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Paragraphe II. Un début d’évaluation des mélanges de produits

A. Une évaluation lacunaire des mélanges prévus

65. L’obligation d’évaluer les mélanges prévus par le demandeur. L’actuel

droit des produits phytopharmaceutiques de l’Union européenne n’est pas complètement muet sur le sujet de l’ « effet cocktail ». Le règlement n° 545/2011 demande en effet que soient évalués les mélanges prévus par le demandeur. Ces mélanges peuvent être constitués par le produit phytopharmaceutique soumis à la demande d’autorisation d’une part, et un ou plusieurs adjuvants ou encore d’autres produits phytopharmaceutiques d’autre part. Doit plus particulièrement être évaluée la compatibilité physique, chimique, biologique le cas échéant, des mélanges prévus350. L’étiquette du produit doit alors décrire « le résultat escompté du

mélange »351. La toxicité du mélange pour les végétaux ou produits végétaux cibles doit être évaluée ainsi que, si besoin, la toxicité aiguë pour l’homme352. Enfin, l’exposition de l’opérateur au mélange doit faire l’objet d’une évaluation353. Les règlements n° 284/2013354 et

350 Règlement (UE) n° 545/2011 op. cit., Annexe, Partie A, point 2.9, et Partie B, point 2.8. 351 Ibid., Annexe, Partie A, point 6.2., et Partie B, point 6.2.

352 Ibid., Annexe, Partie A, point 6.5., et Partie B, point 6.5.

353 Ibid., Annexe, Partie A, points 7.1.7. et 7.2.1.1., et Partie B, point 7.5.

354 Règlement (UE) n° 284/2013 de la Commission du 1er mars 2013 établissant les exigences en matière de

données applicables aux produits phytopharmaceutiques, conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, JOUE L 93 du 3 avril 2013, Annexe, Partie A, point 2.9., point 6.2., point 6.4.1. et point 7.1.8., et Partie B, point 2.8.1., point 6.2., point 6.5. et point 7.5.

n° 546/2011355 reprennent ces dispositions. Le règlement n° 284/2013 précise en outre l’obligation d’évaluation de l’exposition au mélange de produits lorsque l’étiquette mentionne l’utilisation d’un tel mélange. Ainsi, doivent en particulier être pris en compte les « effets

cumulés et synergiques » du mélange356, pour les opérateurs, mais aussi pour les personnes présentes, les résidents et les travailleurs357.

66. Des lacunes persistantes. Ces dispositions appellent plusieurs remarques.

Premièrement, l’évaluation de la toxicité aiguë du mélange n’est pas systématique, loin s’en faut. L’opportunité d’une telle évaluation doit ainsi faire l’objet d’un examen « au cas par cas

avec les autorités nationales compétentes compte tenu des résultats des études de toxicité aiguë relatives aux différents produits phytopharmaceutiques et des propriétés toxicologiques des substances actives, de la possibilité d’exposition à la combinaison de produits concernés, notamment pour les groupes vulnérables, et des informations disponibles ou de l’expérience pratiques concernant ces produits ou des produits similaires »358.

Deuxièmement, les évaluations prévues ont pour principal but de vérifier que le mélange aura bien les effets phytopharmaceutiques attendus, tout en s’assurant que la manipulation de ce mélange ne sera pas dangereuse pour l’opérateur ainsi que les autres personnes exposées au moment de l’application. Les règlements n° 545/2011, n° 284/2013 et n° 546/2011 envisagent donc les mélanges en termes d’efficacité et de toxicité au seul moment de l’application. De fait, ils passent sous silence l’éventuelle toxicité pour l’homme et l’animal résultant d’une exposition environnementale ou alimentaire, ainsi que la toxicité pour l’environnement. Troisièmement enfin, les règlements n° 545/2011 et n° 284/2013 ne s’intéressent qu’aux mélanges de produits phytopharmaceutiques prévus par le demandeur de l’autorisation. Or, il n’est pas rare que les agriculteurs réalisent d’autres mélanges de produits. En outre, une fois utilisé, un pesticide va se retrouver dans l’environnement sous forme de résidus qui vont venir rejoindre les autres résidus des pesticides précédemment utilisés. Certains résidus de pesticides, et même certains pesticides, sont en effet très rémanents, ce qui signifie qu’ils persistent longuement dans l’environnement avant d’être complètement dégradés. Enfin, ces

355 Règlement (UE) n° 546/2011 de la Commission du 10 juin 2011 portant application du règlement (CE) n°

1107/2009 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques, JOUE L 155 du 11 juin 2011, Annexe, Partie I, B. Evaluation, points 2.1.5., 2.2.3. et 2.7.3., puis C. Processus décisionnel, points 2.1.5., 2.2.7. et 2.7.3., puis Partie II, B. Evaluation, points 2.2.2.4. et 2.4.6., puis C. Processus décisionnel, points 2.4.1.5. et 2.4.2.7.

356 Règlement (UE) n° 284/2013, op. cit., Annexe, Partie A, point 7.2. 357 Ibid., Annexe, Partie A, points 7.2.1.1., 7.2.2.1. et 7.2.3.1. respectivement.

358 Ibid., Annexe, Partie A, point 7.1.8., voir aussi Partie B, point 7.5. ; règlement (UE) n° 545/2011, op. cit.,

résidus peuvent également interagir avec toutes les autres substances naturellement présentes dans l’environnement et les substances, chimiques en particulier, rejetées par l’homme.

67. Des évaluations non exigées. Au surplus, il peut arriver que l’administration

autorise, malgré tout, l’utilisation de mélanges non évalués. Par arrêté du 10 août 2012, le préfet de la région Martinique a ainsi autorisé des producteurs de bananes à pulvériser quatre produits phytopharmaceutiques359 en association avec un adjuvant, le Banole, alors que l’évaluation de ce dernier n’était pas achevée. Si bien que cet arrêté a été en partie suspendu par le tribunal administratif de Fort-de-France, au motif que l’adjuvant Banole « n’a pas

encore fait l’objet, pour le cas où il est mélangé à des substances actives, de l’évaluation spécifique des risques liées à la pulvérisation aérienne prescrite par l’article 9, 2, b) de la directive 2009/128/CE »360. Aux conditions générales d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques, des adjuvants et de leurs mélanges, fixées par le règlement n° 1107/2009, s’ajoutent en effet, en l’espèce, les obligations particulières de la directive 2009/128/CE en matière de pulvérisation aérienne. Cette directive, qui pose le principe de l’interdiction de la pulvérisation aérienne, l’autorise toutefois « par dérogation », et « sous

réserve », notamment, que « les pesticides utilisés [soient] expressément approuvés pour la pulvérisation aérienne par l’Etat membre à la suite d’une évaluation spécifique des risques liés à la pulvérisation aérienne »361.

Au-delà des dispositions d’évaluation spécifiques pour les mélanges prévus par le demandeur d’une autorisation, l’encadrement de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques prévoit des dispositions générales pour l’évaluation de l’ « effet cocktail », qui se heurtent cependant aux lacunes scientifiques du moment.

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