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CHAPITRE 2 LA NAISSANCE ET L’EVOLUTION DES VIEUX VILLAGES ET

I. La naissance des premières agglomérations au néolithique chinois

2. De la ruralité à l’urbanisme

a. L’apparition des « cheng »

Aujourd’hui, on traduit communément le caractère chinois cheng par le mot « ville ». Peu de Chinois savent que le sens propre de cheng est la « muraille » ou le « mur d’enceinte »11. C’est par extension qu’il désigne une agglomération fortifiée par un mur. Situé sur la plaine de Liyang près du Lac Dongting dans le district de

Lixian au Hunan, le site de Bashidang de la culture de Pengtoushan12 est la première

Cheng du néolithique chinois. Mesurant environ 30 000 m2 et datant de 6500 à 5500 ans avant J.-C., c’est la plus ancienne agglomération encerclée par des murs et des fossés découverte en Chine.

De nos jours, la distinction entre une ville et un village ne se fait plus sur l’existence ou non d’un mur d’enceinte ; mais « l’apparition de villes » coïncide avec l’émergence de l'agriculture durant la période du néolithique, à cette époque, la ville se caractérise par trois éléments :

- le mur d'enceinte monumental,

- la superficie (la ville mésopotamienne d'Uruk13 s'étend sur 400 hectares), - la population (la population de Xi'an est estimée à un million d'habitants

1000 ans avant l'ère chrétienne).

Les raisons de l'apparition des villes sont probablement liées aux richesses des civilisations rurales capables de dégager des surplus de production, mais surtout au développement d'une division du travail. Les cultures relativement intensives

11C’est pourquoi les Chinois appellent la Grande Muraille Chang Cheng.

12La culture de Pengtoushan (7100-5800 av. J.-C.) était une culture néolithique centrée principalement dans le

nord-ouest du Hunan au moyen Yangtze. Elle était grossièrement contemporaine avec son voisin du nordde la culture de Peiligang. Les deux exemples principaux de culture de Pengtoushan sont le site à Pengtoushan et le site à Bashidang qui sont tous deux sur la plaine de Liyang dans le district de Lixian au Hunan. Celui de

Pengtoushan est le tout premier village permanent découvert en Chine.

13Uruk (ou Ourouk) est une ville de l'ancienne Mésopotamie (aujourd'hui Warka, au sud de l'Irak). Le site d'Uruk

fut occupé à partir de la période d'Obeid et ce jusqu'au IIIe siècle ap. J.-C.. Identifié à l'Erechde la Bible, cette

ville joua un rôle très important sur les plans religieux et politiques pendant quatre millénaires. Elle fut la ville du roi mythique Gilgamesh.

favorisent la spécialisation des personnes dans d'autres domaines que l'agriculture, et tout particulièrement dans les fonctions religieuses, artisanales puis administratives et militaires. »

Partageant ce point de vue, la plupart des archéologues chinois sont portés à considérer que le site clos de Chengtoushan est la première ville en Chine.

Etendu sur la même plaine dans le même district que celui de Bashidang, le site de Chengtoushan couvre un domaine d'environ 187 ha où se sont succèdé les cultures de Daxi14, de Qujialing15 et de Shijiahe16, de 4000 ans avant J.-C. à 2000 ans avant J.-C. environ. Il est d’abord entouré par un mur d’une longeur de plus de 1 000 m, d’une hauteur entre 5 et 6 mètres et d’une largeur d’environ 13 mètres en haut et 30 mètres en bas. Le site est encerclé par cette muraille avec une porte sur chacun des quatre côtés, une douve large de 30 à 50 mètres et profonde de 4 mètres environ. Un dock et un pont ont été identifiés près de la porte du sud.

A l’intérieur de la muraille, on a découvert d’immenses vestiges de différentes constructions :

- Une voie de 2 mètres de large avec plus de 300 mètres de long qui traverse toute la ville en reliant les portes de l’ouest et de l’est. Pavée de blocs de terre cuite, elle est longée par un fossé d’assèchement à chaque côté.

- A l’ouest de la ville et au sud de la voie, on a découvert des fondations en terrasse damée de deux sortes d’habitation, certaines mésurant plus de 50 m2 et composées d’une salle de séjour et d’une cuisine, d’autres sont divisées en chambres de 5 à 6 m2en face à face, et séparées par une sorte de couloir. Près de ces maisons, on trouve les traces d’un grand batîment composé de trois salles ayant l’air d’un temple des ancêtres ou d’un temple des dieux datant d’environ 3300 ans avant J.-C..

- Au centre de la ville, on trouve un édifice entouré par des péristyles. Les archéologues japonais supposent qu’il s’agit d’une espèce de palais dans lequel le chef de la tribu présidait les cérémonies.

14La culture de Daxi (5000 - 3000 av. J.-C.) était une culture néolithique centrée dans la région des Trois Gorges,

de l’ouest du Hubei, àl’est du Sichuan,et autour du Yangtze. Situé à la sortie de la Gorge de Qutang dans le district de Wushan, le site de Daxi a été découvert par C. Nelson dans les années 1920 et adonné le nom à cette culture. Ce site, ainsi que beaucoup d’autres de la culture de Daxi, ont été inondés ou détruits après l'achèvement du Barrage des Trois Gorges.

15La culture de Qujialing (3000-2600 av. J.-C.) était une culture néolithique centrée principalement autour du

moyen Yangtze dans le Hubei et le Hunan. Elle a succédé à la culture de Daxi et a atteint le sud du Shaanxi, le nord du Jiangxi et le sud-ouest du Henan. Le site type de cette culture a été découvert à Qujialing dans le district de

Jingshan au Hubei.

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La culture de Shijiahe (3000-2600 av. J.-C.) était l’héritière de la culture de Qujialing de la même région. Le site type de la culture Shijiahe a été découvert à Shijiahe dans le district de Tianmen dans la province du Hubei.

- Près du « palais » se regroupent de nombreux ateliers de poteries et de matériaux de construction tels que les blocs en terre cuite. On en compte 78 mis à jour.

- Au centre-nord de la ville, sur une aire d’environ 500 m2, se rassemblent des milliers de tombes superposées parfois jusqu’à sept couches. La stratification sociale devient visible dans la différence des mobiliers funéraires.

- A l’est de la ville s’étend une terrasse ovale de plus de 250 m2. Autour, des centaines de trous ronds dans lesquels sont enterrés divers objets étaient destinés à la célébration des sacrifices.

En plus de ces constructions, les archéologues ont découvert au pied du mur près de la porte de l’est, une immense rizière avec un système d’irrigation et de drainage qui est le plus ancien champ de riz du monde daté d’environ 4600 avant J.- C..

Jusqu’à présent, en Chine ont été découvertes une soixantaine de « cheng » âgées de plus de quatre millénaires, dont la plupart se trouvent dans les bassins du fleuve Jaune et du Yangtsé. La plus grande d’entre elles est celle de Taosi située dans le district de Xiangfen dans la province du Shanxi. Elle mesure 280 hectares environ. Datant de 2500 à 1900 ans avant J.-C., elle est classée à la période récente de la culture de Longshan17. Elle abrite plus de 1 500 tombes dont 9 de personnages importants. Taosi était probablement le centre régional de l’époque. Un remarquable jeu de clochettes témoigne d’ailleurs de la naissance de l’âge du bronze chinois.

b. Les cheng préhistoriques chinoises, sont-elles de véritables villes?

La réponse à cette question n’est pas évidente à donner. La difficulté de la définition de la ville tient à ses propres caractéristiques : une taille, mais également des fonctions diverses et surtout une autonomie politique » et « on fait aussi souvent la distinction entre ville et village avec les activités dominantes, en tenant compte de la population : la ville n’a pas une activité essentiellement agricole ou artisanale, contrairement au village, elle a aussi une activité commerciale, politique, intellectuelle. Avec cette définition contemporaine, il est difficile d’affirmer que toutes les cheng préhistoriques chinoises citées ci-dessus étaient de véritables villes. D’une part, les traces des activités commerciales et politiques sont ordinairement plus difficiles à identifier que celles des activités agricoles, artisanales et religieuses.

17La culture de Longshanest une culture chinoise du néolithique tardif (3000-2000 av. J.-C.) qui s'est développée

au Liaodong et dans le bassin inférieur et moyen du fleuve jaune. Elle tire son nom du bourg de Longshan dans le district de Zhangqiu dans la province du Shandong, où Wu Jinding découvrit en 1928 le site de Chengziya.

D’autre part, peut-on avoir assez d’arguments pour évaluer les proportions des différentes activités dans une telle ou telle cheng ?

Effectivement, les seuils de surface et de population permettent d’établir qu’un regroupement soit un hameau, un gros village, un bourg ou une ville sont relatifs, et la définition de la ville varie également dans l’histoire et selon les territoires. On ne peut pas affirmer que ces cheng préhistoriques chinoises étaient de véritables villes remplissant les fonctions urbaines contemporaines. La présence des équipements commerciaux tels que des traces de marché identifiées sur certains sites comme ceux de Taosi et de Lingjiatan18 montre qu’une espèce d’agglomération plus ou moins urbaine comme un bourg existait déjà au néolithique chinois. De nombreuses légendes chinoises telles que celle de Zhurong19 Zuo Shi (Zhurong créa le marché) le

révèlent aussi.

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