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Chapitre 1. Le CESAP Éprouver la possibilité du soin pour les « arriérés profonds »

4. Le chemin vers le « polyhandicap » : 1970-1990

4.3. Développement et formalisation des dispositifs de prise en charge

4.3.2. Des services et établissements « hors cadre réglementaire »

Lorsque le CESAP a créé des services et établissement destinés à une prise en charge commune des « arriérés profonds » et des « débiles profonds », il a dû sortir des cadres réglementaires et « bricoler » pour rentrer dans certains cadres existants ou pour s’arranger avec des financements qui n’étaient pas complètement adaptés à ses structures. Les

consultations sont agréées comme Centre Médico-Psycho-Pédagogique (CMPP), les deux premiers projets d’établissement (internats), imaginés avant 1970, ont été conçus comme des Centre d’observation et de soins, et n’entrent pas dans les cadres réglementaires de l’époque :

« La réalisation d'un tel établissement [le centre d’observation et de soins de

Thiais] d'un type tout à fait nouveau amènera peut-être la rédaction d'un nouvelle

"Annexe" car, en l'état actuel de la réglementation, il faut se référer à plusieurs textes en ce qui concerne les normes applicables à la catégorie d'enfants auxquels se rapportent les projets du CESAP » (Conseil Scientifique et Technique, juin

1965, Archives CESAP).

En 1970, les annexes XXIV sont modifiées, permettant une première évolution. Les modifications portent sur les catégories organisant les établissements, notamment concernant les enfants atteints d’une déficience intellectuelle. Trois catégories sont alors définies : 1. « Arriérés ou débiles profonds », 2. « Débiles moyens », 3. « Débiles légers présentant des troubles associés ». Surtout, ces trois catégories relèvent désormais d’une prise en charge par le même type d’institutions : instituts médico-pédagogiques ou instituts médico-

professionnels. Une annexe XXIVbis concerne les enfants atteints d’une infirmité motrice cérébrale. Deux annexes sont par ailleurs ajoutées, une annexe XXIVter pour les enfants atteints d’infirmités motrices, une annexe XXIVquater pour ceux atteints de déficiences sensorielles. Chaque établissement peut accueillir des enfants appartenant à différentes catégories ou sous-catégories uniquement s’il aménage des sections séparées. Enfin, ces annexes définissent les conditions techniques d’agrément des services assurant les soins et l’éducation spécialisée à domicile.

Cette modification des annexes permet au CESAP de donner à ses internats et externats un statut réglementaire, d’IMP ou EMP. Le rassemblement dans une même

catégorie des « arriérés profonds » et des « débiles profonds », même s’il ne s’agit pas encore d’une suppression de la différence entre les deux catégories, est une première réponse aux demandes du CESAP. À partir de 1970, les établissements, internats ou externats, créés par le CESAP rentrent dans le cadre des annexes XXIV (et de leurs catégories), et fonctionnent avec un prix de journée.

Mais si le financement des internats, du placement familial et des externats est possible dans des cadres réglementaires existants, le financement et le statut des services médico-sociaux éducatifs restent plus problématiques et incertains. Ainsi, les haltes-garderies qui durant les années 1970, se développent et se transforment en « journées éducatives », sont financées grâce à des petites subventions temporaires (mairies, PMI…), mais surtout sur fonds propres. Tout au long de la période, la question de leur maintien sera récurrente. Les consultations spécialisées, dont le statut est celui des CMPP, sont, elles, financées sur base d’un forfait. Enfin, le Service d’Aide Éducative à domicile était à l’origine agréé au titre de l’Allocation d’Éducation Spéciale, les familles devant reverser au CESAP l’Allocation d’Éducation Spéciale qu’elles percevaient. À partir de 1973, ce service est agréé par la

Sécurité Sociale et fonctionne lui aussi avec un prix de journée. Mais ce mode de financement induit un certain nombre de difficultés, dont un déficit budgétaire (la non-réalisation d’un acte entraînant un non-paiement), difficultés qui sont soulevées régulièrement dans les rapports moraux du CESAP entre 1970 et 1985.

Cette variété des modalités de financements est considérée comme problématique par le CESAP dans la mesure où elle ne correspond pas au travail effectué par les équipes, en consultation, à domicile ou lors de l’accueil en Journées éducatives. La prise en charge mise en place par l’équipe pluridisciplinaire des consultations et des services de suite est conçue comme une prise en charge globale de l’enfant et de sa famille. Cette prise en charge globale suppose un travail de coordination et une continuité sur plusieurs années, qui ne sont pas prises en compte dans le financement par forfaits, mais supposeraient un financement lui aussi global.

« Année difficile parce qu’a été profondément ressentie l’inadéquation de la notion de forfait à la réalité financière des actions de soins et d’éducation tant dans les Consultations que dans les AED.

Il est apparu nécessaire d’innover dans ce domaine pour tenir compte de tout le travail considérable qui est effectué, autour de l’enfant et de sa famille, en dehors de la Consultation elle-même.

Ce travail est long, intense par périodes, s’étirant sur plusieurs années et demandant de la part des techniciens une attention soutenue, une connaissance des familles, une grande capacité d’écoute » (Rapport Moral du CESAP, 1979,

Archives CESAP).

« Le troisième et dernier "point gris" de l’année 1981 est un vieux problème non réglé qui concerne les Services Médico-Socio-Éducatifs [SMSE].

Mais de quoi s’agit-il ? D’un ensemble humainement et socialement cohérent et unitaire d’actions de dépistage et de soins menées en faveur d’enfants de tous âges frappés ou menacés par des handicaps lourds, et de leur suivi social et éducatif, soit en consultation hospitalière ou de dispensaire, soit en milieu familial, soit encore dans des journées de regroupement qui procurent à l’enfant le contact salutaire et temporaire avec un milieu de vie inhabituel.

Il faut savoir que ces formes d’action répondent pleinement aux vœux des familles qui souhaitent garder leur enfant auprès d’elles et bénéficier ainsi de brèves périodes de récupération physique et morale.

Ce genre de mission dont c’est l’honneur du CESAP d’avoir su l’organiser et le promouvoir, ne figure dans sa globalité à aucune rubrique de l’inventaire des diverses activités sociales finançables. Qu’on se persuade bien encore une fois qu’il n’existe pas une équipe de "consultation" et une autre d’action éducative à domicile ou de journées de regroupement, mais qu’il n’y a qu’une seule et même équipe pour assurer la prise en charge de chaque enfant, il est bien dit une seule et même équipe où chacun apporte son rôle spécifique et complémentaire. Il paraîtrait dès lors plus efficace, économiquement et humainement parlant, de substituer une forme de prise en charge globale au système actuel de forfait distinct pour les Consultations, l’Aide Éducative à Domicile et les Services de suite. Au niveau de l’ensemble des SMSE, une forme de « budget global », soutenu par un ensemble de justifications d’activités et de moyens, serait probablement de nature à donner la solution attendue » (Rapport Moral du

CESAP, 1981, Archives CESAP, souligné dans le texte)61.

C’est à travers une réorganisation territoriale des services qu’une solution sera trouvée à leur financement.

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