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Paragraphe I. Un encadrement favorable à la protection sanitaire et environnementale

A. Un principe désormais clairement affiché

II. Un principe officialisé par le « paquet pesticide »

141. Un principe structurant l’encadrement de la mise sur le marché des pesticides. Avec le « paquet pesticide », le principe de précaution fait son entrée officielle

dans la réglementation phytopharmaceutique. Le principe de précaution est ainsi explicitement cité dans la directive 2009/128/CE636 et le règlement n° 1107/2009. Le paragraphe 4 de l’article 1 de ce règlement indique : « Les dispositions du présent règlement

se fondent sur le principe de précaution afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l’environnement. ». Cette disposition a été ajoutée à la demande du Parlement637. Le rapporteur de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement considère même que le règlement doit tenir compte de ce principe « en priorité »638.

142. Un principe pris en compte lors de l’autorisation des pesticides et de leurs composants. Concrètement, l’article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1107/2009 demande à

la Commission européenne de tenir compte du principe de précaution lors de l’élaboration du règlement d’approbation d’une substance active, en plus du rapport d’évaluation établi par l’Etat membre rapporteur et des conclusions rendues par l’EFSA. Il en est de même pour les phytoprotecteurs et synergistes, puisque l’article 25 qui les concerne renvoie à l’article 13. Le paragraphe 2 de cet article 13 n’indique pas clairement que la Commission a l’obligation d’appliquer, le cas échéant, le principe de précaution. Cependant, il ne précise pas non plus que ce principe constitue une simple possibilité de gestion du risque phytopharmaceutique offerte à la Commission. Considérant, en outre, les développements du paragraphe précédent, il peut en être déduit que l’application du principe de précaution constitue bien une obligation pour la Commission.

Concernant l’autorisation des produits phytopharmaceutiques accordée par les Etats membres, le paragraphe 4 de l’article 1 du règlement indique : « les Etats membres ne sont pas

empêchés d’appliquer le principe de précaution lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que

636 Directive 2009/128/CE, op. cit., considérant n° 1 et article 2, paragraphe 3. Cette directive traitant des usages

phytopharmaceutiques et non de leur mise sur le marché, la façon dont elle prend en compte le principe de précaution ne sera pas étudiée dans ce chapitre.

637 BREYER (H.), op. cit., p. 25. 638 Ibid., p. 135.

représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire ».

Tout comme la Commission doit prendre en compte le principe de précaution lors de la décision d’approbation d’une substance active, les Etats membres peuvent aussi prendre en compte ce principe lorsqu’ils décident d’autoriser, ou non, un produit phytopharmaceutique. Cependant, pour les Etats membres, il s’agit davantage d’une option de gestion du risque phytopharmaceutique que d’une obligation, comme c’est le cas pour la Commission européenne au stade de l’approbation des composants. La commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen considère toutefois, au sujet de l’ « effet cocktail », que le principe de précaution est d’application obligatoire. Elle indique ainsi que « si des effets synergiques ou cumulés sont soupçonnés, il faut les parer, en

cas d’absence de données sûres concernant les risques, par des mesures de précaution »639. Pour autant, les textes français ne font pas explicitement référence au principe de précaution. L’article L253-7 du CRPM dispose toutefois : « Dans l’intérêt de la santé publique ou de

l’environnement, l’autorité administrative peut prendre toute mesure d’interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l’utilisation et la détention des produits [phytopharmaceutiques] et des semences traitées par ces produits, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, sauf urgence, et sans préjudice des dispositions de l’article L211-1 du code de l’environnement »640. Ces mesures étant justifiées « dans l’intérêt de la

santé publique ou de l’environnement », elles dépassent la mise en œuvre du principe de

précaution pour englober celle du principe de prévention. Il en est d’ailleurs de même des dispositions prévues par le règlement n° 1107/2009 en situation d’urgence. L’article 71 de ce règlement permet en effet aux Etats membres de prendre, en situation d’urgence, « des

mesures conservatoires provisoires », à condition toutefois d’en informer la Commission et

les Etats membres, et sous réserve que de telles mesures n’aient pas été prises par la Commission. La Commission doit ensuite se prononcer, dans un délai de trente jours, sur le devenir de ces mesures.

639 Ibid., p. 137.

640 Suite à l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, le Sénat propose

toutefois de supprimer l’obligation, pour le ministère chargé de l’agriculture, de solliciter préalablement l’avis de l’ANSES : Projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, présenté au nom de M. Jean-Marc AYRAULT, Premier ministre, par M. Stéphane LE FOLL, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, n° 1548, Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2013, tel que modifié par le Sénat en première lecture, texte n° 98 du 15 avril 2014, Article 23, paragraphe I A. Cet amendement a sans doute pour objet de contrebalancer les effets du transfert à l’ANSES de la délivrance des AMM de pesticides.

143. Un principe qui s’impose aux industriels phytopharmaceutiques ?

Concernant les fabricants de produits phytopharmaceutiques, le considérant n° 8 précise : « Le principe de précaution devrait être appliqué et le présent règlement devrait assurer que

l’industrie démontre que les substances ou produits fabriqués ou mis sur le marché n’ont aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l’environnement ». Sans en déduire que le principe de précaution s’applique aussi aux

industriels phytopharmaceutiques, il doit toutefois être souligné que, du fait de ce principe, les industriels sont tenus de démontrer l’absence d’effet nocif pour la santé humaine ou animale et l’absence d’effet inacceptable pour l’environnement des substances et produits dont ils demandent l’autorisation. La version initialement proposée par la Commission était d’ailleurs plus directive à l’encontre des industriels, puisqu’il était indiqué que « le principe de

précaution doit être appliqué et, au titre de celui-ci, l’industrie doit démontrer que les substances ou produits fabriqués et mis sur le marché n’ont pas d’effet nocif sur la santé humaine ou l’environnement »641. L’indicatif a été remplacé par le conditionnel dans le texte

finalement adopté.

Une partie de la doctrine est d’ailleurs d’avis que le principe de précaution doit s’imposer, de façon générale, à tous les décideurs, publics comme privés642. D’autres considèrent, au contraire, que l’application du principe de précaution doit se limiter aux autorités publiques643. C’est en effet ce que prévoient d’une part, la définition du principe de précaution donnée par la Charte française de l’environnement644, et d’autre part, la résolution de l’Assemblée nationale sur la mise en œuvre du principe de précaution645. Dans ses conclusions relatives à l’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 12 avril 2013, le rapporteur public estime toutefois qu’ « il ressort tant de la formulation impersonnelle de l’article 5 [de

641 Commission des Communautés européennes, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques présentée par la Commission, COM(2006)

388 final, 12 juillet 2006, p. 14, considérant n° 8.

642 EWALD (F.), GOLLIER (C.) et SADELEER (N.), Le principe de précaution, Presses Universitaires de

France, Coll. Que sais-je ?, Paris, 2001, p. 123 ; KOURILSKY (P.) et VINEY (G.), Le principe de précaution, Rapport au Premier ministre, 15 Octobre 1999, p. 65 et s. ; BOY (L.), « La nature juridique du principe de précaution », Natures Sciences Sociétés, Vol. 7, n° 3, 1999, p. 5.

643 PARANCE (B.), « Les entreprises face au principe de précaution », in FONBAUSTIER (L.) et MAGNIER

(V.), (dir.), Développement durable et entreprise, Dalloz, Coll. Thèmes et Commentaires, Paris, 2013, notamment p. 62 et s.

644 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement, JORF du 2 mars

2005, Article 5 : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances

scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

645 Assemblée nationale, Résolution sur la mise en œuvre du principe de précaution, n° 837, 1er février 2012, 4p.

la Charte de l’environnement] que de l’exposé des motifs et de l’ensemble des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle de 2005 que ces mesures de précaution ne sont pas nécessairement adoptées par l’administration, mais peuvent être exigées des tiers privés dont l’action est susceptible d’endommager l’environnement et sur lesquels l’administration exerce une forme de contrôle »646. Il en découle que le principe de précaution trouve matière à s’appliquer aux fabricants de produits phytopharmaceutiques, de même qu’à tous les professionnels exerçant une activité en lien avec les produits phytopharmaceutiques.

144. Un principe justifiant le renforcement de la surveillance ex-post. Pour finir,

l’application « pratique » du principe de précaution conduit aussi, selon le Parlement européen, à renforcer la surveillance ex-post des produits phytopharmaceutiques et à réviser les conditions de leur autorisation à la lumière de « l’état actuel des connaissances

scientifiques »647. Ce renforcement doit être mis en œuvre par les autorités compétentes, bien

évidemment, mais aussi par les fabricants de produits phytopharmaceutiques. A ce sujet, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt prévoit de mettre en place un dispositif de phytopharmacovigilance, comme il a été souligné précédemment648.

Non seulement le règlement n° 1107/2009 indique clairement que le principe de précaution doit être utilisé, mais il en précise aussi les conditions de mise en œuvre.

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