonctionne pas et qui crée chez le sujet empêché, contrarié ou dérouté, un mouvement affectif sans doute d’abord du côté de la passivité ou de l’impuissance, les professionnels pourraient en quelque sorte « fabriquer » de l’engagement et chercher à agir, s’ils en ont les ressources, s’ils voient des possibilités. De ce point de vue, l’intervention pourrait être un cadre qui permet de créer ou de soutenir l’engagement ou du réengagement pour agir, si elle parvient à développer des ressources et élargir les possibilités d’action. Mais les obstacles, dans une situation moins favorable, notamment sans ressources collectives ou organisationnelles pouvant soutenir les tentatives des professionnels, pourraient aussi alimenter le désengagement. S’engager et se désengager peuvent aussi constituer des activités en soi, qui prennent un sens en lien avec les autres activités dans lesquelles est pris le sujet ou qui sont des activités tournées vers soi, constituant une forme de travail sur soi du professionnel.

Dans le cours de l’activité, en fonction de la tâche, de son objet, de ses destinataires, des moyens et des ressources disponibles, les chefs d’équipe peuvent par ailleurs s’engager comme se désengager, et avec plus ou moins d’intensité. Si nous considérons qu’une pluralité de motifs et de buts, mais aussi d’adresses et d’instruments possibles, existe à l’intérieur d’une même activité, ou entre différentes activités concomitantes, on comprend comment les chefs d’équipe peuvent être pris dans beaucoup de mouvements d’engagement et de désengagement, simultanément et successivement. Ces mouvements se superposent et peuvent susciter en même temps de la mobilisation et de la démobilisation, de l’intérêt et du désintérêt, de la participation et du retrait, etc. De ce point de vue, les professionnels ne sont pas engagés ou désengagés, mais pris dans une réalité plus complexe, équivoque, potentiellement conflictuelle et ambivalente.

Dans cette perspective, les conduites d’engagement et de désengagement des professionnels méritent d’être regardées comme porteuses de sens non pas « en soi », mais de façon relative, en fonction des sujets et des situations auxquelles ils se confrontent. Elles émanent de la rencontre entre un ou des sujets, et une situation de travail définie par une tâche mais aussi par les moyens

disponibles pour l’exécuter, une organisation technique et hiérarchique du travail dans laquelle elle s’insère, des rapports interpersonnels et sociaux particuliers, etc. Pour le dire à la façon de Veil, l’engagement et le désengagement peuvent être pensés comme des comportements conséquents qu’il faut s’attacher à comprendre. Cette tentative de compréhension nous a amené à mobiliser différentes grilles de lectures possibles et à proposer que l’engagement et le désengagement puissent se regarder comme :

- des conduites d’adaptation et de régulation de l’ « homme à la tâche » (Veil) ;

- des stratégies de défenses individuelles et collectives (Veil, Dejours, Molinier, Duarte, Ganem, Viviers), dans lesquelles le désengagement mais aussi l’engagement peuvent être des moyens pour les professionnels de tenir dans la situation de travail et de mettre à distance ce qui est pour eux douloureux et difficilement supportable ;

- des conduites de résistance « du quotidien » (Dejours, Duarte, Ganem, Lhuilier, Roche) ; - et des potentielles tentatives de dégagement pour ouvrir, créer de nouvelles voies,

d’action et d’élaboration, dans la situation (Lhuilier, Viviers)

Là encore, la signification des conduites peut être multiple : un même comportement ne répond pas toujours aux mêmes besoins et ne poursuit pas les mêmes visées, d’une personne à l’autre, ou pour une même personne d’un moment à l’autre ou en même temps.

Les professionnels ne sont ainsi pas pris dans une seule forme ou logique d’engagement et de désengagement, mais traversés par des engagements et des désengagements multiples. Il en ressort des positions complexes et nuancées, variables en fonction du temps et des situations, potentiellement contradictoires ou paradoxales, que l’intervention, en les amenant à dire ce qu’ils font et ne font pas, à se positionner, a pu révéler et prendre pour objet. L’intervention donne ainsi

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