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une diversité des métiers des villageois souvent négligée

CHAPITRE 4 LA DIVERSITE DES VIEUX VILLAGES CHINOIS

II. Une diversité humaine

2. une diversité des métiers des villageois souvent négligée

En Chine traditionnelle, la population d’un même village partageait généralement une forte homogénéité à presque tous les aspects, celui de la profession par exemple. Très souvent tout le village excerçait une même activité ou presque. Si la plupart des villages vivaient essentiellement du secteur primaire en

52Cf. chapitre 2.

53Liu Bei (v. 161 – 223) était un puissant seigneur chinois de la fin de la dynastie Han et du début de la préiode

des Trois Royaumes. Il fonda le royaume de Shu dont il se proclama empereur en 221. Guan Yu (160 – 219) et Zhang Fei (167 ? – 221 ) servirent sous les ordres de Liu Bei. Selon la légende, les deux faisiont partie des « Cinq généraux tigres » de l’armée du Shu, bien que l’on ne soit pas sûr qu’ils aient effectivement porté ce titre. Tous ces trois furent immortalisés dans le roman Hitoire des Trois Royaumes où Liu est dépeint comme un monarque vertueux, empli des valeurs confucéennes, Guan comme un guerrier loyal et honorable capable d’exploits surhumains et Zhang comme un guerrier presque invincible, mais trop penché sur l’alcool et tête- brûlée. Bien qu’historisquement on ne sache guère de leurs origines, dans la légende, Liu aurait été un vendeur de sandales de paille, Guan un criminel fuyard et Zhang un boucher. C’est au moment de la rencontre et le serment de fraternité de ces trois personnages que commence le roman.

particulier l’agriculture, il en restait quand même de nombreux qui développaient d’autres métiers.

Les métiers artisanaux constituaient sans doute le premier secteur non agricole en milieu rural. La campagne chinoise a une longue et brillante histoire de l’artisanat. Parmi les activités les plus courantes, il y avaient : la filature et le tissage de coton et de soie, le tressage de lanières de bambou, l’extraction de l’indigo, le pressurage de l’ huile, la fabrication du papier et de céramique, la manufacture de meuble, de bateau et de radeau, etc.. Dans certaines régions, l’impression xylographique fut pendant plusieurs siècles l’activité dominante des villageois. Par exemple, l’impression avec caractères mobiles en bois se perpétue depuis huit siècles dans le village de

Dongyuan, en banlieue de la ville de Rui’an (sud du Zhejiang).

Nombreux étaient également les villages se consacrant au transport et au commerce. Il s’agissait surtout des villages au bord d’une voie de terre ou d’eau. Parmi d’innombrables exemples, les villages aux alentours du bourg de Qikou dans la province du Shanxi constituent les plus beaux cas d’études (voir chapitre 5).

D’autres villages transmettaient de génération en génération des métiers plus ou moins originaux : construction, médecine, divination, feng-shui, théâtre et opéra, voire surveillance des mausolées, etc. Dans la province du Hebei, il existait des villages dont les villageois pratiquaient communément du gong fu et servaient de gardes du corps ou de veilleurs de nuit. Dans la province du Henan, certains villages étaient connus comme « villages professionnels » des mendiants ou des déterreurs de cadavres. En banlieue de Pékin, dans le district de Changping, à côté des 13 tombeaux des Ming, les anciens surveilleurs impériaux formaient 13 villages qu’habitent aujourd’hui leurs descendants. Des vieux villages de ce type, dispersés dans le Nord comme dans le Sud, sont redécouverts et médiatisés de temps en temps ces dernières années. Dans les provinces des Shanxi, Anhui, Zhejiang et Jiangxi, aux alentours d’un tel ou tel village d’une grande famille puissante (dit « da xing »), ou à côté du cimetière de celle-ci, il y avait des villages dans lesquels se regroupaient des familles humbles et minoritaires (dit « xiao xing »). Ces familles servaient la grande famille puissante en excerçant des métiers dits « vils » tels que domestiques, sages- femmes, entremetteuses, musiciens des cérémonies, porteurs de palanquin ou de cercueil, gardiens de cimetière, etc.

Bien entendu, il était très rare que ces métiers non agricoles soient excercés par le village entier et de façon permanente. La plupart d’entre eux représentaient plutôt des métiers secondaires ou supplémentaires et excercés de façon saisonnière. Cependant, il faut souligner que cette variété des métiers aurait certainement une

influence sur le village notamment sur la localisation, l’organisation et l’architecture du village. Elle nécessite donc une étude soignée.

PARTIE 2

LA

PATRIMONIALISATION

DES VIEUX VILLAGES EN

CHINE

Introduction

La thèse se poursuit maintenant par une analyse plus centrée sur la question du patrimoine. Terme polysémique, il a connu en Chine une évolution qui ne rencontre pas les canons européens. Alors que la notion est très ancienne ici, toutefois délayée dans une multitude de mots (pour désigner différentes parties de ce qui ne fait qu’un mot en français), l’idée de sauvegarde est très récente, introduite seulement au XIXe siècle avec l’arrivée des Européens colonisateurs. Nous analyserons dès lors l’évolution de la sauvegarde de ce qui est défini comme patrimoine, afin de montrer le passage d’une sauvegarde fragmentaire à une protection intégrale. Plusieurs systèmes ont existé pour protéger et sauvegarder le patrimoine en Chine. Plusieurs classements se sont succédé, comme les « villes célèbres d’histoire et de culture », les « quartiers historiques », etc. Plusieurs échelles également ont existé et existent toujours, dont celle qui nous préoccupe ici, celles des « bourgs et villages célèbres pour l’histoire et la culture ».

Les classements des vieux villages en Chine sont également eux-mêmes assez complexes et ils ont pu varier dans le temps. Les normes et les procédures sont ainsi nombreuses mais surtout c’est l’application de celles ci à une échelle locale qui est à souligner car c’est à ce niveau que se situent les principaux enjeux, notamment en lien avec le tourisme comme nous le verrons dans la partie suivante. Ceci nous amènera à considérer plusieurs paradoxes dans la protection des anciens villages, en revenant à l’échelle nationale. Si définir les limites de cette entité est parfois complexe, nous noterons également qu’entre « protéger et détruire l’environnement », « représenter les caractéristiques architecturales anciennes ou les détruire », « découvrir ou amoindrir l’état original », mais aussi « aider ou chasser les autochtones », la frontière est souvent mince, ce que nous illustrerons par différents cas.

Nous terminerons cette partie par une réflexion sur la vie quotidienne des vieux villages et vieux bourgs, souvent organisée entre protection du patrimoine et développement de l’activité du tourisme. Quelles sont leurs représentations face à ces deux phénomènes et quelles sont leurs libertés d’action ? Ce sera ainsi un prélude à l’analyse de cas qui constituera le corps de la partie conclusive.

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