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L’évolution de l’organisation administrative des milieux ruraux chinois de la première

CHAPITRE 2 LA NAISSANCE ET L’EVOLUTION DES VIEUX VILLAGES ET

II. Villages chinois : trois millénaires d’évolution

1. L’évolution de l’organisation administrative des milieux ruraux chinois de la première

La civilisation chinoise est la civilisation actuelle dont les origines directes sont les plus anciennes. Depuis 3 500 ans, les dynasties successives ont développé un système bureaucratique élaboré, qui donne aux paysans chinois un avantage important par rapport aux nomades et aux montagnards voisins.

Dans une société fortement agricole dont les richesses étaient essentiellement créées par les communautés rurales, la stabilité et la continuité du pouvoir central reposaient certainement sur un contrôle efficace des campagnes. Cependant, si l’appareil d’Etat s’était implanté dans les innombrables villages répartis sur un territoire immense, cela aurait entraîné inévitablement un énorme coût dépassant sans doute la capacité de l’Etat et des conflits d’intérêts entre l’Etat et les forces locales. Par conséquent, en plus du système bureaucratique, ces dynasties ont développé diverses institutions comme des sous-circonscriptions rurales profitant d’un personnel local payé ou pas.

18Datant de 3600 à 3300 ans avant J.-C., Lingjiatan est un site du néolitique récent découvert en 1985 dans le

district de Hanshan dans la province de l’Anhui. Il est le plus immense site néolitique dans la région du Lac

Chao avec une superficie d’environ 160 ha.

19personnage mythique de l’antiquité chinoise, ministre de Huangdi ou de Ku, parfois considéré lui-même

Remontons à la dynastie Shang. Précédée par la mythique dynastie Xia qui aurait régné du 21e au 16e siècle avant J.-C., les Shang sont la première dynastie chinoise riche en vestiges archéologiques et en témoignages écrits. Les Shang avaient un système social, des croyances et traditions bien précis, tel qu'être enterré avec ces objets, esclaves et armes pour pouvoir revenir sur terre. Mais ils pensaient aussi que la terre était carrée et qu'ils régnaient au centre de celui-ci. Ils se désignaient comme Zhong Shang, où zhong se traduit par « central ». Leur territoire était idéalement divisé en quatre parties, les « Quatre Pays » (si tu), orientés selon les quatre points cardinaux. La dynastie était divisée en lignées (zu), qui étaient des groupes d'ascendance patrilinéaire. Ces lignées fonctionnaient comme des entités politiques dont les membres étaient liés au roi par une hiérarchie de liens de parenté, de privilèges et d'obligations. Ils aidaient le roi lors des guerres ou des chasses et recevaient en échange une assistance militaire et religieuse. La lignée royale (wang zu), qui comprenait le souverain et ses fils, constituait le cœur de la dynastie. A la tête de leurs propres lignées, les princes adultes (zi) participaient aux sacrifices aux ancêtres royaux. Pourvus d'un fief, ils envoyaient au roi des hommes, des plastrons de tortue et un tribut.Les nobles habitaient dans des villes centrées autour de leurs palais. Ils se consacraient exclusivement aux activités religieuses, à la chasse et à la guerre. Les devins ou les artisans se regroupaient dans ces cités, qui étaient de petite taille. Les paysans vivaient dans des hameaux (yi) entourés de champs. Ils cultivaient principalement le millet (shu ou he) mais aussi le blé ou l'orge. Des exploitations agricoles étaient contrôlées par le roi, qui les confiait à des paysans dirigés par des officiers.

C’est sous le règne des Zhou (1046-256 av. J.-C.) que l’organisation administrative connut un développement considérable. En inféodant le reste du territoire aux membres masculins de la grande famille royale et aux fidèles officiers du souverain, les Zhou ne dominaient que leur lieu d’origine de façon directe : la vallée de la Wei dans l’actuelle province du Shaanxi. Dans un rayon de 50 km à partir du palais royal, il s’agissait de la « capitale » (guo) et au-delà, c’était la « campagne » (ye).

A l’intérieur du guo, les cinq foyers (jia) constituaient un bi. Cinq bi faisaient un

lü. Quatre lü faisaient un zu. Cinq zu faisaient un dang. Cinq dang faisaient un zhou.

Cinq zhou faisaient un xiang.

Dans le ye, les cinq foyers (jia) constituaient un lin. Cinq lin faisaient un li. Quatre li faisaient un zan. Cinq zan faisaient un bi. Cinq bi faisaientun xian. Cinq

xian faisaient un sui.

Chacun de ces six niveaux était dirigé par un chef autonome. Ainsi, par cette orginisation hiérarchique, l’Etat exerçait une domination sur l’ensemble du peuple.

En 221 avant notre ère, le Qin, un royaume situé à la périphérie occidentale du berceau de la culture chinoise, unifia la Chine en mettant fin à la féodalité. Avec le début de l’histoire impériale chinoise, la dynastie Qin (221 – 206 av. J.-C.) jeta les

bases administratives d’un Etat centralisé et favorisa l’unité culturelle du territoire. Durant ses quinze années de domination, elle réorganisa l’Empire avec un système impérial de jun (préfectures) et de xian (districts) qui mit en place une base géographique et bureaucratique pour les dynasties suivantes. Divisé d’abord en 36

jun20 qui furent ensuite subdivisées chaque en nombreux xian21, l’immense territoire des Qin était administré par des représentants de l'empereur. Ces fonctionnaires n’étaient plus nommés héréditairement mais au mérite, cassant ainsi la tradition de la dynastie Zhou.

Succédant à la dynastie Qin, la dynastie Han régna sur la Chine de 202 avant J.- C. à 220 après J.-C. avec une courte coupure par la dynastie Xin (9 - 23). Sous les Han occidentaux (202 av. J.-C. - 9), l'empire était divisé entre les jun (préfectures) sous administration directe du pouvoir central, et un certain nombre de royaumes semi-indépendants, mais qui furent dépouillés progressivement de leur autonomie. Sous les Han orientaux (25 - 220), les divisions administratives comprendront par ordre décroissant : zhou (province), jun (préfecture), xian (district). L’administration territoriale en trois échelons sera perpétuée pour toutes les dynasties suivantes sauf celle des Sui (581 - 618).

Pour compléter l’articulation administrative sous les districts afin de permettre d’étendre le pouvoir impérial jusqu’au peuple, les Qin et les Han développèrent des institutions et des sous-circonscriptions rurales échelonnées en deux niveaux : xiang (cantons) et li (communes). Sous les Han occidentaux, en règle général, un xiang s’établit sous un district peuplé de plus de 500 foyers, deux pour un district ayant plus de 3 000 foyers, trois pour plus de 5 000, quatre pour plus de 10 000. Le nombre de li sous un xiang pouvait varier entre une dizaine jusqu’à une centaine. Un

li comptait entre une cinquantaine et une centaine de foyers. Le xiang et le li étaient

tous les deux administrés en commun par quelques fonctionnaires émanant des pouvoirs supérieurs et de l’élite locale. Par exemple les chefs de clan, âgés et vertueux jouaient un rôle important dans la vie communautaire. D’après certains historiens chinois, à cette époque, ni le xiang ni le li ne constituait un appareil d’Etat officiel et complet. Malgré des modifications et des réformes, ce système sera globalement perpétué jusqu’en 589 où l’empereur Wendi de la dynastie Sui (581 – 618) le remplaça par un nouveau système dans lequel le pouvoir de xiang sera restreint avec l’annulation du pouvoir judiciaire local.

Sous les Tang (618 – 907), cent foyers constituaient un li et, cinq li un xiang. Le pouvoir des xiang continua à s’affaiblir, tandis que celui des li se renforça. Parallèlement, avec la prospérité économique et les réformes politiques, la séparation des métiers s’accéléra. La différenciation entre la ville et la campagne devint de plus en plus visible. Les villes étaient régulièrement divisées en fang

20Le nombre de jun a augmenté jusqu’à 46 ou 48 avec les conquêtes dans le sud comme dans le Nord.

21Le nombre exact de xian n’est inscrit dans aucunehistoire. Généralement, on estime qu’ils comptaient plusieurs

(quartiers carrés) par des boulevards et rues linéaires. Le mot cun était officiellement utilisé pour désigner les agglomérations rurales : les villages.

Le district désigna un chef (zheng) pour chaque village qui comptait plus de dix foyers. S’il s’agissait d’un hameau n’abritant que quelques foyers, il ne pouvait pas avoir son propre chef et devait s’attacher à un village voisin assez grand. Au cas où ce nombre fut au-delà de cent, un autre chef était ajouté. Assistant le chef d’un li, le chef de village devait être issu absolument du village qu’il représentait (c’est encore le cas en Chine actuelle). Ainsi, le village devint, pour la première fois dans les chroniques chinoises une espèce d’unité administrative.

Ici, nous voudrions mettre en évidence les deux formes du pouvoir bureaucratique chinois : la première était dominée par les aristocrates, et la deuxième par les fonctionnaires. Ces derniers avaient des origines sociales très disparates et étaient bien plus fidèles au pouvoir en place. Ce qu’il faut retenir c’est qu’après la dynastie Han et le début de la dynastie Tang, le pouvoir était concentré chez les aristocrates grâce à leur mainmise sur la fonction publique. Ce système évolua à la fin de la dynastie Tang.

Les fondateurs de la dynastie Song (960 – 1279), après avoir réunifié le pays pour la première fois depuis la chute de la dynastie Tang en 907, mirent en place une bureaucratie centralisée efficace, régie par des fonctionnaires civils lettrés. Ce système conduisit à une plus grande concentration du pouvoir entre les mains de l'empereur et de son administration, héritage des dynasties précédentes. Vu l’insuffisance importante des effectifs de fonctionnaires gradés par rapport à la population de l’Empire, la bureaucratie officielle dépendait d’une énorme sous- bureaucratie de personnel payé ou pas pour faire face à une infinité d’affaires.

Le xiang et le li ayant dépendu jusque-là du nombre de foyers, se transformèrent en simples circonscriptions territoriales liées à des limites spatiales plutôt qu’aux ménages. Les villages furent réorganisés avec de nouvelles organisations plus intensives et efficaces selon un système intitulé « bao-jia ». Dix (plus tard cinq) foyers constituèrent un bao. Cinq bao constituèrent un da-bao (bao grand). Dix da-

bao constituèrent un du-bao (bao général). Chacun de ces trois échelons était dirigé

par un chef issu d’un foyer membre ; le chef du du-bao était d’ailleurs assisté par un adjoint. Dans le principe, chaque famille composée d’au moins deux adultes masculins corvéables, devait en envoyer un pour participer aux exercices militaires durant la saison morte. Ces hommes entraînés s’occupaient de la sécurité et de l’ordre au village. Il s’agissait donc de groupes de contrôle et d’entraide.

Les ménages étaient classés en différents types et catégories selon leur richesse. L’administration était assurée par du personnel impayé et enrôlé des ménages de certains types et catégories de ménages. Ils devaient combiner leurs devoirs avec le travail quotidien normal. Ils étaient chargés à tour de rôle de la plupart du travail administratif quotidien de l'Empire. Ils collectaient les impôts, transmettaient les documents, maintenaient l'ordre local, dirigeaient les unités de milice, fournissaient

un certain nombre de services aux résidants et aux fonctionnaires dans les zones rurales.

Fondée par l’empereur mongol Kubilaï Khan (1215 – 1294) en 1271, la dynastie Yuan régna sur l’ensemble du territoire chinois de 1279 à 1368. L’administration des Yuan dans les zones rurales connut une grande complexité établie selon le temps et le terrain et surtout marquée par le développement d’une organisation intitulée «she22 » qui avait au début, pour but de favoriser les activités agricoles et de

contrôler les mœurs. Elle deviendra une division territoriale notamment dans le Nord. Les Ming (1368 – 1644), pendant la première moitié de leur règne, pratiquaient un système de li-jia : un li était composé de cent dix ménages. Parmi les dix ménages qui possédaient le plus grand nombre de membres corvéables et de grains, était choisi le chef, annuellement et à tour de rôle. Les cent autres se divisaient en dix jia qui étaient dirigés chacun par un chef issu de ces mêmes jia à tour de rôle également. Ayant pour principale mission le recensement des contribuables et la collecte des impôts, ce système sera remplacé par celui de bao-jia pendant la deuxième moitié des Ming.

D’origine mandchoue, la dynastie Qing (1644 – 1912) est la dernière dynastie à avoir régné sur la Chine. Tout au long de son règne, elle a fortement développé la culture chinoise. Pour régner sur l’immense territoire (plus vaste que la Chine actuelle) où se succédèrent de nombreuses rébellions, les Qings combinèrent les expériences des récentes dynasties avec une reprise du système de bao-jia des Song pour remettre de l’ordre dans l’organisation territoriale, une reprise du li-jia des Ming pour assurer la fiscalisation et la corvée et celui de she pour l’orginisation des activités agricoles.

Nous venons de présenter une brève rétrospective des institutions des sous- circonscriptions rurales en Chine ancienne et en Chine impériale. Cependant, nous aimerions souligner que par la très grande diversité chinoise, la configuration des pouvoirs dans la société rurale paraît plus complexe qu’on pouvait imaginer et décrire.

2. Deux mille ans de migrations humaines : facteur déterminant du

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