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3.4 Destin et travail psychique de la honte et de la culpabilit´ e

3.4.3 Honte, culpabilit´ e et d´ epression

Les liens qu’entretiennent la honte et le narcissisme am`enent `a se poser la question de la d´epression et de la m´elancolie.

Sur fond d’atteinte narcissique, la r´epartition des manifestations de la honte et de la culpabilit´e permet de rendre compte tant des diff´erentes formes du deuil, plus ou moins pathologiques, que des multiples tableaux de d´epression et de conserver `a la m´elancolie sa particularit´e et sa sp´ecificit´e. (Asseo, 2003, p. 1552)

Guillaumin (1973), distingue la honte de la d´epression par le degr´e de diff´erenciation entre le moi et l’id´eal du moi.

La cassure d´epressive r´esulte d’une atteinte port´ee `a un id´eal encore tr`es symbios´e avec le moi et avec l’objet et tr`es diffluent. (. . . ) Dans l’acc`es de honte au contraire, la d´ecompensation narcissique concerne une relation d’une part plus fonctionnelle, plus sp´ecialis´ee, d’autre part plus sectoris´ee avec l’id´eal du moi. (Guillaumin, 1973, p.991)

Selon lui, la honte signal d’alarme serait une zone protectrice entre la culpabilit´e primitive et la d´epression. La culpabilit´e primitive qui est v´ecue `a un niveau o`u l’´emergence d’un tiers n’est pas encore claire peut verser tr`es rapidement dans la d´epression. La sommation des exp´eriences de honte ou la diffusion plus large d’un choc unique fait passer de la honte `

a la d´epression, en fonction du niveau d’´elaboration atteint par le narcissisme de l’individu. La honte correspond `a une amorce de r´egression vers l’organisation psychique pr´e- g´enitale au sein d’une organisation g´enitale dominante dont l’affect narcissique n´e- gatif caract´eristique est la culpabilit´e œdipienne. (. . . ) La honte se d´ecompense en d´epression si le versant pr´eg´enital est le plus fort, et d’autant plus facilement que l’id´ealisation d´efensive est plus pouss´ee.(Guillaumin, 1973, p.1003)

Il y aurait, en quelque sorte, une « zone de honte » qui serait protectrice. « On entrevoit alors l’opposition qu’il pourrait y avoir entre la « zone de honte » protectrice, qui n’est pas sans rapport avec la honte-signal d’alarme, d´ej`a ´evoqu´ee, et la honte d´evastatrice, celle de l’«au-del`a de la honte», de l’ « ´ehont´e » » (Janin, 2003, p. 1671). Lorsque Freud ´enonce l’absence de honte de la m´elancolie il semblerait qu’on soit en r´ealit´e du cˆot´e de l’au-del`a de la honte.

Il manque la honte devant les autres, qui avant tout caract´eriserait ce dernie ´etat, ou du moins elle n’apparaˆıt pas de fa¸con frappante. On pourrait presque mettre en relief chez le m´elancolique le trait contraire,une expansivit´e importune qui trouve satisfaction dans sa propre mise `a nu. » (Freud, 1915a, p. 267).

litt´erature

Notre question de d´epart pour cette recherche ´etait : quel est l’impact d’une IMG sur la grossesse suivante et sur la relation avec l’enfant puˆın´e ? Au moment d’aborder ce question- nement, deux autres interrogations ont surgi. Qu’en est-il du processus d’objectalisation de l’enfant `a naˆıtre lorsque la grossesse s’interrompt mais que « l’enfant » d´efunt n’est plus `a mˆeme de contenir les identifications projectives parentales ? Quel impact le prise de d´ecision, sp´ecifique `a l’IMG, a-t-telle sur le processus de deuil ?

Afin de mieux saisir les enjeux et les points aveugles autour de ces questions nous avons abord´e la revue de la litt´erature en trois chapitres : 1. La grossesse, le fœtus, et le b´eb´e ; 2. Le deuil pr´enatal ; 3. Honte et culpabilit´e. La plupart des travaux sur le deuil pr´enatal ´etant en psychologie de la sant´e ou en psychiatrie, il nous a sembl´e important de laisser la place `a une possible compl´ementarit´e entre les approches ´epist´emologiques. Le r´ef´erentiel principal de cet ´etat de l’art est n´eanmoins la m´etapsychologie. Nous proposons ici au lec- teur une synth`ese critique de cette revue de la litt´erature afin d’aboutir `a la probl´ematique et `a nos hypoth`eses de travail.

Statut du fœtus/b´eb´e

En 1925, Freud ´ecrit que l’´epreuve de r´ealit´e se fonde sur la distinction entre les percep- tions internes et les perceptions externes. Une repr´esentation peut ˆetre consid´er´ee comme r´eelle quand son objet se retrouve dans le monde ext´erieur. « Ce qui est non r´eel, subjectif, de l’ordre de la pure repr´esentation, est seulement interne ; ce qui est r´eel est ´egalement l`a, au-dehors » (Freud, 1925, p. 137). La repr´esentation que la m`ere a de son fœtus/b´eb´e est au croisement de cette d´efinition et c’est l`a que se constitue la difficult´e du statut de ce dernier. Si les repr´esentations sont envers le b´eb´e n´e, alors l’objet n’existe pas et l’on peut parler de repr´esentations subjectives, internes, mais qui s’´etayent sur un possible actuel, nous pourrions alors parler `a l’instar de Missonnier de repr´esentations virtuelles du b´eb´e `

a venir. Si en revanche elles portent sur le fœtus, il a sa correspondante sensorielle, pro- prioceptive, r´eelle, mais l’int´erieur du ventre de la m`ere peut-il ˆetre pens´e par elle comme le monde ext´erieur, le « au-dehors » ? Le statut du fœtus/b´eb´e est triplement complexe. Entre humain et non humain sur le plan l´egal. Il apparaˆıt que plus la grossesse avance dans le temps, plus le statut du fœtus en tant qu’humain en devenir se pr´ecise sur le plan l´egal. `A partir du 2`eme trimestre de la grossesse la femme ne peut plus d´ecider seule de la poursuite ou non de la fabrication en son corps d’un membre de la communaut´e

humaine. Il adviendra et devra ˆetre accueilli, par sa m`ere ou des substituts. En revanche, s’il pr´esente un handicap ou une malformation son avenir est `a nouveau interrog´e. Les professionnels, repr´esentants de la soci´et´e, d´ecident selon la gravit´e et la curabilit´e de la pathologie si ce fœtus vivra ou non : si l’atteinte n’est pas jug´ee « d’une particuli`ere gra- vit´e », ou est r´eparable, l’IMG est refus´ee et la grossesse se poursuit ; grave ou irr´eparable l’interruption est accept´ee et le statut du fœtus devient de nouveau pr´ecaire. Il appar- tient alors aux parents, et surtout `a la m`ere, puisque c’est elle seule qui signe la demande d’IMG, de d´ecider de son avenir imm´ediat. L’IMG vient alors questionner au plus profond le sens du statut humain. Ce dernier est fr´equemment consid´er´e comme ´etant acquis ou non acquis. Or, dans cette clinique du paradoxe, il a `a ˆetre envisag´e comme une variable, synonyme de pr´ecarit´e ontologique (Missonnier, 2011a) mettant `a l’´epreuve les repr´esen- tations individuelles et collectives.

Objet perceptible mais non directement visible dans la r´ealit´e mat´erielle. `A partir de 4 mois de grossesse la femme, et peu de temps apr`es, son entourage intime et professionnel, peuvent sentir le b´eb´e bouger. La perception des mouvements fœtaux consti- tue une ´etape fondamentale dans l’acc`es `a la pens´ee de l’alt´erit´e du fœtus et d’un possible lien avec celui-ci, c’est que nous nommerons le processus de diff´erenciation. En revanche, il ne peut ˆetre vu directement, si ce n’est au travers des images ´echographiques, qui n’en sont en r´ealit´e qu’une image de r´ealit´e virtuelle sur ´ecran. L’importance du regard dans l’acc`es `a la connaissance a ´et´e bien montr´ee, mais l’a ´et´e aussi l’importance de ce qui n’est pas vu dans la construction du monde fantasmatique et du d´eveloppement psychosexuel. Le fait de sentir le fœtus en fait un objet possiblement ressenti comme diff´erent, avec une certaine ind´ependance et poss´edant des membres du corps humain, mais il est aussi objet de plus de fantasmes puisqu’il ne peut pas ˆetre vu.

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A la fois prolongement narcissique et objet interne – partiel et potentiellement total dans la r´ealit´e psychique. Le fœtus a ´et´e initialement consid´er´e par de nombreux auteurs comme un objet conceptualisable uniquement sous l’angle d’un prolongement nar- cissique de la m`ere. Pr´ecisons que lorsque nous parlons d’investissement narcissique du b´eb´e ce n’est pas en faisant uniquement r´ef´erence `a la c´el`ebre formule freudienne de « His majesty the baby », mais au regard de la libido narcissique investie sur le b´eb´e en tant qu’il est un objet interne introject´e dans le Moi. Inaccessible dans sa virtualit´e d’autre humain il est uniquement un objet interne. Il est mˆeme l’objet interne, par excellence, donnant l’occasion `a la femme, par sa pr´esence, de r´e´elaborer un certain nombre de relations ob- jectales intrapsychiques. Il est objet d’un certain nombre de pulsions partielles (r´etention, expulsion, agression. . . ). Pourtant, Deutsch avait d´ej`a mis en avant le caract`ere externe et g´enitalis´e de la relation d’objet au fœtus/b´eb´e.

Bydlowski et Golse (2001) ont mis en exergue un processus d’objectalisation d´efinit comme le processus d’investissement progressif allant de l’investissement narcissique `a l’investis- sement du fœtus/b´eb´e en tant qu’objet. Les auteurs proposent, `a l’instar de l’image freu- dienne d’une balance entre investissement narcissique et investissement d’objet, l’id´ee que l’investissement narcissique du d´ebut de la grossesse serait mis de cˆot´e chemin faisant, au profit de l’investissement objectal du b´eb´e. Il est important de rappeler ici la th`ese de Grunberger qui contredit ce point th´eorique chez Freud en postulant l’existence d’un

narcissisme ind´ependant et qui, surtout, ne s’amenuise pas lorsque l’investissement d’ob- jet augmente. Dans cette optique, il nous apparaˆıt que les investissements narcissiques, nombreux et puissants de la grossesse, se font, comme nous l’avons vu, non seulement au profit de l’investissement objectal du b´eb´e mais qu’ils sont une base qui se constitue au d´ebut de la grossesse et qui se maintient et mˆeme s’´etoffe au fil de la gestation et apr`es la naissance.

Grˆace aux apports des th´eories de l’intersubjectivit´e, Missonnier a pu quant `a lui mettre l’accent sur les effets de l’intersubjectivit´e fœto-materno-paternelle. C’est dans cet entre- croisement mutuel que se situe la relation d’objet virtuelle. Elle se place dans une relation `

a la fois actuelle mais en insistant surtout sur ce qui de cette relation en temps r´eel contient de virtuel pour chacun des trois acteurs. Par Relation d’Objet Virtuelle, Missonnier met l’accent sur l’interrelation en devenir et non plus uniquement sur l’objet.

Cet extrˆeme paradoxe du statut socio-psychique du fœtus en tant que tel constitue a for- tiori un d´efi majeur du travail du deuil pr´enatal. Selon le contexte culturel et les choix singuliers, maternels, paternels et conjugaux face `a ces possibles, les pratiques autours de sa mort seront diff´erentes et aboutiront `a des processus de deuil contrast´es.

Honte et culpabilit´e

Dans le cas particulier d’une IMG, l’exp´erience clinique nous invite en effet, `a envisager deux aspects fondamentaux. D’un cˆot´e, la d´ecision prise par la m`ere avec le choix qui s’impose `a elle d’interrompre ou non la grossesse – et par l`a la vie du fœtus/b´eb´e – interroge d’embl´ee ses ´eventuelles traces actualis´ees de culpabilit´e. De l’autre, ˆetre enceinte d’un fœtus porteur d’une pathologie grave repr´esente pour la femme une blessure narcissique renvoyant au concept de honte.

La culpabilit´e.

Pour Freud, la conscience morale est une des fonctions du Surmoi, celle de surveiller, de juger les actions et les vis´ees du Moi et de le censurer. Le sentiment de culpabilit´e est, quant `a lui, une perception du Moi « de la surveillance `a laquelle celui-ci est ainsi soumis, il est l’´el´evation de la tension entre les tendances du moi et les exigences du surmoi, et l’angoisse devant cette instance critique qui est `a la base de toute la relation » (Freud, 1930, p. 79). Ainsi, si la conscience morale n’existe pas avant l’apparition du surmoi, le sentiment de culpabilit´e lui est ant´erieur. Il est l’expression de la tension entre le moi et l’autorit´e externe, elle est « le rejeton direct du conflit entre le besoin d’ˆetre aim´e par cette autorit´e et cette pouss´ee vers la satisfaction pulsionnelle dont l’inhibition engendre le penchant `a l’agression » (Freud, 1930, p. 80). L’´emergence de la culpabilit´e est donc l’expression du conflit d’ambivalence. Si l’ambivalence est int´egr´ee la culpabilit´e peut ˆetre temp´er´ee et structurante.

La culpabilit´e maturative « signale un contact r´ealiste avec le monde, une reconnaissance de la r´ealit´e et de l’alt´erit´e. Elle est tributaire et t´emoin du travail de subjectivation, d’ap- propriation subjectivante des exp´eriences » (Ciccone & Ferrant, 2009, p. 25) et, pourrions- nous ajouter, de l’acc`es `a l’ambivalence. Il y a `a l’inverse une culpabilit´e envahissante,

s´ev`ere, qui ne laisse pas place `a la subjectivation.

La honte.

Elle concerne directement le lien `a l’autre, et de mani`ere pr´ecoce le cramponnement `a la m`ere. Le conflit avec l’id´eal du moi pr´esent dans la honte r´ev`ele l’importance de la fonction de lien de cette instance. Le narcissisme contient `a la fois l’estime de soi mais aussi le regard de l’autre sur soi. La honte peut ˆetre la crainte de l’exclusion du groupe ou apparaˆıtre comme cons´equence de l’exclusion. Guillaumin d´ecrit un processus au cours duquel il y a d’abord une exhibition d’un objet partiel phallique id´ealis´e, dont le moi tire gloire par litote. Puis a lieu une d´ecompensation avec le regard d´egout´e des autres (de mani`ere projective) sur cet objet. S’ensuit alors le renversement d’actif en passif et d’avant en arri`ere, avec l’introjection anale de l’objet partiel qui n’est plus brandi `a l’ext´erieur mais comme incrust´e de fa¸con plus ou moins ind´el´ebile dans le moi, ainsi condamn´e `a le subir et `a en craindre les effets contagieux. Elle tire son origine de disqualification pr´ecoces de l’enfant dans son ˆetre et du sentiment de passivation qui se produit lorsque l’enfant n’est pas « habill´e » psychiquement par le regard de ses parents. La honte laisse voir ce qui ne devrait pas ˆetre vu, du corps mais de tout ce qui fait d´efaut, tout ce qui rappelle qu’on ne m´erite pas l’amour de ses parents. Il peut y avoir une honte partielle, concernant par exemple une partie du corps, un d´efaut. Il y a aussi une honte fondamentale, existentielle, ontologique. « L’ˆetre a honte de n’ˆetre pas qu’une ˆame, une ˆame `a la hauteur de ses id´eaux de puret´e et de beaut´e. C’est le corps – sa mat´erialit´e, ses besoins – qui vient troubler l’ordre de l’id´eal, qui fait irruption (la sexualit´e par exemple, mais l’exemple est la chose mˆeme) pour d´evoiler une insuffisance voire une imposture, une illusion th´eologique ou m´etaphysique » (Goldberg, 1985, p. 66-67). Dans la grossesse cette dichotomie est pr´esente. La femme, renforc´ee dans cet id´eal ontologique de cr´eation d’un ˆetre pur peut avoir honte d’ˆetre enceinte et de le montrer quand l’illusion est bris´ee. La honte ontologique peut par extension concerner l’´eloignement d’avec l’humain (Primo Levi).

Dans la honte comme dans la culpabilit´e, peuvent ˆetre distingu´ees des formes qui diff`erent selon leur degr´e d’intensit´e. Si la honte et la culpabilit´e signal d’alarme avertissent le moi du danger encouru et lui permettent soit de l’´eviter soir d’y r´eagir ; la honte et la culpabilit´e ´eprouv´ees peuvent ˆetre envahissantes et d´esorganisantes, et avoir des cons´equences plus ´etendues sur la vie psychique du sujet.

Ces diff´erents effets sont li´es `a la violence de l’impact mais aussi `a la plus ou moins grande souplesse de l’´economie psychique pr´ealable. Lorsque l’intensit´e de la situa- tion source de honte rencontre des modalit´es de r´egulation narcissique d´efaillantes, le bouleversement v´ecu par le sujet est beaucoup plus violent et d´el´et`ere que dans les situations o`u ces r´egulations sont relativement souples (Ciccone & Ferrant, 2009, p. 67).

Honte et culpabilit´e, affects, v´ecus, sentiments ?

La qualification de la honte et de la culpabilit´e est probl´ematique. Le sentiment de culpa- bilit´e est d’abord apparu dans la th´eorie freudienne dans la description de la n´evrose obsessionnelle. Il correspond `a la lutte interne du sujet contre des id´ees obs´edantes qui lui

semblent r´epr´ehensibles. Les mesures de protections contre ces id´ees, dont la nature r´eelle reste inconsciente, sont accompagn´ees de honte chez le sujet. Dans « Deuil et m´elancolie » puis dans « Le moi et le ¸ca », Freud fait du sentiment de culpabilit´e un conflit topique entre le moi et le surmoi, conflit qui est, par nature, inconscient. S’il reconnaˆıt la difficult´e `

a parler d’un « sentiment inconscient de culpabilit´e » il ne parvient pas `a y apporter une r´eponse m´etapsychologique. Concernant la honte, il note dans « Deuil et m´elancolie » qu’elle n’apparaˆıt pas « ou du moins pas de mani`ere frappante » chez le m´elancolique (Freud, 1915a, p. 267). Il donne ainsi l’indication que la honte peut ˆetre pr´esente et ne pas se traduire dans le comportement ou le discours de la personne.

Pour Ciccone et Ferrant, la honte et la culpabilit´e sont des affects pouvant ˆetre conscients, donc ressentis, ou inconscients (refoul´es ou d´eni´e). Or,

. . . la culpabilit´e d’un point de vue psychanalytique est d’abord et avant tout ap- pr´ehend´ee comme affect. Ce n’est pas la culpabilit´e que rencontre l’analyste mais le sentiment de culpabilit´e. D´efinir un affect n’est pas facile (. . . ) nous nous contentons le plus souvent de confondre le v´ecu et le pens´e. (Goldberg, 1985, p. 14)

Guillaumin parle quant `a lui d’un « v´ecu » de honte et de culpabilit´e. Le v´ecu permet d’entendre ce qui est v´ecu de fa¸con consciente et de fa¸con inconsciente, il donne acc`es `a une ´ecoute ph´enom´enologique de la honte et de la culpabilit´e. N´eanmoins, dans le cadre de nos r´eunions de travail nous avons maintes fois constat´e le d´efaut de ce terme qui, en ´etant un participe pass´e, att´enue la force actuelle et active de la honte et de la culpabilit´e dans le fonctionnement psychique.

Dans ce cadre, j’ai propos´e le terme « vivance ». N´eologisme de l’espagnol vivencia, cette forme me semble plus `a mˆeme de souligner ce que nous souhaitions ´etudier dans le discours des femmes que nous avons rencontr´e. La vivance peut ˆetre d´efinie comme, l’expression consciente et inconsciente de l’affect de honte ou de culpabilit´e, pouvant se manifester dans le discours ou dans les comportements du sujet, au regard de leur force actuelle et active sur son fonctionnement psychique et ses relations intersubjectives. Cette d´efinition pourra ˆetre enrichie et critiqu´ee `a l’issu de l’analyse des r´esultats et de leur discussion. Elle constitue l’un des fils rouges de cette recherche

Honte et culpabilit´e dans la clinique du deuil pr´enatal

La grossesse est toujours la r´ealisation de d´esirs œdipiens interdits, le diagnostic d’une pathologie fœtale en est alors la punition. Lors d’une mort in utero ou d’une IMG, les auteurs parlent souvent de honte et de culpabilit´e ´eprouv´ees par les parents (Barr, 2004; Bitouz´e, 1998; David et al., 1995; Leon, 1995; Soubieux, 2008). Culpabilit´e d’interrompre une vie, de ne pas avoir su la prot´eger, sentiment d’´echec de ne pas avoir su faire un beau b´eb´e, sentiment d’isolement. . . « Au cours de la grossesse qui suit une img les sentiments