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1.3 La grossesse, paradigme d’une troisi` eme topique ?

1.3.2 Troisi` eme topique

1.3.2.1 Dejours, Inconscient amential et subversion libidinale

Dejours a th´eoris´e une troisi`eme topique reprenant plutˆot le mod`ele de la premi`ere topique mais en divisant l’Inconscient en deux parties : Ics refoul´e et Ics amential, s´epar´es par une ligne de clivage. Il s’appuie sur les th´eories de Laplanche, qui `a l’inverse de Rousillon, propose que l’origine du sexuel est l’autre, c’est l’adulte qui implante le sexuel dans le corps de l’enfant. L’Ics refoul´e est l’inconscient classique de la psychanalyse. Les pulsions, l’expressivit´e corporelle, n´ecessaire `a l’intersubjectivit´e se construisent `a partir de l’exp´e- rience intersubjective du corps `a corps avec les parents. C’est dans cette exp´erience de jeux corporels qu’une partie de l’´energie instinctuelle, corporelle est transform´ee et utilis´ee `

a des fins psychiques. C’est ce qu’il nomme la subversion libidinale : processus de passage du corps biologique, inn´e, au corps ´erotique, acquis. Il reste n´eanmoins un inach`evement et des lacunes du corps ´erotique, h´eriti`eres de l’histoire des relations entre l’enfant et ses parents, la capacit´e des parents `a « jouer » avec le corps de l’enfant. Les registres sur lesquels ils ne peuvent pas jouer (soit trop froid, soit trop excitable) laissent des traces durables dans le corps de l’enfant qui entrainent des « impotences partielles sp´ecifiques `a mobiliser le corps au service de l’agir expressif dans l’intersubjectivit´e » (Dejours, 2003, p. 27). L’Ics amential est alors « form´e en contre partie de la violence exerc´ee par les parents contre la pens´ee de l’enfant » (Dejours, 2003, p. 85). Quand la pens´ee s’arrˆete il n’y a pas de refoulement possible. L’Ics amential est une « r´eplique au niveau topique des zones du corps exclues de la subversion libidinale et du corps ´erog`ene » (Dejours, 2003, p. 85), il se constitue des zones du corps non colonis´ees par la libido. Il fonctionne en pens´ee logique, op´eratoire, endigu´e par le conscient. C’est un Ics qui est « non sexuel », « non- refoul´e », il ne fonctionne pas comme l’Ics sexuel et le Pcs en terme de repr´esentations et d’associations. La relation intersubjective est risqu´ee car elle peut solliciter ces zones. Des strat´egies doivent se mettre en place pour ´eviter que l’autre ne touche ces zones. Dejours reprend la th´eorie de Fain sur la zone de sensibilit´e de l’Ics, zone qui pour lui est un lieu o`u

la barri`ere du Cs et du Pcs sont plus fines et o`u le d´eni peut ˆetre plus facilement lev´e. « La violence serait un moyen ´electif pour empˆecher l’autre d’atteindre la zone de sensibilit´e de l’Ics et de d´eclencher la pulsion de mort et ses effets (crise amentiale). La pulsion de mort ne serait pas primitivement violente » (Dejours, 2003, p. 181) c’est la tentative de conjuration ou de contrˆole de la pulsion de mort qui fait venir la violence. Cette barre de clivage bouge selon la psychopathologie du sujet. Avant la violence, survient la crise somatique, comme une forme de compromis, permettant de ne plus penser. Chez Dejours, contrairement `a la th´eorie de l’´ecole de Psychosomatique, la r´epression pulsionnelle peut survenir chez tout le monde, sans n´ecessit´e d’une structuration psychique sp´ecifique. La th´eorie de Dejours met au centre de la construction psychique de l’enfant la relation in- tersubjective. Il prend en compte `a la fois la relation parent-enfant dans ses aspects plus comportementaux mais aussi et surtout les effets de la construction Ics des parents sur celle de l’enfant. Par ailleurs, dans sa th´eorie, le corps est en interrelation directe avec le psychisme par le m´ecanisme de subversion libidinale.

1.3.2.2 Brusset, topique du lien

Brusset propose une clarification des concepts fondateurs de la m´etapsychologie des fonc- tions psychiques dans les cas non n´evrotiques. Il s’appuie sur la clinique du fonctionne- ment limite qui se caract´erise par « la fragilit´e de l’enveloppe narcissique et la d´ependance corr´elative vis-`a-vis des objets, et fondamentalement de l’objet primaire en de¸c`a de sa re- pr´esentation » (Brusset, 2013, p. 160). « L’exp´erience intrapsychique primitive ne peut se d´eployer en exp´erience intrapsychique qu’`a certaines conditions de repr´esentation et de symbolisation » (Brusset, 2006, p. 1218). Les fonctionnements psychiques d´ecrits par Freud se situent au-del`a de ces conditions qui restent silencieuses dans la n´evrose. Dans les situations limites se r´ev`elent les d´efaillances de ce premier mode de relation `a l’autre. La grande question apr`es Freud a ´et´e celles des rapports qu’entretiennent l’appareil psy- chique et l’objet externe. Ces rapports mettent en tension un mod`ele relationnel – qui a pu mettre en avant soit les ´ev`enements r´eels de l’enfance, soit la relation aux fantasmes dont la r´ealit´e est ni´ee – et de l’autre un mod`ele pulsionnel.

La topique de Brusset rend compte des mouvements centrip`etes et centrifuges de la sub- jectalisation et de l’objectalisation. Cahn, dans la suite de Winnicott d´ecrit l’origine de la position de sujet dans l’exp´erience d’omnipotence rendue possible par le holding maternel et dans sa mise en cause. L’utilisation de l’objet externe d´ement le fantasme de destruction de l’objet subjectif, interne :

la perception corrige la repr´esentation. S’il y a acc`es `a l’alt´erit´e de l’objet diff´eren- ci´e de soi comme autre sujet situ´e dans un cadre spatio-temporel ext´erieur et non comme un reflet, un double un support de r´eduplication projective il peut ˆetre utilis´e comme moyen sans remettre en cause le rapport ´economique, dynamique et topique du dualisme de la libido narcissique et objectale, donc sans angoisse. (Brusset, 2006, p. 1235)

L’utilisation de l’objet « atteste que l’objet interne n’a plus un pouvoir de capture nar- cissique, d’intrusion, de d´epossession de soi. On peut y voir l’effet de la n´egativation de l’imago primaire et double retournement, faisant place aux repr´esentations de la relation

d’objet et aux triangulations » (Brusset, 2013, p. 158). Le statut de l’objet n’est pas le mˆeme dans la logique primaire – « fantasme finalis´e par l’accomplissement hallucinatoire d’un souhait » – et secondaire – « prenant en compte l’espace, le temps de la r´ealit´e et de l’autre pour construire l’objet du d´esir » (Brusset, 2006, p. 1217). Freud a sous-estim´e le fondement de ce qui rend la relation transf´erentielle possible, le rˆole du psychisme de l’analyste mais au-del`a le rˆole de l’autre dans la construction de l’objet `a l’origine de la vie psychique (Brusset, 2006). Pour Brusset, « la psychopathologie de l’exp´erience du corps, lequel est `a la fois soi et ext´erieur `a soi, donne des illustrations cliniques concr`etes des rapports entre l’int´erieur et l’ext´erieur, le subjectif et l’objectif » (Brusset, 2006, p. 1219). L’id´ee qui a ´emerg´ee chez de nombreux auteurs ces derni`eres ann´ees est celle d’une topique externe, du clivage, interactive. . . le nom de troisi`eme topique permet selon Brusset de se situer dans la continuit´e de ce qui a ´et´e ´ebauch´e par Freud `a ce sujet concernant le rapport du moi et de la r´ealit´e externe : la th´eorie du narcissisme, le transfert, la projection, le d´eni, le clivage, et les identifications primaires. Dans la discussion du rapport de Brusset de 2006, Seabra Diniz ´ecrit « la pulsion s’organise dans le rapport avec l’objet. Sans ob- jet, il n’y a pas de pulsion. D’autre part, le concept de pulsion semble indispensable pour maintenir la liaison du psychisme au corps » (Seabra Diniz, 2006, p. 1286). Il pr´ecise le concept d’objet sous une forme qui semble ´eclairante pour la question du statut du fœtus comme objet :

l’objet a deux localisations, car il est interne, en tant qu’´el´ement constitutif de la pulsion, et externe, car la personne qui prodigue ses soins et met en œuvre la parti- cipation affective propre `a la situation satisfait la pulsion. D’un cˆot´e, donc, il y a la r´ealit´e psychique ; de l’autre, la repr´esentation de la r´ealit´e ext´erieure. Il faut tenir compte de ces deux plans diff´erents, qui sont le mode de la satisfaction sexuelle, avec toute la structure de la pulsion et la dynamique affective du lien `a l’objet. (Seabra Diniz, 2006, p. 1287)

1.3.2.3 Reid, topique transitionnelle

« On pourrait avancer le paradoxe suivant : la relation `a l’objet, externe ou interne, n’est jamais si pr´evalente que lorsque l’objet au sens d’un autre qui a sa propre r´ealit´e, n’est pas constitu´e, pas plus que ne l’est l’espace du Moi » (Pontalis, 1977, p. 221).

A l’inverse de Freud, Winnicott pense qu’il n’existe pas d’embl´ee un psychisme indivi- duel « mais plutˆot un ensemble individu/environnement. Certaines conditions sont n´eces- saires pour assurer le passage de cette unit´e duelle primitive `a l’unit´e individuelle, (. . . ) un travail psychique est n´ecessaire pour qu’advienne un psychisme individuel » (Reid, 2006, p. 1543). La th`ese de Reid est que « ce travail psychique constitue un enjeu du d´evelop- pement suffisamment important pour justifier l’introduction d’une troisi`eme topique, une troisi`eme th´eorie de l’appareil psychique dont les instances sont le soi et l’objet ». Cette troisi`eme topique devrait se situer selon lui au croisement des m´etapsychologies de Freud et de Winnicott, permettant ainsi d’englober les concepts de relation d’objet, de pulsion, d’emprise et de narcissisme.

pour effet de faciliter un certain travail de monadisation, l’ext´erieur – le hors psych´e – ne peut prendre place dans le fonctionnement psychique. Dans la mobilisation pul- sionnelle, la psych´e n’a pas acc`es `a l’ext´eriorit´e de l’objet de par l’´echec des processus transitionnels. (Reid, 2006, p. 1544)

Le travail d’individuation de la psych´e, de « monadisation », cr´ee une interface indivi- du/environnement, espace transitionnel « qui paradoxalement unit et s´epare simultan´ement l’individu et l’environnement » (Reid, 2006, p. 1544). Reid souligne donc l’importance de la monadologie freudienne si souvent d´ecri´ee, monadologie qui serait la capacit´e de faire advenir la psych´e `a l’´etat d’unit´e fonctionnelle, espace de transitionnalit´e. Il distingue en cela le monadisme du solipsisme freudien - « th´eorie selon laquelle il n’y aurait, pour le sujet pensant, d’autre r´ealit´e que lui-mˆeme » (Le Petit Robert).

Pulsion. Reid distingue deux mod`eles de la pulsion freudien et winnicotien : « pour Freud, la localisation interne de la source est n´ecessaire pour pour d´efinir le caract`ere pulsionnel d’une excitation, alors que pour Winnicott les instincts ne sont pas encore internes mais peuvent aussi ˆetre externes (grondement de tonnerre, claque. . . ). Pour Freud le but de la pulsion lui est intrins`eque, (vis´ee libidinale, d’autoconservation, de vie ou de mort) alors que pour Winnicott le but du mouvement pulsionnel est d´etermin´e par la r´eponse de l’ob- jet » (Reid, 2006, p. 1545) (exemple de l’enfant qui saute sur les genoux de sa m`ere : « il est plein de vie » vs « arrˆete tu vas faire mal `a maman »).

L’hallucinatoire. Pour Winnicott l’omnipotence est le premier principe r´egulateur de la psych´e. Il renoue ainsi avec le tournant freudien de 1897 et la d´ecouverte de l’hallucina- toire. « C’est la r´eussite du trouv´e/cr´e´e qui permettra l’arrimage de l’omnipotence et de la r´ealit´e ext´erieure dans ce qui devient d´esormais l’exp´erience de l’omnipotence ». Ce- pendant, contrairement `a la distinction faite par Freud entre satisfaction hallucinatoire et satisfaction r´eelle, pour Winnicott, « dans l’exp´erience de l’omnipotence, la satisfaction est `

a la fois hallucinatoire et r´eelle. D’o`u le rˆole de l’objet externe dans l’exp´erience d’omni- potence qui exige d’avantage que la simple satisfaction de la pulsion d’autoconservation » (Reid, 2006) . Green (1993) ´enonce `a ce sujet la n´ecessit´e du plaisir partag´e avec l’objet permettant « la mise en relation du plaisir de la zone ´erog`ene avec la r´eflexion projet´ee de ce plaisir sur l’objet ». La r´eponse de l’objet n´ecessitant alors de ne pas ˆetre trop ´eloign´ee de cette projection.

Emprise. Reprenant le fil de la th´eorie de Denis, Reid la met en lien avec l’espace tran- sitionnel : « au commencement est la dyade ; au commencement est l’emprise dyadique, une vis´ee de contrˆole omnipotent, une emprise d’autant plus forte que paradoxalement, au moment du narcissisme primaire, mod`ele Winnicott [m`ere `a la fois absente et pr´e- sente], l’objet n’existe pas comme entit´e propre dans l’exp´erience de l’individu » ; « l’´echec de la n´egativation de l’hallucinatoire, et cons´equemment l’´echec de la transitionnalit´e, a pour cons´equence de fixer l’individu dans un r´egime dyadique de l’emprise » (Reid, 2006, p. 1551). « A contrario, dans la r´eussite de la n´egativation de l’hallucinatoire, s’installe une emprise monadique sous l’´egide non plus de la toute-puissance, mais plutˆot d’un cer- tain pouvoir qui se partage », se retrouvent ainsi, reli´es `a l’hallucinatoire les deux modalit´es d’emprises d´ecrites plus haut (voir Chapitre 1.3.1.2).

dans la relation, d´ecrit essentiellement une modalit´e de lien ; il constitue d`es lors naturelle- ment une passerelle entre le mod`ele de la relation d’objet et le mod`ele pulsionnel de Freud. En ce sens, Andr´e Green, cit´e par Brusset (2005) souligne comment ”l’´etude des relations est celle des liens plutˆot que des termes unis par ces liens” » (Reid, 2006, p. 1552). Le lien. Reid pose la question de la transitionnalit´e comme une nouvelle modalit´e de lien (puisqu’elle repr´esente une nouvelle modalit´e d’investissement de l’objet, et non l’in- vestissement d’un nouvel objet). Winnicott y r´epond par la positive et dit mˆeme que la transitionnalit´e est la seule modalit´e possible de lien v´eritable avec l’objet.

L’espace carrefour. Le croisement des m´etapsychologies freudienne et winnicotienne, « m´etapsychologie des espaces : espace psychique du dedans, espace psychique du dehors et espace interm´ediaire. Cette m´etapsychologie doit ˆetre `a la fois diff´erenci´ee et articul´ee `

a une m´etapsychologie classique de l’objet » (Reid, 2006, p. 1555). Par cette lecture, le fantasme « se pr´esente maintenant ´egalement comme un contenant, un espace » et non plus seulement un contenu psychique. Le trauma psychique « constitue un ph´enom`ene hors psych´e qui, de par sa vis´ee effractive, risque de faire surgir ou resurgir le potentiel trauma- tique inh´erent au fonctionnement psychique : en effet, de par le maintien ou la r´esurgence de la primaut´e de l’hallucinatoire, la psych´e ne peut faire usage de sa capacit´e ´elaborative ; elle ne peut op´erer sur le mode d’une unit´e individuelle. Nous sommes en pr´esence de l’actualisation du traumatique » (Reid, 2006, p. 1555).

1.3.2.4 Missonnier, Relation d’Objet Virtuelle

Missonnier, se situe de fa¸con originale dans le questionnement de la constitution du lien biopsychique qui s’´etablit en pr´enatal entre les « devenant parents » et « l’enfant du dedans (l’embryon/fœtus des professionnels) » (Missonnier et al., 2004) en s’interrogeant « sur l’objet du fœtus et sur le fœtus comme objet » (Missonnier, 2009, p. 158). Apr`es le pro- cessus de diff´erenciation (Pines), d’Objectalisation (Bydlowski et Golse, 2001), Missonnier d´ecrit un processus « dynamique et adaptatif d’humanisation du fœtus » (Missonnier, 2009, p. 171). Il propose le concept de Relation d’Objet Virtuelle (ROV), relation sp´ecifique par sa r´eciprocit´e entre le fœtus et l’environnement, « sa trajectoire transformationnelle intra et inter(proto)subjective, le caract`ere virtuel de son objet, et, dans la filiation des relations d’objet orale, anale, g´enitale, son site ut´ero-placentaire » (Missonnier, 2009, p. 171). Mis- sonnier part d’abord de la conception du narcissisme de Grunberger, et en particulier ce qui concerne l’´etat ´elationnel pr´enatal. En effet, pour Grunberger le support biologique des pulsions est constitu´e d’´el´ements formateurs du futur moi. Chez le fœtus, ces ´el´ements repr´esentent un « fonds instinctuel primitif indiff´erenci´e et aconflictuel » qui contient en germe la pulsion sexuelle (dont la prolif´eration cellulaire traduit l’activit´e), et l’agressivit´e au service des int´erˆets du moi (dont le m´etabolisme fœtal parasitaire utilisant la substance maternelle est une illustration). Cependant, bien qu’il enracine son propos dans la des- cription nostalgique de l’homme pour le pr´enatal de Grunberger, Missonnier s’en ´eloigne ensuite en s’appuyant sur les th´eories l’intersubjectivit´e primaire (Trevarthen, 2003), et en inculpant la th´eorie du narcissisme matriciel de « voile projectif » dˆu `a la « force de l’interdit et de l’inqui´etante ´etranget´e qui culpabilisent le psychanalyste sp´el´eologue » (Mis- sonnier, 2009, p. 160-161).

Du cˆot´e maternel, afin de d´epasser la vision photographique, statique, d’un fœtus fig´e entre le soi et le non-soi, la ROV propose une vision « cin´ematographique, dynamique d’un investissement parental ´evolutif » (Missonnier, 2009, p. 163). Mais la ROV est aussi `a com- prendre dans l’´evolution psychique de l’individu, dont l’´etat embryo-fœtal est le premier stade. Elle plaide en faveur d’une reconnaissance de l’orientation « (proto)intersubjective primaire vers l’autre virtuel » (Missonnier, 2009, p. 173) du fœtus/b´eb´e constituant ainsi son alt´erit´e humaine en devenir. C’est d’ailleurs sur la comm´emoration du v´ecu de leur propre ROV fœtale que s’appuient les parents pour constituer le lien (proto)intersubjectif `

a leur fœtus/b´eb´e : « les devenants parents contenants font face `a la r´eactivation de leur propres v´ecus d’ex embryon/fœtus contenu » (Missonnier, 2009, p. 186). Au sein de cette re- lation d’objet virtuelle, le processus va « d’un investissement narcissique extrˆeme (qui tend `

a un degr´e z´ero de l’objectal) `a l’´emergence progressive d’un investissement (pr´e)objectal » (Missonnier, 2009, p. 173).

Missonnier a d’abord ´ecrit relation d’objet virtuel (2004) puis l’a corrig´e par virtuelle (2009). Tisseron remarque la confusion et propose une approche diff´erente consid´erant la relation d’objet virtuel « comme un temps normal de toute relation, compl´ementairement `

a la relation d’objet actuel » (Tisseron, 2014, p. 23). La relation d’objet virtuelle est quant `

a elle r´eserv´ee `a une relation virtuelle `a un objet (rvo), c’est `a dire qui ne prend pas en compte l’actuel de l’objet. Cependant, cette deuxi`eme d´efinition ne prend plus en compte le d’ de la relation d’ objet psychanalytique qui marque justement l’importance de l’in- terrelation entre le sujet et l’objet (Laplanche & Pontalis, 1967b). Tisseron ne situe pas la conception du virtuel sous le mˆeme angle que Missonnier. Souhaitant une « r´ebellion conceptuelle » contre l’id´ee d’un fœtus consid´er´e uniquement comme une extension nar- cissique de ses parents ce dernier a, semble-t-il, d’abord mis l’accent sur le fœtus comme objet virtuel, se situant alors entre objet partiel et objet total. Jusque-l`a, le fœtus avait ´et´e consid´er´e comme un pur objet interne, venant solliciter la pulsionnalit´e maternelle mais jamais on ne s’´etait int´eress´e aux effets de l’intersubjectivit´e fœto-mater-paternelle. C’est l`a que se situe justement la relation d’objet virtuelle. Elle se place dans une relation `

a la fois actuelle mais en insistant surtout sur ce que tout ce que cette relation actuelle contient de virtuel pour chacun des deux (trois) acteurs. Par Relation d’Objet Virtuelle, Missonnier met l’accent sur l’interrelation et non plus sur l’objet. Ce choix grammatical insiste finalement sur la volont´e de Missonnier de se placer dans le cadre d’une troisi`eme topique prenant en compte `a la fois l’intrapsychique du fœtus/b´eb´e, de ses parents et leur intersubjectivit´e dans une perspective dynamique.

Le deuil pr´enatal

2.1

Le deuil

Le deuil fait partie des ´ev`enements de vie auquel chaque ˆetre humain est confront´e. Nous pourrions en effet commencer par rappeler l’importance de l’´etude des s´epultures et des rites fun´eraires pour comprendre les cultures humaines qui nous ont pr´ec´ed´es. Le fait d’en- terrer ses morts est marqueur d’une conscience de l’importance de l’autre et de sa perte pour le groupe ; c’est ce que les anthropologues nomment la « coh´esion du groupe cultu- rel ». La conscience de cette perte s’accompagne d’une forte souffrance. Le mot deuil vient ´etymologiquement du mot dolore, douleur. Dans le dictionnaire de la langue fran¸caise (Pe- tit Larousse), le deuil nomme `a la fois la perte de quelqu’un, la tristesse qui accompagne