• Aucun résultat trouvé

Paragraphe I. Un droit au service de la productivité agricole

B. Un droit communautaire axé sur la PAC et le marché intérieur

II. Une directive 91/414/CEE exclusivement fondée sur la PAC

186. Par la suite, la directive 91/414/CEE met en place une procédure d’autorisation

de mise sur le marché pour tous les pesticides. Lors du bilan à mi-parcours de la mise en œuvre de cette directive, la Commission indiquera à son sujet que « les données à fournir

pour les pesticides excèdent de loin celles fixées pour toutes les autres catégories de substances, dont les produits pharmaceutiques, les additifs alimentaires et les produits chimiques de base »838. Elle écrira même que la protection de la santé humaine et de l’environnement prime sur les besoins de la production agricole839.

Pourtant, la directive 91/414/CEE a pour unique base juridique l’article 43 du traité, c’est-à-

835 Traité sur l’Union européenne, Maastricht, 7 février 1992, JOCE C 191 du 29 juillet 1992, point 38). 836 Directive 79/117/CEE, op. cit., considérant n° 9.

837 Ibid., considérant n° 6, 7 et 8.

838 Commission des Communautés européennes, Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’évaluation des substances actives des produits phytopharmaceutiques (présenté conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414/CEE concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques), COM(2001) 444 final, 25 juillet 2001, p. 3, point 9.

dire l’agriculture. La prise en compte de la protection de la santé et de l’environnement ne transparaît pas dans les bases juridiques de la directive. Or, si la santé publique n’a toujours pas de titre dans le traité, tel n’est plus le cas de l’environnement. Au demeurant, l’article 100 A du traité, tel que créé par l’Acte unique européen, aurait sans doute permis de mieux prendre en compte la santé publique et l’environnement, comparativement à l’article 43.

Concernant les considérants, les trois premiers, presque inchangés par rapport aux considérants des directives 76/895/CEE et 79/117/CEE, sont consacrés à la productivité agricole. Au quatrième considérant seulement est abordée la question des « risques et dangers

pour l’homme, les animaux et l’environnement » liés aux pesticides. Par ailleurs, la directive

vise aussi, bien évidemment, la suppression des obstacles aux échanges communautaires de pesticides et de produits végétaux issus de cultures traitées avec des pesticides, comme l’indiquent les considérants n° 5, 6 et 7.

Certes, la directive 91/414/CEE vise bien, en plus de l’amélioration de la production agricole et de l’élimination des entraves aux échanges intracommunautaires de produits phytopharmaceutiques, un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé humaine et animale. La Cour de justice des Communautés européennes a d’ailleurs l’occasion de la rappeler à plusieurs reprises840. Cependant, force est de constater que les risques pour la santé et l’environnement liés aux pesticides n’y sont présentés que comme une éventualité, qui résulte notamment de l’absence d’autorisation en bonne et due forme, ou encore d’une mauvaise utilisation de ces pesticides841. En d’autres termes, la dangerosité intrinsèque de ces produits, pourtant conçus pour lutter et, bien souvent, détruire des organismes vivants, n’est pas mise en cause, ou tout du moins pas mise en avant par la directive 91/414/CEE. Comparativement, la directive 79/117/CEE, qui s’intéresse il est vrai aux pesticides les plus dangereux pour l’homme, l’animal et l’environnement, mettait plus fortement l’accent sur ces risques. Le considérant n° 4 de cette dernière directive indique ainsi que l’utilisation des produits phytopharmaceutiques « peut entraîner des risques pour l’homme et l’environnement

étant donné qu’il s’agit, en général, de substances toxiques ou de préparations à effets dangereux ».

En outre, la réévaluation, colossale, des plus de huit cents substances actives déjà en

840 Cf. par exemple CJCE, Arrêt du 18 juin 1996, Parlement européen c. Conseil de l’Union européenne, Aff. C-

303/94, notamment n° 25 et 28 ; CJCE, Arrêt du 9 mars 2006, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie et

Stichting Natuur en Milieu c. College voor de toelating van bestrijdings middelen, Aff. C-174/05, n° 43 ; TPICE,

Arrêt du 9 septembre 2008, Bayer CropScience AG c. Commission des Communautés européennes, T-75/06, n° 81.

circulation au moment de l’adoption de la directive842 se traduit par des « effets pervers »843. S’agissant d’un processus long et coûteux, les fabricants abandonnent, d’emblée ou en cours de processus, de très nombreuses substances, bien souvent par manque de rentabilité économique et non en raison des risques qu’elles présentent pour la santé ou l’environnement844. De fait, le Parlement européen relève, en 2002, qu’« aucune décision de

non-inscription d’un pesticide n’a été motivée par des raisons liées à la santé humaine »845. Cette réévaluation est, qui plus est, entravée par la publication tardive des textes devant préciser les modalités de mise en œuvre de la directive 91/414/CEE846. Par ailleurs, les critères finalement adoptés ne sont pas considérés comme suffisamment « clairs » par le Parlement847.

C’est pourquoi ce dernier exige, à l’occasion de l’évaluation de la mise en œuvre de la directive 91/414/CEE, « que la nouvelle procédure respecte pleinement les principes de la

directive selon lesquels la protection de la santé humaine et de l’environnement passent avant les impératifs de la production agricole »848. Le Parlement va même jusqu’à affirmer qu’il « a

perdu tout contrôle sur la mise en œuvre de la directive qui se déroule manifestement sans aucune transparence et à huis clos, avec comme seul interlocuteur de la Commission et des Etats membres, les producteurs de pesticides »849. Il en déduit qu’il « convient de rendre ce

processus plus transparent et d’y intégrer les représentants des groupes d’intérêt (p. ex. consommateurs, ONG concernées, producteurs d’eau) »850. Le règlement n° 1107/2009 est donc censé corriger ces manquements.

842 Cf. précédemment, paragraphe n° 30.

843 BONNEFOY (N.), , op. cit., p. 125 et 126 ; LANNOYE (P.), op. cit., considérants G et H. 844 BONNEFOY (N.), , op. cit., p. 125 et 126 ; LANNOYE (P.), op. cit., considérants G et H.

845 LANNOYE (P.), op. cit., considérant E. Par la suite, la Commission interdira toutefois l’approbation de

substances actives en raison de leur risque pour la santé et/ou l’environnement, comme il a été vu avec le bromuconazole ou le malathion : voir précédemment, paragraphe n° 157. En outre, les substances les plus dangereuses restent interdites en application de la directive 79/117/CEE, et ce indépendamment du processus de réévaluation des substances déjà utilisées, selon les critères fixés par la directive 91/414/CEE.

846 LANNOYE (P.), op. cit., considérant C. Dans son rapport précité COM(2001) 444 final du 25 juillet 2001, la

Commission indique, au point 17, que ces modalités ont été précisées pendant la période 1993-1996. En tout, une dizaine de directives a été nécessaire pour détailler ces critères (soient les directives 93/71/CE, 94/37/CE, 94/79/CE, 95/36/CE, 96/12/CE, 96/46/CE, 96/68/CE, 97/57/CE, 2001/36/CE et 2005/25/CE), la plus récente, la directive 2005/25/CE ayant été adoptée près de quinze ans après l’adoption de la directive 91/414/CE.

847 LANNOYE (P.), op. cit., considérant E. 848 Ibid., point 10 p. 12.

849 Ibid., p. 15. 850 Ibid.

Outline

Documents relatifs