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Chapitre 6. L’ « engagement » en psychologie du travail et des organisations

6.1. L’engagement organisationnel

6.1.3. Antécédents et effets de l’engagement organisationnel

Un intérêt important est porté, tant dans les recherches empiriques que les tentatives de modélisation, à ce qui peut expliquer le niveau d’engagement organisationnel des professionnels. Les modélisations et méta-analyses (p. ex. Mowday et al., 1982 ; Mathieu et Zajac, 1990 ; Meyer et Allen, 1991) permettent d’identifier six grandes catégories d’antécédents :

- des caractéristiques individuelles (sexe, âge, niveau d’étude, etc.),

- des caractéristiques organisationnelles (renvoyant au type d’organisation, à sa taille, sa structuration, etc.),

- des caractéristiques liées au travail (variétés des tâches, autonomie, exigences en terme de capacités et compétences, etc.),

- les expériences de travail (notamment si l’employé se sent compétent, dans un travail lui permettant de satisfaire ses besoins de confort physique et psychologique et en adéquation avec ses valeurs),

- les états des rôles professionnels (comme la surcharge, ou les conflits de rôles),

- les relations professionnelles avec le groupe et l’encadrement (cohésion du groupe, interdépendance des tâches, type de leadership, organisation et définition des relations de subordination par l’encadrement, etc.).

Dans une synthèse récente, Vayre (2019) recense un ensemble de sources à l’engagement organisationnel1 dans la littérature, en fonction de ses trois composantes parmi lesquelles la

justice organisationnelle, le support organisationnel, les soutiens sociaux et le leadership transformationnel. Dans sa dimension affective, l’engagement est aussi suscité par l’autonomie dans les tâches accomplies, le sentiment de participer aux prises de décision ou l’importance des contributions professionnelles.

Pour Vandenberghe (2016), on peut distinguer différentes raisons à l’engagement, en fonction de ses composantes. La force de l’engagement et ses effets sur le comportement sont liés à ces raisons. Ainsi, l’engagement affectif relève d’un attachement de l’individu à l’organisation provenant d’une identification aux valeurs et objectifs de l’organisation. Il repose sur un principe d’échange social. Plus l’organisation investit dans ses employés, les traite avec équité et respect, les soutient, plus ils sont susceptibles de s’engager. Certaines recherches investiguent dans cette perspective les liens entre justice organisationnelle et engagement (p. ex. Casaucau, 2016 ; Piasecki, 2017). L’engagement normatif renvoie lui à un sentiment de loyauté découlant d’une obligation perçue vis-à-vis de l’organisation. Il repose plus spécifiquement sur une norme de réciprocité et le principe selon lequel on est redevable vis-à-vis de l’organisation si on reçoit d’elle. Cette volonté de réciprocité peut être antérieure à l’entrée dans l’organisation et résulter de la socialisation pré-organisationnelle des employés. Cohen (2007) développe lui l’idée d’une propension générale à l’engagement normatif des personnes, dépendante de caractéristiques individuelles, et variable d’une personne à l’autre. Il conceptualise l’engagement normatif comme

1 À noter que Vayre opte pour le terme d’« implication organisationnelle », mais elle renvoie à des auteurs et

conceptualisations qui traitent de ce que nous avons appelé, suivant en cela d’autres auteurs francophones, l’« engagement organisationnel ». C’est un exemple parmi d’autres des fluctuations terminologiques et de traduction que nous avons soulignées en introduction.

un antécédent à l’engagement affectif, les deux renvoyant à un attachement d’ordre psychologique et non d’ordre instrumental. Enfin, l’engagement de continuité ou calculé est un attachement d’ordre instrumental, découlant du coût d’appartenance à l’entreprise. Il repose plutôt sur une relation d’échange transactionnel : l’employé évalue les avantages de sa participation à l’organisation et ajuste ses efforts à cette évaluation.

Les effets de l’engagement organisationnel sont très majoritairement évalués positivement (p. ex. Louche, 2017 ; Paillé, 2008, 2009 ; Randall, 1990) : l’engagement favoriserait la performance de rôle, l’effort au travail, le fait de venir travailler et d’être à l’heure, le fait de rester dans l’organisation. L’engagement organisationnel serait aussi un antécédent des comportements de citoyenneté organisationnelle et de la prosocialité au travail, deux notions proches (Desrumaux et Paillé, 2016) et présentant une certaine « élasticité » (Gangloff, 2016), qui renvoient d’une façon assez large à des comportements volontairement adoptés par les professionnels, qui ne relèvent pas du rôle ou des tâches prescrites, et sont sources de performance, de bon fonctionnement organisationnel et de bien-être individuel. Ces comportements prosociaux seraient en quelque sorte une conséquence opérationnelle de l’engagement des salariés. L’engagement organisationnel est en général décrit et testé comme corrélé positivement avec le bien-être au travail. À l’inverse, un faible engagement organisationnel serait lié aux différentes formes de retrait organisationnel que sont le retard, l’absentéisme ou le départ évitable de l’organisation. Il faut néanmoins noter que Mathieu et Zajac (1990) invitent à s’intéresser aux « conséquences négatives de l’engagement organisationnel », rappelant que « plus n’est pas nécessairement mieux » (p.191) : l’engagement organisationnel pourrait avoir des effets négatifs sur l’individu (en étant par exemple source de stress ou de tensions, et de limitations dans la sphère hors travail) et sur sa performance (notamment en bridant l’innovation ou la créativité). Dans sa présentation des impacts de l’engagement organisationnel, Vandenberghe (2016) précise de son côté que l’engagement normatif et l’engagement de continuité peuvent être corrélés négativement au bien- être au travail. Il insiste par ailleurs sur le fait que l’engagement organisationnel revêt des formes différentes et complexes qui ne sont pas toutes positives : il y aurait des « bonnes » et des « mauvaises » formes d’engagement. C’est pour lui l’engagement affectif qui aurait les effets les plus positifs tant sur les organisations que sur les salariés, l’engagement de continuité et l’engagement normatif pouvant parfois au contraire générer du stress pour le premier ou une dette morale excessive vis-à-vis de l’entreprise pour le second, et avoir alors des effets négatifs sur le bien-être et la santé au travail (Vandenberghe, 2006).

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