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Chapitre 1. Le CESAP Éprouver la possibilité du soin pour les « arriérés profonds »

2. Le CESAP, un comité d’études et de soins

2.1. D’une association « parapublique » à une association reposant sur l’engagement de

Le CESAP, au début de son histoire, se définit comme une association

« parapublique », devant permettre à l’administration de déployer son action « publique » envers les enfants « arriérés » hors de ses cadres rigides. C’est ce que son président, B. Meyer, rappelle lors du colloque fêtant les 30 ans de l’association :

« Cette Association s’est donc créée dans des conditions difficiles mais avec le soutien et dans le giron de l’Assistance Publique. Secrétaire général au moment de la création, j’avais la notion, puisque j’avais été le responsable du secteur de l’enfance de l’Aide Sociale pendant plus de 10 ans, du besoin d’un service public. Il ne s’agissait pas seulement de créer des établissements dont on avait

évidemment besoin au regard des demandes très importantes qui existaient, mais il fallait prendre en charge les enfants et leurs familles mais aussi innover des services qui nous permettent de créer un service public d’ensemble. En vérité, c’est cette notion qui fut la base de la création du C.E.S.A.P., association devenant le service public d’une administration générale. Et c’est grâce à cette interaction permanente avec les administrations, que ce soit l’Assistance

Publique, la Sécurité Sociale, la Ville de Paris et les Ministères, que le C.E.S.A.P. a pu se développer » (B. Meyer, Texte prononcé en ouverture du Colloque « de

l’Arriération profonde au Polyhandicap », 7/8/9 novembre 1996 à Paris, Archives CESAP).

Les documents de l’époque témoignent également de cette dimension « para- publique » du CESAP :

« Monsieur le Professeur Minkowski remercie les participants de leur présence et les représentants de l’Assistance Publique de leur hospitalité et nomme les

nouvelles personnalités qui ont accepté d’étudier la mise sur pied d’une Association dont le but est d’aider les familles d’arriérés profonds à résoudre leurs problèmes et d’étudier toutes les solutions possibles en liaison avec

l’Administration, les Organismes publics et privés intéressés, le Corps Médical et les parents d’arriérés profonds. […]

En conclusion, il est décidé : de créer très rapidement une Association qui aura l’avantage dans un domaine où il faut innover d’être plus souple et plus rapide qu’une Administration » (Compte rendu de la réunion du 17 mars 1965, réunion

préparatoire à la création du CESAP, Archives CESAP)

Le qualificatif de « para-publique » désigne en fait plusieurs caractéristiques du CESAP : la relation qu’il entretient avec l’AP-HP, celle plus large avec les autorités publiques, et le fait qu’il repose sur l’engagement de médecins et d’administratifs. Cette relation forte entre le CESAP et les autorités publiques se traduit dans le soutien durable que l’AP-HP accorde au CESAP, en mettant à sa disposition différents moyens. À sa création, le siège social du CESAP est domicilié à l’AP-HP (et le restera jusqu’en 2001 lorsque l’AP-HP souhaitera se « défaire » des associations qu’elle abrite). Le secrétariat du CESAP s’installe en octobre 1965 dans des locaux situés à l’Hôpital Cochin (clinique Baudelocque), mis à disposition par l’AP-HP. Les consultations, mais aussi plusieurs établissements, seront mis en place ou construits grâce aux prêts de locaux ou à la mise à disposition de terrains par l’AP- HP. Surtout, ce lien avec les autorités publiques apparaît dans la composition du Conseil

d’Administration, telle qu’elle est définie en 1966. Une place importante y est faite aux représentants des collectivités locales et des administrations centrales ou locales, puisque 10 membres de droit (sur 24 membres) en sont issus.

Les statuts de l’association, adoptés en janvier 196628, prévoient un Conseil d’Administration composé de 24 membres dont 10 membres de droit : -2 représentants du Conseil Municipal de Paris,

-2 représentants du Conseil Général d’Île-de-France, -le Directeur Général de l’Assistance Publique de Paris, -le Directeur de l’Hygiène Sociale de la Préfecture de la Seine, -1 représentant de la Caisse Régionale de Sécurité Sociale, -1 représentant de la Caisse Centrale de Sécurité Sociale de Paris, -1 représentant de la Caisse Centrale d’Allocations Familiales de Paris, -le médecin-chef du Service Médico-Social de la Protection Maternelle et Infantile.

Les 14 autres membres sont élus par l’Assemblée Générale pour un mandat de 4 ans.

En 1968, puis en 1970, les statuts sont modifiés pour intégrer des représentants des différents départements d’Île-de-France, les membres de droit sont alors au nombre de 13 :

-2 représentants du département de Paris, -1 représentant des Hauts-de-Seine, -1 représentant du Val-de-Marne, -1 représentant du Val d’Oise, -1 représentant de l’Essonne, -1 représentant des Yvelines, -1 représentant de Seine-et-Marne, -1 représentant de Seine-Saint-Denis,

-1 représentant de la Direction Générale de l’Assistance Publique de Paris ou son représentant,

-1 représentant de la Caisse Régionale d’Assurance maladie d’Île-de-France, -1 représentant de la Caisse Centrale d’Allocations Familiales de la Région Parisienne.

Outre ces membres de droit, issus des administrations ou des collectivités territoriales, le Conseil d’Administration comprend essentiellement des médecins (7 en 1967), et l’une ou l’autre personnalité engagée (1 professeur agrégé de droit et de sciences économiques, le Directeur Général de l’UNAPEI, 1 représentant de la Fédération Nationale des Mutuelles de Fonctionnaires et Agents de l’État). Le Conseil d’Administration gardera cette même

composition jusqu’en 2003. Cette composition du Conseil d’Administration donne une dimension « publique » à l’action du CESAP. Comme l’indique ci-dessus l’un des présidents du CESAP, B. Meyer, le CESAP permettait à l’administration de mettre en place une action médico-sociale pour « les arriérés profonds », en sortant de « ses cadres rigides ». Pour l’AP- HP (pour ses administratifs comme pour ses médecins), le CESAP a permis le développement de services et de structures pour ces « arriérés profonds », qui soient hors ses murs, sans cependant être complètement détachés d’elle.

Parmi les membres du Conseil d’Administration, certains sont parents d’enfants handicapés29. Mais ce n’est pas en tant que tel qu’ils font partie du Conseil d’Administration,

28 Nous n’avons pas retrouvé les statuts adoptés en 1965.

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mais parce qu’ils représentent une administration ou pour leurs compétences professionnelles. Ainsi, lorsque les parents, dans les premiers temps du CESAP, font part de leur volonté d’adhérer au CESAP, celui-ci les réoriente vers l’UNAPEI, car il ne se conçoit pas comme une association de parents. Lors d’une réunion du Conseil Scientifique et Technique, cette question est évoquée et il est indiqué :

« Les buts du CESAP rendent les adhésions de parents sans objet » (Conseil

Scientifique et Technique, février 1967, Archives CESAP).

Concernant cette dimension cependant, le CESAP a évolué. Sans devenir une

association de parents et tout en gardant, dans le champ associatif, une certaine spécificité liée à son positionnement initial (comme association « para-publique » associant médecins et administratifs), il s’ouvrira progressivement aux parents, notamment via la création d’associations de parents dans ses différents établissements (les premières sont créées au milieu des années 1980). Progressivement également, les administrations et les collectivités territoriales seront amenées à se retirer du Conseil d’Administration. Cette évolution sera également visible dans la succession des présidents. Les deux premiers présidents du CESAP étaient médecins (1965-1977 : Clément Launay, pédopsychiatre à l’AP-HP ; 1977-1999 : Bernard Meyer, pédiatre à l’AP-HP). Le troisième et actuel président est André Schiltz, ancien conseiller d’État, et ancien président, en tant que parent, d’une association de parents de l’un des établissements du CESAP. Cette évolution, vers une plus grande ouverture aux parents, est formalisée en 2005 dans une modification des statuts, et présentée par le président comme une rupture :

L’assemblée générale du 23 juin 2005 a adopté une nouvelle rédaction des statuts de notre association qui, si elle s’inscrit dans une suite logique d’orientations précédentes, marque également une rupture très nette dans les statuts du CESAP. Né de la volonté des pouvoirs publics, sous l’égide de professionnels du secteur, principalement des médecins, le CESAP constituait par la composition même de son conseil d’administration une association para-publique. Une lente évolution conduisit d’une part à ce que les pouvoirs publics ne souhaitent plus être

directement impliqués dans la gestion de structures médico-sociales et d’autre part à ce que les parents soient plus étroitement associés au fonctionnement de l’association. La loi du 11 février 2005 scelle la fin de la participation, au

demeurant devenue très rare, des départements comme membre délibérant au sein du conseil d’administration en raison même des nouvelles missions confiées à ceux-ci. Notre association en a tiré les conséquences en réduisant à trois le nombre de membres de droit : outre le maintien de l’Assistance Publique- Hôpitaux de Paris et de la CRAMIF, partenaires historiques, actifs et indispensables, l’association s’ouvre en direction des familles et des tuteurs légaux par l’intégration en tant que membre de droit, de l’UNAF [Union

Nationale des Associations Familiales], dont il a pu être vérifié que nous

partagions les mêmes valeurs. Dans le même ordre d’idées, la place des associations de parents au sein du conseil d’administration est confirmée explicitement, orientation qui remonte à plus de quinze ans mais était jusque-là tacite » (Rapport moral et d’activité du CESAP, 2005,Archives CESAP). La composition du Conseil d’Administration est alors la suivante : les Conseils Généraux, auparavant membres de droit avec voix délibérative, deviennent membres invités avec voix consultative. L’UNAF est introduite comme membre de droit. 15 membres sont

29 Madame Barrère, par exemple, secrétaire adjoint du CESAP, administratrice à l’Administration Générale de l’Assistante Publique à Paris, est la grand-mère d’une petite fille « arriérée ».

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élus parmi les personnes physiques, dont 3 parmi les associations de parents et amis (qui peuvent par ailleurs être membres adhérents au CESAP). Enfin, cette évolution sera corrélative à l’importance que prendra, dès les années 1980, la dimension gestionnaire du CESAP, point sur lequel nous reviendrons plus loin dans le texte.

2.2. La mission du CESAP : inventer et organiser le soin pour les « arriérés

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