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2.3 Un cas particulier, l’IMG

2.3.2 Le Diagnostic Ant´ enatal (DAN)

Depuis les cinquante derni`eres ann´ees, dans les pays industrialis´es, avec les avanc´ees de la m´edecine et l’apparition du diagnostic ant´enatal, la vision du v´ecu de la grossesse et de la venue au monde d’un enfant se sont transform´es. Dans le cas de la l´egislation fran¸caise de 1975, l’Interruption M´edicale de Grossesse (IMG), permet, si on a d´ecel´e avant la naissance de l’enfant d’´eventuelles maladies ou malformations, d’avoir parfois le choix de donner tout de mˆeme la vie ou non.

2.3.2.1 L’annonce d’une malformation

En suivant le cheminement que nous avons trac´e jusqu’ici nous commen¸cons `a percevoir ce que peut impliquer la suspicion puis l’annonce d’une malformation pour des parents enceints. Cet enfant porteur des espoirs de ses parents, qui est venu modifier tant de choses chez eux et entre eux, tout `a coup se d´erobe. Cette annonce constitue un traumatisme `a la fois pour les parents et pour l’´echographiste qui la d´etecte et doit l’annoncer. Chacun va r´eagir diff´eremment en fonction de son histoire, de ses repr´esentations, de ses mythes familiaux et des traumatismes anciens qui peuvent alors ˆetre r´eactiv´es. Le fœtus peut alors ˆetre « brutalement d´esinvesti pour pr´eserver l’enfant imaginaire `a venir » (David, 1997, p. 85).

Il peut ˆetre d´esinvesti ou objet de haine lorsqu’il vient `a manquer `a ses devoirs, c’est- `

a-dire lorsqu’il cesse d’ˆetre un objet sur lequel il est possible de projeter son enfant imaginaire et un ˆetre qui sera capable de remplir son mandat transg´en´erationnel. (Soubieux & Soul´e, 2005, p. 49).

Dans certains services donc, quand le m´edecin d´ec`ele une anomalie, par exemple `a l’´echo- graphie, « il ne communique pas uniquement autour de cela mais il d´ecrit l’ensemble du foetus avant d’´evoquer l’anomalie pour ne pas r´eduire le fœtus `a son alt´eration » (Clerget, 2007). Dans beaucoup de cas le diagnostic se fait en plusieurs examens, chacun ´etant per¸cu comme un pas de plus vers la confirmation de la gravit´e de la situation. Cette succession d’examens et d’annonces peuvent parfois ˆetre v´ecus de fa¸con traumatique mais le plus souvent ils permettent aux parents la mise en place d’une angoisse signal, les prot´egeant des effets pathologiques d’´eventuels traumatismes.

2.3.2.2 D´ecision, entretien pr´e IMG

Lors de l’annonce de malformation le m´edecin ´evoque avec les parents les diff´erentes options qui s’offrent `a eux. Il leur est souvent conseill´e de rencontrer les sp´ecialistes concern´es par la pathologie fœtale. Est alors ´evoqu´ee la possibilit´e de l’IMG. La demande d’IMG ´emane des parents puis est ´evalu´ee par un CPDPN (Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Pr´enatal). La prise de d´ecision repose sur un avis coll´egial, bien codifi´e mais est cependant effectu´ee au cas par cas, prenant en compte les probl`emes ´ethiques, psychologiques et religieux, parfois difficiles `a r´esoudre. En effet, il n’y a pas de liste pr´e´etablie autorisant ou non l’IMG.

Si certaines situations ne posent pas de difficult´es aux m´edecins, parce qu’elles sont l´etales `a court terme ou au contraire parce que les anomalies sont consid´er´ees comme

mineures et curables, il existe une « zone grise » (Amann, 2003) o`u la situation diagnostique ou pronostique est incertaine, et la d´ecision ne va pas de soi. (De Wailly, 2015, p. 37).

Les parents et l’´equipe m´edicale sont alors d´etenteurs d’un pouvoir difficile `a assumer. Les parents souhaiteraient parfois que le fœtus meurt seul, ne pas avoir `a prendre la d´ecision. L’´equipe m´edicale doit ˆetre attentive `a laisser la place aux parents pour qu’ils puissent se sentir comme tels, sans pour autant faire peser sur eux seuls la terrible d´ecision (Sou- bieux, 2008). Comme beaucoup de praticiens, David souligne l’importance de « laisser un temps minimum aux familles pour que les m´ecanismes d’´evitement soient relay´es dans un deuxi`eme temps par une confrontation psychique `a la r´ealit´e et par une r´eflexion.(. . . ) Il faut souligner ces deux temps : ´evitement, puis confrontation » (David et al., 1995, p. 85). Ce d´elai, qui n’a aucune limite dans le temps tant que la vie de la m`ere elle-mˆeme n’est pas en danger, offre aux parents la possibilit´e de mieux comprendre le diagnostic et les cons´equences de la pathologie de leur futur enfant. Pour Soubieux, cela doit ˆetre un « temps d’accompagnement et de pr´esence favorisant l’´elaboration de la pens´ee. (. . . ) La prise en compte des sentiments d’ambivalence am`ene fr´equemment un r´eam´enagement des positions affirm´ees aussitˆot apr`es l’annonce » (Soubieux & Soul´e, 2005, p. 68).

Dans certains services des entretiens avec la sage-femme avant l’IMG sont propos´es. En- tretiens qui permettent d’expliquer aux couples le d´eroulement de l’hospitalisation et de l’IMG. Elles abordent aussi l’accouchement du fœtus, la possibilit´e de le voir, d’avoir des photos, de laisser des objets, d’organiser des obs`eques, mais aussi les rites religieux, le devenir du corps, l’autopsie, la d´eclaration `a l’´etat civil et sur le livret de famille, le cong´e maternit´e. Ces entretiens sont tr`es compliqu´es `a mener et demandent de la part de la sage-femme des grandes qualit´es d’´ecoute et d’empathie, mais aussi de mise `a distance des ´emotions. « Cet entretien mobilise l’angoisse signal des parents et leur permet une anticipation adaptative et cr´eative de la situation au lieu de les laisser dans une angoisse automatique, sid´erante, d´esorganisatrice » (Soubieux, 2008, p.21).

2.3.2.3 Mettre au monde un enfant mort, l’IMG et l’accouchement

— Si elle est pratiqu´ee avant 22 semaines d’am´enorrh´ee, on administre tout d’abord des m´edicaments appel´es anti-progest´erone, visant `a arrˆeter la grossesse. Puis environ 48 heures plus tard, le travail est d´eclench´e par la prise de prostaglandines qui vont dilater le col de l’ut´erus et d´eclencher les contractions.

— Si l’IMG est pratiqu´ee apr`es 22 semaines d’am´enorrh´ee, alors il est n´ecessaire de mettre en premier lieu un terme `a la vie du fœtus car, `a partir de ce d´elai, il peut ˆ

etre expuls´e encore vivant. Pour ce faire, le m´edecin introduit `a travers le ventre de la femme une aiguille dans le cordon ombilical du fœtus, afin de lui administrer un produit qui mettra fin `a sa vie in-utero. Le travail est ensuite d´eclench´e par la prise de prostaglandines afin de proc´eder `a l’accouchement sous p´eridurale.

Ces moments sont particuli`erement difficiles `a vivre pour le couple qui est alors confront´e `

a la r´ealit´e du diagnostic, `a la r´ealit´e du corps de l’enfant. Lorsque ce sont des femmes primipares, l’accouchement est d´ej`a un moment angoissant et inconnu. Mais lorsqu’il s’agit

de donner naissance `a un enfant mort il y a une confrontation de repr´esentations inconci- liables. Le rˆole de l’´equipe soignante est alors primordial, il s’agit de rassurer la m`ere sur sa propre sant´e, de lutter contre la panique (Dumoulin, 2003).

Bien que certaines femmes soient horrifi´ees lorsqu’on leur explique que l’accouchement aura lieu par voie basse et qu’elles seront conscientes, « l’accouchement fait partie du pro- cessus de maternit´e et certaines femmes le revendiquent ensuite » (Soubieux, 2008, p. 24). Elles ont port´e le b´eb´e, dans leur corps et dans leur tˆete et sont all´ees jusqu’au bout en accouchant, elles sont devenues m`eres. Pour d’autres, si l’´equipe pense que l’accouchement ne sera pas support´e, il est n´ecessaire de les endormir.