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Chapitre 4. L’intervention réalisée au STPP

4.1. La dynamique globale de l’intervention

4.1.3. De la mise en discussion des analyses effectuées à la mise en interrogation de

Au fur et à mesure, les analyses effectuées avec les chefs d’équipe ont été mises en discussion au niveau territorial, dans le cadre de réunions de travail transverse entre différents métiers et fonctions de la division, puis au niveau central, dans le cadre des réunions du comité de pilotage. de l’intervention.

Le travail transverse

Le travail transverse s’est déployé à l’échelle de la division. Dans la continuité des échanges organisés entre les chefs d’équipes et leurs cheffes de division pour déterminer les axes prioritaires et les objets précis sur lesquels nous allions travailler, nous avons organisé, dans chaque division, des cadres de dialogue entre les chefs d’équipe du collectif et d’autres professionnels de leur division, essentiellement leur cheffe de division et leurs autres supérieurs hiérarchiques (et trop peu souvent avec les autres fonctions de la division)1. Ces cadres ont pu

être à la fois formels et informels, avec à la fois des réunions organisées très officiellement par les cheffes de division, en concertation avec nous, et des rencontres plus informelles, prévues ou spontanées. Ces temps de travail n’ont certaines fois réuni que quelques professionnels, et ont d’autres fois tenté de réunir tous les participants. Ils avaient pour objectif de mettre en discussion les analyses effectuées avec les chefs d’équipe, de pouvoir ainsi intégrer les contraintes et points de vue des autres professionnels concernés à la compréhension des problèmes soulevés par les analyses, et d’avancer collectivement dans la recherche de solutions à ces problèmes.

Pour préparer ces réunions, nous avons de notre côté organisé différents temps de travail intermédiaires entre nous et ces professionnels autres que les chefs d’équipe afin de leur permettre de connaître les modalités et les objectifs de l’intervention, de se faire une idée du travail mené avec les chefs d’équipe, et d’entrer en réflexion sur les questions débattues dans le collectif. Nous avons aussi tenté d’amorcer au quotidien, à l’occasion de nos temps de présence dans les ateliers ou à la division, des discussions avec et entre les chefs d’équipe et leurs responsables. Il nous a semblé que ces amorces, qui se faisaient alors sur des objets très concrets de l’activité en cours des uns et des autres, favorisaient ensuite les échanges en réunion de travail transverse. Les discussions s’attachaient alors moins à défendre des positions ou attributions habituelles sur tel ou tel sujet, pour analyser conjointement une situation qui avait été partagée par une partie des participants à la réunion, en présence de l’intervenante. Si nous avons rencontré régulièrement les cheffes des deux divisions dans lesquelles nous avons travaillé, ainsi que leurs chefs d’exploitation, nous avons finalement peu travaillé avec les responsables de secteurs et leurs adjoints, supérieurs directs des chefs d’équipe, ce qui constitue l’un des principaux points faibles du dispositif. Ceux-ci se sont peu approprié la démarche, notamment dans la division 14, et c’est sans doute une des raisons pour lesquelles la mise en œuvre de changements concrets dans les façons de travailler entre échelons a été difficile.

1 En raison de contraintes de temps, nous n’avons que rarement pu mobiliser d’autres fonctions dans la division qui, en

dehors de la ligne hiérarchique des chefs d’équipe, intervenaient sur les objets (transmissions et signalements, plaintes) que nous travaillions.

Dans les premières réunions transverses, nous avons repris, en concertation avec les chefs d’équipe des collectifs, des éléments des analyses menées ensemble qu’ils souhaitaient discuter. Ces éléments portaient sur leurs façons de travailler, des difficultés ou blocages qu’ils identifiaient, et des questions que cela leur posait. Nous avons aussi utilisé des éléments de nos propres analyses concernant le dispositif que nous mettions en place, ses avancées et ses points de blocage. Aussi bien dans le 13e arrondissement que dans le 14e arrondissement, les premières

réunions transverses ont achoppé sur la difficulté à sortir du fonctionnement habituel. Le dispositif demandait en effet tant aux chefs d’équipe qu’à leurs supérieurs hiérarchiques de faire autrement que d’habitude, en sortant d’un mode de rapport où des problèmes remontent « depuis le bas » (des ateliers), et des procédures et des solutions descendent « depuis le haut » (des directions des divisions et du service). Au contraire, pour les supérieurs hiérarchiques, il s’agissait d’entrer dans la précision de ce qui se passait du point de vue « du bas », d’y confronter leurs propres points de vue, pour finalement chercher à construire, dans le dialogue avec le collectif, des façons de faire alternatives, d’autres règles ou procédures, plus efficaces, et impliquant potentiellement des changements dans les pratiques des uns et des autres. Pour les chefs d’équipe, il s’agissait tout autant d’entrer dans d’autres modalités de travail, en ne se contentant pas seulement d’énoncer un problème, mais en participant à son analyse et sa résolution dans la discussion avec leurs supérieurs hiérarchiques. Il faut noter que certains chefs d’équipe n’ont d’ailleurs pas souhaité ou pas pu entrer dans cette partie du travail, considérant qu’ils sortiraient alors de leur rôle.

Ces réunions ont pu donner lieu à des échanges houleux. Dans les deux divisions, les difficultés à discuter et avancer dans le travail transverse ont généré des mouvements de désengagement du dispositif de la part d’une partie des chefs d’équipe, avec le sentiment que tout ce qui avait été fait (les réunions du collectif, les analyses, les rencontres avec leur hiérarchie et les réunions du comité de pilotage) n’avaient servi à rien. Leur remobilisation a été en général possible. Si les premières résistances et les difficultés n’ont pas disparu, elles se sont suffisamment atténuées ou marginalisées pour laisser la place à des temps de travail collectif qui ont permis que les dernières réunions transverses portent d’une part sur des expérimentations concrètes de nouvelles façons de travailler et de nouveaux outils, sur lesquels nous reviendrons, et d’autre part sur le projet d’instaurer des cadres de travail collectif qui permettent de faire perdurer la dynamique développée par l’intervention. Ainsi, nous avons pu voir des dialogues se nouer, des points de vue s’opposer mais aussi se compléter et se modifier, et des actions se co-construire.

Le travail avec les commanditaires et en comité de pilotage

Tout au long de l’intervention, nous avons poursuivi le travail avec nos commanditaires et organisé dans le comité de pilotage un cadre de dialogue permettant de faire circuler, cette fois-ci à l’échelle du service, les analyses réalisées et les questions soulevées avec les chefs d’équipes. Avec les commanditaires, le travail s’est caractérisé par une forme d’instabilité de leur présence dans le dispositif et de l’intérêt qu’elles pouvaient manifester pour l’intervention en cours. Au- delà du travail initial de définition de la commande et après une période durant laquelle nous n’avons plus réussi à mobiliser notre première commanditaire, Mme A, nous l’avons rencontrée

elle deux réunions du comité de pilotage (1/02/16 et 6/09/16), réunions au cours desquelles elle a à la fois présidé les échanges et donné à plusieurs reprises ses propres points de vue sur les questions qui se posaient. Si elle nous a semblé rester assez perplexe par rapport à ce que pourrait à terme apporter l’intervention à son service, nous avons pu attirer son attention sur les liens qui, de notre point de vue, sur la base de l’intervention menée, pouvaient être faits entre l’absentéisme et une forme de désengagement des professionnels, lié pour partie aux modalités d’organisation du travail. À l’été 2016, elle a par ailleurs manifesté un intérêt explicite pour la poursuite de l’intervention, en posant l’acte important de sécuriser la situation des faisant-fonction du 14e

arrondissement pour la durée de l’intervention. En effet, le collectif du 14e arrondissement, nous

l’avons vu, était composé majoritairement d’éboueurs occupant les fonctions de chefs d’équipe et plusieurs réformes en cours faisaient craindre des arrivées ou des retours de chefs d’équipe titulaires qui entraineraient la réaffectation de ces faisant-fonction à des postes d’éboueurs. Il était impossible de savoir qui serait concerné par ces « retours au balai1 » et quand. Beaucoup

d’informations différentes circulaient sur le sujet. Les agents concernés se sentaient en insécurité et incertains, très partagés entre une envie de poursuivre leur investissement en tant que chefs d’équipe et dans l’intervention, et celle de lever le pied et d’attendre car « demain [ils ne seraient]

peut-être plus là ». Nous avons interpellé la direction de la division ainsi que Mme A sur cette

situation collectivement explosive et individuellement pathogène, et qui, à notre niveau, nous amenait à suspendre la poursuite de l’intervention dans l’arrondissement, considérant qu’il ne pouvait pas y avoir de travail de fond et de volontariat réel avec des professionnels qui craignaient, à tort ou à raison, d’être rétrogradés du jour au lendemain. Mme A s’est alors engagée à assurer aux

« faisant-fonction » du collectif de rester en poste la durée de l’intervention, quitte à ce qu’il y ait un sureffectif de chefs d’équipe dans l’arrondissement. Mais dans le même temps, elle nous a aussi appris son départ pour une autre direction. Nous avons alors perdu une commanditaire qui, de notre point de vue, commençait à prendre une part active dans l’intervention et à se mobiliser pour sa poursuite.

Mme A a été remplacée le 20/09/2016 par Mme D. Avec elle, les relations ont suivi une trajectoire

inverse : d’abord très engagée dans l’intervention, sa « réussite » et sa poursuite, elle s’en est ensuite fortement retirée. Dès notre première rencontre, Mme D se montre très intéressée par le

travail mené et surtout s’engage très subjectivement dans les échanges : elle nous fait part des résonnances qu’elle identifie entre ce qui ressort de l’intervention en cours, ce qu’elle observe dans sa prise de fonction, et ce qu’elle vit elle-même, avec notamment, de son point de vue, des directives parfois difficiles à appliquer et des écarts importants entre l’échelon central et les divisions, et entre les divisions et les ateliers. Sur la fin de l’intervention, elle se dit désireuse d’étendre, à toutes les divisions, ces façons de faire travailler ensemble les professionnels, expérimentées dans l’intervention. Son implication se traduit alors par le développement, dans les réunions du comité de pilotage, de perspectives qui vont au-delà de l’intervention et suscitent de l’engagement chez les chefs d’équipe et chez certains des chefs de division présents. Mme D y

est dans une position d’écoute et de co-construction, tout en tenant un rôle de cheffe de service qui, à certains moments, acte les décisions et les impulse (notamment en fixant un cadre temporel et des objectifs qui engagent tous les niveaux hiérarchiques présents). Mais dans les dernières

1 C’est l’expression utilisée par les chefs d’équipe et les faisant-fonction pour désigner le retour de ces derniers à leurs

semaines de notre contrat, nous ne parvenons plus à la rencontrer et la sollicitons en vain. Le travail avec elle s’arrête d’une façon abrupte et inattendue pour nous.

Concernant le comité de pilotage en lui-même, son rôle était de permettre et de suivre le travail mené dans les divisions, de poursuivre les dialogues engagés localement avec les directions des divisions, et de participer à la définition et à la mise en place des actions à expérimenter. Il était pour ce faire initialement composé de :

- la cheffe de service du STPP (Mme A puis Mme D) et parfois ses adjoints Mme N ou M. G ;

- les cheffes des divisions 13 et 14, et les chefs des divisions 9/10 et 181 ;

- des membres du BPRP qui accueillait la doctorante : le chef de bureau responsable scientifique de la CIFRE et l’ergonome du bureau ;

- l’équipe d’intervention : directrice de thèse et doctorante ; - et, dès le second comité, des représentants des collectifs de TSO.

Les membres du comité ont été presque toujours présents2. Ces réunions étaient à chaque fois

préparées par l’intervenante avec les chefs d’équipe des deux divisions réunis en un collectif unique, avec les deux cheffes de division, et avec la cheffe du STPP. Là encore, la perspective était de permettre à chacun d’être suffisamment au fait et en réflexion, pour se mobiliser dans le comité de pilotage et s’engager dans un dialogue relativement ouvert avec les autres. La réunion des chefs d’équipe en un seul collectif permettait de les faire discuter sur leurs analyses respectives. En dehors de quelques étonnements liés plutôt à des spécificités d’organisation de chaque division, chaque collectif s’est beaucoup retrouvé dans les analyses de l’autre.

Chaque réunion du comité de pilotage s’est appuyée sur une présentation réalisée par l’équipe d’intervention, discutée avec les chefs d’équipe et les cheffes de division en amont, comprenant un diaporama et parfois un film, dont le contenu reprenait le travail de l’intervention, ses avancées et blocages, ainsi que ses perspectives et les points à discuter pour pouvoir poursuivre le travail (cf. tableau 8 ci-après). Les échanges permettaient ensuite que les professionnels précisent et discutent leurs points de vue. Certaines analyses des chefs d’équipe ont pu alors rencontrer de l’accord, voire mettre en avant des lignes de tensions fortes qui traversaient l’ensemble du service, tandis que d’autres ont suscité de la surprise ou du désaccord. La qualité des discussions, dans le sens d’une possibilité pour tous de s’exprimer, y compris dans ses divergences, et d’une prise en compte du point de vue de chacun, s’est améliorée au fil des réunions. Des accords ont pu régulièrement être trouvés concernant les orientations et la suite à donner à l’intervention. Le dernier comité de pilotage, sur lequel nous reviendrons dans le point suivant, a été un comité de transition, animé par des « relais internes » (T et E) devant, le cadre contractuel de l’intervention du CNAM ayant pris fin, prendre la suite de l’équipe d’intervention pour œuvrer à une forme de pérennisation et de généralisation du dispositif. La nécessité de mettre en place ces relais et leur identité (l’ergonome du BPRP et un chargé de mission du STPP) avaient été actées lors de la 4e

réunion du comité de pilotage, après y avoir réfléchi avec Mme D et avec les professionnels pressentis pour prendre en charge cette fonction de relais interne.

1 Ils avaient participé à la précédente intervention et étaient sollicités pour donner un regard, à la fois interne au service

et extérieur à l’intervention en cours, sur les analyses et actions menées.

2 Les chefs de division se sont faits remplacer de rares fois par des membres de leurs comités de direction (attaché

administratif ou chef d’exploitation). Par contre, la responsable du service des ressources humaines devait participer mais elle n’est, dans les faits, jamais venue. Elle a été occasionnellement informée des avancées de l’intervention.

Date de la

réunion 1/02/16 Copil 1 6/09/16 Copil 2 19/01/17 Copil 3 23/05/17 Copil 4 9/01/18 Copil 5 Participants Cheffe du STPP (A)

Adjointe N Adjoint G Cheffe du STPP (A) Adjointe N Adjoint G Cheffe du STPP (D) Cheffe du STPP (D) Chargé de mission

(T) « Relais » Chargé de mission T, devenu « Relais » Attachée adm. 13 Chef exploitation 14 Chef exploitat° 9/10 Cheffe division 18 Cheffe division 13 Cheffe division 14 Chef division 9/10 Cheffe division 13 Cheffe division 14 Chef division 9/10 Cheffe division 18 Cheffe division 13 Cheffe division 14 Cheffe division 18 Cheffe division 13 Cheffe division 14 Chef exploitation 14 ASE 14 Cheffe division 18 Chef BPRP Ergonome BPRP Chef BPRP Ergonome BPRP Chef BPRP

Ergonome BPRP Ergonome BPRP (E) « Relais » Chef BPRP Ergonome BPRP (E) devenu « Relais » Chefs d’équipe : Franck Oumar Bakary Sylvaine Valérie Chefs d’équipe : Clément Léo Mathieu Oumar Sylvaine Valérie Chefs d’équipe : Bakary Franck Jean Oumar Valérie Chefs d’équipe : Bakary Clément Franck Jean Valérie Directrice de thèse Doctorante Directrice de thèse Doctorante Directrice de thèse Doctorante Directrice de thèse Doctorante Directrice de thèse Contenu Discussion du dispositif Échange sur les questions à faire avancer

Discussion des orientations et objets de travail pris dans les deux divisions Discussion des analyses du 14e

Point sur le planning et les prochaines étapes du travail

Discussion des analyses du 13e

Point sur les actions mises en place dans le 14e

Décision

d’expérimenter de nouvelles modalités de travail collectif dans les divisions

Point sur les actions et expérimentations menées dans les deux divisions Échange autour des points de

convergence dans les analyses faites dans les deux divisions Décision de déployer le dispositif expérimenté Retour sur le fonctionnement des modalités de travail collectif en cours dans les deux divisions

Validation de points d’amélioration pour la suite

Accord des chefs d’équipe et de leur hiérarchie pour participer à un déploiement à d’autres divisions

Figure 8 : Récapitulatif des différentes réunions du comité de pilotage

4.1.4. Des résultats de l’intervention à l’expérimentation de nouveaux modes de travail

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