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CHAPITRE 9 LA VIE QUOTIDIENNE DES VIEUX VILLAGES ET VIEU

I. Pourquoi Xidi ?

« Les climats des territoires au nord et au sud de l’immense Chine varient de façon

spectaculaire. Différents types de village ont donc évolué dans ces régions aux climats et aux environnements naturels variés. Les villages chinois présentent toutefois certaines caractéristiques communes. Leurs habitants sont fortement liés par les liens du sang, l’agriculture est la principale activité économique, les lignes de force terrestre sont des facteurs à ne pas négliger, les coutumes traditionnelles sont préservées, et la stabilité sociale est élevée.

Les anciens villages du Anhui s’inscrivent parmi les exemples les plus représentatifs de ces villages chinois traditionnels. Habituellement situés au pied d’une montagne, le long de rivières ou de lacs, ces derniers présentent un tracé régulier, faits d’allées étroites et tranquilles, et de jardins pittoresques à l’embouchure des rivières. L’architecture est sobre, simple et élégante, avec des pignons typiques, des sculptures et des ornements pleins de délicatesse. Quant au mobilier intérieur, il est lui aussi simple mais raffiné.

Xidi et Hongcun sont deux exemples exceptionnels de villages ayant su préserver leur forme originale, en harmonie avec l’environnement naturel à un degré remarquable. Le caractère historique et authentique bien préservé de ces deux villages a attiré une attention considérable de la part des historiens, des architectes et des artistes, qui viennent des quatre coins du pays les visiter à des fins de recherche et d’études. Ils ont exercé une influence considérable dans plusieurs domaines, et notamment l’architecture, l’environnement, le design industriel, l’esthétique et la littérature. Leur schéma global, leur style architectural et leur conception paysagère sont autant de modèles admirables à l’établissement de peuplements humains.

Critère ii

Toutes les anciennes cultures se sont plus ou moins érodées en conséquence du développement social et de la modernisation. Dans les régions montagneuses au sud de la province du Anhui, les valeurs familiales et les liens du sang, de même que l’influence de la culture du Anhui, perdent progressivement de leur importance. Xidi et Hongcun sont deux des rares villages qui subsistent sans avoir subi de changements radicaux. Ils constituent un témoignage exceptionnel de la culture traditionnelle de la région.

Xidi et Hongcun sont d’une valeur particulièrement remarquable dans les domaines de l’architecture, de l’artisanat et du paysagisme. En matière de style architectural, de décoration d’intérieur et de gestion de l’environnement, ils ont atteint des sommets, et représentent l’un des points culminants de la construction et de la conception d’habitations humaines, remontant aux dynasties Tang et Song.

Critère iv

En tant qu’exemples exceptionnels de peuplements humains traditionnels, Xidi et Hongcun sont vulnérables à l’impact des tendances irréversibles de la modernisation. Leur culture occupe une place particulière dans l’histoire chinoise, en ce qu’elle a énormément contribué au développement du confucianisme et à l’essor commercial des XIVe-XIXe siècles.

Critère v »151

En lisant les évaluations de l’ICOMOS sur le bien proposé à l’UNESCO, « Anciens villages du Sud du Anhui – Xidi et Hongcun », on se persuade des deux choses :

a) Les anciens villages du Anhui s’inscrivent parmi les exemples les plus représentatifs [des] villages chinois traditionnels malgré une abondance quantitative et typologique de ceux-ci.

b) D’une valeur particulièrement remarquable dans les domaines de l’architecture, de l’artisanat et du paysagisme, Xidi et Hongcun sont deux exemples exceptionnels de peuplements humains traditionnels génialement conçus et magnifiquement préservés aux divers niveaux.

Il n’est donc pas étonnant que ces deux villages aient attiré et continuent à attirer « une attention considérable » tant « de la part des historiens, des architectes et des

artistes qui viennent des quatre coins du pays les visiter à des fins de recherche et d’études » que de la part des touristes ordinaires nationaux et internationaux de toutes

sortes. Pour un chercheur limité tant par les moyens que par le temps, Xidi et Hongcun constituent des lieux d’études pertinents pour une première recherche des vieux villages chinois. Mais pourquoi pour cette troisième partie de thèse, nous nous sommes contentés du cas de Xidi plutôt que des deux ? D’une part, tel que Zhang Xiaoming (2006) a mentionné dans sa thèse : « les mémoires de master ainsi que les thèses de doctorat en

Chine sont demandés généralement de se doter d’une signification théorique et d’une signification pragmatique. La théorie pourrait sans doute être généralisée, notamment dans le domaine de la structure et de la méthodologie alors que la conclusion le sera difficile une fois détachée du cas de recherche particulier. L’ambition au départ ne me permet pas de faire correspondre à une théorie particulière tous les matériaux et statistiques obtenus au cours de l’investigation sur place et d’accomplir ainsi la

dissection du problème de façon simple. Elle ne me permet non plus de me baser sur une ou des théories auxquelles correspondent ces matériaux et statistiques pour avancer une nouvelle théorie, sans parler de justifier sa généralité pour qu’elle puisse s’appliquer aux plus de conditions et situations réelles. Dans un domaine de recherche immature --- il s’agit ici de l’estimation de l’influence de l’économie touristique, autrement dit un domaine de recherche sans l’apparition des « modèles », étudier des problèmes pragmatiques me semble d’une signification plus grande que d’établir des théories vagues et abstraites qui ne sont pas, ou presque pas susceptibles d’être expliquées ni appliquées aux cas réels. Si cette conception est avancée ici, c’est pour délibérer sur la « représentativité » du cas de Xidi. Sous l’angle de la différenciation entre une recherche quantitative et une recherche qualitative, il est observable que les mots tels que « représentatif » suivent la méthode des recherches quantitatives en espérant généraliser la recherche qualitative des cas particuliers avant de discuter le problème de la représentativité du résultat de recherche. Dans une recherche qualitative, au lieu de faire généraliser le résultat de recherche, celle menée sur des cas exemplaires a pour objectif de montrer à quoi ressemble un cas exemplaire parmi tous ceux qui partagent le même phénomène. La finalité de cette recherche n’est jamais de justifier ni de généraliser: elle est à montrer et illustrer. » L’idée de Zhang correspond à la nôtre. L’étude de l’auteur sur

la valorisation touristique de Xidi s’appuiera sur « la recherche des cas représentatifs », terme avancé par Robert K. Yin (2002). La signification théorique de la recherche consiste en l’exemplarité de Xidi : en tant que pionnier dans le développement touristique des communautés villageoises situées dans la zone sous-développée de la Chine continentale, le chemin qu’il a suivi pendant 27 ans est aussi impressionnant qu’il fait l’objet d’une attention à grande échelle. Sans aucun doute ses expériences de succès comme celles d’échec sont-elles dignes d’être bien réfléchies par ses successeurs, c’est-à- dire les communautés villageoises en voie du développement et celles qui se préparent à développer le tourisme. Au lieu de tâtonner dans l’obscurité, elles pourraient planifier et explorer de nouvelles voies tout en faisant référence aux expériences de leur prédécesseur. La société de la Chine actuelle ne permet plus le tâtonnement tel que nous faisions au commencement de la réforme et de l’ouverture.

D’autre part, nous extasiant devant « L’Economie du village de Jiangcun » (Jiangcun jingji), chef-d’œuvre du sociologue chinois Fei Xiaotong (connu également comme Fei Hsiao-Tung, 2007)152 réalisé dans les années 1930, nous sommes convaincus que l’intérêt de l’étude de cas se fait par la dimension qualitative plutôt que par la dimension quantitative. Ying Xing (2004) a également montré que tenir la comparaison entre plusieurs cas est certes une méthode de recherche adoptable, mais le chercheur doit

152Il s’agit effectivement de la version chinoise de la thèse de doctorat terminée par Fei en 1938 sous la direction de

Bronislaw Malinowski à Londun School of Economy. La thèse était basée sur le travail de terrain dans le village de Kai-xian-gong (ou Kaih-sien-kung), près du village natal de l’auteur dans la province du Jiangsu en Chine. Elle a été publiée pour la première fois en anglais en 1939 sous le titre de Peasant Life in China : A Filed Study of Country Life in

se rendre compte que l’essentiel de la recherche qualitative ne réside pas dans la quantité des cas de recherche (sur ce point, elle est impossible à comparer avec la recherche quantitative). Il réside dans la profondeur. Montrer la complexité politique du village ne se fait donc pas par une recherche de la complexité des types de village, mais par avancer les problèmes avec perspicacité, faire du terrain en profondeur, déployer les événements ainsi qu’analyser la théorie de façon logique. Dans l’illustration d’un cas particulier ou la comparaison de multiples cas, une capacité est requise de déployer de façon cohérente les relations les plus complexes et le processus le plus complet de sorte que nous puissions éviter de découper le monde par les idées préconçues et de bannir les événements accidentels, aléatoires ou même « erronés ».

Si Hongcun n’est pas choisi en tant que cas de recherche, c’est dû principalement à deux raisons dont l’une est la faisabilité de faire du terrain et l’autre la possibilité de le faire en profondeur. Hongcun n’est pas seulement reconnu pour être parmi les « villages du patrimoine mondial », mais aussi par « le mal de Hongcun » (nous allons en parler plus en détail dans le texte suivant). « Le mal de Hongcun » car il reflète une série de problèmes sociaux et politiques qui a fait l’objet d’intérêt de nombreux journalistes et chercheurs. Aussi, le gouvernement local fait très attention à tous ceux qui vont à Hongcun faire du terrain, en particulier les journalistes et chercheurs. Toutes sortes d’obstacles sont érigées pour empêcher les chercheurs d’y mener une investigation durable et efficace. Pendant les vacances d’été de l’année 2006, l’auteur s’est rendu pour la première fois à Hongcun faire du terrain avant d’entendre dire que des investigateurs ont été détenus par les autorités locales qui les ont interrogés tout en détruisant tous les matériaux recueillis, ce qui a été confirmé sous peu. D’ailleurs, l’auteur a été suivi durant des jours entiers par des policiers et averti à deux prises de « ne pas poser des questions

qu’il ne faut pas poser ». Ils ont même menacé en disant « tu veux encore rentrer chez toi ».

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