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Chapitre 4. L’intervention réalisée au STPP

4.2. Les résultats des co-analyses réalisées avec les chefs d’équipe

4.2.1. La méthode des autoconfrontations simples et croisées

L’activité des chefs d’équipe a été analysée dans le cadre d’entretiens en autoconfrontations simples et croisées (6 ACS et 6 ACC) et de réunions collectives.

La méthode des autoconfrontations croisées, telle qu’elle a été développée et est pratiquée en clinique de l’activité, se nourrit des perspectives vygotskienne et bakhtinienne sur le langage, le dialogue et le développement (Clot, 2004a, 2008b ; Duboscq et Clot, 2010). Cette méthode a pour objectif de permettre aux professionnels, à partir des dialogues qu’ils engagent dans différents contextes autour de traces de leur propre activité, d’aller au-delà de ce qu’ils disent et pensent habituellement de ce qu’ils font, pour pouvoir imaginer et éventuellement expérimenter de nouvelles façons de faire et de nouvelles solutions face aux problèmes rencontrés. Ces dialogues se font dans un « espace-temps » dédié, différent des cadres habituels de dialogue dans l’organisation, notamment pour contrecarrer, au moins partiellement, les contraintes qui pèsent ordinairement sur le discours des professionnels sur leur travail (contraintes sociales liées par exemple aux rapports hiérarchiques et aux effets des statuts sociaux des acteurs, mais aussi contraintes de l’ordre ce qu’il serait correct, acceptable, conforme, ou pas, de dire dans le milieu). Dans ce cadre particulier, pour Clot et Faïta (2000), on vise :

des productions discursives par lesquelles le locuteur, confronté à lui-même, outrepasse les limites que lui impose habituellement le contrôle social sous ses différentes formes, y compris celui qu’il s’impose de son propre chef : l’auto-évaluation de la conformité de ses actes par rapport à l’attente d’autrui, ou tout au moins de ce qui la représente en lui-même, bref par rapport aux normes sociales, aux genres et à la façon dont ces genres autorisent aussi l’usage ou la transgression des normes à bon escient. (p.25)

Cette méthode comporte trois phases (Bonnemain et Clot, 2017 ; Clot, 2008b ; Clot, Faïta, Fernandez et Scheller, 2000) :

1) une phase de constitution du groupe d’analyse et d’observation qui mène aux choix, avec le collectif constitué, des séquences d’activité qui sont ensuite filmées ;

2) la phase d’autoconfrontations proprement dite qui comprend :

- les enregistrements vidéo de séquences d’activité des professionnels,

- les autoconfrontations simples dans lesquelles le professionnel se confronte, en présence de l’intervenant et dans l’échange avec lui, aux films de son activité. Il s’agit d’amener le professionnel aux limites de ce qu’il peut dire de l’action réalisée telle qu’il peut la voir sur les images,

- les autoconfrontations croisées au cours desquelles le professionnel se confronte aux mêmes traces, en présence de l’intervenant et d’un pair s’étant lui-même aussi confronté à des séquences de sa propre activité. S’ouvre alors un dialogue entre pairs : les professionnels y font « l’expérience d’un plurilinguisme professionnel » (Clot, 20008b, p.215) dans lequel l’activité peut se dire, se voir et se comprendre de différentes façons ;

3) une phase d’extension du travail d’analyse réalisé en ACS et ACC : au collectif de l’intervention, éventuellement à un collectif élargi composé de collègues qui s’affrontent aux mêmes épreuves professionnelles, et enfin au comité de suivi ou de pilotage de l’intervention. Il s’agit alors de déplacer la confrontation à l’intérieur du dispositif d’intervention (Bonnemain et Clot, 2017), et notamment d’ouvrir aux commanditaires les discussions et controverses engagées avec pour visée de « transformer [les] réflexions collectives de métier [des professionnels] en transformations concrètes du travail » (Clot et Quillerou-Grivot, 2014, p.147).

Au fil de ces différentes phases, l’activité réflexive des professionnels sur ce qu’ils font devient une moyen pour eux « de faire de leur expérience vécue le moyen de vivre de nouvelles expériences » (Bonnemain et Clot, 2017, p.149), et ce grâce aux différents contextes d’analyse et cadres dialogiques traversés (Kostulski, 2011, 2012) qui permettent « le développement de l’analyse : seul, avec un collègue lui-même confronté à ses propres images, avec le collectif associé à l’intervention dans son ensemble » (Kostulski, 2011, p.82)

Dans le cas des activités que nous avons choisies d’analyser au cours de notre intervention, celle des signalements et transmissions, et celle du traitement des plaintes, nous avons été confrontée à la difficulté d’identifier quand filmer les chefs d’équipe. Ces situations n’étant que rarement programmées ou programmables, et advenant le plus souvent à n’importe quel moment, nous pouvions identifier ce qu’il fallait filmer (le contenu de la séquence d’activité, par exemple le moment où un chef d’équipe répond à une plainte reçue, ou celui où il entreprend de relayer un problème identifié lors d’une sortie sur le terrain) mais pas quand le filmer (le moment où la séquence se produirait). Nous n’avons ainsi pu réaliser que peu de films d’activité proprement dits, et nous avons parallèlement cherché à identifier ou construire d’autres traces de l’activité des chefs d’équipe auxquelles les confronter. Nous avons finalement utilisé, en plus des quelques films d’activité que nous avons pu réaliser, des traces écrites (courriels, formulaires remplis essentiellement), des relevés d’activité1 et des films descriptifs d’activité2.

1 Quand un signalement, une transmission ou un traitement de plainte s’opérait pendant nos observations et était

identifié par le chef d’équipe comme pertinent à travailler, nous avons reconstitué à partir de nos notes la succession de ce que nous avions vu le chef d’équipe faire. Lors des autoconfrontations, nous avons utilisé ces relevés d’activité pour faire discuter les chefs d’équipe, en nous appuyant sur des supports hybrides qui reprenaient nos observations, et des copies de courriels et formulaires écrits dans la situation.

2 Nous avons appelé « films descriptifs de l’activité » des montages que nous avons réalisés à partir de films d’entretiens

dans lesquels les chefs d’équipe nous décrivaient ce qu’ils avaient fait ou étaient en train de faire dans certaines situations de transmission/signalement ou traitement de plaintes. Nous avons monté ces films de façon à supprimer tous les éléments relevant de leurs explications, justifications ou avis concernant ce qu’ils faisaient, pour garder une description la plus factuelle possible. Nous avons ensuite regardé ces descriptions avec les chefs d’équipe en ACS et ACC. Nous remercions Rossitza Kaltchéva et Nadine Poussin qui ont activement contribué à imaginer ce type de support vidéo et à trouver sa dénomination (séance de travail entre pairs intervenantes psychologues du 27/04/2016).

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