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Paragraphe I. Un encadrement favorable à la protection sanitaire et environnementale

B. Un renvoi aux conditions plus favorables du droit alimentaire

II. Des potentialités plus grandes

149. Une protection sanitaire plus large. En matière d’approbation de substances

actives phytopharmaceutiques, phytoprotecteurs et synergistes, c’est une partie du cadre juridique défini par la législation alimentaire qui s’applique. L’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 178/2002, auquel renvoie l’article 13 du règlement n° 1107/2009, dispose ainsi : « Dans des cas particuliers où une évaluation des informations disponibles révèle la

possibilité d’effets nocifs sur la santé, mais où il subsiste une incertitude scientifique, des mesures provisoires de gestion du risque, nécessaires pour assurer le niveau élevé de protection de la santé choisi par la Communauté, peuvent être adoptées dans l’attente d’autres informations scientifiques en vue d’une évaluation plus complète du risque ».

Par comparaison avec les définitions données, au niveau international par la déclaration de Rio669, au niveau français par le code de l’environnement670 ou la charte de l’environnement671, les conditions prévues par la législation alimentaire de l’Union européenne laissent une plus grande marge de manœuvre. Il est vrai que la notion d’incertitude scientifique se retrouve dans chacune de ces définitions, tout comme dans le

669 Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, Rio de Janeiro, 14 juin 1992, Principe 15 :

« Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats

selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ».

670 L’article L110-1 1° du code de l’environnement dispose : « L’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable ». Cet article est issu de l’article 1 de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au

renforcement de la protection de l’environnement, JORF n° 29 du 3 février 1995, initialement codifié à l’article L200-1 du code rural.

671 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement, JORF du 2 mars

2005, Article 5 : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances

scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». Une proposition de loi sénatoriale, adoptée par le Sénat le 27 mai 2014, vise les

modifications suivantes de l’article 5 de la Charte de l’environnement : les mots « et dans leurs domaines

d’attributions » sont remplacés par les mots « dans leurs domaines d’attributions et dans les conditions définies par la loi » ; après le mot « proportionnées » sont insérés les mots « à un coût économiquement acceptable » ;

l’alinéa suivant est ajouté : « Elles veillent également à ce que la mise en œuvre du principe de précaution

constitue un encouragement au développement de la connaissance, à la promotion de l’innovation et au progrès technologique ».

paragraphe 1 de l’article 7 du règlement n° 178/2002. Cependant, au-delà de ce contexte classique d’incertitude, il est à noter, dans le droit alimentaire, que les effets nocifs potentiels ne doivent pas nécessairement être graves et/ou irréversibles, comme c’est pourtant le cas dans le droit de l’environnement français ou dans la déclaration de Rio.

Le principe de précaution de la législation alimentaire est, en outre, rattaché à l’objectif que s’est fixée la Communauté européenne d’atteindre un « niveau élevé de protection de la

santé », ce qui lui donne, sans conteste, une plus grande force d’application. Ce rattachement

est d’ailleurs souligné dans le considérant n° 21 du règlement n° 178/2002, qui dispose : « Dans les circonstances particulières où un risque pour la vie ou la santé existe, mais où une

incertitude scientifique persiste, le principe de précaution fournit un mécanisme permettant de déterminer des mesures de gestion des risques ou d’autres actions en vue d’assurer le niveau élevé de protection de la santé choisi dans la Communauté ».

150. Des contraintes économiques moins fortes. Le principe de précaution de la

législation alimentaire de l’Union européenne n’est enfin pas contraint, comme celui prévu par le code de l’environnement, par l’obligation de respecter un « coût économiquement

acceptable »672. Le paragraphe 2 de l’article 7 du règlement n° 178/2002, précise toutefois que les mesures adoptées en application du principe de précaution « sont proportionnées et

n’imposent pas plus de restrictions au commerce qu’il n’est nécessaire pour obtenir le niveau élevé de protection de la santé choisi par la Communauté, en tenant compte des possibilités techniques et économiques et des autres facteurs jugés légitimes en fonction des circonstances en question ». Les contraintes économiques ne sont donc pas absentes de

l’encadrement du principe de précaution donné par le droit alimentaire de l’Union européenne. Cependant, comme le souligne la doctrine, le principe de précaution tel qu’encadré par la législation alimentaire « concerne au premier chef la protection du

consommateur dans le cadre du marché commun »673. Pour la Commission, l’objectif premier du règlement n° 178/2002 consiste, désormais, à « ne mettre sur le marché que des denrées

alimentaires sûres, saines et propres à la consommation », la protection de la santé étant

érigée en « priorité absolue »674. La Cour a d’ailleurs déjà eu l’occasion de consacrer la

672 Il est à noter que la proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 mai 2014 visant à modifier la Charte de

l’environnement ajoute que les mesures de précaution doivent être « à un coût économiquement acceptable ».

673 COLLART DUTILLEUL (F.), FERCOT (C.), BOUILLOT (P.-E.) et COLLART DUTILLEUL (C.), op. cit.,

n° 53.

674 Commission des Communautés européennes, Principes généraux de la législation alimentaire dans l’Union européenne, Livre vert de la Commission, COM(97) 176 final, 30 avril 1997, p. 10.

suprématie de la protection de la santé sur les intérêts économiques675. A contrario, la définition, « minimale », donnée par le code ou la charte de l’environnement se traduit par une simple « obligation de moyens », et non « une véritable obligation de résultat »676. Il doit toutefois être relevé que l’article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1107/2009, renvoie au seul paragraphe 1 de l’article 7 du règlement n° 178/2002, et non à la totalité de cet article. Ce renvoi partiel n’est bien évidemment pas anodin. Il en ressort, en premier lieu, que l’application proportionnée du principe de précaution, qui résulte des modalités de mise en œuvre décrites par le paragraphe 2 de l’article 7 du règlement n° 178/2002, ne s’impose pas au domaine phytopharmaceutique. Il n’en demeure pas moins que l’application du principe de précaution en matière d’autorisation des produits phytopharmaceutiques est tenue de respecter le principe général de proportionnalité, comme il sera vu dans le paragraphe suivant.

151. L’absence de prise en compte d’ « autres facteurs légitimes ». De plus, le

paragraphe 2 de l’article 7 du règlement n° 178/2002 précise que les mesures de précaution adoptées tiennent compte « des possibilités techniques et économiques et des autres facteurs

légitimes en fonction des circonstances en question ». Ces autres facteurs légitimes peuvent

ainsi être, selon le considérant n° 19 du règlement n° 178/2002, « des facteurs sociétaux,

économiques, traditionnels, éthiques et environnementaux, ainsi que la faisabilité des contrôles ». La prise en compte de ces autres facteurs légitimes, en plus de l’évaluation

scientifique des risques et du principe de précaution, est aussi prévue par le règlement n° 1107/2009, comme il sera vu plus loin677. Le règlement n° 1107/2009, en renvoyant, pour l’application du principe de précaution, au seul paragraphe 1 de l’article 7 du règlement n° 178/2002, ne permet toutefois pas la prise en compte d’autres facteurs légitimes lors de l’application du principe de précaution. Cette prise en compte est théoriquement réservée, en matière d’autorisation des produits phytopharmaceutiques, aux cas où le principe de précaution ne s’applique pas.

Enfin, il reste à vérifier si cet encadrement du principe de précaution donné par le droit alimentaire de l’Union européenne, plus souple bien qu’amputé de la prise en compte d’autres facteurs légitimes, s’applique à l’ensemble des risques sanitaires et environnementaux liés aux substances et produits phytopharmaceutiques. En effet, l’autorité compétente et le juge français ne pourraient-ils pas être tentés d’appliquer la définition plus restrictive donnée par le

675 CJCE, Ordonnance du 12 juillet 1996, Royaume-Uni c. Commission, Aff. C-180/96, n° 93. 676 ROMI (R.), Droit de l’environnement, 7ème éd., Montchrestien, 2010, p. 118.

code de l’environnement, lorsque seule la protection de l’environnement est menacée ? Quelle que soit, en outre, le cadre appliqué, la mise en œuvre du principe de précaution reste limitée par le respect du principe de proportionnalité.

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