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1.2 La maternalit´ e, complexit´ e d’un processus d’objectalisation

1.2.4 Naissance d’une relation d’objet

1.2.4.1 Conception d’un petit d’homme

Au cours d’une grossesse, la femme « fabrique » en son corps un autre humain, un autre comme elle, membre de la mˆeme esp`ece. Un b´eb´e dont elle va avoir `a s’occuper de nom- breuses ann´ees et de fa¸con tr`es intense dans les premiers mois du fait de la sp´ecificit´e humaine de naˆıtre totalement d´ependant de l’autre. La grossesse est un temps privil´e- gi´e permettant `a la femme de se pr´eparer `a la rencontre de cet ˆetre `a qui elle aura `a consacrer beaucoup d’´energie. Nous pouvons s´eparer cette anticipation en deux versants, qui s’´etayent mutuellement : d’un cˆot´e les manifestations physiques de la pr´esence du b´eb´e

en elle et de l’autre les repr´esentations conscientes et inconscientes qu’elle forge sur ce b´eb´e.

L’enfant imaginaire.

L’enfant de la r´ealit´e est bien l`a dans son extrˆeme faiblesse. Mais les inqui´etudes qu’il provoque, l’´emerveillement qu’il d´eclenche ram`enent vite `a l’enfant des fantasmes, `a celui de la vie ant´erieure o`u interviennent dans le psychisme de la m`ere ses relations objectales personnelles. (Lebovici, 1983, p. 132)

Une relation entre la m`ere et l’enfant se cr´ee au cours de la grossesse. Pour certains au- teurs, « cette relation d´epend d’avantage du psychisme que du r´eel » (Bydlowski, 1985, p. 1881). L’enfant imaginaire dont parle Soul´e, est l’enfant dans la tˆete de la m`ere et du p`ere. Tout au long du d´eveloppement libidinal de l’enfant (fille ou gar¸con), se d´eveloppe un enfant imaginaire. Celui-ci est fa¸conn´e par les diff´erentes ´etapes du d´eveloppement libidinal. « L’enfant imaginaire, l’enfant du fantasme ”naˆıt” tr`es tˆot chez chaque ˆetre hu- main, homme ou femme » (Soul´e, 1985, p. 57). L’oralit´e ravive l’image de la bonne et de la mauvaise m`ere, celle-ci se projette sur l’enfant et sur la femme elle-mˆeme. L’analit´e donne au fœtus une valeur de tr´esor ou de poison dans une fantasmatique de gestation intestinale. Au stade phallique l’enfant est v´ecu comme l’´equivalent du p´enis (Ruffiot in Doron & Parot 1991).

Pour Ben Soussan, « le B´eb´e Imaginaire est tout sauf un b´eb´e : il n’est qu’un objet de notre imagination, de nos fantasmes, qui trˆone `a jamais dans le petit mus´ee de nos d´e- sirs infantiles et s’assure, au tableau des merveilles de notre narcissisme, une des toutes premi`eres places » (Ben Soussan, 1999, p. 29). C’est un enfant id´eal, parfait dans tous ses paradoxes. C’est l’enfant qui est l`a pour combler le manque, celui qui vient compl´eter la femme.

newline Lebovici a travaill´e plus en d´etail sur cette notion d’enfant imagin´e. Il a distin- gu´e plusieurs formes. Tout d’abord, `a un niveau pr´econscient-conscient, on trouve l’enfant imaginaire. Celui qui r´esulte du d´esir de grossesse, c’est `a dire le r´esultat de son d´esir conscient d’ˆetre enceinte et d’ˆetre m`ere. C’est l’enfant dont la m`ere peut parler, qu’elle imagine avec des caract´eristiques physiques et psychiques. Elle pr´epare sa chambre et ses vˆetements. Elle va imaginer son sexe et choisir son pr´enom. Le choix du pr´enom « peut r´ev´eler certains ´el´ements du mandat transg´en´erationnel de son futur enfant » (Lebovici, 1998, p. 45). Ainsi, c’est l’enfant imaginaire qui est porteur des enjeux g´en´erationnels, c’est lui que la m`ere inscrit dans le lien de filiation. C’est ´egalement de cet enfant-l`a qu’il s’agit dans les probl´ematiques que nous soulevons plus loin `a propos de l’´echographie. Ensuite, Lebovici parle de l’enfant fantasmatique qui est le r´esultat du d´esir de maternit´e. Celui-ci est l’h´eritier des conflits inconscients des parents. « L’enfant fantasmatique est l’h´eritier du d´esir œdipien inconscient d’avoir un enfant du p`ere et d’ˆetre m`ere comme sa m`ere »(Lebovici, 1998, p. 240). La femme, en annon¸cant `a sa propre m`ere qu’elle va avoir un enfant, lui signifie qu’elle ne sera plus m`ere elle-mˆeme, qu’elle a saut´e une g´en´eration. Ceci est particuli`erement vrai pour le premier enfant. En mˆeme temps, son propre p`ere devient le p`ere fantasmatique du b´eb´e. On comprend ainsi le danger des accidents qui me- nacent sa sant´e et sa vie `a cette p´eriode de la vie de sa fille. L’enfant mythique est porteur

de l’ombre culturelle et pass´ee de la m`ere et de son syst`eme imago¨ıque. C’est celui sur lequel sa m`ere peut se d´echarger projectivement grˆace `a l’ombre que lui procure sa culture et les mythes dont elle est porteuse. Soul´e (1985) insiste sur le fait que le d´eveloppement de l’enfant dans l’esprit des parents d´epend aussi de la capacit´e maternelle et paternelle de fantasmer sur lui, comme cela se passe par exemple lorsque la m`ere tricote pendant la grossesse. Ce travail assumerait alors l’importante fonction de solliciter chez la femme une relation avec l’enfant imaginaire, et en mˆeme temps avec le corps r´eel par la fabrication d’un « ut´erus de laine ext´erieur au corps », fait par la m`ere pour contenir l’enfant et lui donner toute sa chaleur.

Les repr´esentations maternelles.

Les changements qui ont lieu pendant la grossesse contribuent `a des modifications fon- damentales dans le monde repr´esentationnel de la femme. Ces changements s’´elaborent autour des repr´esentations du futur enfant et du soi en tant que m`ere. Dans les premiers travaux de Freud (1915b), la repr´esentation est d´efinie comme « le processus par lequel l’´etat organique fondamental qui caract´erise la pulsion est transform´e en expression psy- chique » (Bronckart, 1991, p. 627). Ult´erieurement, pour le mˆeme auteur elle d´esigne « les ´el´ements mat´eriels observables auxquels la pulsion se fixe d`es que l’appareil psychique se divise, sous l’effet du refoulement originaire, en conscient, pr´econscient, inconscient » (Bronckart, 1991, p. 627).

Plus tard Sandler et Rosenblatt d´efinissent la repr´esentation mentale comme une sorte de sch´ema, ou organisation, construit sur la base d’une multitude d’impressions, et donc une structure dans le domaine de l’exp´erience, des images et des autres ph´enom`enes subjectifs, y compris des sentiments (Ammaniti et al., 1999, p. 15). Plus sp´ecifiquement dans le champ de la grossesse, Ammaniti (1991), ajoute que les repr´esentations sont organis´ees `a travers une structure narrative sp´ecifique et qu’elles peuvent fournir des indices sensibles sur la fa¸con dont la femme affronte l’exp´erience de la grossesse. En effet, pendant la grossesse, la femme construit une image mentale de son enfant, mais, la grossesse engendre ´egalement une modification de l’image de soi, et apporte une nouvelle dimension, celle de l’image de soi en tant que m`ere. La femme va donc ´egalement construire une repr´esentation de la relation qui relie l’image de l’enfant et l’image d’elle en tant que m`ere. « Grˆace `a ses repr´esentations elle peut s’identifier aussi bien `a un soi maternel qu’`a son enfant, se pr´e- parant ainsi `a devenir parent » (Ammaniti, 1991, p. 58).

Bibring (1959, 1961 cit´e par Ammaniti et al., 1999, p. 11) d´ecrit deux phases dans la grossesse : fusion et s´eparation. Il parle de « tˆaches adaptatives » en lien avec ces ´etapes. La premi`ere tˆache, dans la phase de fusion, consiste `a accepter le fœtus en tant que partie int´egrante de soi. C’est une phase o`u la m`ere vit une exp´erience de fusion avec l’enfant qui va durer jusqu’`a l’apparition des mouvements fœtaux. Ceux-ci obligeant la femme `a se rendre compte qu’il y a un enfant `a l’int´erieur de son corps avec ses caract´eristiques propres. Cet enfant devient de plus en plus autonome. La seconde tˆache, dans la phase de s´eparation, est celle de r´eorganiser ses relations objectales et se pr´eparer `a la naissance, donc `a la s´eparation d’avec l’enfant qui est en elle.

stables du temp´erament de leur enfant sur la base de leurs fantaisies et ´emotions. Or ces fantaisies et ´emotions seraient « construites » syst´ematiquement, selon des r`egles d´eriv´ees des exp´eriences de relation avec leurs propres parents (Zeanah et al., 1986). Les perceptions de l’enfant sont alors, d’apr`es ces auteurs, bas´ees sur une projection de la m`ere sur cet enfant. D’ailleurs, Bydlowski, dans un travail sur les repr´esentations de l’enfant, montre comment cette projection peut avoir lieu de mani`ere concr`ete et litt´erale (Bydlowski, 1998). Elle rel`eve deux aspects : la pr´enomination et le calcul inconscient. Elle signale le fait que le pr´enom donn´e `a l’enfant peut ˆetre potentiellement porteur de significations m´econnues du d´esir parental. Elle donne l’exemple particuli`erement marquant d’une m`ere endeuill´ee de sa sœur jumelle, Sonia, qui pr´enomme sa fille Josianne. Si l’on prend les lettres de ce pr´enom, on peut facilement reconstruire : Je Sonia, porteur de la symbiose g´emellaire perdue. Quant au calcul inconscient, c’est ainsi qu’elle nomme un ph´enom`ene qui se r´ep`ete au-del`a de la simple co¨ıncidence : beaucoup de femmes programment involontairement et parfois r´ep´etitivement la naissance de leur enfant `a des dates significatives pour elles. La date dont il est question n’est pas celle de l’accouchement – soumise `a des al´eas – mais celle pr´evue pour la naissance : « on pourrait dire la date assign´ee `a la naissance par le d´esir » (Bydlowski, 1998, p. 72). Cette date est souvent une date d’anniversaire d’un ´ev´e- nement traumatique. Elle donne entre autres l’exemple d’une femme ayant eu deux filles mortes-n´ees les 22 et 23 octobre `a deux ans d’´ecart. `A 42 ans elle fait une grossesse non programm´ee dont le terme est pr´evu pour le 20 octobre. Elle se rappelle alors que sa m`ere a ´et´e fusill´ee `a 42 ans le 20 octobre 1944.

Le b´eb´e dans le ventre.

Peu `a peu plusieurs facteurs feront advenir ce fœtus `a la r´ealit´e de la m`ere : les mouvements fœtaux actifs, la sollicitude et les questions de la part du p`ere et de l’entourage, la signification symbolique favoris´ee et privil´egi´ee par la valeur sociocul- turelle, la surveillance m´edicale et les examens techniques. (Soul´e, 1985, p. 58) Les mouvements fœtaux. Les premiers mouvements fœtaux se font sentir en g´en´eral

autours du quatri`eme mois de grossesse. Avec leur arriv´ee, la m`ere ressent int´erieu- rement la pr´esence physique de l’enfant. Mˆeme si certaines femmes peuvent ˆetre parfois tent´ees au d´ebut d’associer ces ressentis `a des mouvements intestinaux qui leur sont propres, par les d´eplacements du fœtus, la m`ere va sentir qu’il y a un b´eb´e en elle, un ˆetre vivant, se d´epla¸cant `a l’int´erieur de son ventre. Les mouvements vont alors pouvoir ˆetre pour la femme source de communication avec son b´eb´e, de rˆeveries et d’identifications projectives (« il bouge ´enorm´ement, on se dit que ce sera un sportif ! » ou « il me tape beaucoup c’est assez d´esagr´eable »).

L’´echographie. Les diff´erentes ´echographies vont ´egalement permettre `a la m`ere de voir une autre r´ealit´e du b´eb´e. La relation ult´erieure m`ere-enfant reposerait sur la ca- pacit´e de la m`ere `a se repr´esenter mentalement l’enfant qu’elle porte, notamment comme un ˆetre distinct d’elle-mˆeme et capable d’autonomie. Or, l’´echographie pro- pose une repr´esentation de l’enfant `a la parturiente, qui de toute fa¸con est diff´erente de sa repr´esentation imaginaire. On trouverait alors ici l’explication de l’´etonnement ou de la d´eception lors de l’examen, « l’enfant n’est ni plus beau, ni moins beau,

mais tout simplement diff´erent puisque r´eel » (Courvoisier & Passini, 1983). Mis- sonnier ´emet l’hypoth`ese que « l’´echographie embryo-fœtale se pr´esente comme un rituel initiatique de passage dont la potentialit´e sera celle d’un organisateur psychique du processus de parentalit´e » (Missonnier, 1998, p. 124). Cette potentialit´e peut al- ler dans le sens d’une confirmation dynamique du processus de parentalit´e, devenant mˆeme une vraie fonction anticipatrice des modalit´es interactives de la triade parents- b´eb´es. Mais elle peut induire aussi une « paralysie psychique » ou des identifications projectives pathologiques, la contenance parentale ´etant alors insuffisante face `a la r´esurgence traumatique. « La lev´ee transitoire des correspondances entre le vu et le per¸cu (les parents voient avant de sentir `a la premi`ere ´echographie), la lev´ee transi- toire des correspondances entre dedans et dehors, entre sujet et objet induisent une charge fantasmatique incestueuse qui, en d´epit des forces de refoulement, met rude- ment `a l’´epreuve les capacit´es des devenants parents `a transformer cette imagerie intracorporelle brute en repr´esentations »(Vlachopoulou & Missonnier, 2015, p. 72). Le malentendu fondamental. Missonnier r´esume ainsi les attentes des parents lors des

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echographies : Ils cherchent d’abord `a ˆetre rassur´es sur la normalit´e de l’enfant en devenir – Est ce que tout va bien ? – « Cette garantie aucun ´echographiste s´erieux ne pourra la donner » (Missonnier, 2011b, p. 163). La seconde attente est de connaˆıtre ou non le sexe du fœtus. Enfin, « celle de rencontrer visuellement l’enfant » (Misson- nier, 2011b, p. 163). Tandis que les ´echographistes, eux, r´ealisent l’examen m´edical dans le but de d´eceler des anomalies, dans un cadre m´edico-l´egal. Alors que les pa- rents pensent assister `a leur premi`ere rencontre avec leur b´eb´e, – certains parents veulent que les aˆın´es assistent `a l’´echographie – l’´echographie est en r´ealit´e un lieu d’examen m´edical. C’est ce que Gourand (2011) nomme le « malentendu fonda- mental ». L’´echographiste a un rˆole tr`es important dans l’impact de l’´echographie permettant ou non de la rendre intelligible. Les paroles du m´edecin en lien avec les images accompagnent les parents dans leur processus de symbolisation. L’inscription de l’image du fœtus se fera dans le syst`eme de pens´ee des parents en fonction de l’exp´erience ´echographique : si les images ont pu ˆetre comment´ees et expliqu´ees avec empathie, ou si `a l’inverse, elles ont eu un impact traumatique.

1.2.4.2 Processus d’objectalisation

L’´etat affectif de la m`ere, ainsi que son organisation psychique ´evoluent au cours de la grossesse avec deux ´el´ements marquants : l’arriv´ee des mouvements fœtaux indiquant la r´ealit´e physique interne du b´eb´e, ainsi qu’une p´eriode pr´ec´edant l’accouchement au cours de laquelle la m`ere se pr´epare `a se s´eparer de son enfant pour le laisser sortir dans un milieu a´erien. Pines (1972) d´ecrit quatre stades dans la grossesse et met en avant la rela- tion entre les fantaisies de la femme et les ´ev`enements somatiques relatifs aux diff´erentes phases de la grossesse. La premi`ere phase va de la conception jusqu’`a la perception des mouvements fœtaux. Il se produit alors d’importantes modifications de l’image corporelle et de soi. C’est un moment de conflit par rapport `a la grossesse et marqu´e d’ambivalence envers le fœtus. La seconde ´etape va jusqu’aux derni`eres phases de la grossesse. Le fœtus est per¸cu de fa¸con progressivement diff´erenci´ee et est reconnu comme une entit´e `a part.

On observe alors, de fortes angoisses de perte. Les fantaisies conscientes et inconscientes peuvent ˆetre en lien avec les th´eories sexuelles de la femme durant son enfance. Sur un plan oral l’enfant pourra ˆetre un objet d´evorant qui va la d´etruire de l’int´erieur. Au stade anal il sera per¸cu comme un produit f´ecal qu’il faut expulser. La troisi`eme phase comprend les derniers moments avant l’accouchement, naissent alors de angoisses de malformation ou une pr´eoccupation par rapport `a l’accouchement. Enfin, la derni`ere phase est la p´eriode qui suit imm´ediatement l’accouchement. Celui-ci est souvent v´ecu comme un ´ev´enement violent dans lequel apparaissent des peurs de destruction du corps de l’enfant. Breen (1992, cit´e par Ammaniti, Candelori et Tambelli, 1999, p. 14) dit que ces fantaisies existent non seulement chez la femme, mais aussi chez les personnes qui lui sont proches. Toute la grossesse est caract´eris´ee par le conflit entre destruction et conservation de l’enfant qui a lieu chez la femme et les personnes autour d’elle. La naissance de l’enfant d´eclenche de terribles angoisses de perte. Ces angoisses sont en lien avec trois types de pertes effectives. La premi`ere est la perte de la grossesse qui avait apport´e pl´enitude, bien ˆetre, puissance et la r´ealisation des d´esirs infantiles envers les parents. La seconde est la perte d’une partie de soi, de l’enfant toujours pr´esent. Enfin, la renonciation `a l’enfant fantasmatique en faveur de l’enfant r´eel qui peut souvent ˆetre du sexe non voulu et, de toute fa¸con, diff´erent de l’enfant de la fantaisie. `A cette perte correspond ´egalement celle de ne pas ˆetre la m`ere que l’on avait imagin´ee. Si la m`ere ne peut pas faire ce deuil l’enfant devra s’adapter `a elle au lieu de l’inverse, pouvant provoquer alors des troubles psychopathologiques graves (Badaracco, 1999).

Ammaniti ne parle pas d’un processus d’objectalisation mais de diff´erenciation : « au cours de la grossesse, l’image de l’enfant est initialement partie int´egrante du soi maternel, et progressivement elle va vers une diff´erenciation, au fur et `a mesure que l’enfant donne des signaux de plus en plus consistants de sa pr´esence » (Ammaniti et al., 1999). Il associe donc l’acc`es `a l’alt´erit´e de l’enfant aux mouvements fœtaux. En effet, il est primordial de souligner l’aspect `a la fois psychologique mais aussi ´eminemment physique de la gros- sesse pour la m`ere. La grossesse est, comme nous l’avons vu, un temps de retour sur les conflits psychiques infantiles, mais c’est aussi une exp´erience du corps tout `a fait in´edite. Le corps de la femme se modifie tout au long des neufs mois, des sensations aussi bien de l’ext´erieur (accroissement de l’odorat, du goˆut), que de l’int´erieur (douleurs, naus´ees, mais aussi mouvements du b´eb´e dans son ventre), viennent donner `a cette p´eriode de la vie un caract`ere tout `a fait particulier. Il nous semble que ce v´ecu physique permet de ramener la m`ere `a la r´ealit´e physique, palpable du b´eb´e cr´eant un appui `a l’anticipation de la s´eparation et de la diff´erenciation. Ammaniti ajoute que le choix du pr´enom ou des pr´enoms, les expectatives sur le sexe, la pr´eparation des espaces et du trousseau de l’en- fant sont des indices de la reconnaissance initiale de l’autonomie de l’enfant. Autrement dit, la pr´eparation d’un espace physique externe vient se substituer peu `a peu `a l’espace physique interne, `a la cavit´e ut´erine. Cette rˆeverie sur le b´eb´e et sur les relations avec lui se constitue donc fortement sur l’appui de la r´ealit´e palpable, physique `a la fois int´erieure et ext´erieure.

Bydlowski et Golse (2001) traitant de l’objectalisation de l’enfant au cours de la grossesse, distinguent quatre ´etapes principales dans ce processus. Tout d’abord, la p´eriode de trans-

parence psychique : le b´eb´e n’a pas encore pour la m`ere le statut d’objet externe. Il a bien un correspondant imaginaire mais il r´eactive surtout le petit enfant que la m`ere a ´et´e ou croit avoir ´et´e. Ensuite, le fœtus commence `a revˆetir un statut ext´erieur bien qu’encore inclus dans le corps de la m`ere (statut de type narcissique). L’attention psychique de la m`ere tend `a se d´eplacer d’elle-mˆeme en tant que contenant pour aller vers son contenu, le fœtus. Puis, apr`es la naissance l’attention psychique de la m`ere se focalise d´esormais sur le b´eb´e externe, mais avec lequel la m`ere est en relation grˆace aux traces mn´esiques