• Aucun résultat trouvé

L’avènement d’une véritable politique de prévention des conflits d’intérêts

Paragraphe I. L’élaboration d’une politique de prévention des conflits d’intérêts 102 Les premières mesures de prévention des conflits d’intérêts (A) sont renforcées

B. L’avènement d’une véritable politique de prévention des conflits d’intérêts

111. Dans les agences en charge, au niveau communautaire (I) comme au niveau

français (II), de l’évaluation phytopharmaceutique, se met en place une véritable politique de prévention des conflits d’intérêts.

I. Au sein de l’EFSA

112. L’EFSA, une autorité présentée comme indépendante. Le règlement

fondateur de l’EFSA multiplie les références à l’indépendance de cette autorité. Pour exemples, ce règlement précise que l’EFSA est constituée d’experts « indépendants », s’appuie sur « les meilleures ressources scientifiques indépendantes disponibles », a pour mission de réaliser des évaluations des risques « de manière indépendante, objective et

transparente », ce qui lui confère un « rôle de référence » en la matière527. Cette indépendance est garantie par différents mécanismes, à commencer par la procédure de recrutement des experts scientifiques.

113. Un processus de recrutement transparent. La publication d’un appel à

manifestation d’intérêt était déjà prévue par la décision n° 97/579/CE. Avec le règlement n° 178/2002, ces experts sont désormais nommés par le conseil d’administration de l’EFSA, sur proposition du directeur exécutif, pour un mandat de trois ans renouvelable528. Ils ne sont donc plus nommés par la Commission, comme c’était le cas du temps des comités scientifiques.

114. Une procédure de gestion des divergences. Le règlement n° 178/2002

reprend l’obligation, déjà posée par la décision n° 97/579/CE, de faire figurer les opinions minoritaires de ses experts dans les avis scientifiques rendus529. Il ajoute, en outre, une procédure de gestion des éventuelles divergences de l’EFSA avec un organisme exerçant une mission similaire d’évaluation des risques. L’Autorité est ainsi tenue de coopérer avec l’organisme en question afin de résoudre la divergence ou de parvenir à un « document

527 Règlement (CE) n° 178/2002, op. cit., considérant n° 46, Article 32, paragraphe 1, considérant n° 18 et article

6, paragraphe 2, considérant n° 34 et 46 respectivement ; cf. aussi considérants n° 9, 32, 35, 36, 40, 47, 54 et 56, article 22, paragraphes 2 et 7, article 23, point k), et article 28, paragraphes 3 et 4.

528 Ibid., Article 28, paragraphe 5.

commun clarifiant les questions scientifiques qui sont source de divergence et identifiant les incertitudes pertinentes dans les données », ce document devant être publié530. Il en découle que les divergences scientifiques doivent en première intention être résolues, et à défaut seulement exprimées. Cette contrainte peut donc amener l’EFSA à « gommer » certains avis minoritaires531.

115. Une publicité renforcée. La liste des documents soumis à publication s’est

allongée par rapport à celle prévue par la décision n° 97/579/CE pour les comités scientifiques. Les informations qui motivent les avis scientifiques, le résultat des études scientifiques, le rapport annuel d’activités et les demandes d’avis refusées ou modifiées par l’EFSA doivent ainsi être publiées532. Mais l’EFSA ne s’en tient pas à la publicité des documents qu’elle produit. Les réunions du conseil d’administration sont également publiques et certains travaux de l’EFSA sont ouverts aux représentants des consommateurs ou d’autres parties intéressées533.

116. Une mission générale de communication sur les risques. L’EFSA doit en

outre remplir une mission générale de communication sur les risques qu’elle évalue, qui dépasse la simple publication des documents précédents. L’Autorité doit ainsi s’assurer que l’information publiée soit « objective, fiable et facilement accessible », notamment par la diffusion de documents à l’intention du grand public534. C’est là un point important, tant le caractère difficilement compréhensible par le grand public des informations scientifiques et techniques est souvent décrié. Cette complexité est d’ailleurs considérée comme une des limites à l’information et la participation du public au processus décisionnel et de justice en matière de risques environnementaux et sanitaires535.

117. Un système déclaratoire étendu à l’ensemble des membres. L’article 37 du

règlement n° 178/2002, intitulé « Indépendance », est consacré aux dispositions prévues pour

530 Ibid., Article 30.

531 Le fonctionnement de l’EFSA fera l’objet d’une étude plus approfondie ci-après, paragraphe n° 120 et s. 532 Règlement (CE) n° 178/2002, op. cit., Article 38, paragraphe 1.

533 Ibid., Article 38, paragraphe 2. 534 Ibid., Article 40, paragraphe 2.

535 Ce processus est dicté en matière environnementale par la convention sur l’accès à l’information, la

participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 par la Communauté européenne et ses Etats membres. En application de cette convention, des dispositions ont été adoptées dans de nombreux textes européens et français. Les dispositions éventuellement prévues par le droit français et européen des produits phytopharmaceutiques ne seront toutefois pas développées dans la présente thèse, dans la mesure où elles pourraient faire l’objet d’une étude à part entière.

garantir l’indépendance de l’EFSA. Il s’agit, en l’occurrence, des déclarations d’intérêts, auxquelles s’ajoutent désormais des déclarations d’engagement.

En pratique, tous les membres de l’EFSA doivent écrire annuellement une déclaration d’intérêts qui doit indiquer « soit l’absence de tout intérêt qui pourrait être considéré comme

préjudiciable à leur indépendance, soit tout intérêt direct ou indirect qui pourrait être considéré comme préjudiciable à leur indépendance »536. Sont donc concernés par cette déclaration d’intérêts, non seulement les experts scientifiques membres du comité scientifique et des groupes scientifiques, mais aussi les membres du conseil d’administration, les membres du forum consultatif et le directeur exécutif.

En plus de cette déclaration annuelle d’intérêt, tous les membres de l’EFSA ainsi que les experts externes doivent déclarer, lors de chaque réunion, « les intérêts qui pourraient être

considérés comme préjudiciables à leur indépendance par rapport aux points à l’ordre du jour »537. L’ensemble de ces déclarations d’intérêts fait l’objet d’une publication sur le site de

l’EFSA538.

Tous les membres doivent en outre remplir une déclaration d’engagement qui contient un engagement à agir de façon indépendante, ainsi que, pour les membres du conseil d’administration, du forum consultatif et pour le directeur exécutif, un engagement à agir au service de l’intérêt public539.

Le règlement n° 178/2002 ne prévoit aucune sanction pour défaut de déclaration d’intérêts ou d’engagement, ni pour les conflits d’intérêts avérés. Une politique de gestion des déclarations d’intérêts a toutefois été adoptée par le conseil d’administration de l’EFSA le 11 septembre 2007, puis complétée en 2011540. Cette politique prévoit que les déclarations d’intérêts soient évaluées afin de déterminer s’il existe un conflit d’intérêts potentiel. En cas de risque de conflit d’intérêts, le membre concerné ne peut participer aux travaux scientifiques de l’EFSA541.

En conséquence, les dispositions fixées par le règlement n° 178/2002 pour l’EFSA et les différentes procédures mises en place par la suite par cette autorité en matière de prévention des conflits d’intérêts sont relativement élaborées. Elles comptent même parmi les plus

536 Règlement (CE) n° 178/2002, op. cit., Article 37, paragraphes 1 et 2. 537 Ibid., Article 37, paragraphe 3.

538 Cf. Base de données de l’EFSA sur les déclarations d’intérêts des experts :

https://ess.efsa.europa.eu/doi/doiweb/doisearch.

539 Règlement (CE) n° 178/2002, op. cit., Article 37, paragraphes 1 et 2.

540 Cf. Page du site Internet de l’EFSA consacrée à l’indépendance :

http://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/independence.htm, page consultée le 23 avril 2014.

élaborées au niveau de l’Union européenne, comme le souligne la Cour des comptes européenne dans un rapport rendu en 2012542. Le constat est similaire pour l’agence française en charge de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques.

II. A l’agence française en charge de l’évaluation des produits phytopharmaceutiques 118. Des déclarations d’intérêts complétées par des sanctions pénales. A partir

du moment où l’évaluation des produits phytopharmaceutiques a été confiée à l’AFSSA, les dispositions prévues par la loi n° 98-535 en matière de prévention des conflits d’intérêts se sont appliquées à cette évaluation. Cette dernière loi oblige ainsi les membres des commissions et conseils, les personnes collaborant occasionnellement aux travaux de l’agence et les autres personnes qui apportent leur concours aux conseils et commissions siégeant auprès d’elle à adresser au directeur général de l’agence, à l’occasion de leur nomination ou de leur entrée en fonctions, une déclaration. Cette déclaration doit mentionner les liens, directs ou indirects, avec les entreprises ou établissements dont les produits entrent dans le champ de compétence de l’AFSSA, ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans ces secteurs543. Cette déclaration est rendue publique et doit être actualisée par les personnes concernées, pour tout changement de situation. La publicité des déclarations d’intérêts, comme des avis scientifiques, constitue, selon le Conseil d’Etat, une des règles permettant de garantir l’indépendance de l’expertise544.

Mais surtout, des sanctions pénales sont prévues en cas de conflit d’intérêts. Les membres des commissions et conseils ne peuvent en effet « prendre part ni aux délibérations ni aux votes

de ces instances s’ils ont un intérêt direct ou indirect à l’affaire examinée »545. Quant aux autres personnes citées ci-dessus, elles ne peuvent pas « traiter une question dans laquelle

elles auraient un intérêt direct ou indirect »546. Le non respect de ces dispositions constitue une infraction sanctionnée par l’article 432-12 du code pénal de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

542 Cour des comptes européenne, La gestion des conflits d’intérêts dans une sélection d’agences de l’UE,

Rapport spécial, n° 15, 2012, p. 20, n° 38.

543 Loi n° 98-535, op. cit., Article 9.

544 Conseil d’Etat, Les agences : une nouvelle gestion publique ?, Etude annuelle adoptée par l’assemblée

générale du Conseil d’Etat le 5 juillet 2012, La documentation Française, Paris, 2012, p. 50.

545 Loi n° 98-535, op. cit., Article 9. 546 Ibid., Article 9.

119. Un financement transparent. La loi de veille sanitaire précise les modalités

de financement de l’AFSSA547 et, ce faisant, répond à l’une des règles identifiées par le Conseil d’Etat comme permettant de garantir l’indépendance de l’expertise548.

Cependant, malgré toutes les mesures mises en place au sein de l’AFSSA et de l’EFSA pour prévenir les conflits d’intérêts, de tels conflits persistent.

Outline

Documents relatifs