• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Le Clapeaha Penser et organiser la « spécificité » de la prise en charge pour des

1. Le Clapeaha, un comité transversal aux autres associations de personnes handicapées ou de

1.3. Un comité d’associations pour susciter une réflexion transversale

La spécificité de ce comité est d’être un comité de liaison entre associations ; il rassemble non pas des personnes physiques, mais des personnes morales. Ses adhérents sont des associations et essentiellement, d’ailleurs, des associations de parents d’enfants

handicapés. En termes de nombre d’adhérents, le Clapeaha est une petite association : il rassemble, au cours de son histoire, entre 6 associations adhérentes (à sa création)114 et 22. Actuellement, en 2017, il en compte 21115. En termes d’organisation, le Claepaha fonctionne essentiellement grâce à une équipe de bénévoles secondée à partir de 1978 par une secrétaire à

114 Pour la liste des associations initialement engagées, voir la citation ci-dessus. Certaines de ces associations n’existent plus.

115 ARIMC- CAP DEVANT (Association des Infirmes Moteurs Cérébraux, Île-de-France), A.F.M. (Association Française contre les Myopathies), A.N.C.C. (Association Nationale des Cardiaques Congénitaux), A.N.P.E.A. (Association Nationale des Parents d’Enfants Aveugles ou déficients visuels), A.N.P.S.A. (Association Nationale Pour les personnes Sourdaveugles et Sourdes Malvoyantes), A.P.A.J.H. (Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés), A.P.A.J.H. 78, A.P.A.R.S.HA France (Association de Parents et Amis représentants les Sourds avec Handicaps Associés), A.P.E.C.A. IMCS (Association pour une Prise en Charge Adaptée des Infirmes Moteurs Cérébraux Sourds), A.P.F. (Association des Paralysés de France) et APF HANDAS, A.S.B.H. et Handicaps Associés (Association pour le Spina Bifida), A.S.L. (Association du Syndrome de Lowe), ASSOCIATION LES TOUT- PETITS, C.E.S.A.P (Comité d’Études, d’Éducation et de Soins auprès des Personnes Polyhandicapés), Fédération A.N.P.E.D.A. (Fédération Nationale de Parents d’Enfants Déficients Auditifs), F.F.A.I.M.C. (Fédération Française des Associations d’Infirmes Moteurs Cérébraux), F.F.S.A. (Fédération Française SESAME AUTISME), Groupe Polyhandicap France, UNAFAM (Union Nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques), U.N.A.P.E.I. (Union Nationale des Associations de Parents et d’amis de personnes handicapées mentales), U.N.I.S.D.A. (Union Nationale pour l’Insertion Sociale des Déficients Auditifs).

122

temps partiel (mi-temps). Tout au long de son histoire, il joue pleinement son rôle de « comité de liaison » entre les différentes associations membres et, même plus largement, les

différentes associations du champ du handicap. Il apparaît à la fois comme un rassembleur : il fédère et rassemble les associations autour de la question des handicaps associés, et comme un veilleur qui sans cesse rappelle cette question à l’attention des acteurs du champ du handicap. Une évolution est cependant perceptible dans la manière dont il joue ce rôle de « liaison » : d’abord comme un initiateur qui construit une cause : il sensibilise et crée du lien, ensuite comme consolidateur : il veille et représente les personnes « rassemblées » dans les arènes publiques.

Lorsque le Clapeaha se crée, à la fin des années 1960, la thématique des « handicaps associés » est soulevée par différentes associations, généralistes (par exemple l’ANPEA, nous l’avons évoqué ci-dessus), mais aussi spécifiques (le CESAP, l’association des Tout Petits, les Amis de Karen). Si la thématique est émergente dans différents lieux, c’est parce qu’elle pose problème, question. Comme nous l’avons indiqué, rien n’existe pour ces enfants et adultes. La réflexion est émergente. Dans ce contexte, le Clapeaha joue un rôle important pour

sensibiliser les différents acteurs du champ du handicap, rassembler ceux qui s’intéressent à la problématique, identifier les initiatives des uns et des autres… ce dont témoigne un acteur que nous avons rencontré :

« Parallèlement, Monsieur Faivre a été très actif. Pendant toutes ces années, Monsieur Faivre a suivi nos créations. Étant parent lui-même d’une enfant sourde-aveugle rubéolique, il était très intéressé de voir ce qu’on a pu faire à [lieu], ce qu’on a pu faire à [lieu]. Il organisait beaucoup de réunions et on avait des réunions communes, avec Poitiers en particulier. C’est comme ça que j’ai connu aussi [nom]. [Nom] avait eu un peu la même idée que moi, il avait

développé le concept de service de guidance et il y avait une très forte demande. Monsieur Faivre nous réunissait souvent, organisait des journées, nous invitait. Donc, on est rentrés dans ce milieu associatif-là, pour faire part beaucoup de nos expériences. C’est comme ça que j’ai été amenée à faire des interventions au Clapeaha, au CESAP et un peu partout. (…) Je reviens à Monsieur Faivre qui nous rencontrait, qui nous faisait nous rencontrer, qui était intéressé par ces services de guidance » (Entretien, professionnel ayant travaillé avec des enfants

atteints de handicaps associés, avril 2016).

Le Clapeaha, en d’autres termes, est à l’affût, il suscite, il soutient, il organise des réunions ; comme son nom l’indique, il fait du lien entre les acteurs concernés. Et ce dans le but de rendre visible et de faire reconnaître la question de la prise en charge des personnes atteintes de handicaps associés comme question politique.

Cette activité de liaison est également visible à travers la vie associative. Jusqu’aux années 90, cette volonté de liaison est déployée à deux niveaux : au niveau national et au niveau local. En effet, à sa création, le Clapeaha rassemble des associations nationales116 « se préoccupant des problèmes des handicapés ». Mais il déploie également une action locale importante, en région parisienne, et cherche à essaimer, c’est-à-dire à créer des comités de liaison locaux (en régions).

Lors des AG et dans les rapports moraux du Clapeaha, les actions de ses associations membres sont systématiquement passées en revue. Dans les années 70 et 80, les associations les plus présentes sont : l’ANPEDA, Handas, l’association des IMC, l’APSA, l’APAJH,

116 En 2004, il changera ses statuts de sorte que ses membres puissent être des associations nationales ou régionales.

123

l’ANPEA. Il s’agit pour le comité, de faire liaison entre ces associations, de recenser leurs actions envers les personnes atteintes de handicaps associés, les problèmes qu’elles rencontrent par rapport à ces personnes, pour ensuite réfléchir aux solutions possibles, soutenir les expériences, susciter des initiatives locales. L’action des associations membres envers les personnes atteintes de handicaps associés (et leurs difficultés) apparaît ainsi comme l’une des ressources qui alimentent la réflexion et l’action du Clapeaha. Inversement, le Clapeaha participe activement à la vie associative et aux actions de ses associations membres, rappelant sans cesse à leur attention la problématique des personnes atteintes de handicaps associés, mais prenant également part aux débats sur les autres questions, générales au handicap, qui les préoccupent. Corrélativement à cette activité nationale, le comité déploie, durant les années 70 et 80, une importante activité locale, dans la région parisienne (en lien avec des associations locales d’Île-de-France, mais aussi pour susciter une réflexion

spécifique à la situation des personnes avec handicaps associés en Île-de-France, il participera par exemple activement au groupe inter-associatif d’Île-de-France). Enfin, il cherche à

susciter des comités locaux de liaison en région (qui pourraient, localement, faire le travail que réalise le Clapeaha au niveau national et en Île-de-France).

Cette mission de « comité de liaison » que s’est donnée le Clapeaha est réaffirmée et réinvestie, courant des années 2000, dans le contexte de la réforme de la politique du

handicap. Il s’agit alors pour lui, non plus seulement de faire « lien / liaison » sur la question des handicaps associés, entre les associations nationales et régionales « préoccupées par le handicap », mais plus largement, de construire une cause transversale à plusieurs

problématiques, dans le champ large des acteurs du handicap (associatifs, mais aussi politiques, administratifs). La politique du handicap, dans les années 2000, met l’accent sur l'inclusion des personnes dans la communauté, sur leur autonomie, sur l’accessibilité. Le rôle de « liaison » porté par le Clapeaha ne s’exerce plus seulement entre les associations, mais surtout vis-à-vis des autres acteurs du champ du handicap, politiques ou administratifs. Il exerce alors une fonction de vigilance, de veilleur de la cause, et de représentation des personnes concernées dans l’ensemble des arènes de discussion qui, dans les années 2000, se mettent en place, relatives à la politique générale du handicap.

« L'Action du Clapeaha, parce qu'elle est nécessairement transversale à tous les handicaps, implique une présence auprès de très nombreux organismes,

associations nationaux et, régionaux pour les sensibiliser aux problèmes auxquels sont confrontés les multihandicapés et susciter des réalisations » (Rapport Moral

du Clapeaha, Archives Clapeaha 1996).

Surtout, dans ce contexte politique particulier, il est amené à dépasser la cause des handicaps associés, et à intégrer celle-ci dans une cause plus large et plus transversale encore, au champ politique du handicap. Par là, il s’inscrit dans la tendance que nous avons décrite à la fin du chapitre 1, consistant à substituer aux catégories anciennes, autour des types de "handicaps" (pour déficiences), des notions transversales décrivant la nature de la « situation de handicap ». Courant des années 2000, le Clapeaha cherche à créer des alliances inter- catégorielles, en rassemblant sous le terme de « personne en situation complexe de grande dépendance », les personnes atteintes de « handicaps rares », les « traumatisés crâniens », les « polyhandicapés », les « autistes ou personnes atteintes de troubles envahissant du

développement » (nous reviendrons dans la section suivante sur la question de la terminologie et son évolution). Son rôle n’est plus alors seulement de faire du lien entre association, il se décrit surtout, dans ses documents internes, comme ayant un rôle de représentation de ces personnes, dans le champ large du handicap.

« Le combat concernant les personnes atteintes de handicaps complexes de grande dépendance est un combat difficile, soutenu par les grandes associations mais à condition que des associations telles que le Clapeaha prenne l’initiative

de soulever les problèmes spécifiques de ces personnes, de veiller constamment à mettre en évidence les pièges possibles ou les omissions les concernant » (Procès-Verbal de l’Assemblée Générale du Clapeaha, 2007, Archives du Clapeaha, souligné dans le texte).

La fonction de vigilance du Clapeaha s’exerce à l’intérieur des grandes associations et à l’extérieur, dans les arènes de discussion et de négociation autour de la loi de 2005. Son habileté réside dans sa capacité à soutenir une politique générale du handicap, qui se veut inclusive, tout en maintenant la nécessité de solution spécifique pour les « personnes en situation complexe de grande dépendance et ne pouvant se représenter elles-mêmes ».

1.4. Des « handicaps associés » aux « handicaps rares » et aux « handicaps

Outline

Documents relatifs