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Chapitre 1. Le CESAP Éprouver la possibilité du soin pour les « arriérés profonds »

4. Le chemin vers le « polyhandicap » : 1970-1990

4.3. Développement et formalisation des dispositifs de prise en charge

4.3.1. Une population diversifiée – des établissements et services polyvalents

Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, à partir des analyses menées sur les dossiers du CESAP et dans le cadre de l’enquête épidémiologique, trois groupes de « polyhandicapés » sont identifiés et définis. À chacun de ces groupes est associé un type de prise en charge :

« -la première catégorie, la plus réduite, requiert des méthodes pédagogiques très spéciales, étroitement adaptées aux handicaps (sensoriels surtout) de ces enfants de niveau intellectuel normal (sourds aveugles, aveugles ou sourds infirmes moteurs, etc…)

-le deuxième groupe de polyhandicapés demande une prise en charge spécifique prenant en compte globalement des difficultés de l’enfant, c’est le type de prise en charge que s’efforcent d’assurer les Consultations, les Services à Domicile et les Établissements du CESAP.

-enfin pour la dernière catégorie d’enfants, la tolérance du milieu scolaire et les possibilités d’action psychologique et pédagogique sont en jeu » (CESAP Info,

n°17, 1978, p.12-13, Archives CESAP).

Ainsi, le deuxième groupe de « polyhandicapés » (déficients mentaux profonds, dont le QI est inférieur à 50, ayant des handicaps organiques associés) est le groupe dont s’occupe le CESAP. À partir des analyses réalisées, ce groupe, bien que divers, acquiert une

homogénéité, qui justifie sa prise en charge par les mêmes services ou établissements –par le même dispositif médico-social considéré comme polyvalent car capable d’une prise en charge spécifique et diversifiée.

« Ce qui frappe à l'analyse dans tous les domaines, c'est l'hétérogénéité et la disparité qui règnent dans l'association. En fait, à partir d'un groupe d'enfants caractérisés par un handicap mental et des handicaps associés, ce qui constitue un groupe assez homogène, l'Association répond de façon diversifiée dans le mode de prise en charge » (Compte-Rendu de l’Assemblée Générale, 1985,

Archives CESAP).

Le CESAP, en effet, défend la possibilité et la nécessité de ne pas séparer les enfants en fonction des types de handicap. Contre l’idée d’une séparation en fonction du ou des handicaps –considérée comme conduisant à une « ségrégation »–, il défend l’idée de l’intégration, dans un même service ou un même établissement, d’enfants atteints de

différents handicaps. Ce principe est mis en œuvre dans ses services et établissements. Dans

les établissements gérés par le CESAP, les groupes sont constitués de manière à inclure des enfants ou adultes atteints de déficiences diverses et avec des niveaux de déficience mentale ou physique variables. Cette diversité est présentée comme bénéfique pour les enfants, qui se stimulent les uns les autres. Cette non-séparation des enfants en fonction de leur type de déficience est aussi justifiée par le fait qu’elle permet un meilleur équilibre de travail pour le personnel, qui est encouragé par les progrès des uns et peut supporter la lourdeur de la prise en charge des autres.

« En internat, le problème est réel, les enfants psychotiques pouvant, par exemple, représenter un danger pour les grabataires. Nous tenons cependant à ce qu'ils vivent ensemble (au dortoir, à la salle à manger), tout en appartenant à des groupes éducatifs différenciés en fonction de leurs besoins, toute ségrégation entre enfants "marchant" et "grabataires" paraissant destructrice tant pour les enfants que pour le personnel ; mais il est nécessaire d'augmenter le nombre des adultes disponibles pour assurer leur coexistence en toute sécurité » (Compte-

rendu du Conseil Scientifique et Technique, octobre 1970, Archives CESAP). Ce principe sert également de base, plus largement, à la vision de l’organisation

médico-sociale que développe et défend le CESAP. Celui-ci s’oppose à la création de services ou établissements qui seraient spécialisés dans la prise en charge d’un type de handicap, mais défend l’évolution et l’ouverture des établissements existants aux différents types de

handicap. Les structures ne doivent pas être spécialisées en fonction des types de handicap. Au contraire, le CESAP défend la « non-ségrégation » des « arriérés profonds » des autres types de handicaps, et leur intégration dans des structures existantes.

« Cependant, il nous semble que des formules aussi souples que possible devraient être recherchées à partir de l’équipement existant actuellement pour éviter la surségrégation des handicaps les uns par rapport aux autres.

Il est souhaitable que la majorité des Externats Médico-Pédagogiques puissent ouvrir une section pour des enfants moins éducables, réputés arriérés profonds, ou pour des débiles profonds présentant des facteurs de surcharge tels que nous venons de les envisager (Épilepsie, Infirmité Motrice…) plutôt que de créer une infinité d’Établissements distincts, dédiés exclusivement à tel ou tel degré ou association d’handicaps. Sur le plan géographique, cette dernière solution présente de graves inconvénients, obligeant à des déplacements longs ou à la mise en internat pour permettre à un enfant polyhandicapé l’admission dans un Établissement sur-spécialisé » (E. Zucman, « Arriération profonde-débilité

profonde : un même problème », CESAP Info n°12, 1973, p.22, Archives CESAP).

Cet argument de « la non-ségrégation » des enfants en fonction du type de handicap ou du type d’association de handicaps est lié à un argument concernant la polyvalence des

services et établissements, et leur capacité à proposer des prises en charge diversifiées, adaptées à la spécificité de chaque enfant « polyhandicapé ». Au « polyhandicap » doit correspondre une multiplicité des réponses.

« Déficience mentale profonde et handicaps associés s'intriquent étroitement chez la plupart des enfants de niveau intellectuel inférieur à 50.

Tout établissement ou service accueillant des sujets déficients mentaux profonds se doit de prendre en compte la réalité du polyhandicap, c'est-à-dire:

-d'employer des moyens diversifiés pouvant répondre à des besoins complexes, -de vouloir ces moyens suffisants pour assurer le confort et la stimulation des sujets très dépendants,

-d'adapter ces moyens à chaque cas dans le souci de l'éclosion, de l'unité et du respect d'une personnalité » (CESAP Information n°16, 1977, p.20, Archives

CESAP).

Enfin, cette conception est liée à une organisation des services et établissements, qui se répartissent sur un territoire local. Concrètement, jusqu’au milieu des années 1970, les

structures gérées par le CESAP sont organisées autour de deux ensembles : 1/ les « Services médico-socio-éducatifs ».

Ils regroupent autour des consultations spécialisées : -l’action éducative à domicile,

-les haltes-garderies (appelée à partir de 1977 « journées d’action éducative »)

-les Séjours Éducatifs d’été

2/ les établissements qui comprennent 5 internats (pour des enfants de 0 à 20 ans), 2 Placements Familiaux Spécialisés et 1 externat.

-Centre d’observation et de soins « les Heures Claires » - internat (ouvert en 1968 : enfants de 18 mois à 6 ans, et Placement familial spécialisé : enfants de 6 mois à 12 ans.

-Internat « La Montagne » (ouvert en 1970, 160 places) : enfants de 6 à 16 ans.

-Internat « Le château de Launay » (ouvert en 1973, 60 places) : enfants de 6 à 18 ans

-Centre d’observation et de soins « Le Poujal » (Thiais, ouvert en 1974) – internat et externat : enfants de 0 à 6 ans, et Placement familial

spécialisé : enfants de 6 mois à 12 ans.

-Pouponnière Amyot (reprise en 1977) : enfants de 0 à 18 mois.

Mais durant cette période, relativement longue, du début des années 1970 à la fin des années 1990, le CESAP est confronté à des difficultés administratives et financières, relatives à l’organisation et au statut de ses services et établissements ; ces difficultés, articulées à certaines évolutions extérieures, le conduisent à faire évoluer son « dispositif médico-social » et à l’organiser sur le territoire local, en articulant deux échelles : régionale et départementale. Nous le montrons dans la suite du texte.

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