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Des termes qui désignent le patrimoine

CHAPITRE 5 L’EVOLUTION DE LA NOTION DU PATRIMOINE EN CHINE

I. Des termes qui désignent le patrimoine

Le terme occidental patrimoine trouve son équivalent en chinois d’aujourd’hui dans le mot wenwu, objet qui témoigne de l’histoire ou de la civilisation chinoise (Jocelyne Fresnais, 2003). Ayant une étymologie remontant à l’époque des Royaumes combattants (475-206 av. J.C.), wenwu a un sens très ancien qui désigne l’ensemble des rites et des institutions54

. Selon son acception moderne, wenwu signifie « les objets transmis ou laissés par les générations des époques antérieures et ayant une valeur dans le développement de l’histoire et de la culture, par exemple : bâtiment, stèle et gravure sur pierre, outil, arme, ustensile de la vie et toutes les sortes d’oeuvres d’art »55

(Zhang Liang, 2003). C’est la dénomination la plus officielle pour désigner le patrimoine culturel ou la relique culturelle. Ayant vu le jour en 1916 lorsque le ministère des Affaires civiles publia les « Directives aux chefs provinciaux des affaires civiles concernant la conservation des reliques culturelles et traces de monuments d’époques antérieures » (wei qieshi baocun

qiandai wenwu guji zhi gesheng minzhengzhang xunling), elle est devenue courante

dans les années 1930. La « Commission de restauration des reliques culturelles de l’ancienne capitale » ( jiudu wenwu zhengli weiyuanhui) était une institution municipale chargée notamment de la recherche et de la restauration des constructions anciennes de la région pékinoise. Sa fondation, en février 1935, a sans doute joué un rôle dans la définition sémantique de ce terme. Dans le « Précis des reliques culturelles de l’ancienne capitale » (jiudu wenwu luë) rédigé par le Secrétariat de la Municipalité de Beiping56 et publié en décembre de cette même année, ceux qui étaient classés comme wenwu couvraient :

- le patrimoine immobile tel que muraille (cheng yuan), palais (gong dian), temple (tan miao), jardin (yuan you), quartier (fang xiang), tombeau (ling

mu), rivière (he) et canal (qu) ainsi que passe stratégique (guan ai) et site

célèbre (mingsheng) ;

- le patrimoine mobile tel que bronzes (jin) et stèles (shi) ; - et enfin le patrimoine immatériel d’une grande variété.

54Dans Zuozhuan, Huangong er nian. Voir Hanyu da cidian (Grand dictionnaire chinois), vol. 6, Shanghai,

Hanyu da cidian chubanshe, 1990.

55Voir Xiandai hanyu cidian (Dictionnaire du chinois moderne), Pékin, Shangwu yinshuguan, 1984.

56Pékin (Beijing) fut nommé Beiping deux fois, au début des Ming (1368-1398), plus précisément entre 1368 et

On voit bien que la notion de wenwu d’ici a déjà acquis la notion contemporaine de patrimoine. L’association de mot wenwu avec d’autres mots crée de nouveaux termes et développe la notion patrimoniale chinoise, par exemple :

- Wenwu jianzhu, qui peut être traduit littéralement par « construction relique » et proche de l’originel « monument historique », apparut vers la fin des années 1940 (Zhang Liang, 2003).

- Wenwu baohu danwei. Développé depuis 1949, le mot danwei (unité)

s’applique aux domaines économique, social, comme à celui de la culture. Si une unité (danwei) témoigne de la civilisation chinoise (wenwu), elle doit faire l’objet de la préservation, de la sauvegarde (baohu), d’où l’expression Wenwu baohu danwei, Unité de sauvegarde du patrimoine. Un vestige archéologique, une statue, une stèle isolée, un ensemble de palais ou monastère peuvent chacun constituer une telle unité (Jocelyne Fresnais, 2003).

D’autres termes furent aussi utilisés pour désigner le patrimoine, dont en particulier guwu, guji et gudong.

Guwu, objets anciens. Le mot guwu apparut au plus tard sous les Qi du Sud

(479-502). Il désignait pendant longtemps essentiellement les oeuvres artistiques et les productions d’art appliqué qui englobaient les gudong57

(antiquités) et les jinshi58 (bronzes et stèles) (Zhang Liang, 2003). Par de nouvelles découvertes et catégorisations, lors de la publication du « Plan provisoire de la définition et de la classification des objets anciens » (Zanding guwu zhi fanwei ji zhonglei dagang) en 1935 par le gouvernement de la République de Chine, il en est venu à désigner enfin les objets de douze catégries : fossiles des êtes vivants du passé, objets préhistoriques, constructions, peintures, sculptures, gravures, livres, monnaies, véhicules et costumes, armes, ustensiles ainsi que objets divers. Il a acquis son statut législatif en 1906 lors que le ministère des Affaires civiles des Qing (1644-1911) décréta les « Dispositions pour la sauvegarde des objets anciens » (Baocun guwu

tuiguang banfa) . Cette dénomination fut héritée par la République de Chine (1912-

1949) dans ses lois et décrets publiés à partir de 1913 : d’abord le « Décret d’interdiction de l’exportation des objets anciens » (Jinzhi guwu chukou ling) de l’Administration des affaires fiscales en 1913, suivi par un autre décret intitulé identiquement au nom du Président de la République en 1914 ; puis les « Dispositions provisoires pour la conservation des objets anciens » (Baocun guwu

zanxing banfa) du Ministère des Affaires civiles en 1916 ; ensuite les « Réglements

57Voir ci-après. 58Voir ci-après.

de la sauvegarde des sites célèbres, des vestiges et des objets anciens » (Mingsheng

guji guwu baocun tiaoli) du Ministère de l’Intérieur du nouveau gouvernement de

Nankin en 1928 ; et enfin la première loi de la protection du patrimoine dans l’histoire chinoise, « Loi de la sauvegarde des objets anciens » en 1930 et son réglement d’application en 1931. Le terme guwu sert à désigner de nos jours encore le patrimoine, bâti ou non, à Taiwan, tandis qu’en Chine continentale, il est remplacé par wenwu depuis 1949.

Guji, vestiges, traces de monuments d’autres époques. A l’époque Tang (618-

907), le grand poète Li Bai (701-762) utilisa déjà ce terme dans ses poèmes. Il entra dans les communiqués et la législation au plus tard à partir de 190859. Depuis un siècle, le mot guji apparaît souvent associé à d’autres mots tel que wenwu (relique culturelle) ou mingsheng (site célèbre). Dans des documents officiels contemporains, il est souvent remplacé par lishi yicun (vestiges et traces historiques).

Gudong, antiquités. Apparu au plus tard sous les Yuan (1279-1368), il désigne

surtout les objets anciens ayant une valeur artistique et faisant ainsi l’objet de la conservation des amateurs. Le mot gudong est concurrencé par le mot guwan qui a un sens quasiment identique et a vu le jour à la même époque, mais devenu courant à partir du règne de l’empereur Qianlong (1711-1799)60.

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