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1.3 La grossesse, paradigme d’une troisi` eme topique ?

2.2.5 L’entourage

2.2.5.1 Le couple

Chacun des partenaires va vivre ce traumatisme en fonction de sa structure psychique et de ses propres exp´eriences de s´eparations et de pertes. Dans le cas d’une perte pr´enatale mais aussi plus largement du d´ec`es d’un enfant, le couple va passer par un temps de crise qui le mettra `a rude ´epreuve. L’accompagnement des couples, et non uniquement de la femme seule, semble donc dans ces conditions, n´ecessaire pour sa survie.

Le point qui nous semble majeur est celui du d´ecalage, d´ecalage temporel, d´ecalage dans le v´ecu et l’expression des ´emotions, d´eca- lage social. L’homme essaye sou- vent de soutenir sa femme, n’osant pas alors parler du b´eb´e perdu, ce que la femme interpr`ete comme un manque d’int´erˆet, comme si ce qui s’´etait pass´e, ce qui a ´et´e perdu n’´etait pas important pour lui. De plus, dans notre soci´et´e oc- cidentale, les hommes se sentent moins autoris´es `a exprimer leurs ´

emotions ce qui accentue cet ef- fet. Cependant Soubieux note que « certains couples se sont forti- fi´es, ´etonn´es eux-mˆemes des liens d’attachement plus grands et d’un nouveau rapport plus riche entre eux » (Soubieux, 2008, p. 116). Fi- nalement, le devenir du couple va d´ependre de la tol´erance et de la compr´ehension que chaque partenaire a de sa propre souffrance et de celle de l’autre : « Si on sait les aider, les ´ecouter, ils pourront accep- ter et respecter leurs diff´erences dans leur fa¸con de vivre ce drame et de le surmonter » (Soubieux, 2008, p. 116).

2.2.5.2 Le p`ere

Comme pour la femme, le devenir p`ere est une construction depuis l’enfance. La sexualit´e adulte actualise les ´etapes pr´e-œdipiennes et œdipiennes du d´eveloppement autour d’enjeux narcissiques et objectaux en capacit´e de « donner un b´eb´e » `a sa compagne (Korff-Sausse,

2009, p. 114). Si chez la femme, le travail de maternalit´e s’appuie sur un v´ecu corporel, chez l’homme il se fonde sur l’imaginaire, la loi et la parole de sa femme qui le reconnait comme p`ere de l’enfant `a venir. « Pour le devenant p`ere, ˆetre confront´e `a sa femme habit´ee par un enfant ut´erin, c’est l’occasion de comm´emorer simultan´ement le magn´etisme nostalgique et l’inqui´etante ´etranget´e de ses fantasmes originaires » (Missonnier, 2009, p. 51). C’est aussi l’occasion de revisiter les fantasmes œdipiens en se confrontant `a l’arriv´ee d’un rival dans l’amour de sa compagne et `a la diff´erence de sexes, puisqu’il ne peut pas porter de b´eb´e ni l’allaiter, r´eanimant ainsi le complexe de castration dans sa version masculine. La perte d’un enfant au cours de la grossesse est donc particuli`erement effractante pour le p`ere, tant sur le plan narcissique qu’objectal. Ils rapportent trop souvent leur sentiment de ne pas ˆetre pris en compte lors de la prise en charge d’un d´ec`es pr´enatal. Pourtant, cette perte va avoir des cons´equences psychopathologiques et entrainer des modifications notables dans les processus de paternalit´e. Nous avons d´ecid´e de nous centrer dans ce travail sur les v´ecus psychiques de la femme mais nous sommes r´esolument convaincus de l’importance d’explorer les v´ecus psychiques du devenant p`ere confront´e `a une perte pr´enatale.

2.2.5.3 Les grands-parents

Si les parents sont touch´es par la perte du fœtus/b´eb´e, les grands-parents le sont aussi. L’investissement narcissique des parents sur les enfants perdure toute la vie durant, ils seront donc eux aussi touch´es au plus profond de leur ˆetre par cet « ´echec ». La filiation est interrompue par cette mort qui renverse l’ordre des g´en´erations pouvant provoquer de l’angoisse chez les grands-parents. Tout comme les parents, les grands-parents peuvent avoir besoin d’un accompagnement psychologique durant cette p´eriode. Leur positionne- ment est difficile `a trouver, entre leur chagrin et la volont´e de soutenir leur enfant. Ils se sentent souvent d´emunis et ont le sentiment de ne pas ˆetre capable d’aider leur enfant (Soubieux, 2013).

2.2.5.4 Les aˆın´es

Lorsqu’un couple perd un b´eb´e au cours d’une grossesse, les aˆın´es sont aussi impact´es. Selon leur ˆage et leur d´eveloppement psychoaffectif ils traiteront diff´eremment cet ´ev`ene- ment. L’´elaboration du deuil d´ependra aussi pour l’enfant de son ˆage. En effet, avant 5 ans, l’enfant ne reconnaˆıt pas le caract`ere irr´eversible de la mort qui n’est pas diff´erente non plus du sommeil. Entre 5 et 9 ans, la notion d’insensibilit´e s’acquiert mais la mort est une chose contingente. Son caract`ere d´efinitif et irr´eversible n’est assimil´e que vers l’ˆage de 9 ans.

L’enfant aura `a composer `a la fois avec la tristesse de ses parents et avec ses propres capa- cit´es d’´elaboration de la perte. Chez les tous jeunes enfants, entendre parler du « b´eb´e » malade quand ils sont eux-mˆemes encore nomm´es « b´eb´e » peut entraˆıner une forte inqui´e- tude et des mouvements de confusion. L’enfant, ´eprouvant une forte ambivalence `a l’´egard du b´eb´e qui occupe le ventre de sa m`ere, peut aussi se sentir particuli`erement coupable si celui-ci vient `a disparaˆıtre. Par ailleurs, `a l’instar du processus d´eveloppemental de la grossesse pour la femme, devenir grand fr`ere ou grande sœur constitue aussi un enjeu de

d´eveloppement pour l’enfant.

Ainsi le renoncement `a l’omnipotence infantile, `a l’amour œdipien, `a la toute dispo- nibilit´e parentale, l’int´egration de ce partage sans perte pour autant, la confrontation `

a l’agressivit´e sans la destructivit´e sont des ´etapes de l’accession `a la position fra- ternelle, gage d’une maturit´e psycho- affective accrue. Lorsque l’enfant disparaˆıt, ce processus reste b´eant, l’absence de validation par l’´epreuve de r´ealit´e de cette fraternit´e non destructrice peut laisser actifs les processus conflictuels. (Beauquier- Maccotta, 2014, p. 41)

La mort d’un b´eb´e pendant la grossesse peut avoir des cons´equences plus ou moins im- portantes et d´el´et`eres sur la trajectoire de vie d’un aˆın´e. La fa¸con dont les parents seront `

a mˆeme de l’accompagner durant cette p´eriode est d´eterminante et des consultations th´e- rapeutiques peuvent parfois aider `a soutenir ce processus.