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Les premières mesures de prévention des conflits d’intérêts

Paragraphe I. L’élaboration d’une politique de prévention des conflits d’intérêts 102 Les premières mesures de prévention des conflits d’intérêts (A) sont renforcées

A. Les premières mesures de prévention des conflits d’intérêts

103. Pour prévenir les conflits d’intérêts largement dénoncés, des mesures

institutionnelles et procédurales (I) viennent compléter la création des premières déclarations d’intérêts (II).

506 L’Alliance du Trèfle, Le transfert de la gestion des dossiers AMM de la DGAL à l’ANSES (article 21 er 22 de la Loi d’avenir, Document disponible à l’adresse : http://lesitedutrefle.files.wordpress.com/2014/03/19-pr- transfert-anses-phytov6xm1.pdf, page consultée le 22 avril 2014 ; l’Alliance du Trèfle est une alliance de syndicats représentant des agents du ministère chargé de l’agriculture. Le Conseil d’Etat dénonce également le fait que la création de certaines agences soit parfois motivée par la volonté de l’Etat de se décharger de certaines responsabilités : cf. rapport précité, Les agences : une nouvelle gestion publique ?, p. 94.

I. Des mesures institutionnelles et procédurales

104. Des mesures institutionnelles et procédurales sont décidées, tant au niveau

communautaire (a), qu’au niveau français (b).

a. Au niveau communautaire

105. Le rattachement des comités scientifiques à la DG SANCO. Au niveau

communautaire, les comités scientifiques de la Commission européenne sont critiqués, depuis la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine, pour leur manque d’indépendance507. Est notamment dénoncé leur rattachement aux directions générales de la Commission en charge de l’industrie et de l’agriculture, soumises, compte tenu de leurs missions, à des pressions économiques et commerciales fortes. Il est donc décidé de transférer ces comités scientifiques vers la direction générale en charge de la protection de la santé et des consommateurs (DG SANCO)508, moins soumise à ces pressions.

106. Un processus de recrutement transparent. La décision n° 97/579/CE

réorganise le fonctionnement des comités scientifiques. Si les membres de ces comités scientifiques restent nommés par la Commission, c’est « après la publication au Journal

officiel des Communautés européennes d’un appel à manifestation d’intérêt, des critères de sélection et d’une description de la procédure de sélection »509. En particulier, cette procédure « identifie de manière transparente les candidats les plus aptes à travailler au sein

des comités »510. La communication de la Commission qui a précédé l’adoption de la décision n° 97/579/CE précise en outre que « [l]es qualifications et compétences scientifiques sont les

principaux critères de sélection des membres des comités scientifiques »511.

507 BLUMANN (C.), « Les implications de la sécurité alimentaire dans l’évolution de la politique agricole

commune », in BOURRINET (J.) et SNYDER (F.), (dirs.), La sécurité alimentaire dans l’Union européenne, Bruylant, Coll. Travaux du CERIC, Bruxelles, 2003, p. 74.

508 Commission des Communautés européennes, Santé des consommateurs et sûreté alimentaire, Communication de la Commission, COM(97) 183 final, 30 avril 1997, p. 3 et 4.

509 Décision n° 97/579/CE de la Commission du 23 juillet 1997 instituant des comités scientifiques dans le

domaine de la santé des consommateurs et de la sûreté alimentaire, JOCE L 237 du 28 août 1997, Article 3, paragraphe 3.

510 Ibid., Article 3, paragraphe 3.

511 Commission des Communautés européennes, Santé des consommateurs et sûreté alimentaire,

107. La publication des documents scientifiques, avis minoritaires compris. De

plus, la décision n° 97/579/CE pose une obligation de publicité des documents produits par les comités scientifiques. De fait, les « ordres du jour, les comptes rendus et les avis adoptés

par les comités scientifiques » doivent être « rendus publics sans retard indu »512. La décision ajoute que les « opinions minoritaires sont toujours incluses et ne sont attribuées

aux membres que sur leur demande »513. Il s’agit d’un point important en situation d’incertitude. Cette disposition permet en effet que les éventuels avis minoritaires, suspectant par exemple des effets de perturbation endocrinienne, soient mentionnés. L’autorité en charge de la décision d’autorisation pourra donc prendre en compte ces avis. L’obligation de faire figurer dans les avis scientifiques les opinions minoritaires ainsi que les divergences d’opinions, a fortiori en situation d’incertitude, sera d’ailleurs reprise dans la jurisprudence de l’Union européenne514. En plus de répondre au principe de transparence, cette obligation permet d’assurer le respect du contradictoire, autre principe juridique qui tend à structurer l’évaluation scientifique des risques515.

Des mesures similaires, destinées à assurer l’indépendance de l’expertise phytopharmaceutique, sont adoptées au niveau français.

b. Au niveau français

108. Un recrutement transparent d’experts strictement scientifiques. En France,

la prévention des conflits d’intérêts débute avec l’exclusion des représentants des professionnels privés du processus d’évaluation des produits phytopharmaceutiques. Depuis l’arrêté du 27 juillet 2001 précité, ces représentants ne font ainsi plus partie des membres de la commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires. Au moment de sa création en 1974, cette commission comptait en effet des représentants de l’Union nationale des

512 Décision n° 97/579/CE, op. cit., Article 10. 513 Ibid., Article 10.

514 Cf. par exemple TPICE, Arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan Gmbh et autres c. Commission des

Communautés européennes, aff. T-74/00, n° 200 : « le CSP [Comité des spécialités pharmaceutiques de

l’Agence européenne pour l’évaluation des médicaments] est tenu d’indiquer, dans son avis, les principaux rapports et expertises scientifiques sur lesquels il s’appuie, et de préciser, en cas de divergence significative, les raisons pour lesquelles il s’écarte des conclusions des rapports ou des expertises produits par les entreprises concernées. Cette obligation s’impose tout spécialement en cas d’incertitude scientifique. En garantissant le caractère contradictoire et transparent de la consultation du CSP, elle permet de s’assurer que la substance considérée a fait l’objet d’une évaluation scientifique approfondie et objective, fondée sur une confrontation des thèses scientifiques les plus représentatives et des positions scientifiques avancées par les laboratoires pharmaceutiques concernés ».

coopératives agricoles d’approvisionnement, de la Chambre syndicale de la phytopharmacie et de la Fédération nationale des producteurs de l’horticulture et des pépinières516. Il faut toutefois préciser qu’en application de l’article 5 du décret n° 74-682, ces membres « qui

n’appartiennent pas à l’administration [participaient] aux travaux desdites commissions à titre consultatif »517. En conséquence, bien que siégeant à la commission d’étude de la toxicité, les représentants des fabricants de produits phytopharmaceutiques et d’agriculteurs ne pouvaient prendre part aux décisions prises par cette commission, théoriquement tout du moins.

Si les professionnels sont exclus de la mise en œuvre de l’évaluation des risques liés aux pesticides avec l’arrêté du 27 juillet 2001, ils conservent toutefois un droit d’expression sur les résultats de cette évaluation. Ainsi, les demandes d’autorisation pour lesquelles la commission d’étude de la toxicité a adopté une position défavorable ouvrent droit au demandeur à être auditionné par ladite commission, assisté le cas échéant par un représentant de l’organisation professionnelle à laquelle il appartient518. Cette audition laisse donc au

demandeur d’une autorisation l’occasion de contester l’évaluation des risques réalisée par la commission, et éventuellement la possibilité de faire modifier cette évaluation.

Le processus d’évaluation étant devenu strictement scientifique, un recrutement transparent des experts en charge de cette évaluation est ensuite mis en place en 2004, comme il a été vu dans la section précédente519.

A ces mesures procédurales et institutionnelles s’ajoute la mise en place des premières déclarations d’intérêts.

II. La mise en place de déclarations d’intérêts

109. Les premières déclarations d’intérêts communautaires. La décision

n° 97/579/CE considère que les avis scientifiques doivent être fondés « sur les principes

d’excellence, d’indépendance et de transparence »520. Les membres des comités scientifiques, comité scientifique des plantes compris, doivent en particulier déclarer annuellement et lors

516 Cf. Arrêté du 14 octobre 1974 fixant la composition de la commission d’étude de la toxicité des produits

antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés, JORF du 27 octobre 1974.

517 Décret n° 74-682, op. cit., Article 5.

518 Arrêté du 27 juillet 2001 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission d’étude de la toxicité

des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés, des matières fertilisantes et des supports de culture, JORF du 7 septembre 2001, Article 1, paragraphe III et article 7 respectivement.

519 Cf. précédemment, paragraphe n° 88.

de chaque réunion les intérêts « qui pourraient être considérés comme préjudiciables à leur

indépendance »521. Les experts extérieurs qui participent à des réunions de ces comités sont tenus de produire le même type de déclaration.

Si la décision n° 97/579/CE ne prévoit aucune sanction en cas de refus de déclaration de ces intérêts ou de conflit d’intérêts avéré, elle demande toutefois aux comités scientifiques d’adopter des « règlements internes »522. Ces règlements internes « doivent notamment

déterminer pour chaque comité scientifique les procédures destinées à […] vérifier que les rapporteurs sont en mesure de remplir leur mission spécifique dans la plus grande indépendance possible de toutes influences extérieures »523.

110. Les premières déclarations d’intérêts françaises. Dès la mise en place, en

2004, d’un recrutement transparent des experts scientifiques français en charge de l’évaluation phytopharmaceutique, il est demandé aux candidats experts de fournir une déclaration d’intérêts. Ces déclarations d’intérêts doivent être publiées dans le rapport annuel de la commission d’étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole, des matières fertilisantes et des supports de culture524. Il est en outre précisé qu’ « aucun expert

ne pourra traiter un dossier dans lequel il aurait un quelconque intérêt »525. Cette interdiction n’est toutefois assortie d’aucune forme de sanction ou restriction, pas plus que de critères d’évaluation des éventuels conflits d’intérêts déclarés526. Comme le système communautaire, le système français de déclarations d’intérêts institué pour l’évaluation des produits phytopharmaceutiques pèche par son manque de sanctions.

Ces premières dispositions en matière de prévention des conflits d’intérêts sont renforcées et complétées au moment où l’évaluation des risques phytopharmaceutiques est confiée au niveau français à l’AFSSA, et au niveau communautaire à l’EFSA.

521 Ibid, Article 6.

522 Ibid., Article 8, paragraphe 1.

523 Ibid., Article 8, paragraphe 2, point b).

524 Avis aux experts scientifiques en vue du renouvellement de la commission d’étude de la toxicité des produits

antiparasitaires à usage agricole, des matières fertilisantes et des supports de culture, JORF n° 37 du 13 février 2004.

525 Ibid. 526 Ibid.

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