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3.2 M´ etapsychologie de la honte et de la culpabilit´ e

3.2.2 M´ etapsychologie de la honte

Lorsque Freud utilise le mot Scham ce n’est ni pour parler d’un symptˆome ni d’un affect mais d’une tension originaire du surmoi. Il relie la honte `a la sexualit´e et en particulier `

a l’exhibitionnisme. Piers rappelle que Scham (allemand de honte) sugg`ere l’id´ee d’une exposition des parties g´enitales. Dans les trois essais sur la th´eorie de la sexualit´e Freud relie la honte `a la r´epugnance et en fait les outils de la p´eriode de latence contre les pulsions sexuelles. Lewin reprend cette id´ee. Pour lui « la honte est une composante fondamentale de ce qui va maintenir les m´ecanismes hom´eostatiques permettant de r´egulariser les pul- sions sexuelles » (cit´e par Goldberg, 1985, p. 62).

La menace inconsciente de la honte est l’abandon tandis que celle de la culpabilit´e est la castration (Piers et Singer, 1953). Hermann (1943) relie directement la honte au « cram- ponnement » primaire `a la m`ere. L’´eprouv´e de honte est pour lui un affect impos´e de l’ext´erieur avant que la construction topique ne soit finalis´ee. Elle est donc premi`ere (ce qui est repris ensuite par Janin en 2003 et 2007). Avoir honte c’est « perdre le contact avec la m`ere, objet de cramponnement, perdre le sens de l’orientation spatiale qui permettrait de la retrouver, de l’orientation psychique qui portait vers elle symboliquement » (Ciccone & Ferrant, 2009, p. 9). C’est, selon lui, la honte qui est `a l’origine de la formation du surmoi. De plus si le sujet ne parvient pas `a construire un surmoi viable il vivra honteux ou ´ehont´e. Il introduit l’id´ee fondamentale du rˆole de la honte dans le sentiment d’exclu- sion du groupe, comme crainte (honte centrifuge) ou comme cons´equence de l’exclusion

(centrip`ete).

Pour Piers (1953), la honte est issue du conflit entre id´eal du moi et moi. Il fait de la honte une tension interne normalement pr´esente dans le d´eveloppement du moi et la formation du surmoi. Il la met en lien avec l’´echec et la crainte de l’abandon.

Guillaumin dans un texte de 1973 explore la question de la honte en rapport avec l’id´eal du moi, `a la suite du rapport de Chasseguet-Smirgel. Celle-ci avait propos´e que le senti- ment de honte ´etait l’´echec du programme du narcissisme, le r´esultat « du retournement de l’exhibition phallique en exposition anale ». Ce qui marque comme le souligne Guillau- min, l’enracinement de la honte dans le registre fantasmatique de l’analit´e, l’importance de la dimension voyeuriste-exhibitionniste ainsi que le caract`ere radical et soudain du mou- vement psychique en cause. Ces crit`eres l’am`enent `a parler d’un raptus honteux, qui se situerait dans la cat´egorie des formations r´eactionnelles et qui apparaˆıtrait lorsque

. . . l’´etat de renforcement narcissique habituellement escompt´e, ou tir´e, d’une conduite qui est sens´ee le rapprocher de son mod`ele id´eal est brusquement d´ecompens´e, et que ce qui ´etait appr´ehend´e, et pr´esent´e aux autres, comme beau, noble, glorieux, est soudain r´ev´el´e comme laid, infˆame et d´egradant. (Guillaumin, 1973, p. 983)

Il d´ecrit un processus au cours duquel il y a d’abord une exhibition d’un objet partiel phallique id´ealis´e, dont le moi tire gloire par litote. Puis a lieu une d´ecompensation avec le regard d´egout´e des autres (de mani`ere projective) sur cet objet. S’ensuit alors le renverse- ment d’actif en passif et d’avant en arri`ere, avec l’introjection anale de l’objet partiel qui n’est plus brandi `a l’ext´erieur mais comme incrust´e de fa¸con plus ou moins ind´el´ebile dans le moi, ainsi condamn´e `a le subir et `a en craindre les effets contagieux. Il consid`ere la honte « comme un v´eritable param`etre quantitatif (intensit´e de la honte) et comme un indicateur qualitatif de la stabilit´e des rapports que le moi entretient avec l’Id´eal du Moi »(Guillau- min, 1973, p. 983).

Goldberg (1985) distingue deux types de honte « une honte inf´eriorit´e, tr`es proche de la culpabilit´e-inf´eriorit´e, et une autre forme de honte, une honte partielle, au plus proche du surgissement pulsionnel et des fantasmes primordiaux. » (Goldberg, 1985, p. 64) La honte c’est voir ce qui devrait ˆetre cach´e, laisser voir ce qui ne devrait pas ˆetre vu, du corps mais de tout ce qui fait d´efaut. « La honte n’est-elle qu’une des modalit´es affectives de l’inf´eriorit´e ? » (Goldberg, 1985, p. 66) Il y a alors une honte partielle, qui touche un aspect du corps, une infirmit´e « une femme peut avoir honte d’ˆetre enceinte et de le montrer » (Goldberg, 1985, p. 66), on peut avoir honte de quelqu’un d’autre, et honte d’avoir honte quand celle-ci se manifeste par la rougeur par exemple. Goldberg distingue une autre forme de honte, une « honte fondamentale », existentielle, ontologique « L’ˆetre a honte de n’ˆetre pas qu’une ˆame, une ˆame `a la hauteur de ses id´eaux de puret´e et de beaut´e. C’est le corps – sa mat´erialit´e, ses besoins – qui vient troubler l’ordre de l’id´eal, qui fait irruption (la sexualit´e par exemple, mais l’exemple est la chose mˆeme) pour d´evoiler une insuffisance voire une imposture, une illusion th´eologique ou m´etaphysique » (Goldberg, 1985, p. 66-67), mˆeme s’il s’agit du corps, ce n’est pas pour autant dans sa d´efinition une honte corporelle ou sexuelle, « c’est une honte qui implique la totalit´e du sujet, qui porte sur son ˆetre par rapport `a ce qu’il devrait ˆetre et `a ce qu’il devrait avoir (. . . ) C’est un

manque d’ordre ontologique » (Goldberg, 1985, p. 67-68). Il cite Sartre : « J’ai un dehors, j’ai une nature ; ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ; et la honte est – comme la fiert´e – l’appr´ehension de moi-mˆeme comme nature, encore que cette nature m’´echappe et soit inconnaissable comme telle »(Sartre, 1943, p. 321). Goldberg souligne ici une des limites du mod`ele propos´e par Chasseguet-Smirgel et Guillaumin, en rattachant la honte uniquement `a une confrontation du moi avec son Id´eal, comme une d´ech´eance phallique on r´eduit la honte `a une modalit´e de la culpabilit´e, `a la honte d’inf´eriorit´e, en oubliant alors la honte libidinale qui n’est pas en rapport avec une d´ech´eance narcissique. « Nous dirions que la honte est l’irruption soudaine des fantasmes primordiaux [exhibitionnisme, voyeurisme, s´eduction, toute puissance, sadisme, masochisme] du sujet accompagn´ee d’un sentiment de perte d’identit´e passag`ere et porteuse de volupt´e » (Goldberg, 1985, p. 73).

Tisseron, dans la suite des id´ees des Hermann propose un texte mettant directement en rapport la honte et le « lien social » (1992). Pour lui, la honte rompt les liens narcissiques (estime de soi), objectaux (amour des proches) et d’attachement (liens `a la communaut´e). « La honte est une forme de d´esint´egration psychique, donc de marginalisation sociale » (Tisseron, 1992, p. 106). La honte est une ´emotion `a la fois totalement individuelle et tota- lement sociale. En effet, d’un cˆot´e, elle est ´eprouv´ee au plus intime de la subjectivit´e, mais d’un autre cˆot´e, elle est le plus souvent impos´ee par la collectivit´e. C’est ce qui, d’apr`es lui, a si longtemps ´eloign´e les psychanalystes de son ´etude, faute d’instrument pour com- prendre les interrelations du psychisme individuel avec la psych´e collective. Du coup, elle a souvent ´et´e confondue avec la culpabilit´e ou la pudeur, alors qu’elle n’est ni l’une ni l’autre. Il diff´erencie la honte de la pudeur par le fait que la pudeur t´emoigne de la r´eussite du moi `

a se prot´eger des intrusions d’autrui tandis que la honte en signe l’´echec. La pudeur est un voile n´ecessaire gardien de l’int´erieur, de l’intimit´e de la personne. La culpabilit´e quant `a elle touche les liens narcissiques et objectaux mais ne menacerait pas l’individu dans son appartenance `a la communaut´e « la culpabilit´e laisse place `a la possibilit´e de r´eparation, elle est ainsi une forme d’int´egration sociale » (Tisseron, 1992, p. 106).

Nous nous ´ecartons un instant du d´eroul´e chronologique que nous avons entrepris pour insister sur un point fondamental concernant la honte : son caract`ere paradoxal introduit par Tisseron. La honte ne peut ˆetre r´eduite `a son versant plus narcissique. Green en 1983 avait soutenu l’id´ee que « le caract`ere destructeur de la honte est majeur (. . . ) elle ne se partage pas » (Green, 1983, p. 207). C’est de ce non partage qu’´emane `a la fois sa force et son caract`ere pathog`ene : « La honte est un lien n´egatif qui cimente les relations interindividuelles » (Janin, 2003, p. 1665). La question du regard de l’autre, du montr´e et du cach´e `a l’autre a une place pr´epond´erante dans la honte. « La honte est amplifi´ee par le fait d’ˆetre expos´e au regard de l’autre, et pousse `a ´eviter le regard » (Ciccone & Ferrant, 2012, p. 20) ; « la honte implique qu’il y a quelque chose qui ne devrait pas ˆetre vu mais qui se donne `a voir et quelqu’un qui le voit » (Korff-Sausse, 2012, p. 69). Sur ce point Neyraut ´emet une hypoth`ese fondamentale. Il consid`ere que la honte porte non pas sur la repr´esentation qui est cach´ee et se trouve d´evoil´ee, mais bien sur le fait mˆeme que cette repr´esentation ait ´et´e inconsciemment cach´ee. « C’est-`a-dire que le fait de cacher ´etait inconscient et non la chose mˆeme, et que c’est seulement par son d´evoilement que son

caract`ere cach´e (devant ˆetre cach´e) ´eclate au grand jour. La d´en´egation ´etait inconsciente et portait sur le caract`ere “`a cacher” de l’´el´ement. » (Neyraut, 1997, p. 82). Korff-Sausse souligne ce caract`ere paradoxal de la honte qui est « en mˆeme temps d´esocialisante, car destructrice du lien social, mais aussi socialisante puisqu’elle vient signifier l’appartenance au groupe social. (. . . ) Si la personne n’est plus consid´er´ee comme membre du groupe so- cial, si elle est totalement exclue, alors la honte n’a plus lieu d’ˆetre » (Korff-Sausse, 2012, p. 69). Tisseron (2012) soul`eve un autre un point particuli`erement important dans le sujet qui nous occupe. Reprenant le texte de Primo Levi lorsqu’il raconte la lib´eration d’Au- schwitz : des prisonniers se laiss`erent mourir de honte parce que l’horreur entrevue dans le regard de leurs lib´erateurs leur avait soudain donn´e conscience qu’ils avaient franchi la ligne qui s´epare l’humain du non-humain. Le clignotant rouge de la honte s’allume aussi lorsque nous nous sommes ´eloign´es, sans mˆeme nous en apercevoir, du pacte qui fonde l’humain et que nous y revenons.

Le psychosociologue De Gaulejac consacre un texte `a la honte et `a ses sources. Bien qu’il ne s’agisse pas r´eellement d’une m´etapsychologie de la honte nous souhaitons aborder cet ´ecrit ici car il nous semble particuli`erement ´eclairant et suffisamment reli´es aux concepts psychanalytiques. Il repend l’id´ee de Guillaumin d’un retournement soudain de l’inves- tissement narcissique du moi en « haine de soi » (de Gaulejac, 1996, p. 70). Ce qui se constitue au d´epart comme une violence ext´erieure est repris et int´erioris´e psychiquement par le sujet. Pour lui la honte constitue un « m´eta-sentiment » rassemblant des ´el´ements comme l’angoisse, des d´esirs, des affects dans des nœuds qui bloquent l’expression du sujet. Il y a dans ces nœuds des constantes qu’il rel`eve :

— L’ill´egitimit´e, ou la r´ecusation de l’existence du sujet est la premi`ere. Elle apparaˆıt soit parce que l’enfant n’a pas ´et´e d´esir´e, ou que ses origines sont inconnues ou mises en doute, ou bien encore quand il occupe une place qu’il ne devrait pas l´egitimement occuper (De Gaulejac, 1996, p. 62). Nous ne pouvons nous empˆecher de penser ici `a la probl´ematique de l’enfant suivant la mort d’un autre enfant. Annie Ernaux (2011), professeure de fran¸cais et romanci`ere ´ecrit dans « L’autre fille », une lettre `a sa sœur aˆın´ee, morte `a l’ˆage de six ans, avant sa naissance. Nous renvoyons les lecteurs `a ce r´ecit majestueux et le citons ici longuement :

Horreur et culpabilit´e de surprendre en moi cette pens´ee sauvage que, ¸ca se voit, tu n’´etais pas faite pour la vie, ta mort ´etait programm´ee dans l’ordinateur de l’univers et tu n’as ´et´e envoy´ee sur terre, comme l’´ecrit Bossuet, que « pour faire nombre ». Honte de sentir en moi ressurgir la croyance, il fallait que tu meures, que tu sois sacrifi´ee pour que je vienne au monde (. . . ) Le 7 novembre 1945, trois semaines apr`es leur retour `a Yvetot, ils ont achet´e une concession au cimeti`ere juste `a cˆot´e de toi. Il y a ´et´e d´epos´e le premier, en 1967, elle, dix- neuf ans apr`es. Je ne serai pas enterr´ee en Normandie, pr`es de vous. Je ne l’ai jamais souhait´e ni imagin´e. L’autre fille c’est moi, celle qui s’est enfuie loin d’eux, ailleurs. Dans quelques jours j’irai sur les tombes, comme d’habitude `a la Toussaint. Je ne sais pas si j’aurai cette fois quelque chose `a te dire, si c’est la peine. Si j’aurai de la honte ou de la fiert´e d’avoir ´ecrit cette lettre, dont le d´esir de l’entreprendre me reste opaque. Peut-ˆetre que j’ai voulu m’acquitter

d’une dette imaginaire en te donnant `a mon tour l’existence que ta mort m’a donn´ee. Ou bien te faire revivre et remourir. Pour ˆetre quitte de toi, de ton ombre. T’´echapper. (Ernaux, 2011, p. 37 et p. 77)

— La d´efaillance parentale, le plus souvent paternelle, se manifestant par l’humilia- tion de l’enfant par ses parents ou devant eux sans que ceux-ci ne l’en prot`egent. « L’absence de confiance en soi et le doute sur sa propre valeur sont reli´es `a cette d´efaillance » (Gaulejac, 1996, p. 63). La probl´ematique de l’abandon est souvent pr´e- sente, qu’elle soit r´eelle ou fantasm´ee, l’enfant ne se sent pas suffisamment « bien » pour que ses parents ne partent pas, « d’o`u le sentiment d’ˆetre mauvais, de ne pas ˆ

etre digne d’amour, estimable » (Gaulejac, 1996, p. 64).

— Le sentiment d’inf´eriorit´e est une autre constante de la honte. « Il est le revers d’un d´esir de sup´eriorit´e que la r´ealit´e vient barrer » (Gaulejac, 1996, p. 64). C’est ce qui la diff´erencie d’apr`es De Gaulejac de la culpabilit´e.

— « A l’origine de la honte on trouve une situation de violence » (Gaulejac, 1996, p. 63), et de rejets effectifs donnant le sentiment d’ˆetre mauvais. De Gaulejac parle ici d’une « invalidation fondamentale » du sujet.

— Le sujet dont les parents sont socialement stigmatis´es se trouve coup´e `a l’int´erieur de lui-mˆeme entre des identifications n´ecessaires `a ses parents et le rejet de leurs stigmates cr´eant ainsi une « d´echirure narcissique ». « Soit il lui faut renier une partie de lui mˆeme pour ˆetre comme les autres, c’est alors justifier que cette partie est mauvaise ; soit il valorise ce qu’il est et c’est justement pour ¸ca qu’il est rejet´e » (Gaulejac, 1996, p. 66). C’est ce que d´ecrivent souvent les « transfuges de classe », citons par exemple Annie Ernaux dans « La place » (1983) et « La honte » (1997) ou Didier Eribon (2009), dans « Retour `a Reins ».

— La d´ech´eance des images parentales d´echire l’image de soi laissant apparaˆıtre un moi m´ediocre empˆechant au sujet de s’aimer ainsi. La d´ech´eance peut aussi ˆetre impos´ee de l’ext´erieur lorsque « la honte de soi est produite par le regard de l’autre qui porte un jugement n´egatif sur son existence. Regard qui est r´eactualis´e chaque fois que le sujet est confront´e `a une situation de rejet et de stigmatisation » (Gaulejac, 1996, p. 67). La honte rend de ce fait tr`es sensible aux enjeux de pouvoir et de domination. — Le non-dit : « La honte s’installe parce qu’elle est indicible. Elle est indicible parce qu’en parler conduirait `a mettre `a jour des choses inavouables et au risque d’ˆetre soi-mˆeme d´esavou´e » (Gaulejac, 1996, p. 67). L’entourage, pour se prot´eger de l’hu- miliation et de la souffrance suscit´ee par ce qui arrive `a l’autre a recours au refou- lement, niant par l`a la souffrance de la personne. « La chose interdite de parole ne fera qu’accroˆıtre un sentiment de culpabilit´e `a l’´eprouver, et en rend la r´esolution impossible » (Bertrand, 1991, dans De Gaulejac, p. 68). La cons´equence est le repli sur soi, l’inhibition ´emotionnelle, relationnelle, voire intellectuelle.

— Lorsqu’une violence s’exerce sur le sujet, si celui-ci ne peut y r´eagir imm´ediatement, la pulsion agressive se retourne contre lui et le blesse. `A l’agression s’ajoute la honte de n’avoir rien pu dire, rien pu faire. Cela cr´ee l`a aussi une inhibition. Cependant, si les assises narcissiques du sujet sont suffisamment stables, il pourra se saisir de cette

honte pour se tourner vers des aspirations ambitieuses. De Gaulejac donne l’exemple de Freud, de Sartre et de Camus.

De Gaulejac distingue diff´erentes formes de honte en fonction de la sph`ere existentielle du sujet concern´e (1996, pp. 75-76) :

— La honte corporelle : ˆetre sale, mal habill´e, sentir mauvais, avoir un handicap. . . Les situations o`u une caract´eristique corporelle est remarquable et invalid´ee.

— La honte sexuelle : elle est relative au d´evoilement de l’intimit´e, `a l’´etat d’impuis- sance, d’insatisfaction ;

— La honte psychique concerne la perte de l’estime de soi. Elle marque une exp´erience d’effondrement int´erieur, lorsque le moi n’est plus digne face aux exigences de son id´eal ;

— La honte psychique concerne la perte de l’estime de soi. Elle marque une exp´erience d’effondrement int´erieur, lorsque le moi n’est plus digne face aux exigences de son id´eal ;

— La honte morale accompagne les situations o`u un sujet est pris en flagrant d´elit de mensonge, d’hypocrisie, de vantardise, et renvoie `a l’int´eriorisation des normes sociales ;

— La honte sociale apparaˆıt lorsqu’un sujet est stigmatis´e `a cause de son identit´e, de sa race, de sa religion, de sa situation sociale et culturelle ;

— a honte ontologique marque les situations dans lesquelles le sujet est confront´e `a l’inhumain comme spectateur, acteur ou victime. C’est lorsque « l’individu confront´e `

a des violences extrˆemes ou des transgressions insupportables toute les limites de ce qu’il est convenu d’appeler ”l’humanit´e” » (1996, p. 76-77).

L’´etude de De Gaulejac nous semble particuli`erement riche et parlante. Elle donne une multitude de pistes pour l’´etude clinique de la honte. Cependant, d’un point de vue th´eo- rique, elle m´elange sans r´eelle distinction les aspects intrapsychiques, intersubjectifs et sociaux de la honte. Ce qui est point´e par Ciccone et Ferrant mais aussi par Janin qui propose en 2003, puis en 2007 un texte ambitieux pour penser une m´etapsychologie de la honte. Il soul`eve ce point fondamental : « la distinction entre psychique et social ou, pour dire mieux, entre psychisme interne et groupalit´e est centrale dans l’´etude de la honte » (Janin, 2003, p. 1661).

Toute honte comporte une dimension groupale ; « j’ai honte de toi », « tu me fais honte », « j’ai honte pour toi ». Ces expressions montrent assez `a quel point la honte circule entre les individus comme lien. Traditionnellement r´ef´er´ee `a l’id´eal du moi, on comprend en effet que si ce dernier est, comme le soutient Freud dans Psychologie collective et analyse du moi, un ´el´ement essentiel de la constitution groupale, alors la honte est un lien n´egatif qui cimente les relations inter-individuelles. (Janin, 2003, p. 1664-1665)

Janin fait suivre `a la honte le mˆeme parcours que Freud fait suivre `a l’affect dans Inhi- bition, symptˆome et angoisse, en distinguant une honte primaire, h´eriti`ere du narcissisme primaire et une honte secondaire li´ee au d´eclin du complexe d’Œdipe. La honte primaire serait constitutionnelle et serait secondaris´ee lors du d´eveloppement œdipien et pendant

la p´eriode de latence, pouvant faire retour sous certaines conditions `a l’adolescence. « La convocation inconsciente du fantasme de sc`ene primitive est sans doute une des voies r´e- gr´edientes qui va de la honte secondaire `a la honte primaire, lorsque l’excitation, du fait