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Le classement des Villes célèbres d’histoire et de culture et des Secteurs

CHAPITRE 6 D’UNE SAUVEGARDE FRAGMENTAIRE A UNE PROTECTION

II. Le classement des Villes célèbres d’histoire et de culture et des Secteurs

Néanmoins, le classement des villages est un fait historique postérieur à celui des villes en Chine.

Liang Sicheng était sans doute le pionnier le plus connu du concept de patrimoine urbain chinois. Il « souhaitait en 1948 que la ville de Pékin soit un centre

culturel et politique qui puisse être conservé dans son ensemble comme un « musée » d’histoire et d’art. »81 En 1950, en collaboration avec Chen Zhanxiang, Liang Sicheng a proposé le « Projet d’implantation de la zone administrative du gouvernement national populaire central » pour concurrencer celui des experts soviétiques. « Par sa définition du monument historique, Liang Sicheng a permis

d’englober le patrimoine urbain. [...]Pour la ville ancienne, le patrimoine pékinois, aux yeux de Liang Sicheng, ne réside pas seulement dans les moments historiques. Il se manifeste aussi fortement dans la morphologie de la ville : l’axe médian, les remparts, l’agencement des éléments urbains selon la règle traditionnelle. Il est également représenté par le tissu urbain et donc par les quatiers d’habitations. [...]La proposition de Liang Sicheng de respecter la tradition nationale s’appuie sur la règle de construction de la cité antique chinoise. [...] Il considère qu’ « une ville historique constitue en soi un monument» et qu’elle est aussi un tissu vivant qui se doit d’intégrer et de respecter dans un plan d’aménagement les fragments anciens. »82

Malheureusement, les efforts pour le sauvetage des monuments de Liang Sicheng connurent des échecs répétés et lui-même fut attaqué personnellement en 1955 par les organes officiels de propagande de l’idéologie communiste. « La

défaite de la défense du patrimoine historique à Pékin eut pour conséquence des situations désastreuses et a entraîné une période noire pour la protection du

81Zhang Liang, La naissance du concept de patrimoine en Chine XIXe

-XXe sicèles, p. 112.

patrimoine. L’avènement de la révolution culturelle chinoise (1966-1976) a conduit au vandalisme du patrimoine culturel. »83

Donc, « l’apparition du concept de patrimoine urbain comme sa mise oeuvre

est un fait historique relativement récent. Le temps du post-maoïsme a laissé éclore cette idée qui s’est d’abord imposée pour la ville historique. La culture urbaine chinoise a été largement retravaillée par l’urbanisation et la « modernisation » acharnées des [trois] dernières décennies, contraires à l’esprit des villes anciennes. [...] L’ouverture du pays et la « réforme économique » initiée par la nouvelle politique de Deng Xiaoping entraînèrent un nouveau débat sur le patrimoine historique et culturel du pays. [...] La prise de conscience du patrimoine urbain est apparue d’abord chez les intellectuels est s’est ensuite intégrée à la politique de l’urbanisation.[...]

Le concept de « Ville célèbre d’histoire et de culture » (Lishi wenhua mingcheng » lié au patrimoine urbain, est apparu au moment de la Réforme de Deng Xiaoping.

L’instauration de ce statut de ville a démontré la volonté du pouvoir central chinois de préserver le patrimoine culturel. Mais le fait de désigner des villes particulières comme un patrimoine, résultait aussi de la pression des intellectuels.»

84

Le 8 février 1982, le Conseil d’Etat des affaires nationales (Guowu yuan) ratifia la « Demande de Protection des Villes célèbres d’histoire et de culture de notre pays » (Guanyu boahu woguo lishi wenhua mingcheng de qingshi) du Comité national de construction fondamentale (Guojia jiben jianshe weiyuan hui), de l’Administration nationale du patrimoine culturel (Guojia wenwu shiye guanli ju) et de l’Administration nationale générale de construction urbaine (Guojia chengshi

jianshe zongju) , en promulgant la « Première liste des Villes célèbres d’histoire et

de culture » (Diyipi lishi wenhua mingcheng mingdan) dans laquelle 24 villes sont classées . Ce classement qui joue le rôle officiel a été défini par les experts de l’Administration nationale du patrimoine culturel et du Ministère de la Construction. D’après Luo Zhewen, ancien élève de Liang Sicheng et directeur-adjoint du Comité national des experts de la protection des Villes célèbres d’histoire et de culture, ces 24 villes se divisent en 8 catégories :

- anciennes capitales d’empire unifié : Xi’an, Luoyang, Nankin, Pékin ; - capitales de dynasties divisées : Chengdu, Datong, Kaifeng, Hangzhou ;

83Zhang Liang, op. cit., p. 141. 84Zhang Liang, op. cit., pp. 143-144.

- chefs-lieux de feudataires, de vassaux ou de pouvoir local : Qufu, Jiangling, Suzhou, Changsha, Shaoxing ;

- chefs-lieux d’identité des minorités et de caractère fortement local : Lhassa, Dali ;

- villes de signification mémorable de la révolution dans l’histoire moderne : Yan’an, Zunyi ;

- villes-ports stratégiques d’échanges extérieurs ; Guangzhou, Quanzhou ; - villes touristiques : Guilin, Chengde, Kunming ;

- autres villes ayant une valeur particulière : Jingdezhen (capitale de la porcelaine), Yangzhou (très importante ville commerciale dans l’histoire).85

Deux autres listes furent publiées successivement en 1986 et 1993.

38 villes furent classées sur la deuxième liste : Shanghai, Tianjin, Shenyang, Wuhan, Nanchang, Chongqing, Baoding, Pingyao, Hohhot, Zhenjiang, Changshu,

Xuzhou, Huai’an, Ningbo, Shexian, Shouxian, Bozhou, Fuzhou, Zhangzhou, Jinan, Anyang, Nanyang, Shangqiu, Xiangfan, Chaozhou, Langzhong, Yibin, Zigong, Zhenyuan, Lijiang, Xigaze, Hancheng, Yulin, Wuwei, Zhangye, Dunhuang, Yinchuan, Kashgar.

37 villes furent classées sur la troisième liste : Zhengding, Handan, Qiongshan, Leshan, Dujiangyan, Luzhou, Jianshui, Weishan, Gyangzê, Xianyang, Hanzhong, Tianshui, Tongren, Xinjiang, Daixian, Qixian, Jilin, Ha’erbin, Ji’an, Quzhou, Linhai, Changting, Ganzhou, Qingdao, Liaocheng, Zoucheng, Linzi, Zhengzhou, Junxian, Suizhou, Zhongxiang, Yueyang, Zhaoqing, Foshan, Meizhou, Leizhou, Liuzhou.

Entre 2001 et 2013, 25 autres villes ont gagné successivement ce statut par des ratifications individuelles :

- 2001 : Shanhaiguan, Fenghuang ; - 2004 : Puyang ;

- 2005 : Anqing ;

- 2007 : Tai’an, Haikou, Jinhua, Jixi, Turpan, Tekes, Wuxi ; - 2009 : Nantong ;

- 2010 : Beihai ;

- 2011 : Jiaxing, Yixing, Zhongshan, Taiyuan, Penglai, Huili ; - 2012 : Yining (ou Ghulja);

- 2013 : Taizhou, Kuqa, Huize, Yantai, Qingzhou .

85Cf. Luo Zhewen, « Woguo lishi wenhua mingcheng baohu yu jianshe de zhongda cuoshi » (Mesures majeures

de la protection et de la construction des Villes célèbres d’histoire et de culture de notre pays), in Chengshi

A part ces villes classées, de nombreuses autres villes restent dans la liste d’attente et chaque province lance son propre classement dont le nombre total des villes classées est logiquement beaucoup plus important que celui du niveau national.

Mais différente à la vigueur du classement, Zhang Liang nous révéla : « La

réalité de la pratique patrimoniale chinoise confirme une hypothèse : la protection de la ville célèbre implique une volonté de « protéger » une partie des villes historiques, quitte à détruire le reste. Si on étudie ces villes classées, après dix ans de pratiques de protection, leurs transformations, pour la plupart, sont si radicales que le concept de baohu (protection) est remis en cause. Cette volonté protectrice n’implique cependant pas une préservation a priori, car elle est trop souvent freinée par les contraintes économiques, démographiques que les décideurs aiment à rappeler régulièrement. Il nous reste [seulement] quelques villes-musées[fortement liées au tourisme] en Chine [...] qui ont conservé le patrimoine urbain dans son intégralité. [...] Toutes [les autres] villes classées dans les listes, sont aujourd’hui massives, avec une silhouette monotone, avec l’omniprésence de tours et de barres bétonnées, où les volumes, les façades ont été modernisés selon les projets « scientifiques » d’architecture et d’urbanisme, au nom de la protection.» 86

Malgré le classement et le Plan de protection dont sont munies communément toutes les Villes célèbres87, au bout de vingt ans de protection, Luo Zhewen, comme beaucoup d’autres intellectuels, regrettait vivement la destruction massive des constructions anciennes et des vieux quartiers dans les villes historiques en constatant que les villes chinoises se ressemblent de plus en plus et que dans beaucoup de villes célèbres d’histoire et de culture telles que celle de Suzhou, le

fengmao (physionomie stylistique) traditionnel n’existe plus88. L’autre intellectuel

internationalement réputé ayant reçu plusieurs décorations honorifiques internationales de l’UNESCO comme de la République française89, le Professeur Ruan Yisan de l’Université Tongji à Shanghai, qui est également membre du Comité national des experts de la protection des Villes célèbres d’histoire et de culture, confirma qu’au début des années quatre-vingts du scièle passé, lors qu’on en entreprit la protection, toutes ces villes gardaient presque parfaitement leur physionomie stylistique originale. Pourtant, vingt ans après, celles qui le demeurent

86Zhang Liang, op. cit., p. 167.

87Le 5 septembre 1994, un arrêté du Ministère de la Culture, de l’Administration nationale du Patrimoine culturel

sur « Les exigences de l’élaboration du plan de protection de Ville célèbre d’histoire et de culture » (Lishi

wenhua mingcheng baohu guihua bianzhi yaoqiu), définit une méthode norminative d’élaboration du Plan de

protection de Ville célèbre d’histoire et de culture.

88Luo Zhewen, « Baohu zhongyu kaifa » (Il faut faire prévaloir la protection sur l’exploitation), in Zhongguo

chengshi kexue yanjiuhui lishi wenhua mingcheng weiyuanhui huibao (Journal du Comité des Villes célèbres

d’histoire et de culture de l’Association académique des Sciences urbaines de Chine), 16 février 2001.

sont très rares. D’après lui, « aucune des 24 villes classées par la première liste de 1982 n’est intégralement sauvegardée»90

et « on a encore une longue marche à faire pour que la protection des constructions anciennes et villes historiques s’attache les sympathies des autorités et du peuple. » 91

Les remarques de ces intellectuels furent partagées par les fonctionnaires, parmi lesquels, les chefs successifs de l’Administration nationale du Patrimoine culturel : Zhang Wenbin92, Shan Jixiang93 et Song Xinchao94.

Lors d’un séminaire international qui eut lieu du 5 au 7 juillet 2000 à Pékin95 , Zhang indiqua que l’urbanisation vulgaire détruisait fortement voire radicalement la physionomie stylistique et l’environnement culturel des villes historiques96.

Shan avoua : « Malgré quelque vingt ans d’efforts de tous les moyens, faute

d’une législation nationale spéciale en protection des villes célèbres d’histoire et de culture, la situation de la protection de la majorité de ces villes empire de jour en jour, notamment depuis les années quatre-vingt-dix, avec les massifs « remodelage des vieux quartiers » et « reconstruction des vieilles maisons en péril » au détriment désastreux des villes en question, la protection de l’ensemble des villes célèbres d’histoire et de culture devient chimère en l’occurence. »97

Song déclara aussi ouvertement dans une des deux plus importantes conférences, la cinquième séance de la onzième Conférence consultative politique du peuple chinois (quanguo zhengxie di shiyi jie di wu ci huiyi) du 7 mars 2012 à Pékin : « De nombreuses Villes célèbres d’histoire et de culture devienent purement

nominales. Des secteurs historiques ont été complètement rasés. Nous faisons tous nos efforts pour les sauvegarder. Or, il est très fréquent que même si les constructions patrinomiales étaient finalement sauvegardées, leur enviromment immédiat aurait été gravement détruit. Et ce phénomène s’est déjà propagé à la campagne. »98

90Voir « Lishi wenhua mingcheng baohu zhuanjia Ruan Yisan zuori Nanjing jieshou zhuanfang » (Ruan Yisan,

expert de la protection des Villes célèbres d’histoire et de culture a accordé une interview spéciale),http://news.sina.com.cn/c/2006-12-06/110210698782s.shtml .

91Ruan Yisan, « Lishi wenhua mingcheng baohu huhuan « lixing huigui » » (La protection des villes célèbre

d’histoire et de culture nécessite le retour du bon sens) . in Chengshi guancha (Observation des villes), n°3 de 2011.

92Directeur de l’Administration nationale du Patrimoine culturel de Chine entre mai 1996 et août 2002. 93Directeur de l’Administration nationale du Patrimoine culturel de Chine entre août 2002 et janvier 2012. 94Directeur-adjoint de l’Administration nationale du Patrimoine culturel de Chine à partir du février 2010. 95Séminaire international sur la protection du patrimoine culturel et le développement des villes en Chine, co-

organisé par l’UNESCO, la Banque mondial, le Ministère de la Construction de Chine et l’Administration nationale du Patrimoine culturel de Chine.

96Voir http://www.chinanews.com/2000-07-06/26/36467.html.

97Shan Jixiang, cong « wenwu baohu » zou xiang « wenhua yichan baohu » (de la « protection des reliques

culturelles » à la « protection du patrimoine culturel »), Presse de l’Université de Tianjin, novembre 2011, p. 38.

II. L’introduction de notion du « Quartier historique » et la

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