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1.1 Le narcissisme, la pulsion et la relation d’objet

1.1.5 La relation d’objet

Certes la psychologie individuelle est r´egl´ee sur l’homme individuel et elle s’attache `

pulsionnelles, mais ce faisant, elle se trouve que rarement en mesure de pouvoir faire abstraction des relations de cet individu avec d’autres individus. Dans la vie d’ˆame de l’individu, l’autre entre en ligne de compte tr`es r´eguli`erement comme mod`ele, comme objet, comme aide et comme adversaire, et de ce fait la psychologie individuelle est aussi d’embl´ee, simultan´ement, psychologie sociale, en ce sens ´elargi, mais tout `a fait l´egitime. (Freud, 1921, p. 5)

Laplanche et Pontalis (1967d) d´etaillent l’expression par ses termes. L’objet est ici l’objet tel qu’il est d´efini par la psychanalyse dans toute sa polys´emie. La rela- tion d’objet est `a la fois celle qui est ´etablie avec l’objet d’amour, personne totale, sujet autre, rela- tion constitu´ee sur un choix d’ob- jet ; et `a la fois un mode de rela- tion ´etablit avec les objets partiels (partie de soi ou de l’autre, vec- teur de satisfaction pulsionnelle), au cours du d´eveloppement psy- chosexuel (ex : relation d’objet orale, anale, etc.) ou psychopatho-

logique (relation d’objet m´elancolique par exemple). Le terme de relation indique la fa¸con dont le sujet constitue ses objets et dont ceux-ci mod`elent son activit´e. Cette id´ee implique la coconstitution du sujet et de l’objet. Le d’ indique cette interrelation.

On trouve le terme occasionnellement chez Freud mais il ne fait pas partie de son appareil conceptuel. Pour lui, l’objet libidinal n’est trait´e que du seul point de vue du sujet et peu de notions se r´ef`erent `a l’extra-psychique, la relation du sujet `a l’objet est pens´ee en terme d’une ´evolution biologique du sujet en stades. K.Abraham (1924) modifie cette th´eorie en consid´erant que les activit´es du sujet sont model´ees par la fa¸con dont il se construit dans une relation `a des objets partiels. Les stades biologiques deviennent des positions structurales. Cette id´ee est reprise par Klein et par Lacan qui veulent se d´egager de l’´evo- lutionnisme biologique. Pour eux c’est l’activit´e fantasmatique qui est model´ee selon les types de relations objectales. Apr`es la mort de Freud et la seconde guerre mondiale, et suite aux grandes controverses de la British Psychoanalytical Society, va naˆıtre l’´ecole an- glaise des relations d’objet, port´ee notamment par le groupe des Ind´ependants, qui reste cependant dans une lign´ee Kleinienne (Balint, Bion, Fairbairn, Winnicott).

1.1.5.1 La relation d’objet en France

Classiquement tel est le raisonnement qui incombe `a la relation d’objet :

le sujet essaie d’´etablir une sorte de compromis entre son monde int´erieur et la r´ea- lit´e ext´erieure, de mani`ere `a se procurer le maximum de satisfaction instinctuelle

(¸ca) en ´evitant l’angoisse qui r´esulterait d’un conflit int´erieur entre lesdites ten- dances et les forces inhibitrices inconscientes qu’il porte en lui et qui s’opposent `a certaines r´ealisations instinctuelles (surmoi). C’est le moi qui est charg´e de r´ealiser un compromis entre les pulsions ´eman´ees du ¸ca et les interdictions issues du sur- moi. Il doit en outre veiller `a ce que la r´esultante de ce compromis soit en harmonie avec les donn´ees de la r´ealit´e ext´erieure. (. . . ) Le monde est pour chacun ce qu’il en appr´ehende en fonction de son propre ´etat int´erieur et qu’il s’y meut par rapport `a la vision qu’il en a. (Bouvet, 1967, p. 171-172)

Cette d´efinition a amen´e Bouvet `a d´efinir des types de relations d’objet correspondant `

a chaque stade libidinal (relations d’objet de types oral, sadique anal et g´enital). Nous voyons que cette d´efinition ne prˆete que peu d’importance `a l’autre en tant que sujet agissant. La relation du sujet avec lui-mˆeme et avec les autres est expliqu´ee en r´ef´erence `a la construction d’une r´ealit´e interne, ou r´ealit´e psychique. « La relation d’objet est la forme particuli`ere que prend le moi `a se lier avec l’image d’un objet localis´e en lui » (Pichon- Rivi`ere cit´e par Ka¨es, 1999, p. 86). Le mod`ele propos´e par Bouvet est « parfaitement conforme `a celui de Freud » (Widl¨ocher, 2008, p. 50). L’objet interne est con¸cu comme une copie de l’objet externe servant les besoins de la pulsion :

l’objet significatif n’est qu’un “objet”, c’est-`a-dire qu’il n’est n´ecessaire que dans la mesure o`u il remplit une fonction : que la satisfaction instinctuelle soit obtenue par le sujet usant de l’objet, sans qu’entre en consid´eration le plaisir de l’objet, ses convenances, son besoin, son consentement. (Bouvet, 1967, p. 171)

La repr´esentation est ce qui de l’objet s’inscrit dans le syst`eme mn´esique, la trace mn´esique que Widl¨ocher qualifie de « figure inerte » (Widl¨ocher, 2008, p. 46) dans cette conception de la relation d’objet o`u la « pulsion est la source primaire de l’´energie ». Bouvet, s’inspirant des th´eories de la relation d’objet, sans impliquer une r´evision de la pulsion freudienne en modifie l’´equilibre. Lacan s’opposera de fa¸con tr`es virulente `a l’article de Bouvet et proposera sa propre conceptualisation de l’objet. Bien que nous reconnaissions l’apport majeur de Lacan dans la pens´ee psychanalytique, il nous semblerait trop p´erilleux de nous risquer `a n’extraire que des bribes d’un syst`eme complexe. Nous d´ecidons donc de ne pas pr´esenter les th´eories lacaniennes de l’ objet dans ce travail.

1.1.5.2 Ecole anglaise des relations d’objet´

L’analyse des relations d’objet, dans la lign´ee des th´eories de Klein et de Rivi`ere, pose la question des rapports entre appareil psychique et objet externe et s’´etend au-del`a de l’in- trapsychique `a l’´etude de toutes les formes d’environnement. Cependant, si Klein accordait une d´etermination d´ecisive `a la seule r´ealit´e psychique et au statut purement fantasma- tique des objets internes, ses successeurs ont accord´e une part d´eterminante au poids de l’environnement (Spitz, Balin, Moheim. . . ) et au rˆole structurant des relations d’objet mutuelles des sujets en interrelation (Bion, Winnicott. . . ). Fairbairn (1998) am`ene `a son paroxysme l’importance accord´ee `a l’interrelation soi-ext´erieur en disant que la pulsion est orient´ee directement vers l’objet externe, r´eel. La pulsion est transform´ee en relation d’ob- jet. L’appareil psychique est devenu int´eriorisation des relations et le « mod`ele pulsionnel » est devenu « textitmod`ele relationnel » (Brusset, 2003).

Pour Fairbairn, c’est lors des vicissitudes du lien avec l’objet externe (et dans le cas du petit enfant, il s’agit de la m`ere) qu’une internalisation s’effectue. Ces objets frustrants et excitants sont ensuite refoul´es, en relation avec des parties du moi elles-mˆemes refoul´ees. Un monde interne complexe d’objet s’´edifie, retravaill´e par l’activit´e fantasmatique du patient. Fairbairn n’est pas toujours aussi clair, mais c’est l’inad´equation avec le monde ext´erieur qui cr´ee, `a partir du moi unitaire postul´e par Fairbairn, un monde interne qui se clive. (Vuaillat, 2003, p. 294)

Cette conception de l’objet interne en fait « un double de l’objet externe » (Widl¨ocher, 2008, p. 46), l’autre devient une partie du soi, une sous-organisation dynamique du moi, une structure interne source d’´energie psychique. La th´eorie de Fairbairn sera critiqu´ee ensuite par Winnicott, Khan et d’autres du fait qu’elle envisage un psychisme trop sophistiqu´e chez le b´eb´e o`u le sein serait d’embl´ee per¸cu comme objet diff´erenci´e de lui.

1.1.5.3 Limites des th´eories de la relation d’objet

Dans les th´eories de la relation d’objet la source passe au second plan, sa valeur de protoype (d´ej`a reconnue par Freud) s’accentue. Le but de la pulsion apparaˆıt moins comme la satisfaction sexuelle d’une zone donn´ee, la notion mˆeme de but s’efface au profit du terme de relation. L’objet n’est plus ni contingent ni unique car il s’inscrit dans l’histoire du sujet avec un objet typique `a chaque mode de relation. Ces th´eories sont donc tr`es critiqu´ees par un bon nombre de psychanalyste en dehors de l’Angleterre et des ´Etats-Unis.

La notion de relation d’objet met l’accent sur la vie relationnelle du sujet, elle risque de conduire certains auteurs `a tenir pour principale d´eterminantes les rela- tions r´eelles avec l’entourage. C’est l`a une d´eviation que refuserait tout psychanalyste pour qui la relation d’objet doit ˆetre ´etudi´ee essentiellement au niveau fantasmatique, ´

etant bien entendu que les fantasmes peuvent venir modifier l’appr´ehension du r´eel et les actions qui s’y rapportent. (Laplanche & Pontalis, 1967b, p. 408)

Bien que nous soyons en accord avec la d´erive `a laquelle Laplanche et Pontalis mettent en garde, il nous apparaˆıt que face `a certains terrains cliniques, leur conception de l’ap- pr´ehension psychanalytique de la relation d’objet a des limites. Prenons un exemple : Une m`ere qui aurait des fantasmes de d´evoration, qui aurait peur que son b´eb´e ne la d´evore en buvant son lait : si le b´eb´e, en fonction de son bagage g´en´etique, constitutionnel, est un b´eb´e glouton il va ´eveiller en elle ces angoisses, elle va alors craindre de le toucher, avoir des difficult´es `a le nourrir, les interactions r´eelles (bien sur avec leur charge fantasmatique et pulsionnelle mais ayant une concr´etude r´eelle dans les soins au b´eb´e) vont contribuer largement `a la construction de l’espace psychique de l’enfant. Dans la relation m`ere-b´eb´e, les fantasmes vont modifier le r´eel et les actions s’y rapportant mais, `a l’inverse, le fantas- matique est lui aussi modul´e par le r´eel, par les ´el´ements concrets de la relation `a « l’autre de l’objet » (Ka¨es, 1993). Plusieurs auteurs dans les vingt derni`eres ann´ees ont critiqu´e ces postures unilat´erales et ont propos´e des conceptions th´eoriques dialectisant la relation d’objet et la vie psychique interne. L’enjeu ´etant de proposer une topique permettant d’in- t´egrer les diff´erents ´el´ements de la r´ealit´e qu’elle soit externe, inter ou intrasubjective (voir Chapitre 1.3).

1.2

La maternalit´e, complexit´e d’un processus d’objectali-