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Chapitre 2. Le Clapeaha Penser et organiser la « spécificité » de la prise en charge pour des

1. Le Clapeaha, un comité transversal aux autres associations de personnes handicapées ou de

1.1. À l’origine du Clapeaha, une histoire personnelle, des parents concernés

Comme la majorité des associations dans le champ du handicap à cette époque, le Comité de Liaison et d’Action des Parents d’Enfants Atteints de Handicaps Associés

(Clapeaha) est créé en 1968, à l’initiative de M. et Mme Faivre, dont la fille, née en décembre 1964, est « sourde-aveugle » suite à une atteinte rubéolique pendant la grossesse. L’histoire personnelle de M. et Mme Faivre est ainsi à l’origine de leur engagement associatif pour la défense des personnes atteintes de handicaps associés.

Dès la naissance de leur fille, les professionnels médicaux leur annoncent qu’elle risque une surdicécité. Celle-ci est rapidement confirmée. Madame Faivre ayant observé des taches noires dans les yeux de sa fille, consulte un ophtalmologue qui diagnostique une

déficience visuelle grave des deux yeux, tout en lui indiquant que si elle est aveugle et sourde, « il n’y a rien à faire ».

« Au bout de 15 jours après sa naissance, j’ai vu qu’elle avait une pointe sur une

pupille. Ensuite ça s’est développé sur l’autre œil. J’ai été voir un spécialiste, un professeur d’ophtalmologie de Paris, très connu paraît-il. Il a tout de suite diagnostiqué une déficience visuelle grave des deux yeux. À ce moment-là, je me souviens, je lui avais dit : « Docteur, si elle est sourde, qu’est-ce qu’il y a à faire ? Pourriez-vous me donner quelques conseils pour la prendre en charge ? ». Il m’a répondu, c’était un professeur de médecine de Paris, il m’a répondu : « Madame, si elle est sourde aussi, il n’y a rien à faire, mes honoraires, Madame, sont de tant ». Là-dessus, nous nous sommes renseignés, nous sommes allés en Hollande justement, en Angleterre où il y avait une association créée par une mère d’enfant sourd-aveugle, qui était aussi comme ma fille, causée par une rubéole congénitale. […] En plus, il fallait parler anglais. Nous y sommes allés. En Hollande, c’était le professeur Van Dyck qui était vraiment remarquable. Il avait été en Australie faire une enquête sur les rubéoles » (entretien Mme Faivre,

16 juin 2015).111

Dès ce diagnostic, Monsieur et Madame Faivre d’une part, s’investissent dans la recherche de solutions de prise en charge pour leur fille, et d’autre part, s’engagent dans le monde associatif pour défendre la cause des enfants atteints de handicaps associés. Monsieur Faivre, qui est Attaché de Direction à la Fédération Nationale de la Mutualité Française (dont il deviendra en 1969, directeur adjoint), a déjà de par son métier, des contacts en France et à l’étranger, dans le milieu associatif et professionnel du handicap. Il utilisera ces contacts à la

111 Mme Faivre a, à plusieurs reprises, témoigné et raconté publiquement leur histoire personnelle. Voir par exemple J. Faivre, 2014, « Comment franchir la barrière du « il n’y a rien à faire » : « Projet, progrès, régressions, renoncement, réajustement », Ateliers : « ETHIQUE et POLYHANDICAP», Journées du Groupe Polyhandicap France (GPF), Paris, 15 janvier 2014.

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fois pour trouver des solutions concrètes pour sa fille et surtout comme ressources pour défendre la cause des personnes atteintes de handicaps associés.

Ainsi, pendant les premières années de vie de leur enfant, Madame et Monsieur Faivre consultent différents spécialistes et partent en quête d’informations et de conseils sur ce qu’il faut faire et sur ce qu’ils peuvent faire. À 6 mois, suite à une opération, leur fille récupère un peu de vision, mais une surdité est également diagnostiquée. À Paris, M. et Mme Faivre ne trouvent aucun spécialiste de la surdicécité. Ils prennent contact avec l’établissement de Larnay112, qui a lui une longue histoire dans l’éducation des personnes sourdaveugles, mais qui à l’époque, s’occupe d’adultes et jeunes adultes, et non d’enfants. Puisque rien n’existe en France, ils se tournent vers l’étranger : les USA, l’Angleterre, et les Pays-Bas où existe un établissement spécialisé pour enfants sourdaveugles auquel ils demandent de prendre leur fille, mais cet établissement refuse. Durant les cinq premières années de sa vie, c’est donc Mme Faivre qui prend soin de sa fille, à domicile, avec comme seul soutien, l’aide du CESAP. Mme Faivre s’est rendue, avec sa fille, aux consultations organisées par Mme Zucman et elle bénéficie de la présence, 1 ou 2 après-midi par semaine, d’une jeune éducatrice du CESAP. En 1969, leur fille est accueillie à Larnay où s’est créée une section pour enfants sourdaveugles, en partie d’ailleurs sous l’impulsion de M. et Mme Faivre.

La principale difficulté pour Madame Faivre, dans la prise en charge de sa fille, est la communication. Elle cherche à communiquer avec sa fille sans cependant arriver à mettre au point un mode de communication, faute de conseils spécialisés, faute de formation sur les techniques et les outils de communication spécifiques pour les sourdaveugles.

« Les problèmes de COMMUNICATION n’ont jamais pu être réellement vaincus. Elle n’entendait pas les sons, voyait très mal les gestes, les lettres et dessins en relief. Nous parents, avions de réelles difficultés à nous adapter à ces modes d’expressions gestuelles. Les éducateurs avaient eux aussi des difficultés d’autant que ces modes d’expression nécessitent une pratique personnalisée, une

continuité qui n’était pas facilitée par le renouvellement du personnel éducatif, l’insuffisance de formation accordée souvent aux professionnels, mais aussi aux familles sur le plan des méthodes et des outils de communication et par le manque de temps quotidien » (Intervention de J. Faivre, « Comment franchir la barrière du

"il n’y a rien à faire" : « Projet, progrès, régressions, renoncement, réajustement », Journée d’études du Groupe Polyhandicap France, Ateliers : « Éthique et

Polyhandicap », Paris, 15 janvier 2014).

Parallèlement, Monsieur Faivre prend contact avec différentes associations et s’engage dans certaines, notamment l’Association Nationale des Parents d’Enfants Aveugles (ANPEA, créée en 1964). Celle-ci, dès 1965, avait commencé à se préoccuper des « enfants aveugles surhandicapés » ; elle avait réalisé un premier recensement des enfants aveugles concernés par un « surhandicap », et décidé d’un programme d’action spécifique (enquêtes, voyages d’étude à l’étranger, rassemblement et exploitation de la documentation étrangère, colonies de

vacances spécifiques, interventions auprès des pouvoirs publics, campagne de presse, projet de création d’un IMP près de Lille). Monsieur Faivre s’engage également à l’Association Nationale des Parents d’Enfants Déficients Auditifs (ANPEDA, créée en 1948), et prend contact avec d’autres associations : l’APAJH (qu’il connaît de par ses fonctions

professionnelles), l’APF, l’UNAPEI. Il participe à un groupe informel qui avait été créé par ces associations en 1964 : la Commission de Liaison et d’Étude des Associations de Parents

112 Près de Poitiers, et tenu, à l’époque encore, par les Sœurs de la Sagesse (Jean, 2014).

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d’enfant handicapés (CLEAPEH)113. En 1967, il est chargé, par cette commission, d’étudier le problème des enfants atteints de handicaps associés. C’est ainsi qu’il créée au sein de cette commission un sous-groupe qui devient le Clapeaha en 1968. Au départ, c’est un comité informel.

« À la création de ce comité spécialisé ont participé plus particulièrement : l’Association des enfants bleus et anciens opérés, l’Association des hémophiles, l’Association des Paralysés de France, l’Association des parents d’Enfants Aveugles, l’Association Nationale des Parents d’Enfants Déficients Auditifs, la Fédération des Parents d’Enfants Déficients visuels, l’Union Nationale des associations de Parents d’Enfants Inadaptés » (Livre Blanc du Clapeaha, 1969,

p.1).

1.2. De la surdicécité aux handicaps associés. D’une histoire personnelle à une

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