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Pays des Hakkas dans le sud-ouest du Fujian

CHAPITRE 4 LA DIVERSITE DES VIEUX VILLAGES CHINOIS

I. Une diversité au niveau architectural

5. Pays des Hakkas dans le sud-ouest du Fujian

Les Hakkas (kejiaren) sont des Chinois Han vivant dans le sud de la Chine, qui parlent un dialecte particulier et se considèrent comme les lointains descendants de réfugiés originaires des provincesdu Henan, du Shanxi et du nord du Hubei. Chassés en vagues successives à partir du IVe siècle par les guerres et les troubles accompagnant souvent les changements dynastiques dans le bassin du Fleuve Jaune, les ancêtres des Hakkas auraient fini par s’installer, après une migration interrompue

de haltes, dans une zone située à la rencontre des provinces de Guangdong, Fujian et Jiangxi, où ils reçurent leur nom actuel qui signifie « invités » ou « familles hébergées ». Il existe également des communautés hakkas dans le Guangxi, le Hunan, le Guizhou, le Sichuan ainsi qu’à Taïwan et à Hainan. Par ailleurs, environ cinq millions d’autres hakkas sont répartis dans le reste du monde particulièrement en Asie du Sud-Est.

De nombreux aspects de la culture Hakka témoignent indéniablement de l’influence de la culture Han de l’époque médiévale. Néanmoins, des recherches récentes47 semblent indiquer que ceux qui s’identifient comme Hakkas ne sont que partiellement issus d’ancêtres venus de la vallée du Fleuve Jaune. Aux immigrants d’origine se sont joints des autochtones des régions traversées ou d’autres migrants, alors que certains quittaient le groupe pour se fondre au sein des populations locales. Outre le mythe de l’origine nordique, le fort sentiment d’identité des Hakkas repose sur l’expérience de communautés ayant dû lutter afin de se tailler un domaine dans des régions trop peuplées ou dans les zones montagneuses encore en friche. Cette situation imposait, outre la frugalité et l’ardeur au travail déjà évoquées, un sens encore plus aigu de la communauté que chez les autres Han, se reflétant dans différents domaines, dont l’habitat.

Les habitations des Hakkas montrent une grande variété aux niveaux des formes et des matériaux. Elles possèdent cependant des points communs distinctifs.

- S’adaptant à une vie en communauté, l’habitat des Hakkas est sous forme de résidence collective entière plutôt que de regroupements des maisons individuelles tels que chez les autres communautés Han ;

- Chaque résidence abrite une grande famille de plusieurs générations voire un clan entier de sorte que quelques bâtiments ou même un seul peut constituer un village ;

- Malgré une grande variété de formes, les habitations des Hakkas ont pour la plupart sous un plan géométrique parfaitement lisible ;

- Par les précautions de défense engendrées par un environnement isolé et potentiellement hostile, elles sont couramment fermées, dont certaines reseemblent à de véritables châteaux fortifiés ;

- Différente de celles des autres communautés Han qui ne fait généralement que le lieu de culte, la salle des ancêtres chez les Hakkas, malgré qu’elle se trouve aussi à l’intérieur de la résidence, joue le rôle d’un temple des ancêtres voire plus, du fait qu’elle est vraiment un lieu public ouvert aux

divers usages : salle de rites, salle de cérémonie, salle de réunion, salle des banquets, enfin lieu de rencontre pour les habitants et lieu d’amusement pour leurs enfants.

Suivant les observation de Wang Qijun (2006), les habitations des Hakkas sont de trois types principaux : habitations en forme de U dans le nord-est du Guangdong, habitations fortifiées dans le sud du Jiangxi et habitations de terre dans le sud et le sud-ouest du Fujian. Parmi ces trois types, le dernier, étant le plus connu et reconnu, mérite une présentation spéciale.

Il s’agit de bâtiments construits entre le XIIe et le XXe siècle avec des matériaux obtenus localement dont la terre essentiellement. C’est pourquoi on nomme ces maisons tulou, terme composé du mot tu signifiant « terre » et du le mot lou « bâtiment ». En effet, la terre utilisée était formée d’un mélange de trois matières : argile, sable et chaux (à laquelle on ajoutait de l’eau). On damait ce mélange pour former un mur, et des blancs d’oeuf et de la cassonade étaient ajoutés pour servir d’adhésif. Parfois, on ajoutait également du jus de riz glutineux. Une fois ces éléments séchés, les murs étaient si durs qu’il était difficile d’y enfoncer un clou. En damant le mélange en terre pour construire les murs, on y intégrait des branches de sapin pour servir de tiges de renforcement. Il faut indiquer d’ailleurs que le toit des

tulou est uniformément en tuiles noires, la façade intérieure donnant sur à la cour en

bois sombre, et le cloisonnage souvent en briques grises.

Dressés au milieu des rizières et des champs de thé ou de tabac dans des vallées montagneuses, les tulou sont généralement de dimension étonnante et ressemblent à des forteresses. La plupart d’entre eux ont trois ou quatre étages. Les pièces du rez- de-chaussée sont utilisées comme cuisine et salle à manger et le premier étage sert d’entrepôt pour les céréales et les outils agraires. Ce sont les pièces des deuxième et troisième étages qui servent de chambres à coucher et de salles de séjour. A des fins de défense, les pièces du rez-de-chaussée n’ont aucune fenêtre.

Le plan des tulou est très varié. Il peut être circulaire, carré, rectangulaire, demi-circulaire, ovale, de forme des Huit Trigrammes48, ou d’autres formes irrégulières. Cependant, ce sont les deux premières formes qui restent les plus fréquentes et c’est la forme circulaire qui est la plus spectaculaire et impressionnante.

L’habitat sous forme de tulou favorise non seulement la défense, mais aussi la

48Les Huit Trigrammes (en chinois bagua), dit aussi « huit figures de divination », est un diagramme octagonal

avec un trigramme différent sur chaque côté. Il s’agit d’un concept philosophique fondamental de la Chine ancienne utilisé dans le Taoïsme et le Yi Jing (« Livre des mutations » ou « Classique des changements », mais aussi dans beaucoup d’autres domaines de la culture chinoise.

formation d’une communauté soudée. Dans chaque tulou, tous les habitants sont parents. Si une famille fait sécher des céréales au soleil, quand survient un orage, tous les gens de la maison donneront un coup de main pour que les pertes soient minimisées. Il est vrai que par rapport aux autres formes, la forme circulaire favorise encore plus cette solidarité. Un tulou circulaire peut être cloisonné en de nombreuses pièces parfaitement équivalentes de sorte que chaque petite famille membre peut occuper identiquement un rayon de pièces du rez-de-chausée jusqu’au dernier étage. En plus, la forme circulaire affaiblit au maximum le sens de direction, par suite de conséquence, la distinction entre le principal et le subordonné ou entre le supérieur et l’inférieur qui est toujours accentuée dans les autres architectures chinoises. Par ailleurs, la forme cerculaire, étant une figure ronde et fermée, traduisant parfaitement les sens de plein, d’unification et de perfection de la culture chinoise, traduit tous les meilleurs sentiments des occupants.

Photo 4-6 : Vue panoramique de l'ensemble des tulou du village de Chuci, district de Yongding, province du Fujian

Plus de 20 000 tulou sont encore conservés dans cette région, dont 46 ont été inscrits en juillet 2008 sur la liste du patrimoine de l’humanité de l’UNESCO. D’après ce dernier, « les tulou et les vastes archives documentaires qui leur sont

associées reflètent l’émergence, l’innovation et le développement d’un art exceptionnel de construction en terre sur une période de sept siècles. Les intérieurs compartimentés élaborés, certains dotés de surfaces richement décorées, comblaient à la fois les besoins physiques et spirituels des communautés, et reflètent de façon

extraordinaire le développement d’une société raffinée dans un environnement isolé et potentiellement hostile. La relation de ces imposants édifices avec leur paysage incarne à la fois les principes du feng-shui et les concepts de beauté et d’harmonie du paysage. »49

Villages représentatifs :

- Chuxi (district de Yongding), composé par cinq tulou circulaires et quelques dizaines de tulou carrés ;

- Hongkeng (district de Yongding), contenant une trentaine de tulou de formes différentes ;

- Nan’ou (district de Nanjing), 25 tulou de formes différentes ; - Xiaban (district de Nanjing), 12 tulou dont 5 circulaires, 7 carrés ;

- Tianluokeng (district de Nanjing), mondialement connu pour ses cinq formidables tulou dont trois circulaires, un ovale et un carré.

6. Zone historiquement défrichée par les troupes des Ming en

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