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Paragraphe II. Une mise en œuvre restreinte

B. Des mesures effectivement proportionnées

155. L’approbation sous conditions de substances potentiellement perturbatrices endocriniennes. Un certain nombre de substances actives, suspectées avoir

686 Commission des Communautés européennes, Communication de la Commission sur le recours au principe de précaution, COM(2000) 1 final, 2 février 2000, p. 18.

687 Ibid. 688 Ibid.

689 NOIVILLE (C.), Du bon gouvernement des risques, op. cit., p. 68 et s.

690 ASCHIERI (A.) et GRZEGRZULKA (O.), op. cit., p. 26 ; cf. aussi KOURILSKY (P.) et VINEY (G.), op. cit., p. 5.

des effets perturbateurs endocriniens, ont été inscrites à l’annexe I de la directive 91/414/CEE. Elles ont ensuite, pour la plupart, été reprises à l’annexe du règlement n° 540/2011, qui fixe désormais la liste des substances approuvées pour un usage phytopharmaceutique. C’est ainsi le cas des substances actives époxiconazole, tébuconazole, triadiménol, fenbuconazole, bromuconazole, paclobutrazol, flurochloridone et prochloraz692. Cependant, l’approbation de ces substances reste subordonnée à l’obligation, pour le demandeur, de transmettre des informations complémentaires sur les éventuelles propriétés de perturbation endocrinienne, dans les deux ans qui suivent l’adoption par l’OCDE693 ou l’Union européenne de lignes directrices pour l’évaluation de telles propriétés. Il est également précisé que l’autorisation d’un produit composé de ces substances phytopharmaceutiques doit s’accompagner de mesures d’atténuation des risques appropriées. Concernant l’époxiconazole par exemple, les conditions d’autorisation doivent prescrire l’utilisation d’équipements de protection individuelle et des mesures d’atténuation des risques pour les organismes aquatiques, les oiseaux et les mammifères, le cas échéant694. Enfin, la

substance active fénarimol, approuvée un temps, n’est finalement plus listée à l’annexe du règlement n° 540/2011.

156. Une substance dangereuse approuvée temporairement. Dans un premier

temps, la Commission a autorisé l’inscription du fénarimol, substance pourtant considérée comme « dangereuse », à l’annexe I de la directive 91/414/CEE695. La décision d’approbation a toutefois été assortie de mesures d’atténuation des risques compte tenu des préoccupations exprimées, « en particulier au sujet de ses effets toxiques intrinsèques, et notamment de ses

propriétés potentielles de perturbation endocrinienne »696. Appliquant alors le principe de précaution, la Commission a limité l’utilisation du fénarimol à ses propriétés fongicides et sur certaines cultures uniquement, fixé des taux maximaux pour chaque culture, interdit certaines modalités d’application comme la pulvérisation aérienne et réduit la période d’approbation du fénarimol à dix-huit mois afin d’assurer une réévaluation rapide des risques liés à cette

692 Règlement d’exécution (UE) n° 540/2011, op. cit., tel que modifié en dernier lieu par le règlement

d’exécution (UE) n° 1178/2013 du 20 novembre 2013, Annexe, Partie A, substances respectivement listées sous les numéros 211, 268, 269, 315, 318, 348, 354, et Partie B, n° 20.

693 Organisation de coopération et de développement économiques.

694 Règlement d’exécution (UE) n° 540/2011, op. cit., tel que modifié en dernier lieu par le règlement

d’exécution (UE) n° 1178/2013 du 20 novembre 2013, Annexe, Partie A, n° 211.

695 Directive 2006/134/CE de la Commission du 11 décembre 2006 modifiant la directive 91/414/CEE du

Conseil en vue d’y inscrire la substance active fénarimol, JOUE L 349 du 12 décembre 2006, notamment considérant n° 5.

substance697. Il faut ajouter enfin que la décision de la Commission a été prise en l’absence de « consensus scientifique sur l’ampleur précise du risque », et surtout à l’encontre de l’avis rendu par l’Etat membre rapporteur, favorable à une approbation sans restrictions698. Aucune nouvelle décision d’approbation n’ayant été adoptée après expiration du délai de dix-huit mois, le fénarimol n’a donc pas été repris à l’annexe de la décision n° 540/2011. In fine, l’utilisation du fénarimol pour un usage phytopharmaceutique n’est donc plus autorisée.

157. Le recours controversé à la procédure accélérée d’évaluation. Concernant

le bromuconazole, une première décision avait conclu à la non-inscription de cette substance à l’annexe I de la directive 91/414/CEE699. Etaient en cause un « certain nombre de sujets de

préoccupation », parmi lesquels l’impossibilité d’évaluer la contamination potentielle des

eaux de surface et des eaux souterraines et « le risque élevé encouru par les organismes

aquatiques »700. A l’issue d’une procédure accélérée de réexamen701, le bromuconazole a

finalement été inscrit à l’annexe I de la directive. Il est vrai que, au vu des nouvelles informations communiquées par le demandeur de l’autorisation, le risque de contamination des eaux souterraines a été estimé faible, et le risque pour les organismes aquatiques, acceptable702. Les « sujets de préoccupation » particuliers ayant motivé l’adoption de la décision n° 2008/832/CE, refusant initialement l’inscription, ont donc été levés. Toutefois, des incertitudes subsistent, en particulier sur les éventuelles propriétés de perturbateur endocrinien du bromuconazole703. Ces suspicions étaient d’ailleurs déjà soulignées dans le rapport d’évaluation rendu par l’EFSA en 2008704. Face à ces incertitudes, l’option choisie par la Commission a été d’approuver le bromuconazole pour un usage phytopharmaceutique, et de s’en remettre à l’adoption par l’OCDE ou l’Union européenne de lignes directrices

697 Ibid., notamment considérants n° 5, 6 et 8 et annexe. 698 Ibid., considérant n° 5.

699 Décision n° 2008/832/CE de la Commission du 3 novembre 2008 concernant la non-inscription du

bromuconazole à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance, JOUE L 295 du 4 novembre 2008.

700 Ibid., considérant n° 5.

701 Procédure fixée par le règlement (CE) n° 33/2008 de la Commission du 17 janvier 2008 portant modalités

d’application de la directive 91/414/CEE du Conseil relative à une procédure courante et à une procédure accélérée d’évaluation de substances actives prévues dans le programme de travail visé à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive, mais non inscrites à l’annexe I, JOUE L 15 du 18 janvier 2008. Cette procédure est présentée précédemment, au paragraphe n° 30.

702 Directive 2010/92/UE de la Commission du 21 décembre 2010 modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil

en vue d’y inscrire la substance active bromuconazole, JOUE L 338 du 22 décembre 2010, considérant n° 6.

703 Autorité européenne de sécurité des aliments, Conclusion on the peer review of the pesticide risk assessment of the active substance bromuconazole, EFSA Journal 2010 ; 8(8) : 1704, p. 26.

704 Autorité européenne de sécurité des aliments, Conclusion regarding the peer review of the pesticide risk assessment of the active substance bromuconazole, EFSA Scientific Report (2008) 136, 26 mars 2008, p. 27.

relatives aux essais sur les perturbateurs endocriniens705. Or, l’adoption de telles lignes directrices est pour l’instant compromise, comme il a déjà été souligné706. Une autre option aurait pu consister à assortir la décision d’approbation de restrictions d’usage, compte tenu des effets perturbateurs endocriniens suspectés, ou encore de ne pas approuver le bromuconazole. Cette dernière option serait d’ailleurs conforme aux critères fixés par le règlement n° 1107/2009, en vigueur au moment de l’adoption de la directive 2010/92/UE approuvant le bromuconazole. En effet, comme il a été vu précédemment, ce règlement interdit l’approbation des substances considérées comme ayant des effets perturbateurs endocriniens. Certes, ce règlement s’en remet, lui aussi, à l’adoption de lignes directrices communautaires ou internationales pour les essais permettant de déterminer de tels effets. Mais il permet aussi que de tels effets soient justifiés par « d’autres données et informations

disponibles, notamment une analyse de la documentation scientifique examinée par l’Autorité »707. C’est sans doute la raison pour laquelle certaines associations non

gouvernementales doutent de la qualité de la procédure accélérée d’évaluation et d’autorisation qui a conduit à l’approbation du bromuconazole, en dépit des incertitudes scientifiques entourant notamment ses possibles effets perturbateurs endocriniens708. Ces craintes doivent toutefois être tempérées par le fait qu’aucun produit phytopharmaceutique composé de bromuconazole n’est actuellement autorisé en France709. Il en est d’ailleurs de même dans la plupart des Etats membres. Seule la Hongrie a, pour l’heure, autorisé des spécialités phytopharmaceutiques à base de cette substance active710.

D’autres substances actives initialement non approuvées ont, comme le bromuconazole, finalement été autorisées à l’issue de la procédure accélérée, et ce en dépit d’incertitudes scientifiques quant aux risques qu’elles présentent. Pour exemple, la Commission européenne avait initialement interdit l’approbation du malathion, dans la mesure où le risque pour les opérateurs, les travailleurs et les personnes présentes n’avait pu être évalué du fait de « la

présence dans le matériel technique de niveaux variables d’isomalathion, impureté qui contribue de manière importante au profil de toxicité du malathion et dont la génotoxicité ne

705 Directive 2010/92/UE, op. cit., considérant n° 9. 706 Cf. précédemment, paragraphe n° 44.

707 Règlement (CE) n° 1107/2009, op. cit., Annexe II, point 3.6.5.

708 Générations Futures et PAN Europe, La Commission européenne contourne les règles d’homologations des pesticides…avec la complicité des Etats membres, Communiqué de presse et rapport, 3 avril 2012, 24p.

709 Cf. Base de données e-phy disponible à l’adresse : http://e-phy.agriculture.gouv.fr/, page consultée le 2 mai

2014.

710 Cf. Base de données de l’Union européenne sur les substances actives phytopharmaceutiques, disponible à

peut être exclue »711. En outre, l’acceptabilité de l’exposition des consommateurs aux métabolites du malathion n’avait pu être déterminée par manque d’informations712. Attaquée devant le Tribunal de première instance, la décision de la Commission de non approbation a été confirmée par le Tribunal713. Cependant, le demandeur a ensuite été autorisé à représenter une demande d’approbation selon la procédure accélérée susvisée. Cette demande s’est finalement soldée par l’inscription du malathion à l’annexe I de la directive 91/414/CEE714. Or, si des niveaux acceptables d’exposition ont pu être déterminés pour les opérateurs, les travailleurs et les personnes présentes, l’évaluation du risque pour le consommateur n’a, en revanche, pas pu être menée à son terme715. En outre, l’évaluation des risques aigus et à long terme pour les oiseaux insectivores n’a pu être évaluée pour l’usage prévu sur les fraises et la différence d’efficacité entre le malaoxon et le malathion n’a pu être quantifiée716. Face à ces lacunes, la Commission a quand même décidé d’approuver le malathion, sous réserve que le demandeur fournisse des informations complémentaires717. Lors de la contestation de la

décision initiale de non-inscription à l’annexe I, le demandeur avait pourtant suggéré une telle solution, alors rejetée par le Tribunal, qui la considérait comme « n’[étant] pas de nature à

écarter les utilisations problématiques de la substance en cause »718. Il est vrai que le demandeur a fourni de nouvelles informations entre temps. Toutefois, des incertitudes persistent et pourraient justifier l’interdiction du malathion, ou tout du moins son approbation assortie de mesures de restrictions. Cependant, la France a retiré, suite à la décision initiale de non-approbation du malathion719, les autorisations de la quasi totalité des spécialités phytopharmaceutiques composées de malathion. Deux spécialités seulement sont désormais autorisées, et limitées à la désinsectisation des locaux de stockage720.

711 Décision n° 2007/389/CE de la Commission du 6 juin 2007 concernant la non-inscription du malathion à

l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil et le retrait des autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance, JOUE L 146 du 8 juin 2007, considérant n° 5.

712 Ibid.

713 TPICE, Arrêt du 3 septembre 2009, Cheminova et a. c. Commission des Communautés européennes, Aff. T-

326/07.

714 Directive 2010/17/UE de la Commission du 9 mars 2010 modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil en

vue d’y inscrire la substance active malathion, JOUE L 60 du 10 mars 2010.

715 Autorité européenne de sécurité des aliments, Conclusion on pesticide peer review of the pesticide risk assessment of the active substance malathion, EFSA Scientific Report (2009) 333, 17 juillet 2009, p. 52.

716 Ibid.

717 Directive 2010/17/UE, op. cit., considérant n° 8.

718 TPICE, Arrêt du 3 septembre 2009, Cheminova et a. c. Commission des Communautés européennes, Aff. T-

326/07, n° 106.

719 A savoir la décision n° 2007/389/CE précitée.

720 A savoir, selon la base de données e-phy, le DIGRAIN STOCK. et le MALYPHOS 50 EL : http://e-

158. Quelle application avec le règlement n° 1107/2009 ? Les exemples qui

viennent d’être exposés témoignent d’une application proportionnée du principe de précaution, contrainte par la prise en compte des intérêts économiques via le respect du principe de proportionnalité. Il peut, certes, être reproché que « le principe de précaution ne

peut se muer en un principe de moratoire et ne joue que sur les modes de réalisation des projets présentant des risques, et pas sur cette réalisation elle-même »721. Formulée à propos du cadre juridique fourni par l’article L110-1 du code de l’environnement et la Charte de l’environnement, cette réflexion peut s’appliquer aux exemples précédents, dans lesquels l’application du principe de précaution n’a pas permis d’interdire les substances actives suspectées présenter des risques. En effet, l’application du principe de précaution conduit le plus souvent la Commission à limiter l’utilisation des substances phytopharmaceutiques, rarement à interdire cette utilisation. Les limitations imposées par la Commission peuvent toutefois conduire les Etats membres à restreindre fortement les autorisations de produits phytopharmaceutiques, voire même à les interdire. De plus, les exemples précédents concernaient la mise en œuvre des dispositions prévues par la directive 91/414/CEE en matière de précaution, et non de celles données par le règlement n° 178/2002. Il reste donc à voir si le renvoi de l’actuelle réglementation phytopharmaceutique à cette définition permettra une application plus extensive de ce principe au domaine phytopharmaceutique.

159. Une mise en œuvre non assumée ? Les néonicotinoïdes sont un groupe

d’insecticides neurotoxiques utilisés depuis les années quatre-vingt-dix. Ils constituent le groupe de pesticides le plus employé au monde. Les produits et substances phytopharmaceutiques concernés sont en particulier, le pesticide Gaucho contenant la substance active imidaclopride, le pesticide Cruiser contenant la substance active thiamétoxam, le pesticide Poncho contenant la substance active clothianidine. La substance active fipronil, qui entre dans la composition du pesticide Regent, agit aussi, comme les néonicotinoïdes, sur le système nerveux. Ces substances et produits sont suspectés, depuis quelques années, de contribuer au syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles, c’est-à- dire à l’augmentation brutale de la mortalité de ces abeilles. C’est pourquoi ils font l’objet de nombreuses interdictions et d’un contentieux abondant722.

Pour exemple, le ministère français chargé de l’agriculture a interdit, par arrêté du 24 juillet 2012, l’utilisation et la mise sur le marché pour utilisation sur le territoire national des

721 ROMI (R.), Droit de l’environnement, 7ème éd., Montchrestien, 2010, p. 118.

semences crucifères oléagineuses traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active thiametoxam723. Cet arrêté fait suite à une étude scientifique mettant en évidence, comme le confirme l’ANSES, « un effet d’une dose sublétale724 de thiamétoxam sur le retour à la ruche des abeilles butineuses »725. Si l’ANSES critique la dose de thiamétoxam utilisée par cette étude, supérieure à l’exposition réelle des abeilles, elle reconnaît cependant que cette étude met en lumière des lacunes en matière d’évaluation des risques liés à l’exposition des abeilles à des substances et produits phytopharmaceutiques726. Elle recommande, en conséquence, d’approfondir l’évaluation des risques liés à une exposition des abeilles aux substances néonicotinoïdes et produits en contenant, et de réévaluer ces substances au niveau de l’Union européenne. S’agissant d’une situation d’incertitude scientifique, l’arrêté du 24 juillet 2012 aurait pu s’appuyer sur le principe de précaution. Ce n’est pourtant pas ce qui ressort à la lecture de cet arrêté. Il est en effet fondé sur l’article L253-7 du CRPM et sur l’article 71 du règlement n° 1107/2009 qui concernent aussi bien, comme il a été dit précédemment, la précaution que la prévention727.

Il en est d’ailleurs de même du moratoire adopté par la Commission européenne à la suite de cette première interdiction française des semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active thiametoxam. Le règlement n° 485/2013 retire ainsi l’autorisation d’utilisation pour le traitement des semences, des sols et le traitement foliaire des cultures butinées par les abeilles, des produits contenant les substances actives clothianidine, thiametoxam et imidaclopride728. Ce règlement est pourtant motivé par le fait « qu’on ne pouvait exclure un risque élevé pour les abeilles », compte tenu des nouvelles informations scientifiques apportées par l’étude sur laquelle s’appuie l’arrêté français, et l’avis de l’EFSA729. Il s’agit donc d’une situation d’incertitude scientifique. Certains sont d’ailleurs d’avis que le principe de précaution, bien que non mentionné dans la

723 Arrêté du 24 juillet 2012 relatif à l’interdiction d’utilisation et de mise sur le marché pour utilisation sur le

territoire national des semences de crucifères oléagineuses traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active thiametoxam, JORF du 26 juillet 2012.

724 C’est-à-dire une dose inférieure à la dose entraînant la mortalité des abeilles.

725 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Avis relatif à une demande d’appui scientifique et technique dans la perspective de la publication de l’article "A common pesticide decreases foraging success and survival in honey bees" », Saisine n° 2012-SA-0092, 31 mai 2012,

p. 14.

726 Ibid.

727 Cf. paragraphe n° 142.

728 Règlement d’exécution (UE) n° 485/2013 de la Commission du 24 mai 2013 modifiant le règlement

d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation des substances actives clothianidine, thiamétoxame et imidaclopride et interdisant l’utilisation et la vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives, JOUE L 139 du 25 mai 2013.

proposition d’interdiction de la Commission, constitue la « raison d’être » et le fondement juridique de cette interdiction730. Au demeurant, le recours déposé contre cette décision par la société Syngenta, qui vend des produits phytopharmaceutiques composés de thiamétoxam, s’appuie, notamment, sur une violation du principe de précaution731.

Une quatrième substance active, a, quelques mois plus tard, connu le même sort. Il s’agit du fipronil, dont l’emploi dans des produits phytopharmaceutiques, pour traiter certaines semences, a été interdit par le règlement n° 781/2013732. Le motif est le même que pour les substances néonicotinoïdes, à savoir l’impossibilité d’exclure un risque élevé pour les abeilles, compte tenu de nouvelles connaissances scientifiques et techniques733.

Certains auteurs sont d’avis que la Commission devrait prendre en compte d’autres considérations, notamment socio-économiques, pour statuer sur l’opportunité d’interdire la mise sur le marché et l’utilisation de certains produits contenant des substances néonicotinoïdes734. Ces produits font en effet partie des produits phytopharmaceutiques les

plus utilisés au monde. Une étude d’impact de l’interdiction de ces produits devrait, en tout état de cause, être conduite avant de prendre une telle décision. Or, tant les règlements pris par la Commission que l’arrêté français s’appuient uniquement sur des évaluations scientifiques des risques, jamais sur une évaluation des effets socio-économiques. Il est vrai cependant que l’article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1107/2009, en ne renvoyant qu’au paragraphe 1 du règlement n° 178/2002, exclut la prise en compte d’autres facteurs légitimes lors de l’application du principe de précaution. Toutefois, ce même article 13, paragraphe 2, du règlement n° 1107/2009 demande à la Commission de prendre en compte d’autres facteurs légitimes lors de toute décision d’autorisation d’un pesticide. Au demeurant, l’application du principe de proportionnalité offre l’occasion de prendre en compte d’autres facteurs légitimes, ou tout du moins une partie d’entre eux, à savoir essentiellement les intérêts économiques. In

fine, le caractère contestable et contesté de la mobilisation, tant du principe de précaution que

des autres facteurs légitimes, explique sans doute que, ni la Commission ni le ministère français chargé de l’agriculture, n’aient explicitement invoqués ces motifs d’interdiction.

730 ALEMANNO (A.), « The science, law and policy of neonicotinoids and bees : a new test case for the

precautionary principle », European journal of risk regulation, n° 2, 2013, notamment p. 193.

731 Recours introduit le 14 août 2013, Syngenta Crop Protection e.a. c. Commission, Aff. T-451/13.

732 Règlement d’exécution (UE) n° 781/2013 de la Commission du 14 août 2013 modifiant le règlement

d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active fipronil et interdisant l’utilisation et la vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active, JOUE L 219 du 15 août 2013.

733 Ibid, considérant n° 7.

734 ALEMANNO (A.), « The science, law and policy of neonicotinoids and bees : a new test case for the

D’autres pensent, au contraire, que les interdictions de la Françaises et de l’Union européenne ne vont pas assez loin, dans la mesure où elles ne concernent qu’une partie des usages de certaines substances néonicotinoïdes. En témoignent deux questions parlementaires contestant l’autorisation de l’insecticide Luzindo composé de thiamétoxam et utilisé pour traiter la vigne735. De la même façon, la proposition de résolution parlementaire, déposée le 19 juin 2014, invite le gouvernement français à intervenir auprès de l’Union européenne pour que toutes les utilisations de l’ensemble des substances néonicotinoïdes soient interdites « tant

que les risques graves pour la santé humaine, animale et l’environnement ne [sont] pas

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