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Les auteurs ayant abord´e la honte et la culpabilit´e en d´eclinent plusieurs formes. D’un point de vue du d´eveloppement, la honte et la culpabilit´e ont diff´erents stades et peuvent se d´ecliner, `a l’image du parcours de l’affect, en terme de primaire et secondaire. En fonction du degr´e d’intensit´e ils distinguent aussi la honte et la culpabilit´e « signal d’alarme » et « ´eprouv´ees », selon qu’elles prot`egent le sujet en se manifestant a minima ou que le d´ebordement a eu lieu.

3.3.1 Honte signal d’alarme/honte ´eprouv´ee

Honte « signal d’alarme ». Plusieurs auteurs ont distingu´e une forme de honte, res- sentie comme en sourdine, qui aurait un rˆole protecteur, soit du narcissisme, soit de la marginalisation. Tisseron met en lien la « honte-signal » avec ce qu’il consid`ere comme le risque majeur de la honte, la marginalisation, la d´eshumanisation. La honte-signal est ce qui est ressentie quand « le divorce d’avec l’humain n’est pas encore consomm´e » (Tis- seron, 2012, p. 40). Elle avertit et peut ˆetre le point de d´epart de r´eam´enagements de la personnalit´e ou empˆecher de faire des actions qui marginaliseraient : « ce serait la honte ». Elle est nomm´ee aussi « honte r´eactive » par De Gaulejac et se d´eploie lorsque le regard de l’autre met le sujet en situation d’indignit´e. Le sujet peut alors se mobiliser pour res- taurer son image : « l’humiliation est v´ecue comme une agression que le sujet va chercher `

a ext´erioriser sous forme de rage, de haine, de col`ere, de revanche ou d’ambition » (De Gaulejac, 1996, p. 71). Pour Ciccone & Ferrant, la honte « signal d’alarme », prot`ege le narcissisme du sujet. « Le d´eclenchement [de la honte signal d’alarme], devant une situa- tion potentiellement blessante, averti avant-coup le sujet du danger narcissique encouru. Elle pr´eserve ainsi l’int´egrit´e du moi qui d´eclenche les syst`emes de sauvegarde narcissique et objectale propres `a r´etablir son ´equilibre » (Ciccone & Ferrant, 2009, p. 62). Ces auteurs signalement que la honte « signal d’alarme » ne peut fonctionner que lorsque le psychisme est « souple », sans surcharge ´emotionnelle, et n’est donc pas possible dans les situations traumatiques. Cette forme de honte rejoint la « honte r´eactive » de De Gaulejac, elle « in- dique au sujet qu’il lui faut r´eagir face `a une situation qui le “prend en d´efaut”. Lorsque le regard d’autrui le met en flagrant d´elit d’indignit´e, il se mobilise pour restaurer son image, pour prouver `a autrui qu’il n’est pas aussi indigne et m´eprisable » (De Gaulejac, 1996, p. 71).

Honte ´eprouv´ee. La honte int´erioris´ee, `a la diff´erence de la honte r´eactive (De Gau- lejac, 1996) est une « honte durable qui vient s’enkyster dans l’appareil psychique en d´e- truisant de l’int´erieur toute possibilit´e de r´eaction » (De Gaulejac, 1996, p. 71). Cela se produit lorsque l’ext´eriorisation de l’agressivit´e est impossible au moment de l’attaque, soit que l’agresseur est inattaquable soit que le d´esir de le d´etruire s’oppose `a des n´ecessit´es contraires. Elle montre une effraction : « la honte est la preuve que cette agression a r´eus- sie, avec les formes d’effraction qui la caract´erisent » (Tisseron, 1992, p. XV). Cette honte fait r´ef´erence et active les traces de l’apprentissage de la propret´e, de moments de disqua- lification, elle « renvoie `a l’´echec du contrˆole anal » (Ciccone & Ferrant, 2009, p. 63). Elle survient lorsque la honte signal a ´echou´e `a prot´eger le sujet, soit du fait de sa propre d´e- faillance, soit de l’intensit´e de la conjoncture. Elle produit des situations diverses pouvant se distinguer par d’un cˆot´e leur puissance d´esorganisatrice dans l’´economie psychique et de l’autre par une r´egression marqu´ee par l’´echec, la disqualification ou le d´eni. Concernant la d´esorganisation de l’´economie psychique, la honte ´eprouv´ee peut toucher sans d´eborder le sujet. Cette honte pourra alors alimenter et renforcer la honte signal d’alarme. C’est le cas lorsqu’il y a un d´evoilement du sujet sans disqualification s´erieuse. Elle peut aussi d´eborder et d´esorganiser lorsqu’il y a une disqualification du sujet, un d´evoilement plus blessant, une situation de passivation. Cette d´esorganisation sera encore plus intense lorsque se pro-

duit un d´eni du sujet, une confusion des zones, empˆechant l’analit´e d’assurer sa fonction organisatrice.

Ces diff´erents effets sont li´es `a la violence de l’impact mais aussi `a la plus ou moins grande souplesse de l’´economie psychique pr´ealable. Lorsque l’intensit´e de la situa- tion source de honte rencontre des modalit´es de r´egulation narcissique d´efaillantes, le bouleversement v´ecu par le sujet est beaucoup plus violent et d´el´et`ere que dans les situations o`u ces r´egulations sont relativement souples. (Ciccone & Ferrant, 2009, p. 67)

3.3.2 Culpabilit´e signal d’alarme/culpabilit´e ´eprouv´ee

Culpabilit´e signal d’alarme.

Il revient au surmoi de rep´erer l’´emergence d’un sentiment angoissant de culpabilit´e qui prend valeur d’un signal envoy´e au moi : celui-ci peut alors mettre en œuvre des m´ecanismes de d´efense ´evitant la survenue de danger plus grands. Aussi, mˆeme critique, le surmoi prot`ege le moi. (Schaffer, 1960, dans Frejaville, 1995)

Dans les situations traumatiques les personnes se sentent abandonn´ees par la providence qui est en fait une externalisation du surmoi. Le sentiment d’ˆetre prot´eg´e par un surmoi bienveillant (ou la providence) diminue le potentiel traumatique d’un ´ev´enement, le moi est plus fort grˆace au surmoi bienveillant. La culpabilit´e signal d’alarme « indique au moi une situation de danger externe ou interne, une menace qui rappelle une conflictualit´e ant´erieure, d´ej`a connue, et qui a ´et´e g´en´eratrice d’un sentiment pleinement ´eprouv´e de culpabilit´e » (Ciccone & Ferrant, 2009, p.73). C’est cette culpabilit´e signal d’alarme qui permet `a l’enfant de se d´egager des conflictualit´es œdipiennes.

Culpabilit´e ´eprouv´ee.

La culpabilit´e ´eprouv´ee envahit et peut aussi d´eborder le moi. Elle est li´ee `a des situations traumatiques actuelles qui font revivre des culpabilit´es anciennes, conscientes ou incons- cientes (Ciccone & Ferrant, 2009). La personne se sent fautive de ce qui s’est pass´e et peut ˆetre envahie par cette culpabilit´e.

3.3.3 Honte primaire et culpabilit´e primaire

Guillaumin distingue une culpabilit´e primitive d’une culpabilit´e g´enitale : « L’acc`es de culpabilit´e primitive se caract´erise par rapport `a l’acc`es de culpabilit´e g´enitale par une ten- dance `a d´et´eriorer tr`es vite la relation narcissique entre le moi et l’objet » (Guillaumin, 1973, p. 995). C’est la culpabilit´e qui se situe `a un niveau de d´eveloppement o`u les ins- tances ne sont pas encore suffisamment diff´erenci´ees. Il rapproche la culpabilit´e primitive de la honte, puisque les deux entretiennent des rapports avec le narcissisme du sujet. Ce- pendant la culpabilit´e primitive met en cause les lois ´edict´ees du dehors qui s’imposent ensuite au-dedans du sujet. Loi arbitraire mais n´ecessaire pour ˆetre aim´e de l’objet. Dans la honte il n’y a pas ce rapport dehors puis dedans, ¸ca se joue d’embl´ee au-dedans, la r´ealit´e int´erieure est appr´ehend´ee du dedans comme mauvaise et le regard d´egout´e de l’autre ne fait qu’affirmer cet ´etat.

culpabilit´e. Le premier type est une culpabilit´e secondaire, due `a l’ambivalence propre `a la position d´epressive ou `a la conflictualit´e œdipienne, elle concerne l’exp´erience de menacer un bon objet (je t’aime, mais je suis d´ependant, donc je te hais, ma haine risque de te d´etruire), elle est consciente. Le second type concerne l’exp´erience de cr´eer un mauvais objet. Cette culpabilit´e est primaire, elle se situe lorsque l’environnement n’est pas encore consid´er´e comme distinct du sujet lui-mˆeme, elle est inconsciente. Le mauvais du dehors, lorsque l’environnement n’est pas suffisamment adapt´e aux besoins du b´eb´e, deviens mau- vais dedans. Ils en arrivent ´egalement `a la conclusion que la culpabilit´e primaire et la honte primaire sont peu diff´erenciables, « nous avons affaire `a un affect mˆel´e » (Ciccone & Ferrant, 2009, p.75)

3.4

Destin et travail psychique de la honte et de la culpabi-