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Un règlement basé sur la PAC, le marché intérieur et la santé publique

Paragraphe I. Un droit au service de la productivité agricole

B. Un droit communautaire axé sur la PAC et le marché intérieur

III. Un règlement basé sur la PAC, le marché intérieur et la santé publique

187. Une priorité à la protection de la santé affichée. Alors que la directive

91/414/CEE était uniquement fondée sur la politique agricole commune, le règlement n° 1107/2009 qui lui succède cumule, lui, trois bases juridiques. Il s’agit ainsi des bases juridiques relatives à l’agriculture, au rapprochement des législations en vue de l’établissement du marché intérieur et à la santé publique. Au niveau des considérants, si les risques pour la santé et l’environnement liés à l’utilisation des pesticides sont toujours abordés en seconde position, c’est-à-dire après l’utilité agricole de ces produits851, le règlement précise toutefois que son objet consiste à « garantir un niveau élevé de protection

de la santé humaine et animale et de l’environnement ». Un peu plus loin, il indique même

que « l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement […]

devrait primer l’objectif d’amélioration de la production végétale »852. Comme l’indique la commission des affaires juridiques du Parlement européen, « le règlement a pour objectif

premier d’assurer la protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, en veillant à ce que les produits phytopharmaceutiques, qui sont d’une importance vitale pour l’agriculture, ne soient pas mis sur le marché sans avoir été examinés et autorisés officiellement, et à ce qu’ils soient utilisés de manière correcte »853. La protection de la santé constituant le « centre de gravité » du règlement, la commission des affaires juridiques en déduit qu’il doit être fondé sur le seul titre consacré à la protection de la santé. En effet, selon cette commission, la base juridique agricole peut être laissée de côté dans la mesure où l’article 152, paragraphe 4, point b), du traité854 permet au Conseil d’adopter « des mesures

dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique ». Cette disposition date du traité d’Amsterdam et constituait alors une

dérogation par rapport à la politique agricole commune855, la condition dérogatoire ayant été

851 Règlement (CE) n° 1107/2009, op. cit., considérants n° 7 et 6 respectivement.

852 Ibid., considérants n° 8 et 24 respectivement ; la version française pouvant prêter à confusion, il est utile de se

référer à la version anglaise du considérant n° 24, qui indique sans ambiguïté la priorité accordée à l’objectif de protection de la santé et de l’environnement : « The provisions governing authorisations must ensure a high

standard of protection. In particular, when granting authorisations of plant protection products, the objective of protecting human and animal health and the environment should take priority over the objective of improving plant production », non souligné dans l’original.

853 BREYER (H.), op. cit., p. 150.

854 Soit l’article 168, paragraphe 4, point b) du TFUE.

855 Traité d’Amsterdam modifiant le traité sur l’Union européenne, les traités instituant les Communautés

européennes et certains actes connexes, JOCE C 340 du 10 novembre 1997, Article premier, point 26), modifiant l’article 129 du traité, et notamment le paragraphe 4, ainsi rédigé : « 4. Le Conseil, statuant conformément à la

procédure visée à l’article 189 B, et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, contribue à la réalisation des objectifs visés au présent article en adoptant : […] b) par dérogation à

supprimée par le traité de Nice856. En outre, la base juridique relative au rapprochement des législations en vue de l’établissement du marché intérieur est également considérée comme superflue, s’agissant d’un « objectif implicite, second et indirect par rapport à la finalité

première »857, à savoir la protection de la santé. Si cette analyse de la commission des affaires juridiques du Parlement met en évidence la nouvelle priorité affichée par l’encadrement communautaire de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, elle n’en reste pas moins surprenante. Quel que soit le niveau d’exigence visé en matière de protection de la santé et de l’environnement, les produits phytopharmaceutiques gardent en effet aussi pour objet d’assurer la production végétale.

188. Des bases juridiques relatives à l’agriculture et au marché intérieur conservées. In fine, le règlement n° 1107/2009 conservera les bases juridiques relatives à

l’agriculture et au rapprochement des législations, en dépit, donc, des conclusions de la commission des affaires juridiques du Parlement européen. Comparativement, le règlement n° 396/2005 sur les limites maximales de résidus a perdu, lui, la base juridique relative au marché intérieur, au profit des bases juridiques relatives à l’agriculture et à la santé. Pour ce dernier règlement, la disparition de la base juridique relative au marché intérieur peut s’expliquer par le fait que, selon une jurisprudence constante de la Cour, « l’article 38,

paragraphe 2, du traité, assure la priorité des dispositions spécifiques du domaine agricole par rapport aux dispositions générales relatives à l’établissement du marché commun »858. Ceci signifie qu’en matière de droit dérivé de la politique agricole commune, la base juridique agricole suffit, sans qu’il soit besoin d’y ajouter la base juridique relative au rapprochement des législations en vue de l’établissement du marché intérieur. Les raisons en sont que, d’une part, la politique agricole commune est une politique spécifique de la Communauté et se trouve donc tenue d’en respecter les principes généraux fondateurs, au premier rang desquels figure l’établissement du marché intérieur, et d’autre part, cette politique peut, en vertu de l’article 38, paragraphe 2, du TFUE, instaurer des règles spécifiques pour les produits agricoles, dérogatoires au régime général.

l’article 43, des mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique ; ».

856 Traité de Nice modifiant le traité sur l’Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes

et certains axes connexes, JOCE C 80 du 10 mars 2001, article 152, paragraphe 4, point b). L’article 152 du traité de Nice est devenu l’article 168 du TFUE.

857 BREYER (H.), op. cit., p. 150.

858 CJCE, Arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord c. Conseil des Communautés européennes, Aff. C-68/86, n° 15.

Ces différences de bases juridiques entre les règlements n° 396/2005 et 1107/2009 peuvent s’expliquer par le fait que le règlement n° 396/2005 encadre le commerce de produits agroalimentaires, produits qui relèvent directement de la politique agricole commune. Le règlement n° 1107/2009 encadre, quant à lui, le commerce de produits destinés à la protection des cultures agricoles. Les produits phytopharmaceutiques ne sont donc pas directement visés par l’article 38 et l’annexe I du TFUE. Dès lors, la base juridique relative au marché intérieur a pu sembler utile pour ce dernier règlement. En outre, le règlement n° 1107/2009 remplace les directives 91/414/CEE et 79/117/CEE, respectivement fondées sur la politique agricole et la politique de rapprochement des législations en vue de l’établissement du marché intérieur. En toute logique, le règlement n° 1107/2009 se trouve donc fondé sur les bases juridiques des textes qu’il remplace. Concernant plus particulièrement la persistance de la base juridique agricole, elle peut aussi s’expliquer par le fait que, en vertu de l’article 168, paragraphe 1, du TFUE, la politique communautaire en matière de santé publique ne fait que compléter les politiques nationales. Comparativement, la politique agricole commune, bien que désormais classée parmi les compétences partagées de l’Union859, n’en demeure pas moins une politique commune forte, qui justifie sans doute plus sûrement l’adoption de mesures d’harmonisation. Enfin, les lobbies agricoles et phytopharmaceutiques ont sans doute vu d’un mauvais œil la perspective de fonder le règlement n° 1107/2009 exclusivement sur la base juridique relative à la santé et vraisemblablement milité pour que les bases juridiques relatives à l’agriculture et au marché intérieur soient conservées. C’est tout du moins l’impression donnée par la lecture des avis rendus par les commissions du Parlement européen respectivement en charge de l’industrie, de la recherche et de l’énergie d’une part, et de l’agriculture et du développement rural d’autre part860. Si bien que, même s’il affiche que la priorité doit être donnée à la protection de la santé et de l’environnement, le règlement n° 1107/2009 reste le fruit d’une conciliation entre d’une part, la protection de la santé et de l’environnement, et d’autre part, la production et le marché agricoles. Historiquement fondé sur l’objectif de productivité agricole, soutenu par un modèle agroindustriel, l’encadrement français et communautaire des produits phytopharmaceutique cherche avant tout à garantir l’efficacité de ces produits dans la lutte contre les organismes nuisibles aux cultures. De fait, il semble difficile que cet encadrement puisse désormais encourager la mise sur le marché et l’utilisation de produits moins risqués pour la santé et l’environnement, ces produits étant aussi a priori moins efficaces dans la lutte contre les organismes nuisibles. Certains aménagements réglementaires

859 Cf. précédemment, paragraphe n° 5.

laissent toutefois penser que la procédure d’autorisation de mise sur le marché des pesticides n’est plus autant attachée à la garantie première de l’efficacité de ces produits.

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